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L’analyse de pratiques : un outil pour la formation des enseignants L’analyse de pratiques sert d’outil de médiation, car elle permet une clarification et une

Outils du formateur et dispositifs de formation prévus

4.2. Le genre du texte : un mégaoutil

4.2.2. Deux genres d’activité de formation : improvisation théâtrale et analyse de pratiques analyse de pratiques

4.2.2.2. L’analyse de pratiques : un outil pour la formation des enseignants L’analyse de pratiques sert d’outil de médiation, car elle permet une clarification et une

réflexion sur les dynamiques qui interfèrent dans le feu de l’action. En effet, l’élucidation des pratiques du sujet en situation professionnelle par le questionnement, l’explicitation ou le dialogue a pour but de produire des savoirs sur l’action et de formaliser des savoirs d’action (Altet, 2001). L’alternance entre la formation continue et la classe est aussi un vecteur de sens. Les activités d’analyse de pratiques et d’alternance opèrent des médiations par l’intériorisation et la mise en mots de la pratique, la sienne et celle des autres. Elles font émerger chez le formé des éléments susceptibles d’entrer en conflit avec leurs représentations actuelles; dans les échanges, les formateurs visent notamment à ce que des connaissances nouvelles, intégrables dans la configuration actuelle de leurs représentations, apparaissent et les engagent dans une prise de conscience susceptible de développement

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(Bronckart, 2008). Pour nous, ce sont deux genres d’activité professionnelle. Voyons plus précisément en quoi.

Par le fait qu’elles impliquent une intériorisation progressive de démarches d’explicitation, d’anticipation, de justification ou d’interprétation, les démarches d’analyse de pratiques et d’alternance devraient mener à l’adoption d’une pratique réflexive par l’enseignant formé.

Avoir conscience de ses expériences vécues n’est rien d’autre que les avoir à sa disposition à titre d’objet (d’excitant) pour d’autres expériences vécues. La conscience est l’expérience vécue d’expériences vécues, exactement de la même façon que les expériences vécues sont simplement les expériences vécues des objets (Vygotski, 1925/2003, p. 78-79).

Pour Miffre (2007), la présence de ces démarches est inhérente à des dispositifs de formation en accord avec la théorie vygotskienne. Trois affirmations du psychologue russe lui servent à étayer son propos. Première affirmation : « le redoublement de l’expérience est obligatoire pour le travail humain » (Vygotski, 1925/2003, p. 61) : le travail répète dans les mouvements des mains et dans les modifications du matériau ce qui a été fait précédemment dans l’imaginaire du travailleur et dans les modèles disponibles. Cette expérience renouvelée, historique et sociale, permet au travailleur de développer des formes d’adaptation actives. Deuxième affirmation : « [e]n agissant sur la nature extérieure pour la transformer, *l’homme+ modifie sa propre nature » (Vygotski, 1930/1985a, p. 44). La mise en relation de la représentation de ce qui est à faire et sa mise à exécution peut occasionner l’acquisition de nouveaux comportements. Troisième affirmation : « Toute pensée a un mouvement, un déroulement, un développement, bref toute pensée remplit une certaine fonction, effectue un certain travail, résout un certain problème » (Vygotski, 1934/1997, p. 428-429). Dans les dispositifs de formation, le formé doit avoir la possibilité d’être confronté à ses difficultés, de les surmonter, de construire de nouveaux concepts, de revenir sur les anciens, de se corriger, de mesurer la portée de ces changements dans sa pratique. En somme, les activités d’analyse de pratiques aident l’enseignant formé à prendre conscience de ce qu’il fait, ce qui l’amène à utiliser de façon consciente ses propres savoirs.

Corolairement, l’adoption de cette démarche d’intériorisation peut amener l’enseignant formé à favoriser une telle prise de conscience chez ses élèves.

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Cette prise de conscience, cette réflexivité, s’accompagne d’une mise en mots. Pour dégager les implicites et les détails de sa propre action, le formé a besoin d’aide : les raisons d’agir ou celles de ne pas agir sont souvent non conscientes et non conceptualisées. Le dialogue est considéré comme la source d’un processus réflexif permettant d’accompagner le ou les sujets jusqu’à une zone de développement potentiel : c’est le regard de l’alter ego ou du formateur qui va contraindre le formé observé à se resituer dans un espace médian, où son potentiel va se confronter à celui de l’autre, en renouvelant au besoin ses références (Clot et Faïta, 2000, p. 37). Le rapport dialogique instauré par cet entretien est double : il prend place entre le locuteur sujet et le formateur ou le pair qui l’observe ainsi qu’entre le sujet et lui-même. Le mouvement dialogique est à la base d’un processus transformateur :

Le mouvement dialogique crée : il crée des rapports renouvelés de situation en situation entre le locuteur sujet et les autres, mais aussi entre ce même locuteur et celui qu’il a été dans la situation précédente, et aussi comment il a été. Ce faisant, il transforme, révèle et développe, au sens photographique du terme, les positions des interlocuteurs qui s’élaborent au fil du mouvement, voire se déstructurent sous l’effet de contradictions générées par ce même mouvement dialogique (Clot et Faïta, 2000, p. 22).

Le je du discours devient le je de l’action, contrastant sa pratique avec celles des autres acteurs possibles, avec les autres manières de faire, avec ce qu’il aurait pu faire (Vanhulle, 2009).

Parce qu’elle est dotée de composantes thématiques, compositionnelles et stylistiques propres, qu’elle comporte un caractère institutionnel et qu’elle établit un mode d’interaction particulier entre formateur et formé, nous faisons de l’analyse de pratiques un genre d’activité professionnel. Ce genre d’activité professionnel fournit la possibilité d’une nouvelle conceptualisation des dispositifs et des activités des enseignants formés observés.

Cette re-conceptualisation s’effectue à travers des confrontations avec de multiples interlocuteurs, collègues et formateurs, et avec un matériau composite des traces de leur propre activité.

Dans la séquence de formation, l’analyse de pratiques vise à rendre compte du traitement des contenus de savoir en lien à un objet d’enseignement, l’argumentation orale. Par exemple, nous prévoyons mener une activité collective d’analyse de pratiques dans la

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séquence à partir d’extraits filmés et transcrits de leçons d’enseignants formés portant soit sur le débat régulé, soit sur l’entretien d’embauche. Le collectif devrait examiner les modalités du dispositif et déterminer quels contenus sont travaillés et dans quelle organisation séquentielle. Il s’agirait ensuite de souligner les points forts et les limites du dispositif mis en place par les enseignants.

Conclusion : fonctions et positions des outils dans la recherche

En guise de conclusion de ce chapitre, nous présentons la synthèse des principaux outils du formateur de manière à les situer dans les différents plans de la recherche doctorale : le système d’enseignement formé de l’enseignant formé, des élèves du CEPTA et de l’objet d’enseignement ; le système de la formation conçu par le formateur, les enseignants formés et l’objet de la formation ; l’espace de la recherche.

À l’intérieur du système de la formation se retrouvent les genres à enseigner et les genres pour enseigner. Les genres à enseigner sont les objets d’enseignement en classe. Genres seconds, leur appropriation présuppose un enseignement formel (Schneuwly, 2007b). C’est sur ce plan que nous situons le genre textuel. C’est au travers du genre qu’un texte est donné et perçu. Il est une forme stable et souple à la fois, élaborée et reconstruite continuellement dans des sphères d’activités humaines, parmi lesquelles on peut ranger l’école. Deux genres textuels sont traités dans notre recherche, l’entretien d’embauche et le débat régulé ; leur didactisation vise à faire développer des capacités langagières argumentatives orales chez les élèves.

Les genres pour enseigner sont les genres qui règlent l’interaction entre le formateur et les formés ainsi que celles entre l’enseignant et les élèves ou qui servent à transmettre des savoirs ou des savoir-faire. Les genres d’activité scolaire en font partie. Trois dimensions servent à les caractériser : la délimitation d’un certain contenu, une organisation typique de l’enchainement des activités dans la classe, une forme de textualisation reconnaissable dans les formes d’interactions entre enseignants et élèves (Aeby Daghé, 2009). Les genres d’activité scolaire règlent les conditions de la mise en œuvre concrète de l’objet en classe ; ce sont des outils à l’intérieur de la discipline pour aborder les textes. Ils agissent comme organisateurs de la pratique enseignante (Aeby Daghé, 2008).

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L’analyse de pratiques basée sur l’alternance, devient genre d’activité pour former les enseignants. Et ce, que ce soit par la technique de l’autoconfrontation simple ou de l’activité d’analyse des contenus et du discours de la formation. Le débat, l’entretien d’embauche et l’improvisation théâtrale entrent aussi dans la catégorie des genres d’activité de la formation. Comme le genre d’activité scolaire et de formation, l’analyse de pratiques occupe une fonction différente selon qu’elle se situe dans le système de la recherche ou celui de la formation : dans la formation elle sert la médiatisation des savoirs en lien avec l’enseignement de l’argumentation orale alors que, dans la recherche, elle permet de croiser les indices sur la base desquels nous produirons nos inférences au moment de l’analyse des données, elle documente les pratiques de classe observées et, plus généralement, elle sert d’outil heuristique pour l’analyse de notre corpus.

À l’intérieur du système didactique, nous situons le genre scolaire, le genre scolarisé et le genre enseigné. Les deux genres oraux argumentatifs de notre recherche pourraient être qualifiés encore de genres scolarisés, puisqu’ils ne sont pas comme l’exposé oral ou la dissertation des productions propres à l’école, mais des adaptations et des transformations de genres existants ou de pratiques sociales de référence.

Dans la recherche, l’analyse des pratiques de classe et de formation donne accès aux genres effectivement enseignés. La description des pratiques de la formation et des pratiques enseignantes, nous le verrons dans le chapitre portant sur la méthodologie de notre recherche (cf. chapitre VII), fait appel à la notion de genre d’activité scolaire comme un outil d’analyse heuristique du corpus de pratiques effectives. En effet, dans le but de reconstruire l’organisation des séquences d’enseignement, les genres d’activité permettent de découper des unités intermédiaires dans l’unité d’analyse première de la séquence. La figure 4.7 illustre les positions des outils dans les différents systèmes de notre recherche :

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Figure 4.7 : Situation des différents genres, outils et objets, utilisés dans la recherche

Objet de recherche

Genres d’activité descripteurs de la pratique de classe Genres d’activité descripteurs de la pratique de la formation

Analyse de pratiques de formation et de classe Pratiques sociales de référence

Genres pour former

Formés

Objet de la formation

Enseignant

Élèves Objet enseigné

Genres pour former : genres d’activité organisateurs de la formation

(Ingénierie de la formation)

Formateurs

Ingénierie didactique

Genres pour enseigner : Genre d’activité Organisateurs de la pratique

Genres enseignés Genres scolarisés Genres à

enseigner : Genres textuels à modéliser

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What principles should underpin the curriculum of the future? First, will the curriculum continue to be based on a clear separation between the theoretical knowledge to be acquired at school and the practical knowledge that people acquire in their everyday lives? And second, will the curriculum continue to take the disciplinary form that became established during the nineteenth century, or should it give far greater emphasis to the practical and social skills and knowledge that, many argue, adults are likely to need in a competitive global economy? Answers to these questions will depend, at least in part, on the assumptions that are made about the nature of knowledge, how and in what ways it changes and how the knowledge on which the curriculum is based differs (and should differ) from the everyday knowledge of communities and workplaces.

(M. F. D. Young, 2008, p. 35)

CHAPITRE V