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Chapitre 1. Le management de l’innovation

1.1. Émergence et définitions de l’innovation

1.1.1. Émergence du concept d'innovation: revenir aux définitions de base

Aujourd’hui, plus que jamais, les firmes ont compris que pour survivre et maintenir un

avantage compétitif, il est nécessaire de bien manager l’innovation.

Le mot innovation vient du latin « innovatus » qui signifie « changer ou rénover ».

Comme de nombreux termes terminés par « action », le terme innovation désigne à la fois un

processus (innover) et son résultat (ce qui est nouveau) ce qui nous amène à définir les termes

« innover » et « nouveau ». D’après le Petit Robert, innover : introduire dans une chose

établie quelque chose de nouveau, d’encore inconnu ; nouveau : qui apparaît pour la première

fois, qui vient d’apparaître ; qui tire de son caractère récent une valeur de création,

d’invention.

Selon ces définitions, le concept d’innovation peut être interprété comme une action de

modifier ce qui existe déjà ou bien comme la création et l’introduction de quelque chose de

nouveau au sein de l’organisation : un produit, un concept, un service, un procédé… Dans la

littérature, le concept d’innovation a suscité la préoccupation de beaucoup de chercheurs

appartenant à différentes disciplines.

En sciences économiques, le « parrain » des études sur l’innovation est Joseph Schumpeter.

Selon cet auteur, l’innovation se définit comme un processus de « destruction créatrice » dans

lequel il existe une recherche permanente de créer quelque chose de nouveau (Schumpeter,

1975). L’objectif étant de détruire les règles précédentes et d’en générer des nouvelles et ce

afin de rechercher des nouvelles sources de profit.

Dans ses travaux, Schumpeter a mis l’accent sur les grandes firmes innovatrices et considère

que ce sont les équipes disposant de compétences très pointues et réalisant une activité

routinière qui sont à l’origine de l’innovation.

Il propose une définition de l’innovation par l’intermédiaire de la fonction de production.

“…we will simply define innovation as the setting of a new production function. This covers

the case of a new commodity, as well as those of a new form of organization such as a

merger, of the opening of new markets, and so on”.

Malgré son apport, l’approche schumpetérienne ne nous renseigne pas sur la dynamique de

l’innovation ni sur les conditions de découverte des nouvelles idées. Elle oppose

fondamentalement la petite entreprise à la grande et ne tient pas compte du caractère interactif

et cumulatif de l’innovation ni de la diversité de ses sources.

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Dès lors, un changement radical dans le système économique apporté par l’école

évolutionniste a modifié la perception de l’innovation (Nelson et Winter, 1982).

Partant du principe de la rationalité limitée développée par Simon (1982) et de l’incertitude de

l’environnement, les évolutionnistes postulent que les individus ne disposent que de

connaissances limitées et doivent interagir avec autrui pour les enrichir. Les individus ont

intérêt à se mettre en réseau et développer leur capacité d’absorption pour exploiter les

nouvelles opportunités.

Dans cette acception, l’innovation résulte donc des interactions entre différents acteurs et

englobe tout le processus de création d’une nouvelle connaissance, d’invention d’une

nouvelle idée jusqu’à sa mise en œuvre sur le marché.

En sciences de gestion, Le concept d’innovation est vaste ; il est défini de façon différente

selon les auteurs, leurs cadres de référence et leurs centres d’intérêt. Certains auteurs se sont

intéressés aux caractéristiques structurelles, culturelles, organisationnelles et

environnementales liées au développement et à la gestion du processus de l’innovation.

[(Mohr, (1973) ; Daft et Becker, (1978) ; Damanpour et Evan (1984), Meyer et Goes (1988) ;

…]. D’autres auteurs ont orienté leurs travaux de recherche vers une perspective stratégique

en identifiant les conditions propices et les moyens à mettre en œuvre pour favoriser

l’émergence de l’innovation au sein des entreprises. [Burgelman, (1987) ; Miller et Blais,

(1989) ; West et Far, (1990) ; Siegel et Mac Millan, (1993) ; …].

Pour Glor (1997), la variété des définitions de l’innovation est liée aux différents sens que les

auteurs ont attribués à ce concept.

Pour certains, l’innovation renvoie au caractère de nouveauté et à tout ce qui est perçu comme

tel par les individus (Rogers et Kim, (1985), ou à l’introduction d’une nouvelle idée, d’un

nouveau processus, produit ou service… (Thompson, 1965). Dans ce cas, le caractère

nouveau dépend de la perception de l’entité qui reçoit l’innovation. La nouveauté apparaît à

un moment donné, dans un lieu donné.

Jacques et Ryan (1978) superposent le concept d’innovation à la créativité ou l’assimilent à

l’amélioration ou à celui de perfectionnement (Ellwein, 1985). Selon Rogers et Scoemaker

(1971), l’innovation peut prendre la forme d’une idée, d’une pratique ou d’un artefact matériel

chacun de ces éléments possédant un attribut de nouveauté, qu’il soit matériel ou intangible.

De même, Zaltman et al. (1973), définissent l’innovation comme étant « n’importe quelle

idée, pratique ou artefact matériel perçu comme nouveau pour l’unité d’analyse qui

l’adopte ».

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D’autres chercheurs ont associé le terme d’innovation à celui de conception. Ils le définissent

comme un processus créatif par lequel deux ou plusieurs entités sont combinées de manière à

donner une configuration nouvelle. (Van de Ven, 1988).

Cros (1998) donne une définition qui tend à aborder le concept d’innovation dans sa globalité

en lui associant quatre attributs: son caractère nouveau, le changement qu’il provoque, la

volonté du changement ou d’amélioration (de l’action finalisée) et la notion de processus qui

sous entend le caractère dynamique de l’innovation.

Ainsi, l’innovation est un changement qui, dans le but d’améliorer une situation, peut porter

sur une pratique, une méthode, une façon, une procédure, un outil …

Cette amélioration peut toucher un produit, un processus (en le rendant plus productif ou plus

facile), et peut également permettre d’atteindre de nouveaux objectifs ou objets qui n’auraient

pu être abordés sans un changement de la situation. Considérée comme une action,

l’innovation s’identifie à un processus bien plus qu’à un produit.

1.1.2. Définition de l'innovation

Le concept d’innovation est très vaste et fait l’objet d’une littérature riche et variée.

Proposer une définition de ce concept se révèle une tâche difficile en raison de l’abondance

des critères auxquels recourent les auteurs pour le désigner. L’une des principales difficultés

rencontrées lors de l’analyse de l’innovation est l’absence de consensus pour désigner ce

terme. Toutefois, l’examen des travaux des auteurs portant sur l’innovation montre que ces

derniers sont unanimes sur la finalité commerciale de l’innovation et qu’elle est synonyme de

nouveauté. S’appuyant sur l’étude de l’innovation technologique réalisée par l’OCDE en

1991, Garcia et Calantone (2002) proposent une définition qui permet de comprendre d’une

manière générale le concept d’innovation : « L’innovation est un processus itératif initié par

la perception d’une nouvelle opportunité de marché ou de service pour une innovation

technologique conduisant à des activités de développement, de production et de marketing et

visant le succès commercial de l’invention ».

Il est clair que cette définition est restrictive car elle s’intéresse essentiellement à l’innovation

technologique alors qu’elle peut également porter sur l’organisation ou le marketing. Pourtant,

elle souligne deux critères importants relatifs au concept d’innovation. Le premier critère

correspond à sa dimension dynamique dans la mesure où elle résulte d’un processus

d’apprentissage interactif qui induit un premier changement lequel provoque souvent d’autres

changements qui en entraînent en chaine (Carrier et Julien, 2005). A titre d’exemple, une

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innovation produit peut provoquer une innovation de procédés, laquelle à son tour peut

entraîner une innovation organisationnelle pour mieux utiliser ces procédés. Ce processus

peut ainsi se traduire par une première mise en œuvre d’une innovation suivie d’améliorations

de cette innovation. Selon le second critère, l’innovation doit être matérialisée voire

commercialisable. Cela distingue le concept d’innovation de celui d’invention, qui peut ne pas

avoir une application pratique (Read, 2000). L’invention est la production de nouvelles idées

(Bamberger, 1991 ; Osborn, 1988) alors que l’innovation comprend la concrétisation et la

commercialisation de cette invention (Osborn, 1988 ; Garcia et Calantone, 2002 ; Trott,

2005). De ce fait, l’invention pour devenir une innovation doit éventuellement être mise en

œuvre.

L’innovation consiste à apporter des changements dans un produit, dans un procédé, dans une

organisation, dans une pratique, etc. Du point de vue technique, on parle d’innovation

technologique, c’est-à-dire « les produits et procédés technologiquement nouveaux ainsi que

les améliorations technologiques importantes de produits et de procédés qui ont été

accomplis » (Bouchard, 1997). Du point de vue social, l’innovation se définit comme « toute

nouvelle approche, pratique, ou intervention, ou encore, tout nouveau produit mis au point

pour améliorer une situation ou solutionner un problème social et ayant trouvé preneur au

niveau des institutions, des organisations, des communautés » (Bouchard, 1997).

En somme et compte tenu de ce bref état de la littérature il s’avère que l’innovation est un

processus de changement complexe, dynamique, qui s’inscrit dans la durée : il se développe

grâce à l’interaction entre les différents acteurs, chacun possédant ses objectifs, ses

motivations et ses intérêts, sa culture, ses temporalités, et ses contraintes propres.

Nous définissons l’innovation comme « un processus organisationnel, délibéré qui conduit à

la proposition et l’adoption, sur un marché ou à l’intérieur d’une entreprise, d’un produit (au

sens de l’AFNOR) nouveau. Ce processus permet à une ou plusieurs entreprises d’améliorer

leur proposition stratégique (conquérir ou accroître un pouvoir de marché) et/ou de renforcer

leurs compétences et leurs technologies. Le produit nouveau peut être un objet physique, un

service, une technologie, une nouvelle compétence, ou la combinaison de plusieurs de ces

variables. » (Fernez-Walch, 2006).

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