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Chapitre 5 Stratégie de recherche

5.3 Rôle et usage des méthodes qualitatives mobilisées

5.3.1 Enquête par entretien auprès d’intervenants-clé (IC)

Afin de valider notre projet de recherche initial, nous avons fait un voyage de pré-terrain d’une durée de trois mois à l’automne 1997. Nous y avons réalisé 6 entrevues préliminaires (voir l’annexe A.3)165. L’objectif explicite du voyage était de vérifier la pertinence et la possibilité de l’étude de la politique de logement social chilienne sous l’angle d’une analyse de genre. Cette phase exploratoire nous a permis de constater qu’il existait une sensibilisation croissante du milieu universitaire et de la recherche à la perspective d’analyse de genre et à son utilité au plan théorique et pratique166. Il nous est aussi apparu qu’au niveau des grandes orientations gouvernementales, l’approche de genre commençait timidement mais clairement à être légitimisée. L’exemple en est la création du SERNAM, en 1991, un organisme gouvernemental destiné à faire respecter les engagements que le nouveau gouvernement démocratique de l’époque (Aylwin, 1990-1994) avait pris à l’égard des mouvements de femmes (CEPAL, 2000 : 162) et par la suite au niveau international. Par contre, approfondir les connaissances sur la thématique de

165 Ces entrevues n’ont pas été enregistrées; le contenu a été recueilli à l’aide de prises de notes condensées. Nous

avons écarté le recours à l’enregistreuse car il ne faut pas oublier, ni négliger, le fait qu’à cette époque le retour à la démocratie au Chili se faisait très lentement et que la méfiance (bonne compagne des stratégies de survie dans les moments plus durs) restait très ancrée dans les attitudes et comportements des gens.

166 Ce qui était déjà de bon augure, car cela nous permettait de nous concentrer davantage sur notre thème sans avoir

genre dans les questions de logement et plus spécifiquement sur l’implication des femmes dans ce domaine ne faisait pas encore partie des préoccupations de l’époque167.

Tablant sur ces premiers repères, nous avons choisi de poursuivre notre démarche à l’aide d’entrevues auprès de spécialistes et professionnels œuvrant dans le milieu des établissements humains et/ou dans les questions relevant de l’approche de genre, de manière à recueillir leur vision de la politique et des programmes officiels de logement social. Nous voulions en même temps répertorier leurs interprétations et éclairages relativement à la problématique spécifique des femmes chiliennes des secteurs plus défavorisés. Les entrevues ont été organisées avec des personnes de différents organismes gouvernementaux et non-gouvernementaux, universités et centres de recherche, cabinets-conseil et administrations locales, organismes locaux d’intervention sociale, c’est-à-dire des personnes qui a priori étaient particulièrement bien placées pour « pouvoir nous renseigner et identifier les points saillants » (Gilchrist, 1999/1992 : 357 ; Patton, 2002 : 321 ; Yin, 1994 : 84-85) concernant la question du logement et/ou la perspective de genre au Chili. La préoccupation qui nous guidait en rencontrant ces intervenants-clé n’était pas seulement de recueillir des informations mais d’avoir accès à leurs perceptions concernant le thème que nous cherchions à approfondir. Ces entrevues s’inscrivaient pour nous dans une démarche « d’objectivation interprétative des subjectivités » (Patton, 2002: 321). Leur contenu faisait partie intégrante du matériel à recueillir et contribuait à en faire un ensemble cohérent de données fiables et pertinentes.

En revenant de notre premier voyage de terrain (d’une durée de 6 mois - printemps-été 1999), nous avions en main les enregistrements sur cassettes audio de 20 entretiens d’une durée moyenne de 45 minutes, réalisés à Santiago. Notre grille d’entretien contenait 9 questions ouvertes (voir l’annexe A.4) élaborées à partir de la problématique de recherche.

Les questions sollicitaient l’opinion de l’interviewé au sujet de la relation entre la thématique de genre et/ou habitat et :

167 Cependant, presque toutes les femmes rencontrées étaient préoccupées par le thème. Parmi elles, Viviana

Fernandez, M. E. Ducci, Paola Jiron, Marisol Saborido et Olga Segovia étaient des professionnelles reconnues qui s’occupaient explicitement de cette question.

• l’activité professionnelle de l’intervenant (questions 1, 2) ; • l’organisme où l’intervenant évoluait (question 3) ;

• les politiques publiques et secteurs prioritaires d’intervention du Chili (questions 4 et 5) ; • la politique et ses programmes de logement social (questions 6 et 7) ;

• les politiques et la gestion urbaine à partir d’une approche de genre (questions 8 et 9). Il va sans dire que toutes les personnes interviewées ont participé de leur plein gré. Elles ont aussi accepté l’enregistrement de leurs commentaires, sous condition d’en assurer la confidentialité. À ce sujet, nos ententes avec ces IC se sont limitées à maintenir une grande discrétion sur les propos tenus en entrevues ainsi qu’à réduire les possibilités de rapprochement avec les noms des personnes concernées lors de l’analyse. Cela dit, il n’a jamais été question de ne pas souligner la participation explicite des IC à notre recherche.

Les entrevues ont été organisées de manière à rencontrer en priorité des professionnels parmi les plus reconnus pour être à la fine pointe du savoir dans le domaine de l’urbain, du logement et/ou du genre. Nous les avons trouvés à l’Institut du logement (INVI), à l’Institut d’études urbaines (IEU) et à la Corporation de promotion universitaire (CPU)168. Suivant l’effet boule de neige escompté, ces professionnels nous ont référée à des intervenants-clé d’autres organismes. Des intervenants-clé dans les deux principaux ministères chiliens concernés, c’est-à-dire le MINVU et le SERNAM, ont ainsi pu nous donner des renseignements particulièrement pertinents. À la CEPAL169, nous avons rencontré une fonctionnaire (très connue dans le milieu) spécialisée dans les questions de genre et d’environnement. Quelques professionnels de certains cabinets-conseil et ONG, reconnus pour leurs compétences au niveau théorique et pour leur expertise sur le terrain, ont aussi été approchés. Enfin, certains fonctionnaires des municipalités de La Pintana, El Bosque170 et Santiago171 ont été contactés en raison de leur connaissance concrète… et

168 Les deux premiers sont des centres de recherche sur l’urbain relevant de deux université chiliennes

particulièrement bien réputées, l’Université du Chili et l’Université Catholique, alors que le CPU est un centre privé très renommé, y compris en milieu universitaire.

169 Organisme des Nations-Unies dont le siège social est à Santiago. 170 Municipalité avoisinant La Pintana.

171 Municipalité de la ville centrale de la RMS qui sert, en quelque sorte, de référence pour les autres municipalités

privilégiée… de la situation et des éclaircissements qu’ils pouvaient nous fournir à propos des femmes et des hommes relevant de leur territoire (voir l’annexe A.5).

Les entrevues ont par la suite été transcrites intégralement et retravaillées afin d’être exportées, stockées et finalement analysées à l’aide d’un logiciel conçu à cet effet (voir la section 5.5). Les entrevues, enregistrées en espagnol, ont été retranscrites par nous-mêmes en français.