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Corpus, méthodologie et analyse :

5. Méthodologie : analyse de The Rainbow et ses traductions françaises

5.2 La méthode qualitative

D’une manière générale, l’analyse qualitative est, de prime abord, une méthode qui relève de l’ordre de l’exploration. Elle aspire à comprendre les raisons sous-jacentes et les motivations en observant la présence de tendances potentielles. Elle s’articule ainsi sur trois phases, à savoir l’observation, la description et l’interprétation : accéder au sens sans le transformer en chiffre dans l’optique d’en extraire des statistiques. Cette méthode est donc fondée sur un raisonnement qui tente de mieux comprendre la nature de l’entité étudiée. Selon Paillé et Mucchielli, dans une recherche qualitative,

[l]e raisonnement sur l’enquête est livré au lecteur, mais l’auteur ne dit pas comment il est arrivé à ce raisonnement, lequel, dans la plupart des cas, lui a pourtant donné bien du fil à retordre, a nécessité la mise en place de moyens méthodologiques d’analyse et d’interprétation, a impliqué des dizaines de séances d’annotations et d’écriture plus ou moins systématiques, s’est incarné dans plusieurs versions textuelles, a mobilisé des opérations mentales spécialisées (conceptualisation, montée en généralité, inférence contrôlée. (Paillé et Mucchielli, 2012 : 9)

Ainsi, l’analyse qualitative s’appuie sur tout un raisonnement qui aboutit à un résultat final qui prend forme progressivement à partir d’un ensemble de données établi en amont. Pour que l’analyse de ces données soit fructueuse, il est important que le chercheur l’effectue « selon une logique qui sera réfléchie et dont il pourra présenter les opérations, les raisonnements et les règles de décision » (Paillé et Mucchielli, 2012 : 10).

Les analyses qualitatives sont communément utilisées dans les sciences humaines, notamment en sociologie, en anthropologie, en littérature, en traductologie et en psychologie. Pour emprunter l’idée de Paillé et Mucchielli (2012 : 12), l’analyse qualitative « réalise une herméneutique » ; elle « progresse à mesure d’efforts de compréhension et d’essais d’interprétation » et tente de rendre compte « au mieux du phénomène analysé ». Dans le cadre des analyses qualitatives, il existe plusieurs

stratégies que l’on peut mettre en place. Paillé et Mucchielli (2012 : 17) les résument comme suit : la première stratégie consiste à prendre des notes relatives au texte à analyser. Ensuite, le chercheur ne tente pas de comprendre l’objet étudié en prenant des notes, mais plutôt en se posant des questions et en y répondant. Cela donnerait lieu à « de nouvelles questions » qui aboutiront à de nouvelles réponses. Il s’agit d’une « analyse par questionnement analytique ». La troisième stratégie se résume en l’action de rédiger des annotations dans le corps du texte ou dans la marge : « la personne souhaite synthétiser ce qu’elle pressent ou découvre dans le texte, elle cherche à cerner les propos ou les phénomènes en les reportant dans des énoncés, des thèmes ou des catégories » (Paillé et Mucchielli, 2012 : 17). Cette stratégie peut être effectuée selon trois grands axes : l’analyse phénoménologique qui « vise la compréhension authentique de ce qui se présente tel qu’il se présente ». L’analyse thématique qui aspire à « dégager un portrait d’ensemble d’un corpus ». L’analyse à l’aide des catégories conceptualisantes qui « repose sur la création et le raffinement de catégories se situant d’emblée à un certain niveau d’abstraction, revendique une posture conceptuelle et non pas uniquement descriptive face aux données à analyser » (Paillé et Mucchielli, 2012 : 17).

Dans le cadre de la traductologie, ce même raisonnement peut être appliqué. Il est question de parcourir non seulement des espaces dans les textes, source et cible, mais également des espaces tangibles, à savoir toute information qu’offre le contexte ou le paratexte sur l’entité étudiée et les acteurs qui y participent, à savoir l’auteur et le traducteur :

The translation scholar should consider the translator’s biography, his/her declarations of intent and whatever may throw light on his/her background. One should then proceed on the assumption that the translator’s outlook will surface at specific sensitive points of the target text (including paratexts). This is the crucial question to qualitative analysis: are there any sensitive parts in the source text that the translator is likely to manipulate, modify or interpret in a specific way, given his/her outlook? (Hermans, 2002 : 40)

En effet, selon Hermans, l’analyse qualitative prend en compte le profil du traducteur et révèle des informations pertinentes étroitement liées aux normes et au milieu socio-culturel dans lequel s’inscrit la prise de décisions traductives. Pour Munday (2008 : 33), l’analyse qualitative permet d’évaluer « la pertinence » et « l’importance » de ces décisions. En effet, une telle analyse est capable d’explorer le « mind-style », notion empruntée à Fowler (1977), « c’est-à-dire la façon dont la perception, les pensées ainsi que le discours des personnages sont présentés par le biais du langage et la façon dont ce ‘mind-style’ est rendu dans les traductions » (Bosseaux, 2006 : 599).

Or, comme l’analyse qualitative est fondée sur l’interprétation personnelle du chercheur, elle n’échappe pas au risque d’une « surinterprétation » (Dörnyei, 2007 : 271). Ce risque est omniprésent puisque l’interprétation émane d’une « lecture personnelle », pour emprunter l’expression de Tymoczko :

[…] although they analyze concrete objects, many studies of translation, particularly descriptive translation studies, take the form of a personal “reading” in which a scholar attempts to persuade the audience to accept the data selected and the interpretation offered from a rather personal interpretative experience and then to regard these interpretations as signifying particular conclusions that have been inferred. (Tymoczko, 2015 : 166)

Pour que le travail du chercheur ne se transforme pas en une sorte d’acharnement pour faire accepter son interprétation personnelle, il convient de se munir d’une méthode d’analyse quantitative et qualitative. En effet, combiner les deux méthodes aide à surmonter les points faibles de l’une et de l’autre afin d’aboutir à des résultats pertinents.