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L’improvisation théâtrale, un outil pour travailler l’oral en formation et en classe

Outils du formateur et dispositifs de formation prévus

4.2. Le genre du texte : un mégaoutil

4.2.2. Deux genres d’activité de formation : improvisation théâtrale et analyse de pratiques analyse de pratiques

4.2.2.1. L’improvisation théâtrale, un outil pour travailler l’oral en formation et en classe

L’art d’improviser demande de créer sur une scène donnée une histoire à partir d’un nombre très limité d’informations. Dans notre séquence de formation, l’improvisation est utilisée comme outil pour travailler la fictionnalisation de la situation de communication du débat régulé ou de l’entretien d’embauche, mais aussi pour développer des savoir-être propres au métier d’enseignant. Le choix de cet outil peut sembler inusité ; nous nous efforcerons d’en montrer les présupposés et les justifications théoriques. Les raisons de ce choix sont aussi personnelles : notre passé et notre présent d’improvisatrice et de comédienne, que ce soit en tant qu’amateure ou professionnelle, teintent nos dispositifs de formation. C’est là que se laisse percevoir notre « style » de formatrice. Nous voyons trois motifs principaux à l’usage de l’improvisation théâtrale en formation ou en classe :

1. Elle contribue au développement de la « justesse relationnelle » (Chekhov, 1942/1995, cité par Lattion & Papaux, 2003, p. 32), de l’écoute de soi et des autres;

2. Son aspect ludique suscite la participation ;

3. Elle outille les enseignants de manière à ce qu’ils mettent en place des situations de communication susceptibles de créer des apprentissages chez leurs élèves.

Afin de montrer que l’improvisation appartient aux genres d’activité de formation, nous retraçons brièvement l’historique de cette forme théâtrale en mettant l’accent sur ses spécificités par rapport au théâtre. Nous établissons ensuite des analogies entre le métier d’enseignant et les métiers respectifs de comédien et d’écrivain pour montrer l’utilité de l’improvisation théâtrale dans la formation des maitres en français. Nous terminons en présentant l’usage concret que nous faisons de cette forme théâtrale au moment de la mise en place effective de la séquence de formation.

Des atellanes aux matchs d’improvisation, petite histoire d’une forme théâtrale

Entendue comme mode d’expression dramatique exercé spontanément devant public, l’improvisation existe depuis fort longtemps. Ses inspirations les plus anciennes remonteraient aux atellanes, courtes pièces improvisées introduites à Rome au milieu du IIIe siècle av. J.-C. (Dupont, 1988). Les atellanes sont inspirées par la Comédie nouvelle grecque,

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comédie de mœurs à intrigue simple qui réserve une place importante à l’expression des sentiments. Ces farces latines reprennent les costumes et les masques de la Comédie nouvelle grecque et les caricaturent : quatre personnages masqués improvisent sur la base d’un canevas et du « génie de leur rôle » (Dupont, 1988, p. 20). Nous avons là les prémices de la comédie italienne : les atellanes inspireront les personnages de Pantalon, de Polichinelle et du Docteur de la Commedia dell’arte.

Les troupes de comédiens italiens jouent au XVIe siècle un théâtre en partie improvisé.

Réunissant dans un seul spectacle les types populaires masqués de plusieurs régions de l’Italie, les acteurs de la Commedia dell’arte allient parfaitement la bouffonnerie au romanesque, les traditions populaires à la culture antique (Attinger, 1950). Ils improvisent sur la base d’un canevas. Leur jeu, sorte de « langage énergique de la scène [,] se base sur une déformation consciente et intelligente du corps » (Taviani & Schino, 1984, p. 47) ; c’est ce qui assurera la pérennité de cette forme théâtrale. La comédie italienne compte une dizaine de personnages et son répertoire va de la grosse farce à la tragicomédie. Ses premières influences ont été celles d’acteurs sur des acteurs. Les farceurs de la première moitié du XVIIe siècle s’en inspireront, Molière la fera entrer dans la littérature : « [i]l est sans doute le premier des écrivains français à l’avoir comprise par la base, c’est-à-dire à partir du jeu ; l’acteur chez Molière a renseigné l’auteur » (Attinger, 1950, p.9).

Disparue avec le déclin de la Commedia dell’arte, l’improvisation théâtrale reparait à la fin du XIXe siècle grâce à Constantin Stanislavski. L’homme de théâtre russe l’utilise comme fondement de l’apprentissage du métier de comédien : l’improvisation permet au comédien de revivre des sentiments éprouvés. Ceci tranche avec le rôle que lui attribue plus tard Jacques Lecoq. Pour ce pédagogue du théâtre, l’improvisation est ce qui conduit le comédien à retrouver la page blanche de toute chose, à se démunir de son savoir et de ses représentations pour pouvoir se rendre disponible à tout ce qui pourra traverser le corps et s’exprimer à travers lui (Lecoq, 1987). Malgré les différences des modalités d’utilisation, les deux maitres font de l’improvisation un moteur de la création. Des metteurs en scène tels que Meyerhold, Gordon Craig, Jacques Copeau, Charles Dullin s’intéressent à la comédie improvisée (Tournier, 2003). La vision de Stanislavski de la formation de l’acteur sera reprise

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aux États-Unis avec la création du très célèbre Actors Studio par Elia Kazan en 1947. Dès le XXe siècle, l’improvisation est devenue une forme d’exploration théâtrale incontournable.

À l’heure actuelle, l’improvisation théâtrale se pratique un peu partout dans le monde. Elle sert à de plus en plus de protagonistes et se pratique dans une multitude de lieux. Son succès s’explique facilement : la pratique de l’improvisation contribue, entre autres, à réagir, en développant le sens de la répartie, à prendre sa place, à être présent et disponible, à entrer en relation avec l’autre et avec l’espace, à s’exprimer par le corps, à s’adapter à la situation de communication, à s’accepter et à accepter l’autre, à se décentrer, à s’engager et à engager l’autre. Représentation théâtrale, elle prend la forme d’un match où, selon les directives d’un maitre de jeu, des jouteurs créent des situations en simultané sous l’œil attentif d’un public qui, parfois, exprime son appréciation par un vote. Technique de communication, elle est cette valeur ajoutée à l’employé du secteur tertiaire. De plus en plus d’entreprises et d’organismes font appel à des improvisateurs pour mettre en place des dispositifs de formation afin de travailler la confiance en soi, l’esprit d’équipe ou en vue de traiter une thématique sociale et de susciter le dialogue.

L’improvisation à l’école

À l’école, la place de l’improvisation est liée à la place générale du théâtre comme « outil pédagogique ». Si l’on fait exception de la place centrale que jouait le théâtre dans les programmes des collèges des Jésuites à l’époque classique, il n’apparait que tardivement dans les programmes d’éducation nationale dans les pays de tradition catholique. Les conceptions quant à la pertinence du théâtre à l’école commencent à changer durant l’entre-deux-guerres. Le développement du théâtre dit des novateurs (Copeau, Jouvet, Pitoëff), davantage tourné vers le jeune public, donne trois directions nouvelles à la pédagogie du théâtre : l’expérience pratique des grands textes en vue de renouveler la culture des participants, l’introduction de questionnement esthétique liée aux nouvelles façons de représenter le théâtre, les transformations dans le jeu de l’acteur où la recherche d’adéquation au rôle questionne la formation personnelle et culturelle du sujet jouant (Klotz

& Voltz, 1998). On assiste parallèlement à la démocratisation des pratiques artistiques : l’accent se déplace de la pratique théâtrale fixée sur le texte écrit du répertoire vers l’activité

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de l’acteur en train de jouer. Le jeu n’est pas seulement la reproduction d’un modèle et l’apprentissage d’un comportement ; c’est l’expérience, la découverte, voire la restructuration d’un modèle, à travers des situations fictives, de l’individu dans son rapport à soi, aux autres et au monde (Klotz & Voltz, 1998, p. 579). C’est ce nouveau cadre qui permet l’usage de l’improvisation à l’école. Le contrat d’apprentissage que pose plus particulièrement l’improvisation théâtrale implique la négociation de la signification d’une action ou d’un objet, mais aussi son acceptation par le partenaire de l’échange (Buysse, 2007).

Que ce soit dans le scolaire ou le périscolaire, l’improvisation est un exercice nécessaire à l’apprentissage de l’expression théâtrale. Elle donne accès aux élèves à une « analyse de la réalité à partir d’un discours donné dans un langage artistique original », elle est un « moyen d’interrogation et de vérification de la communicabilité du discours tenu » ; elle est aussi un

« comportement ludiquement élaboré à l’intérieur d’une situation » (Ryngaert, 1996, pp. 8-9). Elle profite du pouvoir d’attraction du jeu, en ayant comme caractéristique fondamentale de se fonder sur un va-et-vient entre la conscience des règles du jeu et l’oubli de ces règles dans une démarche simultanée (Ryngaert, 1996). L’improvisation théâtrale autorise les essais, les reprises et les retours en arrière ; elle rend possibles les allers-retours entre oral et écrit nécessaires à la création collective.

Peut-on pour autant ranger l’improvisation théâtrale parmi les genres textuels ? Si on reprend les trois dimensions essentielles du genre, à savoir des contenus dicibles, une structure communicative particulière des textes et des configurations spécifiques d’unités langagières, peut-on caractériser l’improvisation théâtrale ? Lieu de toutes les possibilités, l’improvisation se joue à la manière d’un film de cinéma muet, d’une comédie musicale, d’un péplum, d’un polar, d’un roman de Jules Verne, d’une pièce d’Ionesco, d’un film de Fellini et de tout ce qui appartient aux partenaires impliqués. La multiplicité des contenus est donc l’une de ses spécificités : il y a les règles et les conventions du jeu, mais il y a aussi leur oubli.

Elle se joue seul ou à plusieurs, avec ou sans directives de départ ; sa structure communicative est donc monologuée ou dialoguée et se planifie parfois au préalable, mais toujours en simultané. Cette structure se module en fonction des joueurs, du style imposé, du temps imparti et des réactions du public. Cette variété, ce réservoir de possibles se

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rapportent aussi à la textualisation. L’improvisation se distingue donc du théâtre par cette création simultanée qui permet une écriture qui intègre directement les réactions du public, mais elle ne saurait présenter des formes stabilisées. Il s’agit donc d’un genre d’activité qui implique un jeu sur une diversité de genres textuels.

Du métier de comédien à celui d’enseignant

Quels traits communs partagent l’enseignement et le jeu dramatique ? L’interprétation d’un personnage et l’enseignement demandent tous deux d’entrer dans une dynamique personnelle et relationnelle orientée autour de trois pôles : le rapport à son personnage, aux autres et au public (Lattion & Papaux, 2003). L’harmonisation de ces trois partitions est ce que le metteur en scène Chekhov (1942/1985) nomme « sens de l’ensemble » ou « justesse relationnelle ». Il est ainsi possible de tenter des rapprochements entre le métier de comédien et celui d’enseignant. C’est le pari d’ailleurs que tiennent Runtz-Christan (2000), Pelletier et Jutras (2008) et Buysse (2007).

La pédagogue Runtz-Christan s’intéresse plus particulièrement aux savoir-être communs aux deux professions. Pour elle, les savoir-être de l’enseignant sont ce qui le rend capable de communiquer avec sa classe, de susciter l’envie d’apprendre, ce qui lui permet « de valoriser sans juger, de réguler sans régulariser, d’anticiper sans antécéder » (Runtz-Christian, p. 15).

Parmi les savoir-être partagés par le comédien et l’enseignant, elle s’intéresse notamment à la présence, résultat d’un savant mélange entre séduction, regard, écoute, voix, aisance, attitude corporelle, rôle, imagination, concentration, professionnalisme et personnalité. Elle considère la prise de conscience de la présence – et de sa contrepartie nécessaire, la distance ! – comme le fruit d’un travail de réflexion dans l’action nécessaire au praticien réflexif (Schön, 1983). La pédagogue insiste sur la valeur de la théâtralité dans l’enseignement :

L’art d’enseigner dépasse la technique et la science en prolongeant leur action par l’intuition du moment, l’invention de situations qui rassurent ou orientent l’élève *…+

La théâtralité n’est pas un style pédagogique propre à certains enseignants doués pour le théâtre, elle relève bien plus essentiellement de la nécessité. Elle structure la relation professeur/élève, elle assoit l’autorité, elle donne à voir et à entendre le savoir (Runtz-Christian, 2000, pp. 110-111).

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Pour Runtz-Christan, il importe que la formation des enseignants prenne en considération les éléments constitutifs de la personne en mettant l’accent sur ces savoir-être.

De leur côté, Pelletier et Jutras (2008) montrent que l’entrainement à l’improvisation théâtrale peut développer la vigilance et la rapidité d’exécution devant une situation non planifiée. Ils s’appuient sur les trois bases de l’improvisation telles qu’elles ont été formulées par Gravel et Lavergne (1987), pionniers de l’improvisation au Québec, afin d’établir des ponts entre l’improvisation et la gestion de classe. Ces trois règles sont les suivantes :

1. Les comédiens qui improvisent ne sont pas en état de duel, mais de coopération ; il faut dire « oui » absolument… Dire « oui » à la proposition de l’autre ou suggérer une meilleure idée, ce qui revient au même (Gravel & Lavergne, p. 28).

2. Les comédiens qui improvisent doivent pratiquer l’écoute totale : « Rien de ce que l’autre dit ne doit m’échapper, rien de ce que je dis ne doit échapper à l’autre»

(p. 28).

3. Les comédiens qui improvisent doivent pratiquer la vision périphérique : «Rien de ce que je fais ne doit échapper à l’autre *rien de ce que l’autre fait ne doit m’échapper] » (p. 28).

Il y aurait à modaliser quelque peu ces règles pour assurer un peu plus leur faisabilité – ni l’enseignant, ni le comédien n’étant des surhommes –, mais il reste que ce contexte interactif qui demande coopération, écoute et attention soutenue s’apparente à celui de la classe. La gestion de classe se verrait donc facilitée par la maitrise de capacités à improviser.

Les deux chercheurs québécois en appellent également au concept de réflexion en action de Schön (1983) qu’ils traduisent par la faculté d’improviser dans le contexte interactif de la classe. Sur scène, les acteurs du théâtre d’improvisation jouent sans scénario ou texte ; leur performance s’appuie sur l’imprévisible. L’enseignant connait à l’avance ce qu’il va enseigner ; toutefois, en fonction des réactions des élèves, il arrive fréquemment que la programmation prévue ne soit pas réalisée et que certains contenus viennent replacer les contenus prédéterminés. Une formation à l’improvisation aiderait l’enseignant à faire face aux imprévus et à élaborer des solutions de manière créative. En outre, elle permettrait de développer davantage l’écoute chez le praticien, l’amenant à être plus ouvert aux dires des élèves plutôt que de prétendre connaitre à l’avance ce qu’ils vont dire.

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De son côté, Buysse (2007) soutient que les dispositifs des formations théâtrales et ceux de la formation des enseignants ont en commun de reposer sur des interactions sociales et une situation d’apprentissage engendrant à la fois compréhension, réflexion sur l’objet transmis et développement d’une réflexivité dépassant en cela cet objet. Il est donc légitime, selon lui, de vouloir emprunter des éléments de la formation théâtrale pour les intégrer à la formation des enseignants. De cette manière, on participe au développement de capacités interactionnelles ou de savoir-être qui ont un impact positif sur le travail de l’enseignant et, généralement, sur l’apprentissage des élèves.

Ces trois points de vue nous donnent une vision transversale de l’enseignement. La partie suivante interroge l’apport de l’improvisation théâtrale dans la formation à l’enseignement du français.

L’enseignant de français, un fictionalisateur

Reprenons nos parallèles entre les mondes de l’enseignement et du théâtre et arrêtons-nous quelques instants aux prescriptions de Voloshinov (1930/1981) à l’écrivain :

L’écrivain doit comprendre les causes et les conditions sociales qui suscitent dans la vie réelle les caractères et les actions auxquels il s’intéresse. L’écrivain ne doit jamais oublier, au moment où il façonne son personnage, que la force expressive de l’œuvre littéraire dépend pour une très large mesure de ce qu’il y a de vérité de la vie en elle (p. 298).

Les prescriptions de l’auteur russe se transposent aisément à la pratique théâtrale. Brecht définit d’ailleurs le théâtre comme ce « qui consiste à fabriquer des reproductions vivantes d’évènements, rapportés ou inventés, qui opposent des hommes, et cela aux fins de divertissement » (1949/2005, p. 11). La pratique de la forme théâtrale se détaille en deux mouvements : la découverte de la réalité psychosociale du personnage et celle de la matérialité physique de son comportement. Ces explorations découlent d’une série d’hypothèses que l’élève ou le praticien effectue en fonction de sa vision du personnage, de sa représentation de la finalité souhaitée par le metteur en scène et selon l’effet théâtral présumé de ses actions sur le public (Buysse, 2007). Dans Pensée et langage, Vygotski montre que le « système de Stanislavski » est une tentative de reconstituer le sens latent de chaque réplique du drame, de découvrir la pensée et le vouloir qui se cache derrière chaque

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propos (1934/1997, p. 491). La méthode de l’interprétation scénique agit dans le langage vivant comme point de départ de tout acte de pensée verbale : « Derrière chaque volonté, il y a un objectif volontaire. C’est pourquoi, parallèlement au texte de la pièce, Stanislavski notait le vouloir correspondant à chaque réplique, vouloir qui sert le mouvement de la pensée et le langage du personnage » (p. 494).

Ces impératifs de façonnage de représentations de la « vérité de la vie » s’appliquent-ils à l’enseignant dans le contexte de la classe ? Nous avons vu que le genre textuel en tant qu’outil de communication et objet d’enseignement-apprentissage fonde une pratique langagière en partie fictive puisqu’instaurée à des fins d’apprentissage (Schneuwly & Dolz, 1997). L’élève est là aussi placé dans un espace du faire comme si ; dans cet espace, des jeux de rôles lui permettent de découvrir des lieux sociaux sur la parole. Nous montrons l’importance de la mise en place du faire comme si à l’aide du concept de fictionnalisation, emprunté à Schneuwly.

Se référant à Vygotski pour qui un des rôles de l’école est de mener les élèves à des formes d’expression orale dont la maitrise implique volonté et conscience, Schneuwly (1997) souligne la nécessité dans l’enseignement de privilégier des formes de productions orales définies de l’extérieur, formelles et médiates aux formes autorégulées, quotidiennes et immédiates. Nous retrouvons l’idée de l’éducation comme source de développement artificiel développée précédemment. Toute activité langagière complexe suppose ce que Schneuwly appelle une «fictionnalisation », à savoir une représentation interne, cognitive de la situation d’interaction sociale. Cette représentation abstraite agit sur la forme du contenu de la production de l’élève, elle sert à en construire la base d’orientation.

Les paramètres du contexte (énonciateur, destinataire, but et lieu social) ne sont que partiellement les instances physiques et sociales de la production et de la réception immédiates et doivent être fictionnalisées pour fonctionner comme base d’orientation de la production ; on en trouvera d’ailleurs les traces dans le texte (...) la fictionnalisation peut être considérée comme une polyopération génératrice de la forme du contenu du texte, posant en particulier quelques contraintes sur le choix d’un genre de discours. Cette capacité de fictionnaliser apparait dès lors comme l’une des composantes essentielles du système psychique à construire pour la maitrise de formes complexes de paroles (Schneuwly, 2003, document web).

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Dans des termes vygotskiens, la fictionnalisation est la condition pour que l’élève transforme le rapport à son propre langage et le rende ainsi plus conscient et volontaire. Dans le cadre de l’apprentissage des genres oraux, cette transformation consiste à faire « monologiser le dialogue » (Schneuwly, 2007b, p. 24).

Pour Bernié (2002), l’intériorisation par les élèves de rôles sociaux (transposant ceux qui structurent les communautés porteuses des pratiques de référence) constitue une condition essentielle à la construction d’un espace sociodiscursif de partage des significations ou, autrement dit, de contrats de communication dans la classe. La reconstruction par le sujet élève des paramètres de l’interaction sociale est porteuse d’apprentissages. Le chercheur de l’université de Bordeaux définit la fictionnalisation comme la « lisibilité sociale du contexte dans lequel se déroule l’activité scolaire » et en fait une propriété didactique fondamentale des situations et des outils (Bernié, 1998, p. 167). Il ajoute que dans une perspective

« translinguistique » la notion permet une description renouvelée des productions verbales, orales ou écrites, des élèves de tous âges et des productions émanant des textes de référence (Bernié. 1998, p. 172). En réception, la fictionnalisation se traduit par la mise en place de situations communicatives par l’enseignant qui conditionne la valeur attribuée au paramètre lieu social ; ces situations ont une valeur prédictive sur les contenus et, par

« translinguistique » la notion permet une description renouvelée des productions verbales, orales ou écrites, des élèves de tous âges et des productions émanant des textes de référence (Bernié. 1998, p. 172). En réception, la fictionnalisation se traduit par la mise en place de situations communicatives par l’enseignant qui conditionne la valeur attribuée au paramètre lieu social ; ces situations ont une valeur prédictive sur les contenus et, par