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L ES MENACES D ’ ENFERMEMENT DANS LE ROMAN : LA FOLIE COMME GAGE DE LIBERTÉ

Entre errance et enfermement : la place du fou à la croisée de l’histoire et des représentations littéraires

A. Le fou enfermé : une réclusion sans répression

3. L ES MENACES D ’ ENFERMEMENT DANS LE ROMAN : LA FOLIE COMME GAGE DE LIBERTÉ

Les œuvres romanesques de notre corpus rendent compte d’une répugnance communément partagée face à la réclusion et à la punition corporelle du fou. Bien au contraire, s’il arrive que l’on s’apprête à enfermer ou à lier ce type de personnage, la reconnaissance de son trouble d’esprit aboutit presque automatiquement à sa libération. C’est notamment le cas au chapitre XXV du Chevalier hypocondriaque : Don Clarazel découvre dans un pré le corps sans vie de trois gentilshommes, reposant aux côtés de leurs épées ensanglantées1. Il s’agit manifestement d’un duel, pratique fermement condamnée

par le pouvoir royal, mais les folles imaginations du chevalier l’amènent à assimiler cette aventure à celle de Don Galaor vengeant la mort du bon Anthébon, assassiné par Palingues : il décide donc de rester auprès des corps jusqu’à ce qu’il rencontre leur assassin et parvienne à le châtier. Lorsque survient le prévôt des maréchaux de Lyon, accompagné d’une troupe d’archers, le héros les identifie immédiatement comme les coupables du crime de ces trois chevaliers : il engage le combat, malgré l’inégalité numérique et le fait qu’il soit le seul sans monture, et perce de son épée la cuisse du premier archer qui se présente à lui. En riposte, la troupe l’attaque à coups de pistolet et parvient à le lier avec des cordes. Le prévôt, convaincu que le chevalier a pris part au duel ayant opposé ces gentilshommes et leurs seconds, commence à le conduire à Lyon pour le pendre. C’est lorsque Don Clarazel le menace de la vengeance que ne manqueront pas d’accomplir après sa mort le chevalier de la Rose Verte, Agesilan de Colchos, Don Sylves de la Selve, Amadis de Gaule ou quelque autre prince de Grèce, que le prévôt comprend la nature de son trouble :

A ces mots le Prevost le regardant attentisvement fort esmerveillé de l’extravagance de ce discours il commença de juger qu’il estoit hypocondriaque, & de croire par consequent qu’il estoit innocent du crime pour lequel il l’avoit fait prendre, voila pourquoy communicquant sa pensee à quelques uns de ses Archers qui eurent la mesme opinion il

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124 fust sur le point de commander qu’on le desliast & de luy dire qu’il prist un autre chemin

s’il vouloit.1

Toutefois, craignant qu’il ne s’agisse d’une ruse pour échapper à la prison, il décide de le conduire à Lyon pour l’interroger plus longuement : les paroles de Clarazel ne faisant alors que confirmer son premier diagnostic, le prévôt décide de le relâcher. Mais le gouverneur de Lyon, informé de la situation, décide de le garder quelques jours auprès de lui afin de se divertir. Ce passage révèle donc que le fou est associé à l’innocence : loin de le lier et de le retenir en prison, les pouvoirs politiques et juridiques se contentent de le chasser de la ville dont ils ont le commandement. Pourtant, si Clarazel n’a pas tué les trois gentilshommes, sa dangerosité est tout de même avérée puisqu’il a attaqué « furieusement2 » la troupe des archers. Cette violence n’est donc pas davantage retenue

comme motif pour entraver le fou.

Une scène comparable s’était déjà produite au début du récit, dans cette même ville de Lyon3 : arrivé de nuit aux portes de la cité, Don Clarazel refuse de donner son nom aux

gardes, en alléguant un serment qui l’oblige à cacher son identité. Le commis, pensant qu’il dit cela par moquerie, menace alors de le conduire chez le gouverneur, susceptible de l’emprisonner, mais le chevalier tire son épée et pousse « furieusement4

» son cheval contre quelques soldats, qui ne doivent leur salut qu’au fait que les portes de la ville sont promptement refermées. De même que le prévôt, le caporal intervient à temps pour empêcher le châtiment mortel du lecteur extravagant5. Il feint par la suite d’entrer dans son

jeu et de le traiter en chevalier errant. Il aimerait, comme le fera le gouverneur, le garder quelque temps auprès de lui par « passe-temps6 », mais le héros s’y refuse et lui demande

de le conduire hors de la ville, à l’imitation d’Amadis, que sa souffrance amoureuse amenait à fuir toute compagnie. Le caporal le quitte après lui avoir offert un faux triomphe carnavalesque. Même le duc d’Arcail, furieux de découvrir que la duchesse l’a trompé pendant son absence, se retient de mettre à mort Don Clarazel lorsqu’il comprend qu’il s’agit d’un fou innocent, qui croyait séjourner chez la puissante magicienne Fortuniane, qui, par amour pour lui, le retenait captif au moyen de ses charmes :

1

Ibid., p. 594.

2 Ibid., p. 589.

3 Ibid., chap. III, p. 43-52. 4 Ibid., p. 45.

5

« […] douze ou quinze soldats s’estans assemblez avec des mousquets, des picques & des hallebardes à la main ils l’alloient infailliblement percer comme un crible si le caporal qui estoit homme de jugement ne se fust douté de la maladie de ce gentil-homme […] » (ibid., p. 46).

6

125 […] la rage se formant peu à peu dans son ame il fust sur le point de luy donner cent coup

de dagues au travers du corps, & de n’espargner pas sa femme, toutefois estant extremement sage il considera que ce malheureux estoit sans crime parce qu’il estoit sans jugement, que pour ceste consideration il ne luy devoit rendre aucun deplaisir, d’ailleurs il jugea que ceste vengeance luy apporteroit beaucoup plus de confusion que de gloire, & par consequent il resolust de dissimuler ce qu’il en pensoit pour ne se point faire appeller Publius Cornelius par son imprudence.1

Le duc décide alors, comme le caporal l’avait fait, d’entrer dans son jeu et de se faire passer pour un vaillant chevalier survenant précisément pour le délivrer de son enchantement. Il laisse partir Don Clarazel, mais fait littéralement mourir la duchesse de frayeur en lui révélant qu’il connaît sa faute2. Dans ces trois cas, l’extravagant doit son

salut au fait que le degré de sagesse de son interlocuteur est proportionnellement inverse à son égarement, ce qui le rend apte à reconnaître son innocence.

La question de savoir si la place du fou est en prison ou à l’asile se trouve davantage encore discutée et réfutée dans Le Berger extravagant. Alors qu’Anselme vient de rencontrer le jeune Louis, devenu le berger Lysis, dans les premières pages de l’œuvre, survient son cousin et tuteur Adrian, qui le cherche partout dans Saint-Cloud et souhaite le ramener à Paris pour le faire enfermer3

. Dans l’esprit de ce bourgeois, qui voit surtout dans la folie de son cousin une source de scandale et de déshonneur pour leur lignée, cette forme de traitement violent, qui passe par la contention, a moins pour but de guérir l’insensé que de le dissimuler aux yeux de la société, afin de garder sa maladie secrète. Adrian redoute également la justice, susceptible de lui reprocher de ne pas remplir son rôle de curateur auprès du jeune Louis4. Au départ, le lieu de réclusion envisagé par le tuteur reste

indéterminé : Adrian met seulement l’accent sur le fait que le malade doit être soumis à l’isolement le plus total5. Mais peu à peu, la menace se fait plus précise :

Adrian croyant qu’il voulust demeurer là pour continuer ses follies, luy dit, que s’il ne s’en vouloit venir de bon gré il l’emmeneroit par force, qu’il trouveroit bien un carrosse pour le mettre, & qu’il le feroit là enfermer avec des chaisnes & des cadenats, & que quand ils seroient à Paris, il le mettroit en prison à Sainct Martin, où il seroit foüetté tous les jours, ou bien aux petites maisons, pour tenir compagnie aux foux que l’on y enferme. Cela mit Lysis extrémement en colere, & son cousin n’y estoit pas moins, mais Anselme apaisa tout par sa prudence, disant en particulier à Adrian, que comme il luy avoit desja remonstré, l’on ne

1 Ibid., chap. XXIII, p. 543. 2 Ibid., p. 553-554.

3 « […] Je te tien Louis, je te tien, doresnavant je te feray si bien enfermer, que tu n’iras plus entretenir le

monde de tes folies » (op. cit., I, 1, p. 22).

4 Étrangement, dans ce passage, Adrian passe très brièvement du statut de simple personnage au statut de

narrateur intradiégétique : « Leur discours fut interrompu par son arrivee, & estant proche du Berger, je le pris par un bras, & dis à Anselme, monsieur, je vous supplie de m’ayder à ramener ce jeune homme par charité jusques à Sainct Cloud. Vous avez pû connoistre qu’il a l’esprit fort malade » (ibid. Nous soulignons). Les autres occurrences du pronom je référant à l’instance narratrice du récit premier renverront par la suite à un narrateur extradiégétique anonyme.

5

126 pouvoit pas vaincre le naturel de ce jeune homme par la rigueur, & qu’il valoit mieux luy

adherer, tellement qu’il le conjuroit de le laisser en sa garde un mois ou deux, & qu’il ne luy demanderoit rien pour sa pension.1

Dans Le Berger extravagant de Th. Corneille, Adrian juge plus précisément que sa place est dans une « cage aux Petites Maisons2 ». Dans Polyandre (1648), l’amoureux

universel Orilan sera également menacé par ses parents d’être enfermé dans l’abbaye de Saint-Victor ou à Saint-Martin-des-Champs, lieu de réclusion des fils prodigues dilapidateurs de leurs biens3. Mais cet extrait du Berger de Sorel pourrait constituer un

indice que les Petites Maisons accueillent bien des fous, à la date de 1627, parallèlement à d’autres prisonniers. Les coups de fouet mentionnés par Adrian ne concernent ici que Saint-Martin : le personnage ne précise pas si les fous des Petites Maisons étaient livrés à ce type de mauvais traitements. Dans Le Pédant joué de Cyrano, comédie composée vers la fin de l’année 1645 ou le début de l’année suivante4

, Granger tente d’envoyer son fils Charlot à Venise, afin de l’éloigner de Genevote, que le barbon souhaite épouser. Mais son fils se fait passer pour un fou furieux, afin d’échapper à ce voyage. Il risque alors d’être lié et enfermé :

Au fou, au fou ; ne voyez-vous pas comme il m’a jeté de l’écume en parlant ! Voyez ses yeux tout renversés dans sa tête. Ha ! mon Dieu, faut-il que j’aie un enfant fou ! Vite, qu’on me l’empoigne.5

Le pédant brosse ici le portrait du furieux, qui se jette comme une bête au visage de ceux qui l’approchent de trop près : ce passage parodie les scènes de fureur de la tragédie (voir chap. II, II-B). Charlot doit alors renoncer à sa feinte, afin d’échapper à l’abbaye de Saint-Victor ou de Saint-Martin6. Mais le valet Corbineli saura tromper le pédant pour que

son fils puisse épouser sa maîtresse.

Dans le Berger, Anselme, qui est quant à lui partisan d’un traitement de la folie passant par la douceur, à base de divertissements, de promenades, de changement d’environnement, s’oppose à la violence préconisée par Adrian7. Conformément aux traités

médicaux de référence à cette époque, qui recommandent de divertir le mélancolique, afin d’éviter qu’il ne s’entretienne de ses propres rêveries et que sa faculté imaginative ne soit

1 Ibid., p. 126-127.

2 Op. cit., I, 3, v. 123, p. 107. 3

Op. cit., L. I, p. 40.

4 S. Cyrano de Bergerac, Le Pédant joué, comédie [1658], dans Œuvres complètes, éd. A. Blanc, Paris,

Champion, 2001, t. III, « Introduction », p. 15.

5 Ibid., I, 7, p. 70. 6

Ibid., I, 8, p. 71.

7 Voir également les raisons que Clarimond oppose à Adrian dans la pièce de Th. Corneille : « La prison est

affreuse au plus solide esprit, / Et c’est là que le foible assez souvent s’aigrit » (op. cit., I, 3, v. 223-224, p. 111).

127 constamment sollicitée, le gentilhomme propose de confronter Lysis à l’« école du monde », de manière à ce qu’il reconnaisse les erreurs que sa seule fréquentation des livres lui a inspirées1

. La violence ne servant qu’à déclencher la colère du malade, il vaut mieux, comme le prescrivent les médecins, adopter une technique d’alternance entre des phases où l’on va dans le sens du fou et d’autres moments où l’on s’oppose à lui (voir chap. II, I-A). L’utilisation de châtiments corporels est d’autant moins justifiée que la folie de Lysis n’est pas « nuisible » et que « jamais ses fantaisies ne l’ont porté à faire du mal à personne2 ».

Sur cette question des violences faites aux fous, les médecins de la fin de la Renaissance et du début du XVIIe siècle ne se montrent pas plus sévères que leurs prédécesseurs antiques3 : Jacques Ferrand, dans son ouvrage sur la mélancolie érotique, rapporte

l’opinion de certains auteurs qui se prononcent pour l’enfermement des amants, et, s’il s’agit de jeunes adolescents, pour un traitement physique à base de coups et de flagellations4 ; mais c’est pour mieux critiquer une telle brutalité. De même, La

Framboisière recommande de ne battre et de ne lier que les malades qui risquent d’être dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui5.

C’est donc pour tromper Pernelle et Adrian, mais aussi pour inciter les faux bergers à faire cesser cette comédie, que Clarimond évoque le projet qu’il a soumis à un « grand Seigneur de ce païs » d’édifier un hôpital pour ces fous, dans lequel ils seront « tres bien foüettez par charité, jusques à tant qu’ils changent d’humeur6 ». C’est également par

plaisanterie qu’Hircan réclame que Fontenay, qui feint de vouloir mourir d’amour pour Pernelle, soit mis « dans quelque chambre où l’on le lie comme un insensé7 », en se

référant une fois encore au traitement des furieux. Clarimond effectue une autre allusion aux Petites Maisons à propos de l’enfermement des poètes, personnages qui sont, comme on l’a vu, traditionnellement mentionnés dans les « pièces d’asile » :

1 « Il vaut mieux luy laisser voir les compagnies ; il se divertira & se tirera de beaucoup d’erreurs, qui ne luy

sont venuës en la pensee, qu’à faute d’avoir apris comment l’on vit dans le monde » (op. cit., I, 1, p. 38).

2

Ibid., III, 14, p. 163.

3 Voir, dans ce chapitre, la partie I.A.1.

4 J. Ferrand, De la maladie d’amour ou mélancholie érotique. Discours curieux qui enseigne à cognoitre l’essence, les causes, les signes et les remedes de ce mal fantastique [1623], éd. D. Beecher et M. Ciavolella,

Paris, Classiques Garnier, 2010, chap. XXX, p. 321-322.

5

« Joint que les uns veulent estre amignardez & flattez : les autres doivent estre tansez, battus & liez, de peur qu’ils ne fassent mal à eux-mesmes, ou à autruy : & faut donner ordre qu’ils ne soient jamais destituez de fortes gardes, & leur oster tous les moyens de se pouvoir outrager : principalement s’ils deviennent furieux, la melancholie se tournent en manie » (N. A. de La Framboisière, Les Œuvres [1613], Lyon, Antoine Beaujollin et Jean Carteron, 1669, « Les loix de medecine […]. Loix pour bien penser la Melancholie », p. 228).

6 Op. cit., II, 12, p. 752. À l’écoute de cette proposition, Pernelle juge Clarimond très dévot. 7

128 Enfin vous devez croire qu’apres avoir hanté les grandes maisons, il leur faut aller loger

aux petites. J’enten celles du faux bourg Sainct Germain. Aussi y a t’il quelque temps que comme l’on enfermoit tous les pauvres, les Sergens prirent dans les ruës un des leurs qu’ils y menerent, & il y eut bien du debat à sçavoir si l’on le devoit enfermer avec les pauvres ou avec les fous, parce qu’il sembloit estre l’un & l’autre. A la fin un Seigneur qui se trouva là le delivra, mais pensez que ce fust pour en faire son foû domestique. Gentil Berger (s’en vint dire alors Anselme à Lysis) vous sçavez bien où sont ces petites maisons dont l’on vous parle ; il me souvient que vostre cousin Adrian vous menaçoit de vous y mettre, quand vous ne luy obeyssiez pas. Mon Dieu ! je voudrois bien sçavoir quel mine vous feriez, si vous y estiez : prendriez vous pour des Bergeres, les bonnes vieilles qui y sont ?1

Si l’on en croit ce passage, il semble que les Petites Maisons accueillent bel et bien des pauvres et des fous, mais les enferment de manière séparée, sans les assimiler autrement que sous l’angle de leur incapacité à rester libres au sein de l’espace social. Comme dans Les Illustres fous de Beys, une personne influente peut entrer dans l’asile et en faire sortir un fou, destiné à son divertissement personnel : c’est par ailleurs ce qu’Anselme a quasiment fait en empêchant Adrian d’y mener Lysis et en le recueillant chez lui. Clarimond évoque également une période de réclusion massive des indigents, mais sans donner de date précise (celle-ci est en tous les cas bien antérieure à 1656). Enfin, la présence d’un seigneur aux Petites Maisons renvoie une fois de plus aux visites d’asile, sans que l’on sache si cette personne s’y trouve par charité, ou bien pour son propre divertissement.

Dans Le Berger extravagant comme dans Le Chevalier hypocondriaque, c’est la reconnaissance de la folie de Lysis par de puissants seigneurs dotés de sagesse qui permet au héros d’échapper à la prison. Dans le quatrième livre du récit, alors que le berger laisse son troupeau manger les fruits d’une vigne et n’hésite pas à s’en rassasier lui-même, sans avoir conscience que les biens de la terre ne sont pas la propriété de tous, comme au temps de l’âge d’or, le propriétaire de la parcelle, furieux, survient avec une hallebarde et menace de le conduire en prison et de lui faire payer une amende, tandis que deux autres paysans arrivent pour lui prêter main forte. Bien que Lysis affirme qu’il ne connaît d’autre juge que Pan, ni d’autre prison que celle où le retient sa maîtresse Charite, il est mené devant le praticien du village voisin, qui est chargé d’y rendre la justice au nom d’Hircan, seigneur du lieu. Celui-ci se présente alors à propos et parvient, par sa seule autorité, à faire libérer le berger2.

Certains passages de Don Quichotte témoignent également du fait que, conformément au discours juridique, en cas de crime, le fou est reconnu comme

1 Ibid., I, 6, p. 866-867.

2 « Ils dirent qu’il avoit mangé leurs raisins, mais Hircan leur ayant respondu que c’estoit peu de chose, ils

129 pénalement irresponsable : lors de la veillée d’armes du héros, dans une taverne dont le propriétaire a promis de le faire chevalier, l’hidalgo blesse très sérieusement deux muletiers qui s’en viennent le déranger. Face à la riposte de leurs compagnons, le tavernier leur crie de laisser Don Quichotte, « parce qu’il leur avait déjà dit qu’il était fou et que comme fou il s’en tirerait toujours même s’il les tuait tous1

». Néanmoins, dans la suite de la première partie qu’Avellaneda fait paraître en 1614, sous le titre Segundo tomo del

Ingenioso Hidalgo Don Quijote de la Mancha, Don Quichotte se retrouve enchaîné dans la

prison de Saragosse après avoir tenté de libérer un voleur : mais cet enfermement est dû au comportement dangereux qu’il a manifesté au cours de cet épisode, et non à sa folie. Un gentilhomme de sa connaissance utilise alors son pouvoir pour le faire libérer, mais le confie aussitôt à la Casa del Nuncio de Tolède afin qu’il y reçoive des soins. Avellaneda met en valeur les coups et les chaînes qui attendent le fou récalcitrant, sans pour autant, selon Yvonne David-Peyre, émettre de jugement négatif sur l’hôpital2. Dans la deuxième

partie de son récit, Cervantes ne suivra pas la voie proposée par son continuateur : Don Quichotte restera un fou errant et libre.

Qu’en est-il dans les textes non fictionnels contemporains de notre corpus ? Les