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2 L’occupation illégale de l’akra de Sagalassos

C’est lors d’une campagne de fouilles en 1996 que le fragment B d’une stèle de Sagalassos a été découvert dans une rue venant de l’Est et entrant sur l’agora supérieure par le Nord-Est. Ce n’est que cinq ans plus tard, en 2001, qu’est découvert dans la même rue le fragment A. L’akra de Sagalassos est à identifier selon M. Waelkens avec la forteresse de Tekne Tepe (1885 m) qui surplombe la cité et localisée directement au dessus de l’agora supérieure. La superficie est d’environ 41 par 58 mètres et elle possède une tour de garde sur le côté Nord-Est414.

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HILLER von GAERTRINGEN 1904, n° 11 : lignes 1 à 7. [․․․․․․κ.17․․․․․․․]ντα ταῖ[ς —][․․․․․․κ.17․․․․․․․ ἠ]γωνίσατ πρ[ὸς —] ǀ [․․․κ.10․․․ ἐπιστ]ά μ[ ]ν ς ὐχ ὁμ ί [υ ὑπάρχ ντ ς] ǀ [τ ῦ ἀγῶν ς αὐ]τῶι τ καὶ τ ῖς ἀντιτ[αξαμέν ις, στρατιώταις,] ǀ [τ ύτ ις;] μὲν ὑ[πὲρ] τῆς ὠφ λίας ὧν ἔμ λ [λ ν νικήσαντ ς ?] ǀ [κυρι ύ]σ ιν αὐ [τῶ]ι [δ]ὲ ὑπὲρ τῆς σωτηρ [ίας ἁπάντων τῶν π λι] ǀ [τ]ῶν,….». Cf. également BLÜMEL & MERKELBACH 2014, p. 18-20 (traduction du texte et commentaire).

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Décret de Sagalassos : occupation illégale de l’Akra :

Éditeur : SEG 2000, n° 1304 ; K. VANDORPE & M. WAELKENS, « Protecting Sagalassos ‘Fortress of the Akra’ : two large fragments of an early hellenistic inscription », Ancient Society, 2007, p. 121-141 ; K. VANDORPE, « Negociators, Law from rebellious Sagalassos in an early hellenistic inscription », dans M. WAELKENS & L. LOOTS (éds), Sagalassos V, Report on the survey and excavation campaigns of 1996 et

1997 (fragment B), 2000, p. 489-507 (avec photographie).

Texte : Vandorpe & Waelkens. Traduction personnelle.

Fragment A A.1 ἄκραν μὴ καταλαμβάνεσ- θαι μηθένα μηδὲ ἄλλο ὄρος μη- δὲν μηδὲ ἐκ τῆς πόλεως ἐγβάλλειν μηδέ- να μηδὲ στασιάζειν μηδένα μηδὲ ὅπλα ἐκ- 5 φέρειν μάχιμα μηδένα · ὃς δ’ ἂν ἁλῶι τούτω[ν] τι ποιῶν ἰδούσης τῆς πόλεως καὶ τῶν δικασ- τῶν ὅσοι ἂν βουλεύσωνται τεθνάτωσαν· [ἀ]ποκτεινάτωσαν δ’ αὐτοὺς ἡ πόλις καὶ οἱ δικαστα- [ὶ· ὅ]σους ἂν δὲ μὴ δύνωνται ἀποκτεῖναι ἀλλὰ ἐχφύγω- 10 {γω}σί που φυγαδεύσαντες ἔστωσαν πολέμιοι τῆ[ι] πόλει καὶ τοῖς θεοῖς ἕως ἂν ἀποθάνωσιν καὶ αὐτοὶ καὶ οἱ ἔγγονοι αὐτῶν καὶ ὃς ἂν τῶν πολιτῶν περιτυν- χάνηι που ἀποκτεινάτω καὶ ἔστ’ αὐτῶι κομίζειν σκῦλα καταγαγεῖν δὲ αὐτοὺς μηδεὶς κύριος ἔστω μηδὲ 15 ἐχθύσασθαι περὶ τούτων μηδένα μηδέποτε · ἐὰν δέ τις ἐπίθηται ἐχθύεσθαι ταύροις τριετέσι λευκοῖς τριακοσίοις καὶ κριοῖς λευκοῖς τριετέ[σι] τριακοσίοις καὶ τράγοις λευκοῖς τριετέ{τε}σι τριακοσίοις καὶ ἀνθ ρωπ[?ί]- [νοις ?ὑπὲ]ρ ἀσυλία[ς τῆς πό]λεως, οἱ θεοὶ εἴησαν αὐτοῖς ἀλλ- 20 [?οτριοι — — — — — — — — — — — — — — — — — —] [---] Fragment B B.21 ἐὰν δὲ δια[κρ]ατήσωσιν οἱ καταλ[αβόμε]νοι τὴ- ν ἄκραν κἀγβαλῶσίν τινας ἐκ τῆς πόλε[ω]ς ζη- τείτω ἥ τε πόλις κἀναγέτω καὶ οἱ θεοὶ ἀνάστατα πάντα ποιο[ῦ]ντες ἕως ἂν ἀγάγωσιν αὐτοὺς καὶ ὅσα ἂν [ἔχω]-

25 σιν τῶν ἐγβληθέντων οἱ ἐγβαλόντες καὶ ὅσα ἂν ἀπ[ῆι(?)]· ἀναβάντων δὲ αὐτῶν τινέτωσαν ἅπαντα ἐκ τ[ῶν] ἰδίων καὶ τοῖς θεοῖς ὕποχοι ἔστωσαν καὶ ἀποκτειν[έτω]- σαν αὐτῶν τρεῖς τοὺς ἄρξαντας, οἱ δὲ λοιποὶ τέως δ[ώ]- δεκα τινέτωσαν ἄνα μνᾶς δέκα ἀργυρίου καὶ ἔστω ἱε[ρὸν] 30 ⸏ἅπαν 〚— — — — — — — —〛· vac. περὶ κλοπῆς· ὃς ἂν κλέψηι τι οὗ πρότερον ἦσαν μναῖ τρε[ῖς] νῦν δ’ ἔστω θάνατος ἡ ζημία ἐλενχθέντι· vacat αἱ δὲ ὁμολογίαι καὶ αἱ συνθῆκαι ἐγένοντο ἐπὶ ἀρχόντων Μο[․]οιτου Μοασιος Ιδααδιος vacat 35 Τοναωλλιος Μαλλου Νου Εννεις Κουας Νανει[ς] Σοας Μαγισιλβις Οαδεις Οας Αλουπαις vacat Oις Αρμοας Ιβδαμοας Κιλασαρβης Σανεις Πονα- σαμις Κιλασαρβης Σιλλαβος Μοακλωιας vacat Kοτβασις. Fragment A

« Personne ne doit s’emparer de l’Akra ni de tout autre sommet de montagne, n’exiler personne de la cité ; personne ne doit former aucune faction et de ne pas prendre les armes pour combattre.

Celui qui fait l’une de ses choses, doit mourir après décision de la cité et dès que les juges auront délibéré, la cité et les juges devront le mettre à mort. Ceux qui ne pourront pas être mis à mort, mais qui ont pris la fuite, devront vivre bannis et seront déclarés ennemis de la cité et des dieux jusqu’à leur mort, eux et toute leur descendance. Un citoyen qui tombe quelque part sur (eux) doit (les) tuer et il sera préservé de toute poursuite. Personne n’est autorisé à les ramener (dans la cité) et ne doit jamais demander leur expiation par des offrandes. Si quelqu’un fait une tentative d’expiation par l’offrande de 300 bœufs blancs de 3 ans, 300 moutons de 3 ans, 300 chèvres blanches de 3 ans et par [?] en matière de droit [---]? pour l’inviolabilité de la cité, que les dieux ? les ignore

[---] vacat.

Fragment B

Si ceux qui ont pris l’Akra continuent à l’occuper et s’ils exilent des gens de la cité, la cité devra les chercher et les ramener, et les dieux (voudront) détruire tout jusqu’à ce qu’ils amènent (les rebelles) devant la justice ; et tout ceux qui ont bannis (des

citoyens), qui ont pris de ceux qui ont été bannis et qui ont tout perdu ( ?), (les rebelles) devront rembourser de leur propres biens (les exilés) qui sont revenus, et

(les rebelles) devront être soumis aux dieux et ils devront mettre à mort trois des dirigeants. Le reste d’entre eux, jusqu’à présent 12 (en nombre), devra payer (une

amende) de dix mines d’argent chacun et tout devra être consacré. Vacat.

(Loi) concernant le vol. Pour celui qui vole, (la punition) était de 3 mines, maintenant la punition est la mort s’il est reconnu coupable. Les accords et les ententes ont été pris sous les archontes Mooites, Moasis, Idaadis, Tonaollis, Mallos, Nous, Enneis, Kouas, Naneis, Soas, Magisilbis, Oadeis, Oas, Aloupais, Ois, Armoas, Ibdamoas, Kilasarbes, Saneis, Ponasamis, Kilasarbes, Sillabos, Moakloias, Kotbasis. ».

L’écriture de l’inscription permet de placer celle-ci approximativement entre le début et la première moitié du IIIe siècle. Ce qui peut correspondre selon K. Vandorpe avec la construction de la forteresse de l’akra sous sa forme actuelle et contemporaine avec quelques tours de guet415. L’inscription prévoit une série de mesures adoptées dans le but de protéger la cité contre toute tentative de sédition, mais surtout contre l’occupation illégale de la forteresse de l’akra et tout autre point culminant qui participe à la défense de la cité. À la lecture du texte, nous remarquons des similitudes avec d’autres inscriptions du IIIe siècle qui nous sont parvenues. Ainsi, les dispositions concernant une tentative de sédition ne sont pas sans rappeler celle des serments civiques avec interdiction de former une faction, d’exiler des citoyens ou de prendre les armes. Les sanctions à l’égard des contrevenants rejoignent celles des lois contre la tyrannie et l’oligarchie : atimie et bannissement, interdiction de les ramener dans la cité ou demander leur expiation, impunité pour celui qui met à mort un séditieux. À des fins dissuasives, il est exigé dans le texte un sacrifice irréalisable pour un citoyen, à savoir la consécration totale de neuf cents animaux.

La seconde partie du texte est consacrée au règlement d’un hypothétique conflit né de l’occupation illégale de l’akra par des séditieux, οἱ καταλαβόμενοι, qui au terme d’accords doivent se soumettre à la justice. L’interprétation de la clause concernant la mise à mort de trois des séditieux, considérés comme les meneurs, pose difficulté, selon K. Vandorpe. Il n’est en effet pas clairement établi si ce sont les séditieux ou les Sagalassiens qui sont chargés de leur exécution416. Le texte prend également en considération le bannissement de citoyens, οἱ ἐγβαλόντες, qui une fois de retour dans la cité doivent être indemnisés sur les biens propres des séditieux.

415

VANDORPE & WAELKENS 2007, p. 127.

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La dernière partie est une révision d’une loi contre le vol. Une modification radicale de la sanction est prévue : elle passe de trois mines en usage jusque-là, à la peine de mort pour celui qui est reconnu coupable. Une telle décision peut suggérer que la cité traverse une période de grands troubles et d’insécurité.

Le décret se termine par une liste de vingt-quatre noms d’origine pisidienne probablement les rédacteurs du texte qui est décrit comme des accords et ententes, αἱ δὲ ὁμολογίαι καὶ αἱ συνθῆκαι (l. 33), probablement négociés par eux-mêmes ou par les Sagalassiens417

.

Bien que les informations concernant les séditieux restent ténues, nous savons qu’ils sont au nombre de quinze à savoir trois meneurs, τρεῖς τοὺς ἄρξαντας et jusque-là douze autres individus, οἱ δὲ λοιποὶ τέως δώδεκα. Ce chiffre, à première vue dérisoire, est en tout cas trop faible pour représenter la globalité d’une faction d’opposition généralement constituée d’au moins plusieurs dizaines voire centaines de membres. Il convient dès lors de faire le rapprochement avec la situation de Téos et Kyrbissos que nous allons aborder ci-dessous et y voir des membres de la garnison en rébellion contre l’autorité de la cité. Rien n’empêche d’imaginer qu’ils puissent bénéficier dans leur action du soutien de partisans ou encore d’une puissance étrangère.

Selon les indications fournies par M. Waelkens concernant l’emplacement de l’akra (au- dessus de l’agora supérieure), il est évident que ceux qui tiennent la place ou les tours de guet peuvent aisément s’attaquer à la cité et contrôler ses voies d’accès venant du nord, du sud et de l’est418

.

La question de savoir si nous sommes face à une occupation illégale de l’akra au moment de la publication du texte ou s’il s’agit de mesures préventives et défensives inspirées d’un passé douloureux récent expliquant la dureté des sanctions reste ouverte.

Il convient néanmoins de reprendre ici l’hypothèse avancée par K. Vandorpe, à savoir une occupation illégale de l’akra en cours au moment de la publication du texte, idée reprise par H. Börm419. Elle suggère d’y voir non seulement un conflit entre citoyens, mais un soulèvement fomenté contre un roi hellénistique (Antiochos Ier) qui impose l’accord entre les séditieux et le reste du peuple de Sagalassos. Ceci permettrait d’expliquer le caractère hellénistique de l’accord dans une cité qui n’est encore que très peu hellénisée à cette période (fin du IVe siècle - début du IIIe siècle)420. L’auteur propose de placer l’évènement

417

GRAY 2011 (thèse), p. 69.

418

VANDORPE & WAELKENS 2007, p. 138.

419

BÖRM 2019, p. 217.

420

durant l’invasion galate en Asie Mineure entre 281/0 et 267, bien qu’une relation entre l’inscription et ces évènements soit loin d’être établie.