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L’organisation de la vie en institution

Dans le document Droit des enfants en situation de handicap (Page 168-171)

III LES « NOUVELLES » REVENDICATIONS

C. L’organisation de la vie en institution

1. L’obligation de respecter les droits de la personnalité des hôtes

Pour certaines personnes handicapées, l’institution demeure le lieu où elles peuvent être assistées de manière la plus convenable. Vu que pour une période importante de leur vie l’institution devient en quelque sorte la maison de ces personnes, il s’impose d’organiser l’existence à l’intérieur de ces établissements de manière à la rendre la plus proche possible de la vie familiale. Ces dernières années, on a assisté à des changements importants à cet égard. Les établissements actuels ne sont plus assimilables à ceux du passé et notamment aux « structures

totalitaires » soustraites à toute forme de contrôle qui existaient aussi en Suisse il y

a quelques décennies seulement. La vie à l’intérieur de ces structures était organisée de manière très rigide. Le caractère parfois arbitraire de ces

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La somme versée correspond à une allocation pour impotent appropriée à laquelle s’ajoute un budget personnel en rapport avec les coûts liés au séjour dans un home, cf. Disposition finale de la modification de la LAI du 23 mars 2003 lit. b).

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En effet, cette réforme attribue aux cantons de nouvelles compétences dans le domaine de la politique d’aide aux personnes handicapées. A partir de 2008 et encore plus de 2011, c’est à eux qu’il appartiendra désormais de financer et de gérer le développement des institutions qui accueillent ces personnes. Il est souhaitable que les cantons se donnent les bases légales nécessaires pour permettre l’utilisation d’une partie des sommes destinées à la construction et à la gestion des différentes institutions pour financer des prestations individuelles que la personne handicapée peut utiliser librement. Ces bases légales peuvent, par exemple, s’inspirer des principes suivants : 1) comme c’est le cas de la prestation pour impotent de la LAI, il n’est pas arbitraire de limiter le droit à obtenir cette prestation seulement aux personnes qui souffrent d’une atteinte assez grave à la santé ; 2) conformément à l’interdiction de discriminer (art. 8 al. 2 Cst.), les personnes qui souffrent d’un handicap mental et psychique doivent en principe aussi pouvoir profiter de ces prestations ; 3) le respect de l’idée qui est à la base de la notion de vie autonome, impose au législateur d’éviter de préciser les prestations d’assistance que la personnehandicapée peut acheter avec son budget ; 4) en principe, il doit en aller de même pour les personnes habilitées à fournir cette aide et, en particulier, la personne handicapée doit pouvoir engager aussi ses proches ; 5) les rapports juridiques avec les fournisseurs de prestations doivent être réglés directement par la personne handicapée, la conclusion et l’exécution de ces contrats par les incapables de discernement seront assurées par le représentant légal de la personne concernée selon les règles du Code civil ; 6) le canton doit se limiter à prévoir des mécanismes de contrôle sur la gestion du budget de la part de la personne handicapée afin d’éviter des abus ; 7) cependant, pour éviter de décourager une partie des personnes handicapées à utiliser la prestation en question, ces contrôles doivent être limités au strict nécessaire.

établissements a été dénoncé par de nombreux auteurs et par Michel Foucault en particulier qui s’est intéressé surtout au cas de l’asile psychiatrique29.

La vie dans ces institutions doit être organisée de manière à respecter pleinement les droits fondamentaux des hôtes et, le droit à la liberté personnelle garanti par l’art. 8 CEDH et l’art. 10 al. 2 Cst. en particulier. La liberté personnelle protège tous les aspects essentiels de la vie30, et notamment le droit de chacun d’organiser librement sa vie à l’intérieur et à l’extérieur de l’établissement, le droit d’entretenir des relations sociales, le droit d’avoir une vie affective et sexuelle31 etc.

L’obligation de respecter la liberté personnelle ne dépend pas de la forme juridique de l’institution. En effet, ce droit est invocable non seulement dans les établissements régis par le droit public, mais à ceux régis par le droit privé aussi vu que la presque totalité de ces derniers sont largement financés par la main publique et font partie d’une planification étatique. Selon l’art. 35 al. 2 Cst., ces institutions privées assument une tâche de l’Etat et sont donc obligées à respecter les droits fondamentaux de leurs hôtes32. La solution ne change pas pour les institutions privées qui ne sont pas financées par l’Etat et qui ne font pas partie de la planification étatique. Dans ce cas plutôt théorique aussi, l’obligation de respecter le droit fondamental de la liberté personnelle ne peut pas être évincée. L’art. 35 al. 3 Cst. oblige en effet à respecter les droits fondamentaux dans les rapports de droit privé dans la mesure où ils s’y prêtent. Or, rien ne s’oppose à appliquer le contenu de la liberté personnelle à notre cas vu que le rapport asymétrique qui s’instaure entre l’établissement et l’ôte est assimilable au pouvoir que l’Etat exerce sur les citoyens33.

2. La reconnaissance d’un véritable « droit à la cogestion »

Dans plusieurs établissements activent en Suisse, on a adopté des Chartes des droits et des obligations des hôtes visant à réglementer la vie en institution. Le défaut principal de plusieurs de ces chartes réside dans le fait qu’elles sont adoptées par la direction de l’institution sans véritablement impliquer les hôtes

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Cf. notamment Michel Foucault, Le pouvoir psychiatrique, Paris 2003.

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Cf. p. ex. ATF 103 Ia 293ss, 111 Ia 231ss, 123 I 112ss.

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Cf. aussi infra sub III D.

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Pour le cas de la planification hospitalière cf. ATF 121 I 218.

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Le respect du droit fondamental susmentionné se concrétise grâce à l’interprétation conforme à la liberté personnelle des articles 27 et 28 CC qui, en vertu des articles 19 et 20 CO, font partie intégrante des contrats de séjours que les hôtes passent avec l’institution D’ailleurs, vu le contenu autonome de ceux-ci rien n’empêche de fonder l’obligation de respecter les droits de la personnalité des hôtes directement sur la base des articles de droit privé cités. Afin de garantir l’unité de la réglementation, il est cependant préférable de se référer aussi au contenu des droits fondamentaux.

dans son élaboration et dans la phase d’application. Elles souffrent ainsi d’un déficit démocratique évident.

La RPT peut être l’occasion pour corriger ce défaut. Donnant suite à une obligation constitutionnelle prévue par le nouvel art. 112b Cst34, la Confédération a adoptée un projet de loi fédérale cadre sur les institutions destinées à promouvoir l’intégration des personnes invalides (LIPPI)35 qui s’applique aussi aux homes et aux autres formes de logement collectif pour personnes handicapées36. En matière de gestion des institutions, l’art. 5 al. 1 lit. d) LIPPI prévoit l’obligation pour l’institution d’« informer par écrit les personnes invalides et leurs proches de leurs

droits et de leurs obligations ». Cette règle représentante certainement un progrès,

mais elle n’est pas encore suffisante. Le respect de l’autonomie des personnes handicapées exige que celles-ci participent directement à l’élaboration des règles qui régissent la vie en institution et à leur application concrète. Cet objectif est atteint seulement si on reconnaît aux hôtes un véritable « droit à la cogestion » de l’institution. La création d’un tel droit a plusieurs avantages. D’une part, il permet de respecter le principe démocratique élémentaire qui veut que les personnes qui subissent de manière accrue les effets des règles juridiques doivent avoir la possibilité d’essayer de conditionner leur contenu.

D’autre part, le taux d’acceptation et donc d’efficience des normes juridiques s’accroissent de manière importante si les personnes qui sont directement concernées par leur application ont été impliquées dans leur élaboration37. Enfin, le droit à la cogestion représente une importante occasion éducative permettant aux personnes handicapées de s’accoutumer aux règles d’une bonne gestion et, ce faisant, à apprendre à respecter les intérêts des autres individus qui composent la communauté.

Vu que la LIPPI se limite à fixer un cadre minimal, les cantons peuvent adopter des législations plus progressistes. Le droit à la cogestion peut par exemple

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Qui après avoir affirmé qu’il appartient désormais aux cantons d’encourager « l’intégration des invalides, notamment par des contributions à la construction et à l’exploitation d’institutions visant à leur procurer un logement et un travail », précise que le législateur fédéral est chargé de fixer « les objectifs, les principes et les critères d’intégration des invalides » que doivent respecter les cantons.

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Cf. FF 2005 p. 5955ss.

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Cette loi a comme objectif de garantir un minimum d’uniformité entre les différentes lois cantonales sur les institutions pour personnes handicapées. Art. 3 lit. b) LIPPI. La loi s’applique aussi aux ateliers qui occupent en permanence dans leurs locaux ou dans des lieux de travail décentralisés des personnes invalides ne pouvant exercer aucune activité lucrative dans des conditions ordinaires (lit. a) et aux centres de jour dans lesquels les personnes invalides peuvent se rencontrer et participer à des programmes d’occupation ou de loisirs (lit. c).

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Ainsi, la cogestion est un instrument pour garder l’ordre public à l’intérieur de l’institution et donc pour minimiser la restriction du droit fondamental en question.

être garanti en introduisant dans la loi cantonale qui régit l’organisation des institutions un article prévoyant deux choses. D’une part, le législateur doit obliger tous les établissements à se doter d’un organe composé, ou éventuellement élu dans les institutions plus grandes, directement par tous les hôtes auquel il est confié la tâche d’adopter et de modifier le règlement qui régit la vie et le fonctionnement interne de la maison. Afin de garantir la compatibilité de ce règlement avec le droit cantonal et fédéral, le législateur peut exiger que celui-ci soit soumis à l’approbation de l’autorité cantonale chargée de gérer les instituts pour personnes

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