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Chapitre 2 – Recherches préliminaires à la création

2.2 L’univers dramaturgique de Panpan!

PANPAN!, ce n’est ...

pas une histoire, pas un récit habituel,

pas un documentaire non plus,

encore moins une énumération de faits.

PANPAN!, c’est…

le point de vue d’une génération à courte mémoire,

souvent à courte durée qui se raconte elle-même en usant comme langage les références,

les stéréotypes, les sons et les images

dans lesquels elle baigne constamment…56

Dans l’objectif de faciliter la lecture de l’essai, la présente section se donne comme objectif d’aborder de manière synthétique l’univers dramaturgique de la création, en en décrivant notamment les principaux aspects structuraux, tout en abordant de façon brève les questions thématiques ainsi que les figures théâtrales liées à chacun de ces aspects. Si la dramaturgie de la version initiale de Panpan! semble plutôt épurée57, sa partition

dramaturgique finale, une fois la création complétée, s’avère particulièrement riche et complexe58. Pour cette raison, il s’agira ici de rendre compte de chaque section du texte

56 Thomas Langlois, «Thomas Langlois présente Panpan!, spectacle expérimental de slam-théâtre»,

Québec, Laboratoire des Nouvelles Technologies de l’Image, du Son et de la Scène (LANTISS) de l’Université Laval, 2015, f. 4.

57 Pour se donner une idée de la matière de base de la création, lire «Panpan! [texte original]», en annexe. 58 Consulter à cet effet «Panpan! [Partition dramaturgique finale et complète]», en annexe.

final en y énumérant les éléments nécessaires à la bonne compréhension du lecteur en ce qui a trait à sa lecture des prochains chapitres. Dans Panpan!, le terme «section» désigne tant la «Strophe» que le «Leitmotiv» du texte, les «Strophes» faisant référence aux séquences poétiques les plus complètes, dont chacune est chargée d’un contenu qui lui est propre. Les «Leitmotivs», pour leur part, font référence aux séquences poétiques plus courtes et répétant le même contenu à différents moments de texte, à la manière d’un refrain, à quelques variantes près59.

2.2.1 Leitmotiv 1: Apathie occidentale60

Le Leitmotiv 1 introduit d’emblée la figure du Poisson rouge, laquelle se transforme et évolue éventuellement en la figure du Père-poisson rouge apathique, abruti devant sa télévision et noyé dans le mode de vie occidental nord-américain.

2.2.2 Strophe 1: Violence médiatisée61

Dans cette première Strophe, la figure du Père-Poisson rouge se mue en celles du Slameur, du Tueur médiatisé et du Professeur. Cette Strophe aborde, à travers ces différentes figures stéréotypées, l’exposition médiatique du citoyen nord-américain à la violence, de même que son apparente insensibilisation, voire son plaisir sadique, face aux tragédies médiatisées (ici, les tueries en milieux scolaires).

59 Afin de bien cerner la segmentation du texte à slamer, consulter les différentes sections de «Panpan!

[texte original]», en annexe.

60 Voir les détails du Leitmotiv 1 dans «Panpan! [Partition dramaturgique finale et complète]», en annexe,

p. 183.

2.2.3 Leitmotiv 2: Désir et séduction62

Retour à l’existence du Poisson rouge: ce dernier rencontre la Poissonne rouge, dont il est aussitôt bêtement charmé. Suite à un petit rituel de séduction, tous deux en viennent à incarner le modèle typique du vieux couple apathique, soit le Père-poisson rouge et la Mère-poissonne rouge contemplatifs devant leur télévision. La totalité de la routine gestuelle instaurée dans le Leitmotiv 1 est cette fois reprise en duo.

2.2.4 Strophe 2: Guerre et party63

Ici, des figures du Père-poisson rouge et de la Mère-poissonne rouge se développent celles de la Femme-objet, du Soldat, du Macho et, une fois de plus, du Slameur. Cette Strophe aborde, sur une base à la fois comparative et allégorique, la violence liée à l’univers de la guerre au Moyen-Orient, mis en relation avec celle du mode de vie festif nord-américain, thème qui inclut indirectement la violence des rapports de séduction entre hommes et femmes. Les rituels de séduction (et de guerre) entre les figures du Macho et de la Femme-objet traitent également des frontières dressées entre les différentes cultures humaines, barrières artificielles créées de toutes pièces par les idées préconçues véhiculées par la télévision.

2.2.5 Leitmotiv 3: Accouchement64

Panpan! bascule à nouveau dans l’univers des Poissons rouges. On y voit la Poissonne rouge accoucher du Poissonnet rouge, pour, ensuite, lui inculquer les bases du comportement social d’un poisson bien éduqué (nager, respirer). Les deux figures se transformant en Mère-poissonne rouge et en Fils-poisson rouge, l’apprentissage se

62 Voir les détails du Leitmotiv 2 dans «Panpan! [Partition dramaturgique finale et complète]», en annexe,

p. 212.

63 Voir les détails de la Strophe 2 dans idem, p. 223. 64 Voir les détails du Leitmotiv 3 dans idem, p. 257.

poursuit au niveau de la parole et des codes sociaux, toujours en fonction des clichés entretenus par la télévision.

2.2.6 Strophe 3: Leg générationnel65

Dans cette dernière Strophe, on voit la Mère-poissonne rouge transiter vers la Mère-objet, tandis que le Fils-poisson rouge devient le Fils macho, tous deux dérivés des figures stéréotypées centrales à la création, soit la Femme-objet et le Macho. On voit également réapparaître pour une troisième fois la figure du Slameur, cette fois plus intimement associée à celle du Fils. Cette section de Panpan! met en lumière la transmission intergénérationnelle des préjugés et de la violence glorifiée par la télévision nord- américaine ainsi que la répétition des motifs destructeurs propres aux relations interpersonnelles, et ce, même lorsque les sujets sont conscients de ces motifs néfastes.

2.2.7 Leitmotiv 4: Apathie occidentale (bis)66

Comme on aurait pu s’y attendre, Panpan! se termine «en queue de poisson», c’est-à-dire en montrant la répétition cyclique du mode de vie occidental: on y voit le Fils-poisson rouge, devenu identique au Poisson rouge du début, malgré toutes les divergences d’opinions qu’il semblait initialement présenter vis-à-vis son géniteur. Ce nouveau Poisson rouge recommence la même routine illustrée lors du Leitmotiv 1, jusqu’à reprendre la figure du Père-poisson rouge contemplatif devant sa télévision.

Voilà qui synthétise bien l’univers dramaturgique de la création; en ce qui concerne l’analyse détaillée des rapports entre les figures théâtrales avec les thématiques explorées par le texte, plusieurs explications beaucoup plus approfondies sont incluses dans les prochains chapitres du mémoire, ainsi que dans ses annexes. Il s’agissait surtout ici d’introduire le lecteur à l’univers dramaturgique de Panpan! afin de lui fournir les

65 Voir les détails de la Strophe 3 dans «Panpan! [Partition dramaturgique finale et complète]», en annexe,

p. 266.

outils nécessaires à sa bonne compréhension des prochains chapitres de l’essai, lesquels détailleront davantage chacun des éléments énoncés ici.

2.3 Conclusion

En résumé, le présent chapitre nous permet d’observer qu’il existait déjà une série de liens artistiques envisageables entre la biomécanique meyerholdienne et le slam de poésie et ce, avant même que ne s’entame le processus d’hybridation de la création expérimentale. Qu’il s’agisse de liens de ressemblances ou de dissemblances, les questions du potentiel dramatique ainsi que de l’apport formel, propres à la biomécanique et au slam, suggèrent d’emblée que le métissage entre les deux disciplines convoquées n’avait rien de forcé. Au contraire, comme nous le verrons dans les prochains chapitres, les mécanismes de la création expérimentale se sont articulés de manière plutôt naturelle et organique, les formes de la biomécanique meyerholdienne et du slam de poésie s’avérant, contre toutes attentes, particulièrement compatibles l’une avec l’autre. C’est en effet à partir du potentiel dramaturgique du slam et de la biomécanique que j’ai pu entamer le véritable travail de théâtralisation du texte à slamer, travail sur lequel reposait l’entièreté de la recherche-création (ainsi que du spectacle expérimental) et à partir duquel j’étais alors en mesure de dégager les découvertes, les outils et les principes exposés dans cet essai et, donc, de répondre à l’ensemble des questions de recherche liées à ma problématique. Enfin, mettre l’emphase sur le formalisme dans mon travail de création m’a amené à travailler sur les résonnances esthétiques du slam et de la biomécanique à l’intérieur de la création expérimentale et, donc, d’en développer minutieusement l’aspect technique, de sorte à bien saisir les subtilités propres au travail d’hybridation artistique. Au final, établir les liens préexistants entre le slam de poésie et la biomécanique meyerholdienne m’a permis d’apporter une contribution à la recherche théorique portant sur ces deux disciplines.

Chapitre 3 – Les apports de la biomécanique à l’expression gestuelle du