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L’ENFANT EN SITUATION DE HANDICAP MENTAL PROFOND : SON

Dans le document Droit des enfants en situation de handicap (Page 83-86)

STATUT DE PERSONNE

BERNARD SCHUMACHER

Université de Fribourg, Philosophie, Suisse

Résumé

Les progrès en biotechnologie nous confrontent à d’épineux problèmes touchant à la vie et à la mort, notamment la possibilité de l’eugénisme, la transplantation d’organes, l’infanticide et l’euthanasie d’êtres humains mentalement profondément déficients ou séniles. L’auteur expose les thèses de certains nouveaux philosophes qui, contrairement à Kant, donnent un prix et non une dignité à l’être humain. Dans leur logique utilitariste, certains affirment que tous les êtres humains ne sont pas égaux. D’autres vont jusqu’à parler de 3 catégories d’êtres humains : la personne, les vivants sensibles, les vivants insensibles. Les implications de telles positions font froid dans le dos : des sociétés anonymes pourraient disposer d’individus tels des objets dont ils seraient propriétaires. L’exposé fait une large place aux positions de ceux qui distinguent l’être humain et la personne. L’auteur avertit qu’il ne faut pas sous-estimer la diffusion de ces thèses, qui défient notre éthique considérant le nouveau-né ou l’handicapé mental très profond comme des personnes à part entière et donc des sujets de droits.

Zusammenfassung

Die Fortschritte der Biotechnologie konfrontieren uns heute mit schier unlösbaren Problemen zu den Fragen des Lebens, des Todes, der Eugenik, der Organverpflanzungen, des Kindermordes und der Euthanasie von senilen oder Menschen mit einer tiefen geistigen Behinderung. Thesen von neuen Philosophen werden dargelegt, die im Gegensatz zu Kant dem Menschen einen Preis, nicht die Würde zuerkennen. Ihr utilitaristisches Denken führt bei einigen zur Auffassung, nicht alle menschlichen Wesen seien gleich. Andere sprechen von drei Menschenkategorien : die Person, das empfindende Wesen, das nicht empfindende Wesen. Die Auswirkungen solchen Denkens lassen einem das Blut in den Adern geradezu gerinnen : anonyme Gesellschaften könnten dann über Individuen wie über Objekte verfügen. Der Beitrag äussert sich ausführlich über die

Unterscheidungen, die diverse Autoren zu den Begriffen „menschliches Wesen“ und „Person“ anstellen. Der Redner warnt vor der Unterschätzung der Verbreitung verschiedener Thesen, die unsere Ethik herausfordern.

Resumen

Los progresos en biotecnología nos confrontan a espinosos problemas relacionados con la vida o la muerte, en particular la posibilidad del eugenismo, el transplante de órganos, el infanticidio y la eutanasia de seres humanos mentalmente profundamente deficientes o seniles. El autor expone las tesis de ciertas nuevas filosofías que, contrariamente a Kant, dan un premio y no una dignidad al ser humano. En su lógica utilitarista, ciertos afirman que todos los seres humanos no son iguales. Otros van hasta a hablar de 3 categorías de seres humanos: la persona, los vivientes sensibles, los vivientes insensibles. Las implicaciones de estas posiciones asustan: las sociedades anónimas podrían disponer de individuos tales como los objetos de los que serán propietarios. La exposición deja un gran sitio a las posiciones de los que distinguen al ser humano y a la persona. El autor advirtió que no se debe subestimar la difusión de estas tesis, que desafía nuestra ética considerando al recién nacido o el discapacidado mental muy profundo como personas a parte entera y por lo tanto sujeto de derechos

Summary

Progress in biotechnology confronts us to tricky problems related to life and death, notably the possibility of eugenism, transplantation of organs, infanticide and euthanasia of human beings mentally deeply deficient or senile. The author presents some arguments of certain new philosophers who, unlike Kant, give a price and not a dignity to the human being. In their utilitarian logic, some maintain that all human beings are not equal. Some even go as far as speaking of 3 categories of human beings: the person, the sensitive living being, and the insensitive living being. The implications of such positions sends shivers down the spine: limited companies might have individuals at their disposal as if they were owners of objects. The presentation makes room to the positions of those who make a distinction between the human being and the person. The author warns against underestimating the spreading of such arguments, which defy our ethics in which we consider the newborn or the severely mentally handicapped person fully as persons and thus subjects of rights.

La définition de la personne humaine se pose aujourd’hui avec une intensité inédite sur arrière-fonds des fulgurants progrès en biotechnologie qui nous confrontent à de nombreux problèmes épineux touchant la vie et la mort. On pense au débat, depuis quelques années, autour de la recherche sur l’embryon et son clonage thérapeutique ou reproductif ; autour de la possibilité de l’eugénisme qui soulève une forte controverse exemplifiée par le récent ouvrage de Jürgen Habermas intitulé « L’avenir de la nature humaine. Vers un eugénisme libéral ? »1; autour de l’infanticide ou de l’euthanasie d’être humains mentalement profondément déficients ou séniles ; ou encore autour de la définition de la mort avec ses implications au plan de la transplantation d’organes2. Ces questionnements éthiques relatifs aux différents cas particuliers renvoient, entre autres, à une interrogation fondamentale. En quoi consiste le critère de persistance de l’humanité personnelle de l’être humain, à savoir qui est une personne et, plus particulièrement, si tous les êtres humains sont des personnes ou s’il y a des êtres humains qui ne seraient pas des personnes et qui seraient ainsi privés des mêmes droits que celles-ci ? Il s’agit de déterminer dans quelle mesure des êtres humains se trouvant dans des états particuliers – l’embryon, le nouveau-né, l’handicapé mental très profond ou le sénile – remplissent les critères déterminants pour être une personne. Cette discussion d’anthropologie philosophique sous-jacente aux actuels débats éthiques repose sur un a priori accepté par la quasi unanimité des penseurs et des praticiens et que je ne soumettrai pas à une analyse critique dans cette contribution : la personne humaine est pourvue de droits et, plus spécialement, du droit fondamental de vivre, comme d’une dignité qui exige qu’elle soit traitée, à l’instar du second impératif catégorique d’Emmanuel Kant3, comme une fin en soi et jamais simplement comme un moyen. La personne humaine a une dignité intrinsèque. Elle n’a pas de prix. Dès lors, dans la mesure où, par exemple, un nouveau-né, un handicapé mental très profond ou un individu atteint de démence grave serait une personne, celui-ci aurait autant un droit fondamental à vivre que celui de sa mère ou son père, respectivement de ses enfants. Nous serions en présence de deux personnes ayant chacune une dignité. Dans ce cas, tuer une personne serait d’un point de vue éthique un acte répréhensible. Si par contre le nouveau-né, l’handicapé mental très profond ou un individu atteint de démence grave ne devait pas être une personne, comme le

1

Jürgen Habermas, L’avenir de la nature humaine. Vers un eugénisme libéral ?, traduit de l’allemand par Christian Bouchindhomme, Paris, Gallimard, 2002 [Die Zukunft der menschlichen Natur. Auf dem Weg zu einer liberalen Eugenik ?, Frankfurt am Main, Suhrkamp, 2001].

2

Voir Bernard N. Schumacher, Confrontations avec la mort. La philosophie contemporaine et la question de la mort, Paris, Cerf, 2005.

3

Voir Emmanuel Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, traduit par Victor Delbos, Paris, Le Livre de Poche, 1993, deuxième section, 104-105 [Grundlegung zur Metaphysik der Sitten dans Werke in zehn Bänden, édité par Wilhelm Weischedel, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesllschaft, 1983, t. 6, 59-60, BA 64-66].

soutiennent ces dernières décennies un nombre croissant de philosophes, leur euthanasie librement décidé par les parents ou les enfants ne constituerait pas un homicide. La question fondamentale consiste ainsi à se demander si tout être humain est nécessairement une personne. Pour ce faire, j’aborderai dans un premier temps la position de deux auteurs contemporains très influents dans l’actuel débat bioéthique qui soutiennent – sur l’arrière-fond de la distinction entre « être humain » et « personne »– la légitimité éthique d’une instrumentalisation d’un être humain qui ne serait pas une personne. Je développerai dans un second temps la thèse selon laquelle tout être humain est une personne, concluant à l’impossibilité d’utiliser un être humain simplement comme un moyen.

Dans le document Droit des enfants en situation de handicap (Page 83-86)