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Chapitre I – La notion de bonnes mœurs en droit des brevets : le cadre normatif

I.2 La Convention sur la délivrance de brevets européens

Nous présentons ci-après une vue d’ensemble de cet instrument juridique, de son contenu, de son intérêt pour la procédure de demande de brevet en Europe et des institutions qu’il crée.

316 Voir notamment F. Normand, « Le brevet, plus stratégique que jamais », Les affaires, 23 juillet 2011, en ligne :

http://www.lesaffaires.com/archives/generale/le-brevet-plus-strategique-que-jamais/533059. Voir également B. REMICHE

et V. CASSIERS, op. cit., note 311, p. 27 et suiv.

317 Le principe fondamental de la territorialité des droits afférents à un brevet est consacré à l’article 4bis (Indépendance

des brevets obtenus pour la même invention dans différents pays)) de la Convention de Paris pour la propriété

industrielle (1967) : 1) Les brevets demandés dans les différents pays de l'Union par des ressortissants de l'Union seront

indépendants des brevets obtenus pour la même invention dans les autres pays, adhérents ou non à l'Union. On retrouve également ce principe dans la Convention sur le brevet européen à l’article 3 : Article 3. Portée territoriale. La délivrance d'un brevet européen peut être demandée pour tous les États contractants, pour plusieurs ou pour l'un d'entre eux seulement.

I.2.1 Une procédure unique pour la délivrance de brevets en Europe

La Convention sur la délivrance de brevets européens ou Convention sur le brevet

européen (CBE)318, signée à Munich en 1973, est un traité régional qui, dans le but de remédier à la disparité des procédures nationales, institue une procédure unique de délivrance des brevets pour tous les États signataires319 ou, selon les ternes de son article premier, un « droit commun aux États contractants en matière de délivrance de brevets d’invention ». Autrement dit, elle permet à l’inventeur, en ne déposant qu’une seule demande, d’obtenir un brevet national dans chacun des pays européens où il souhaite obtenir une protection320. Le brevet « européen », une fois délivré, se décompose en un faisceau de brevets nationaux relevant chacun du droit interne de l’État désigné. Ce n’est donc pas la CBE qui régit les effets de la délivrance du brevet, mais le droit national qui s’applique en ce qui concerne les contentieux postérieurs à la délivrance du brevet, c’est-à- dire en matière d’opposition, de nullité, de contrefaçon et d’exploitation, ce qui constitue une limite de l’aspect pratique de ce régime321.

Dans le chapitre I de la CBE sont énoncées les conditions de fond, positives ou négatives, applicables à la brevetabilité, c’est-à-dire les caractéristiques que doit présenter, ou que ne peut présenter, une invention pour être brevetable. Les conditions de fond positives sont les suivantes : « le brevet européen est délivré pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition que l'invention soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle »322. Les principales exclusions de la brevetabilité, ou conditions de fond négatives, concernent les méthodes de traitement chirurgical ou thérapeutique et de diagnostic chez l’humain et l’animal, les

318 Convention sur la délivrance de brevets européens du 5 octobre 1973, telle que révisée par l’acte portant révision de la

CBE du 29 novembre 2000, Office européen des brevets, en ligne : http://www.epo.org/law-practice/legal- texts/html/epc/2010/f/ma1.html.

319 L’Organisation européenne des brevets, qui regroupe tous les États signataires de la CBE, est ouverte aux pays non

membres de l’UE. Les 38 États signataires sont les suivants : Albanie, Autriche, Belgique, Bulgarie, Suisse, Chypre, République tchèque, Allemagne, Danemark, Estonie, Espagne, Finlande, France, Royaume-Uni, Grèce, Hongrie, Croatie, Irlande, Islande, Italie, Liechtenstein, Lituanie, Luxembourg, Lettonie, Monaco, Ex-République yougoslave de Macédoine, Malte, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Roumanie, Serbie, Suède, Slovénie, Slovaquie, Saint-Martin, Turquie.

320 CBE, op. cit., note 318, art. 3.

321 Les principaux inconvénients du système sont les coûts de traduction et la disparité des effets de la protection conférée

par le brevet d’un État à l’autre.

322 CBE, op. cit., note 318, art. 52(1). La notion d’invention n’est pas définie dans la CBE. Nous y reviendrons dans le

chapitre III de la présente partie. Par contre, le paragraphe (2) de l’article 52 énonce certaines catégories de réalisations qui ne sont pas considérées comme étant des inventions et ne peuvent donc faire l’objet d’un brevet. Il s’agit notamment des découvertes, des théories scientifiques et des méthodes mathématiques.

variétés végétales et les races animales, ainsi que les « inventions dont l’exploitation commerciale serait contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs323 », auxquelles nous nous intéresserons plus particulièrement dans la présente partie.

I.2.2 L’Office européen des brevets : structure et procédures

La CBE institue également une organisation intergouvernementale ayant le statut de personne morale, l’Organisation européenne des brevets, qui est composée de deux organes, l’Office européen des brevets (OEB) et le conseil d’administration324. Sous le contrôle du conseil d’administration, l’OEB, ayant son siège à Munich, s’acquitte de la tâche dévolue à l’Organisation européenne des brevets, c’est-à-dire la délivrance des brevets européens325.

La mise en œuvre des procédures a nécessité au sein de l’OEB l’institution de différentes instances chargées des procédures, dont les suivantes, qui peuvent être appelées à rendre une décision en matière de brevetabilité d’une invention : divisions d’examen, divisions d’opposition, chambres de recours et grande chambre de recours (GCR)326.

Toute demande de brevet présentée à l’OEB est examinée par une division d’examen constituée de trois examinateurs techniciens327. La division d’examen évalue si l’invention décrite dans la demande répond aux critères de brevetabilité et ne relève d’aucun critère de non-brevetabilité prévus par la CBE. Si elle est d’avis qu’un de ces critères n’est pas respecté, elle rejette la demande de brevet328.

Les divisions d’opposition sont compétentes pour entendre les oppositions aux brevets européens, c’est-à-dire les procédures de remise en cause de la conclusion de l'examen. Toute personne, même si elle n’a pas été partie à la procédure de demande de brevet visée, peut former une opposition dans un délai de neuf mois à compter de la publication de l’avis de délivrance du brevet329. L’opposition est donc le moyen d’expression de la société civile

323 CBE, op. cit., note 318, art. 53. 324 Ibid., art. 4 et suiv.

325 Ibid. 326 Ibid., art. 15. 327 Ibid., art. 18. 328 Ibid., art. 97. 329 Ibid., art. 99.

à l’égard de la délivrance d’un brevet. Le principal motif sur lequel peut être fondé une opposition est la non-brevetabilité de l’objet du brevet européen aux termes des articles 52 à 57330. Si la division d’opposition est d’avis qu’au moins un motif d’opposition s’oppose au maintien du brevet, elle révoque celui-ci331. Dans le cas contraire, le brevet est maintenu332.

Chacune des décisions rendues par une instance de l'OEB peut faire l’objet d’un recours, dont les modalités sont prévues aux articles 106 à 111 CBE. L’éventail des motifs pouvant justifier un recours est donc extrêmement large. Contrairement à la procédure d’opposition, les personnes admises à former un recours doivent nécessairement avoir été parties à la procédure ayant fait l’objet de la décision visée par celui-ci333. Ainsi, un membre de la société civile ne peut former un recours que s’il a été partie à une opposition. Le recours est examiné par une chambre de recours334; les membres de cette chambre sont indépendants et la procédure est réputée avoir le caractère juridictionnel. La chambre de recours peut soit confirmer la décision de première instance, soit la modifier, soit encore renvoyer l’affaire à l'instance qui a pris la décision pour les suites à donner335. Les décisions de ces chambres sont définitives, mais elles peuvent être portées devant la GCR s’il est nécessaire d’appliquer le droit de manière uniforme ou si une question de droit d’une importance fondamentale se pose336.