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L’ONU-Habitat : la promotion internationale de l’égalité et de l’avancement des femmes

Chapitre 2 Évolution des prises de position des organisations internationales à l’égard de la

2.6 Institutionnalisation des politiques sensibles au genre dans quelques agences

2.6.4 L’ONU-Habitat : la promotion internationale de l’égalité et de l’avancement des femmes

À travers son Programme des Femmes et Établissements Humains (PFEH), ONU-Habitat a commencé à intégrer, à partir du début des années 1990, la question des femmes de manière officielle. Ce programme avait pour but la promotion de l’avancement des femmes dans le développement et la gestion des établissements humains (ONU-Habitat, 2002b : 1), programme qui a par la suite été mieux connu sous le nom de Femmes et Habitat. Par après, et suivant l’adoption de la première politique de genre de l’organisation en 1996, l’unité de genre pour la parité hommes-femmes a été créée en 1998, pour être finalement fusionnée en 2000 avec le programme Femmes et Habitat, produisant l’actuelle unité de politique de genre.

Ainsi, ONU-Habitat n’a institutionnalisé le FED que tardivement dans son organisation (CNUEH, 1996). Cependant, c’est en bonne partie grâce à ce délai que l’agence passe rapidement d’une approche FED à une approche de type GED. Ce virage permet à ONU-Habitat de donner la priorité aux conditions des inégalités rencontrées par les femmes et au mainstreaming de genre dans l’habitat. En fait, par son évolution rapide vers une approche GED, le PFEH a joué un rôle fondamental non seulement dans la compréhension générale de la situation des femmes dans le contexte spécifique des relations de genre, mais aussi dans l’éclaircissement et la recherche de réponses aux problèmes particuliers des femmes les plus pauvres dans la problématique du développement urbain (ibid.).

Comme nous l’avons mentionné plus haut, la première version d’une politique de genre officielle pour l’ONU-Habitat, ainsi que son plan d’action pour la stratégie intégrée, est apparue en 1996 après la tenue de la 2e Conférence des établissements humains des Nations-Unies. Cette politique

a été appelée Gendered Habitat: Working with Women and Men in Human Settlements Development. À ce moment-là, le principe de l’égalité de genre dans les établissements humains avait été reconnu et renforcé de manière formelle au niveau international, et la consigne générale dans le domaine du développement était d’évoluer d’une approche FED vers celle du GED. Avec cette politique, l’ONU-Habitat cherchait à développer et mettre en place une approche sensible et

consciente à l’égard du genre et des femmes. Pour ce faire, elle comptait non seulement sur le développement de la politique et du plan d’action sur les femmes et le genre, mais aussi, sur la continuation de ses programmes de formation et de ses stratégies de développement. Il s’agit de la promotion d’activités ciblant les femmes par le PFEH au moyen des stratégies de réseautage, de la recherche participative et de la construction des capacités (ibid.). Le document de la politique fournissait un cadre conceptuel et opérationnel basé sur les objectifs-cadres suivants :

a) intégrer la stratégie de genre et une pratique sensible au genre dans les nouveaux et anciens programmes, projets et activités de l’ONU-Habitat ;

b) promouvoir la participation égalitaire dans la stratégie globale du logement73 et

de toute action pour le développement des quatiers ;

c) épauler les gouvernements, ONG, OCB dans leurs engagements vers un processus de création des capacités et de développement organisationnel qui promeut la conscience et la consultation de genre, ainsi que la compétence de genre du personnel et des partenaires du développement.

Il s’agissait de s’assurer que dès le début, et à travers tout le processus de planification, une perspective de genre puisse être intégrée, que les hommes et les femmes aient un accès égalitaire et un contrôle sur le sol et le logement, et, enfin, qu’une participation, des moyens d’action et des opportunités égalitaires sur le logement soient offertes et garanties par les pratiques de l’urbanisme dans les pays en développement. Dès lors, le principe de l’égalité de genre avait réussi le défi d’être reconnu clairement dans le domaine du développement des établissements humains au niveau international.

Comme conséquence du récent processus de réorganisation vécu par cette agence74, et coïncidant également avec Istanbul+5, une version reformulée de la politique de genre a été rédigée. Cette

73 La stratégie globale du logement pour l’année 2000, adoptée par l’Assemblée des Nations-Unies en 1988, stipulait

que les femmes et les organisations des femmes remplissent un rôle crucial en contribuant à la solution des problèmes des établissements humains, qu’elles devaient donc être pleinement reconnues et obtenir une égale participation dans l’élaboration des politiques, programmes et projets de logement, et que leurs intérêts spécifiques et capacités devaient être adéquatement représentées à tous les niveaux de mise en place des politiques, programmes et projets de logement (Résolution 431181, cité par CNUEH, 1996).

74 Entre 1997 et 2002, UN-Habitat a entrepris un processus de réforme substantielle, débouchant sur un changement

considérable dans la structure organisationnelle de l’agence, gagnant le statut de Programme (ONU-Habitat) à l’intérieur du système des Nations-Unies (ONU-Habitat, 2003). Ce changement s’est notamment traduit par l’adoption du nom d’ONU-Habitat (remplaçant celui de CNUEH) et par la mise en place de l’Unité de Politique de Genre.

mise à jour de la politique est parue en 2002 sous le titre de UN-Habitat’s Gender Policy75. Le

document maintient les objectifs mentionnés plus haut et les engagements pris lors de la première version face à la stratégie intégrée de genre et aux droits d’habilitation et d’autonomisation des femmes pour réduire les écarts de genre. Mieux encore, cette nouvelle édition de la politique établit que le renforcement des capacités des femmes sera maintenant utilisé comme indicateur de succès dans toutes les interventions planifiées par cet organisme (CNUEH, 2001d : 9, 2001e : 5 ; IANWGE, 2003b ; ONU-Habitat, 1999). En fait, ce sont toutes les branches et tous les programmes de l’agence qui ont actuellement la mission et la responsabilité de mettre en place le mainstreaming de genre76 (ONU-Habitat, 2002b). De la même manière, il est prévu que l’agence

renforce l’égalité de genre et les droits des femmes à travers les partenariats de collaboration qu’elle établit avec divers acteurs, et ce, dans ses activités tant locales que globales. Nous pouvons trouver un exemple de la stratégie intégrée dans le protocole pour le développement de coopération active dans le domaine des établissements humains entre ONU-Habitat et le PNUD mentionné dans la section précédente.

La politique de genre de l’ONU-Habitat s’appuie avant tout sur un binôme formé à partir des valeurs-objectifs d’égalité de genre et de renforcement des capacités des femmes dans le cadre spécifique de la problématique des établissements humains. Cette agence plaide plus particulièrement en faveur d’une valeur de justice sociale quand il s’agit d’un enjeu majeur pour trouver des solutions à la condition inégale et discriminatoire des femmes au niveau économique, physique et de survie quotidienne. En outre, il s’agit aussi d’encourager la reconnaissance explicite des droits77 d’accès égalitaires et équitables en ce qui concerne le sol, le logement et la propriété, ainsi que le droit relié à la sécurité de l’occupation résidentielle et à l’héritage. Pour leur part, les gouvernements doivent porter une attention particulière à la sécurité d’occupation

75 Bien que le document précise les rôles et responsabilités à propos du personnel et de la gestion, cette version ne

contient pas de plan d’action. Ce dernier est encore en train d’être élaboré.

76 Les orientations générales de travail lors de la révision de la politique ont été établies comme suit : a) adopter et

développer une approche et une méthodologie corporative de mainstreaming de genre, b) identifier les points d’entrée et les opportunités dans le travail de l’agence pour faire avancer les questions de genre, c) dégager les liens entre l’égalité de genre et le développement des établissements humains, et d) déployer la capacité institutionnelle et son savoir-faire pour conduire la stratégie de genre dans l’ONU-Habitat (ONU-Habitat, 2002b).

77 Le cadre conceptuel d’une approche basée sur les droits a été élaboré dans la vision stratégique de l’agence

adoptée par la Commission des Établissements Humains en mai 1999. Pour plus de renseignements, consulter

des femmes vivant dans la pauvreté, car leurs options sont doublement limitées (CNUEH, 2001d : 10). Mais les droits d’accès et de contrôle du sol, du logement ou d’une

propriété constituent un progrès vers l’habilitation et l’autonomisation des femmes les plus démunies, surtout dans la lutte des pays en développement contre la pauvreté urbaine.

La notion de droits d’accès des femmes au sol et à la propriété se manifeste aussi clairement dans les deux campagnes mondiales menées présentement par ONU-Habitat : Bonne gouvernance urbaine et sécurité d’occupation résidentielle78. Ces campagnes, lancées en 2000, centrent leur

plaidoyer sur l’égalité de genre dans les établissements humains, en particulier en ce qui a trait à l’accès à un logement adéquat pour tous et toutes. Ainsi, les deux campagnes poursuivent l’engagement pris par les gouvernements à Istanbul. Plus encore, ces campagnes s’accordent sur le fait que les droits des femmes sont très liés aux droits du sol et du logement, notamment dans un contexte urbain (op. cit. : 7).

Enfin, à propos du mainstreaming et de l’égalité de genre, il convient de mentionner l’importante résolution (19/6) adoptée par le Conseil d’Administration de l’ONU-Habitat lors de la 19e session (dans sa 8e séance tenue le 9 mai 2003), à propos du rôle et des droits des femmes dans le développement des établissements humains et dans l’assainissement des taudis. Il s’agit d’un point tournant, car elle lance un appel urgent aux gouvernements pour qu’ils s’engagent dans la promotion de la participation effective des femmes à la planification et au développement des établissements humains :

It marked the first time a resolution on women has made direct linkages with the resolutions on women’s to adequate housing, land and property adopted by the UN-Commission on Human Rights. It urges governments to promote effective participation of women in human settlements planning and development. It stresses the need for right to housing and secure tenure for women living in poverty. It also raised the issue of access to finance, credit and protection from forced evictions, especially for women with HIV/AIDS (IANWGE, 2003b, les italiques sont de nous).

78 Campagnes mondiales concentrant le travail d’ONU-Habitat sur la réduction de la pauvreté urbaine (CNUEH,

2001e : 18). Elles sont également en harmonie avec la Campagne des OMD, surtout en ce qui concerne l’amélioration de la vie d’au moins 100 millions de constructeurs de bidonvilles pour 2020. Il s’agit de l’objectif 7 : s’assurer de la durabilité environnementale, et de son sous-objectif 11.

Sans doute, cette résolution va permettre une propagation plus vigoureuse des questions de genre dans cette agence en général et plus particulièrement dans le cadre du tout nouveau programme conjoint79 entre l’ONU-Habitat et le Haut-Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDH) sur les

droits au logement.

Cette agence relèvera très tôt que dans la prise de décisions concernant les établissements humains, les aménagistes faisaient fausse route en ce qui concerne les femmes et le logement. Plus encore, elle soutiendra que certaines suppositions80 inexactes avaient fait en sorte que dans la formulation des politiques de logement, les besoins des femmes les plus démunies ne soient tout simplement pas reflétés ou pris en compte dans la conception des politiques ou les interventions touchant le développement urbain (N'Dow, 1995 : 2). Revenons à ce propos sur les enjeux de pouvoir hiérarchiques à l’intérieur du ménage, et sur la nécessité de concevoir des droits au logement propres aux femmes, reconnaissant que la sécurité d’occupation résidentielle octroyée au ménage n’est pas une garantie automatique de sécurité d’occupation pour les femmes. En effet, les femmes peuvent être exposées dans certaines circonstances à des situations extrêmes81, comme nous l’avons souligné à maintes reprises, parce qu’elles n’ont pas la possibilité de réclamer légalement la maison ou que nulle autre demeure n’est accessible (CNUEH, 2001d : 6). Donc, la sécurité d’occupation résidentielle est compromise par l’existence des inégalités et discriminations de genre. C’est pourquoi il semblerait nécessaire de passer en revue les droits légaux et coutumiers de possession et d’héritage, d’usage et d’usufruit du sol et du logement (op. cit. : 10).

De fait, en reconnaissant que le droit au logement confère aux femmes un sentiment de sécurité et de confiance nécessaire pour s’émanciper, l’ONU-Habitat accélère l’intégration de la question de genre. En effet, l’assistance et l’appui qu’elle accorde aux gouvernements et aux autres acteurs partenaires dans la mise en place d’Habitat II, de même que sa reconnaissance du droit à un

79 Le Programme des Nations-Unies pour les Droits au Logement (PNUDL) a été lancé en avril 2002 (ONU-

Habitat/HCDH, 2002). Ce programme est une composante essentielle de la Campagne mondiale pour la Sécurité d’Occupation Résidentielle.

80 Ces suppositions ont été traitées en profondeur dans le chapitre 1. Il s’agit notamment de la famille nucléaire type,

de la division traditionnelle du travail, ainsi que du contrôle des ressources et du partage égalitaire du pouvoir entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les décisions touchant la survie et le développement du ménage.

logement adéquat, ne peuvent plus être considérées comme neutres à l’égard du genre. Au contraire, désormais, les initiatives et les actions touchant l’aide à l’urbanisation et au