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Former à enseigner l'argumentation orale: de l'objet de formation à l'objet enseigné en classe de culture générale

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Thesis

Reference

Former à enseigner l'argumentation orale: de l'objet de formation à l'objet enseigné en classe de culture générale

GAGNON, Roxane

Abstract

La présente thèse observe l'impact d'une formation continue sur les pratiques d'enseignants de culture générale d'un centre de formation professionnelle à Genève. Grâce à l'observation audio et vidéo de la mise en œuvre en formation et dans les classes de deux « mêmes » objets d'enseignement, l'entretien d'embauche et le débat régulé, elle teste des outils méthodologiques élaborés initialement pour analyser les pratiques d'enseignement ordinaires en les appliquant aux pratiques de formation. L'étude empirique met en lumière les transformations, la sélection et hiérarchisation des contenus d'enseignement et de formation ainsi que les variables didactiques qui déterminent ces choix. La thèse s'inscrit ainsi dans le mouvement actuel de la recherche sur la formation des enseignants qui, à partir d'études empiriques, ambitionne de construire des savoirs sur la pratique dans une visée formative.

GAGNON, Roxane. Former à enseigner l'argumentation orale: de l'objet de formation à l'objet enseigné en classe de culture générale. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2010, no. FPSE 452

URN : urn:nbn:ch:unige-67778

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:6777

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:6777

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Former à enseigner l’argumentation orale

De l’objet de formation

à l’objet enseigné en classe de culture générale

par

Roxane GAGNON

Thèse n° 452

Directeur :

Joaquim Dolz, Professeur, Section des sciences de l’éducation (FPSE) de l’Université de Genève Commission de thèse :

Suzanne-G. Chartrand, Professeure titulaire, Département d’études sur l’enseignement et l’apprentissage, Université Laval (Québec)

Claudine Garcia-Debanc, Professeure des Universités, Département de Sciences du Langage de l'Université de Toulouse le Mirail

Élisabeth Nonnon, Professeure des Universités, IUFM Lille

Bernard Schneuwly, Professeur, Section des sciences de l’éducation (FPSE) de l’Université de Genève

Genève 2010

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REMERCIEMENTS

Plusieurs personnes m’ont accompagnée au cours de la conception et de la production de cette recherche doctorale ; par leurs encouragements et leur intelligence, ils ont su m’insuffler l’énergie et l’espérance nécessaires à ce travail de longue haleine. Il s’agit d’abord de Joaquim Dolz, directeur de thèse, qui, en plus de m’avoir accueillie comme sa propre fille au moment où je débarquais du Québec, n’a jamais cessé de valoriser mon travail. Ma gratitude va également à Bernard Schneuwly, pour ses lectures attentives et pour son pragmatisme. Ensuite, mes remerciements vont à l’équipe du GRAFE, composée de chercheurs émérites, qui allie l’esprit critique à la promotion du travail de tous. Ma reconnaissance s’adresse tout particulièrement à Serge Érard, pour sa collaboration, et à deux lectrices toujours très minutieuses : Sandrine Aeby Daghé et Thérèse Thévenaz- Christen. Marianne Jacquin, Yann Vuillet et Simon Toulou m’ont également fourni une aide qui, bien que ponctuelle, était nécessaire à mon travail.

J’ai su aussi profiter d’autres grands esprits de l’Université de Genève. Il s’agit de François Audigier, de Daniel Bain, de Jean-Paul Bronckart, de Laurent Fillietaz et de Maria-Luisa Schubauer-Leoni. Un merci spécial à Kristine Balslev, Barbara Duc, Carole-Anne Deschoux et Cécilia Mornata, partenaires scientifiques et complices de mes espiègleries.

J’ai été très bien accueillie par les membres de l’établissement professionnel (CEPTA) dans lequel j’ai effectué le recueil de mes données. Mes remerciements vont ici d’abord aux enseignants qui, en plus d’avoir suivi ma formation, ont accepté de bien vouloir m’ouvrir les portes de leurs classes. J’espère que leur lecture de ma thèse pourra prolonger les échanges que nous avons eus et contribuer à donner du sens à ce que nous avons partagé. Je souligne la disponibilité de Madame Murielle Monnier Keele, documentaliste, et de Monsieur Gérald Dayer, responsable de la culture générale à l’IFFP, qui ont bien voulu me guider dans les dédales de la formation professionnelle à Genève.

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J’ai, en outre, pu compter sur l’appui et la rigueur de Suzanne-G. Chartrand, première responsable de ma « carrière » scientifique. Ce sont ses encouragements qui m’ont poussée à entreprendre des études doctorales à Genève. Je souligne, au passage, que ma transition Québec-Genève a été facilitée par l’obtention d’une bourse du Fonds québécois de la recherche sur la Société et la culture (FQRSC).

Je remercie également Élisabeth Nonnon d’avoir eu l’amabilité de lire les balbutiements de cette thèse et de m’avoir fait bénéficier de ses commentaires éclairés.

Catherine Achtari et Santiago Mosquera Roa ont bien voulu m’aider dans le travail de révision. Je les remercie de leurs efforts et surtout de la bonne humeur avec laquelle ils les ont consentis.

Merci à Ismaël, partenaire de vie, pour la mise en forme du présent document, mais surtout de m’avoir fait un enfant.

Merci enfin à mon père qui a cru en moi jusqu’à la fin.

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TABLES DES MATIÈRES

INTRODUCTION... 1

A. Origine de la recherche ... 1

B. Un regard didactique sur la formation des enseignants ... 4

PREMIÈRE PARTIE Objet de recherche et point de vue adopté ... 9

CHAPITRE IRecherche et formation des enseignants : Situation de l’objet de recherche ... 15

1.1. Éléments du contexte actuel ... 16

1.1.1. Une recherche en éducation utile ... 17

1.1.2. Un enseignant compétent ... 18

1.1.3. Un professionnel du métier ... 21

1.2. Essai de délimitation de configurations de recherches sur la formation des enseignants de 1960 à aujourd’hui ... 26

1.2.1. Premier temps : élaboration et validation de modèles d’enseignement ... 26

1.2.2. Deuxième temps : activité et langage de l’enseignant ... 30

1.3. La formation des enseignants sous l’angle de la didactique ... 36

1.3.1. Les recherches en didactique professionnelle ... 39

1.3.2. Les recherches en didactique du français ... 41

1.3.3. Notre recherche en didactique : une formation continue sur l’argumentation orale et son impact sur les pratiques effectives des enseignants formés ... 45

CHAPITRE IILa formation des enseignants dans le cadre de la transposition didactique 47 2.1. La transposition didactique : savoir savant, didactisé, enseigné ... 49

2.1.1. La transposition didactique, de la sociologie à la didactique ... 50

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2.1.2. Théorie de l’anthropologie didactique et praxéologies ... 52

2.1.3. Le propre de la didactique : les savoirs ... 58

2.1.4. Légitimité des savoirs et discipline scolaire ... 62

2.1.5. De quelques débats autour de la transposition didactique ... 66

2.2. La formation des maitres, didactification de la didactique ... 70

2.3. Systèmes et concepts retenus pour notre recherche ... 79

DEUXIÈME PARTIE

Savoirs savants, scolaires et de la formation : Analyse à priori de l’objet argumentation orale

... 83

CHAPITRE III L’argumentation orale, l’éclairage des disciplines de référence et de la didactique ... 89

3.1. Les théories de l’argumentation ... 90

3.1.1. La rhétorique : de l’art du bien parler au schéma de l’argumentation ... 90

3.1.2. La pragmatique : l’argumentation en contexte ... 94

3.1.3. Argumentation et logique naturelle ... 95

3.1.4. La linguistique : l’argumentation dans la langue, le discours, le texte et la conversation ... 96

3.1.5. La psychologie et la psycholinguistique : l’individu et ses conduites langagières argumentatives ... 98

3.2. La didactique : l’enseignement de l’argumentation orale ... 100

3.2.1. Traitement disciplinaire ou interdisciplinaire de l’argumentation ... 100

3.2.2. L’argumentation dans les disciplines scolaires issues des sciences sociales ... 102

3.2.3. L’enseignement de l’argumentation en français ... 104

3.3. Nos choix des savoirs à enseigner pour l’argumentation orale ... 107

3.3.1. Un critère d’enseignabilité ... 108

3.3.2. Un critère de cohérence et de solidarité ... 109

3.3.3. Un critère de pertinence ... 112

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CHAPITRE IVOutils du formateur et dispositifs de formation prévus ... 119

4.1. L’outil, fondements théoriques de la notion ... 121

4.1.1. Des catégories d’outils… pour apprendre à enseigner l’argumentation orale .... 124

4.2. Le genre du texte : un méga-outil ... 126

4.2.1. Modèles et séquences didactiques des genres oraux retenus pour la formation ... 140

4.2.2. Deux genres d’activité de formation : improvisation théâtrale et analyse de pratiques ... 161

CHAPITRE VCulture Générale et enseignement du français ... 179

5.1. Portrait général de la formation professionnelle à Genève ... 180

5.2. L’enseignement de la culture générale en formation professionnelle de 1874 à 2004 : de l’artisan à l’apprenant compétent ... 185

5.2.1. Les lois sur la formation professionnelle de 1930 et de 1963 ... 185

5.2.2. Le plan d’études cadre pour l’enseignement de la Culture Générale de 1996 ... 190

5.2.3. Le plan d’études cadre de 2006 ... 194

5.3. La langue dans la formation professionnelle : quel cadre disciplinaire ? ... 202

Synthèse conclusive de la deuxième partie : ... 209

Cartes conceptuelles des genres argumentatifs oraux et formes d’enseignement associées ... 209

TROISIÈME PARTIE Cadre méthodologique ... 227

CHAPITRE VI Postulats théorico-méthodologiques et questions de recherche ... 231

6.1. Trois défis liés à l’objet d’étude ... 231

6.2. Principes méthodologiques et type de recherche ... 233

6.2.1. Une recherche-action ? ... 233

6.2.2. Une recherche en situation ? ... 236

6.2.3. Une recherche expérimentale ? ... 237

6.2.4. Quelle présence sur le terrain et quelle triangulation des données ? ... 238

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6.2.5. Caractéristiques de la recherche ... 239

6.3. Présupposés théorico-méthodologiques ... 239

6.3.1. Nos unités d’analyse ... 241

6.3.2. Synthèse des questions de recherche ... 250

CHAPITRE VII Démarche méthodologique ... 255

7.1. Recueil et traitement des données ... 255

7.1.1. La formation continue : population et conditions de recueil de données ... 256

7.1.2. Les cours de culture générale : population et conditions de recueil de données : ... 258

7.1.3. Les entretiens didactiques d’autoconfrontation simple ... 262

7.1.4. Transcription des pratiques de formation et d'enseignement ... 264

7.2. Des outils méthodologiques pour une analyse multifocale ... 266

7.2.1. La carte conceptuelle ... 267

7.2.2. Un point de vue macro : le synopsis, la macrostructure pour dégager la dynamique des activités langagières ... 267

7.2.2. Un point de vue mezzo et micro par l’analyse de contenu des interactions ... 271

7.2.3. Synthèse des différents niveaux d’analyse ... 278

QUATRIÈME PARTIE Analyses ... 283

Résumés descriptifs des séquences………..296

CHAPITRE VIII Macrostructures des séquences d’enseignement : catégories de contenus, démarches et activités ... 295

8.1. Les grandes catégories de contenus et les démarches principales dans les séquences ... 297

8.1.1. La séquence de formation continue effective ... 297

8.1.2. Macrostructures des séquences effectives en classe de culture générale ... 304

8.1.3. Synthèse : trames d’organisation des contenus et des démarches ... 316

8.2. L’activité langagière dans les séquences ... 320

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8.2.1 Premier classement : genre d’activité et répartition des activités langagières dans

les séquences ... 320

8.2.2. Second classement en fonction de l’objectif des activités ... 325

CHAPITRE IX Obstacles et apports dans les séquences ... 341

9.1. Les contributions des formés ... 344

9.1.1. Repérage des obstacles et apports chez les formés : des résultats hétérogènes 345 9.1.2. Les accords entre deux juges ... 346

9.1.3. Incidences sur le déroulement de la séquence : quel guidage est opéré ? ... 355

9.1.4. Quelques constats quant aux régulations en formation ... 367

9.2. Les contributions dans les classes de culture générale ... 368

9.2.1. La classe de Rosalie ... 370

9.2.2. La classe de Mireille ... 379

9.2.3. Synthèse des contributions analysées en classe : quelle forme d’enseignement prédomine ? ... 395

9.3. Conclusion ... 396

CHAPITRE XSavoirs institutionnalisés dans les interactions ... 399

10.1. Les institutionnalisations dans la formation ... 402

10.1.1. Les dimensions institutionnalisées dans la formation ... 404

10.1.2. Les démarches et outils langagiers pour institutionnaliser dans la formation .. 410

10.2. Les institutionnalisations dans la classe de culture générale ... 423

10.2.1. Le débat dans la classe d’Isabelle... 423

10.2.2. L’entretien d’embauche dans la classe de Rosalie... 428

10.2.3. De la formation à la classe : quels contenus sont institutionnalisés ? ... 433

10.2.4. Les démarches et outils langagiers pour institutionnaliser dans la classe de culture générale ... 435

10.3. Conclusion……….441

Conclusion intermédiaire :bilan de la formation ... 445

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 453

A. Synthèse des résultats obtenus et réponses aux questions de recherche ... 454

B. Schéma dynamique des interrelations entre les deux systèmes didactiques ... 466

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C. Bilan et perspectives théoriques et méthodologiques de la recherche ... 469 D. Quelques éléments de prospective pour la formation et la recherche ... 471 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 475

ANNEXES CD ROM I : Annexes (I à VII)

Annexe I : supports écrits (entretien embauche)

Annexe II : exemple de transformation de la modalisation d’un énoncé Annexe III : diaporamas de la formation continue

Annexe IV : synospsis des séquences Annexe V : grille d’observation-évaluation Annexe VI : travail de conception de dispositifs

Annexe VII : questions typiques (entretien d’embauche) CD ROM II : Annexes (VIII à X)

Annexe VIII : support de formation

Annexe IX : corpus de transcriptions pour l’analyse des contributions (chapitre IX) Annexe X : corpus de transcriptions pour l’analyse des institutionnalisations (chapitre X)

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INTRODUCTION

Ce sont le but et les moyens qui déterminent la scientificité d’un thème donné, et rien d’autre.

(Vygotski, 1925/1999, p. 310)

La présente thèse étudie l’impact d’une formation continue sur les pratiques d’enseignants de culture générale d’un centre de formation professionnelle à Genève. Grâce à l’observation audio et vidéo de la mise en œuvre en formation et dans les classes de deux

« mêmes » objets d’enseignement, l’entretien d’embauche et le débat régulé, elle teste des outils méthodologiques élaborés initialement pour analyser les pratiques d’enseignement ordinaires en les appliquant aux pratiques de formation. L’étude empirique met en lumière les transformations, la sélection et hiérarchisation des contenus d’enseignement et de formation ainsi que les variables didactiques qui déterminent ces choix. La thèse s’inscrit ainsi dans le mouvement actuel de la recherche sur la formation des enseignants qui, à partir d’études empiriques, ambitionne de construire des savoirs sur la pratique dans une visée formative.

A. Origine de la recherche

Si nous nous sommes intéressée1 à la formation des enseignants, c’était pour mieux connaitre2 les recherches s’y rapportant et ainsi mieux agir sur celle-ci. Nous voulions contribuer à transformer certaines conceptions des enseignants au sujet de l’enseignement de l’oral et leur fournir de l’aide à la compréhension de cet objet ainsi que des outils pour l’action et la rétroaction. Nos travaux antérieurs, au Québec ou en Suisse, nous avaient menée à constater la précarité de l’enseignement de cette composante du français ; cette précarité s’expliquant par diverses raisons : l’absence d'orientations didactiques claires,

1 Ici et dans la suite du présent texte, nous nous autoriserons la syllepse grammaticale lorsque le pronom nous réfèrera à notre propre personne.

2 Nous appliquons les rectifications orthographiques telles qu’approuvées par l’Académie française en 1990.

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fondées théoriquement et socialement, l’insécurité des enseignants vis-à-vis de cet objet d'enseignement et, particulièrement au Québec, le statut de la langue parlée.

Découvrant le champ de la recherche sur la formation des enseignants, nous avons été frappée par la diversité des angles d’approche et des objets d’étude : recherches mesurant l’efficacité des enseignants, recherches-action, analyses de pratiques, élaboration de modèles écologiques, travaux sur l’alternance, sur l’ingénierie de la formation. La liste est longue et, avec l’influence des travaux en ergonomie cognitive et en psychologie du travail, elle ne fait que s’allonger. Partant des quelques travaux en didactique portant spécifiquement sur la formation des enseignants, nous avons construit peu à peu notre dispositif de recherche. À la lecture de la thèse de Portugais (1995), d’une contribution de Thévenaz-Christen (2000), nourrie par les idées de Dolz, nous avons entrepris de défendre le postulat suivant : la prise en compte des phénomènes transpositifs est nécessaire à l’appréhension de la formation à une discipline d’enseignement.

Ne perdant pas de vue l’idée de pointer un objet particulier de la formation à l’enseignement – l’oral, mais plus spécifiquement l’argumentation orale – nous avons mis sur pied un dispositif de recherche en vue d’observer l’impact d’une formation sur les pratiques d’enseignement. Les circonstances ont fait que notre projet de recherche- formation a été accepté par la direction d’un établissement professionnel au secondaire postobligatoire à Genève. Nous avons organisé notre formation autour de la didactisation de deux genres argumentatifs oraux correspondant à l’établissement, à savoir le débat régulé et l’entretien d’embauche, dans le but de développer des capacités langagières en français. La formation a été dispensée à un groupe d’enseignants de culture générale du centre professionnel au cours de l’année scolaire 2006-2007. Ceux-ci l’ont bien reçue, puisque plus de la moitié d’entre eux ont accepté de nous ouvrir les portes de leurs classes afin que nous puissions aller les observer au moment où ils travaillaient l’argumentation orale avec leurs élèves.

Notre recherche a alors pris une nouvelle orientation : nous n’allions plus seulement observer et analyser les phénomènes transpositifs du contexte institutionnel de la formation à celui de la classe ; il nous fallait également tenir compte de la place et de l’effet des différents cadres disciplinaires désormais impliqués dans notre recherche (la didactique du

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français, la culture générale et ses ramifications en histoire, en éducation à la citoyenneté, en économie et en français). L’entreprise pouvait maintenant commencer…

« Réhabiliter » des objets mal aimés

Au fil de son élaboration, nous avons réalisé que les objets d’étude de la présente thèse partageaient ironiquement le fait d’être boudés ou négligés par les recherches actuelles en éducation. La formation continue, par sa diversité et son caractère facultatif ou accessoire, est le fait d’expériences isolées. En Suisse, malgré son récent essor dans le secteur tertiaire, sa place et son intégration dans les programmes de formation des enseignants, tout comme ses articulations aux pratiques professionnelles, restent à faire (Lehmann, Criblez, Guldimann, Fuchs & Bagnoud, 2006) et à penser. Pour ce qui est de la filière de la formation professionnelle, les critiques formulées à son endroit renvoient à la rareté des savoirs théoriques ou savants, la limitant depuis toujours « à l’utilitaire et au strict nécessaire » (Hofstetter, 1998, p. 317). Le petit nombre de travaux didactiques sur le sujet en atteste, et ce, malgré les taux de fréquentation de la filière professionnelle : en Suisse, elle attire plus de 70% des élèves du postobligatoire (Amos & Ratoldo, 2002). Que dire à propos de l’enseignement de l’oral ? Favori des recherches en didactique au tournant de la dernière décennie, il occupe à l’heure actuelle les derniers rangs des préoccupations de la recherche en didactique, relégué bien loin derrière la lecture et la littérature dans les thématiques de colloques ou dans celles des revues spécialisées. Les problèmes criants et brulants des années 1990 auraient-ils été résolus ? Dans la classe, l’oral aurait-il cessé d’être OVNI (Objet Verbal Non Identifié) (Halté, 2005), fantôme omniprésent (Nonnon, 1992) ou bon à tout faire (de Pietro & Withner, 199) ? Au contraire, est-il juste de croire que l’oral s’y acquiert toujours largement de manière incidente (de Pietro & Dolz, 1997) ? Quant à la culture générale, son caractère hybride et passe-partout la condamne à ne pas être prise au sérieux en tant que domaine d’enseignement. Et pourtant, elle occupe toujours une place importante dans le postobligatoire. Aussi, un des premiers objectifs de cette thèse est d’aborder ces thèmes d’études hors de la doxa et de tenter d’élaborer un discours rigoureux et argumenté sur ceux-ci.

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B. Un regard didactique sur la formation des enseignants

Parmi les raisons qui expliquent que l’enseignement est jugé par certains comme une

« semi-profession » (Etzioni, 1969), le statut incertain des savoirs nécessaires à la profession figure en tête de liste. Il est vrai que la formation des enseignants combine des objets et des démarches variés, articulant construction de savoirs et capacité d’agir dans des disciplines scolaires (Thévenaz-Christen & Sales-Cordeiro, 2007, p. 95), mais aussi dans l’environnement de la classe elle-même. Celui qui s’intéresse à identifier ou à catégoriser les savoirs de la formation se trouve confronté à devoir à la fois isoler les savoirs du tout complexe dont ils font partie et comprendre leur imbrication et leur articulation. Peut-être est-ce pour cela que la grande majorité des travaux de recherche sur la formation des enseignants accordent une place plus grande aux savoirs détenus qu’aux savoirs objectivés3 ? En effet, la grande majorité des travaux portent sur des composants identitaires, que ce soient des capacités, des connaissances, des compétences, des aptitudes, des attitudes ou des professionnalités.

Les savoirs objectivés, renvoyant à des réalités ayant le statut de représentation et faisant l’objet d’une valorisation sociale sanctionnée par une activité de transmission- communication (Barbier, 1996), sont peu prisés par la recherche. C’est donc dans le but de poser un regard neuf sur la formation des enseignants que nous avons décidé d’examiner la formation des enseignants à partir des contenus de savoir objectivés. Ce point de vue didactique permet la nécessaire mise en perspective historique et épistémologique de la formation, en plus de contribuer à l’orchestration des discours émanant des sciences de références et des différents acteurs impliqués (Nonnon, 1999). De fait, il contribue à consolider les savoirs nécessaires à la formation à l’enseignement.

Une double triangulation

L’un des objectifs de la thèse est d’observer les transformations d’un même objet, le texte argumentatif oral, au cours de ces passages dans le cadre de la formation continue et dans celui de la classe de culture générale. Comment penser ces phénomènes de relais ?

3 Cette distinction a été faite par Barbier (1996).

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Sous l’angle de la didactique, les situations de formation des enseignants requièrent la prise en compte d’une double relation triadique : ce qui équivaut à délimiter les zones de partage entre le système didactique et le système de la formation et à observer leur articulation. La théorie de la transposition didactique permet de penser la question des savoirs impliqués dans la formation des maitres et de réfléchir au traitement didactique dont ils peuvent être l’objet avant de s’insérer dans le cadre des pratiques effectives de la classe. L’étude de l’organisation du système de savoirs constitutifs de la formation fournit également une compréhension plus fine des caractéristiques de l’activité des formateurs dans une discipline. Et, qui dit transposition didactique, dit aussi prédéfinition de l’objet à enseigner.

Une prédéfinition de l’objet de formation

L’adoption d’une approche didactique pour analyser ces phénomènes de relais des savoirs implique la prise en compte d’une prédéfinition de l’objet. Ces phénomènes doivent être situés par rapport aux pratiques d’enseignement actuelles, mais aussi par rapport aux pratiques anciennes, qui découlent de l’instauration d'institutions sociales relativement durables au cours de l’histoire. Une partie importante de notre travail est donc consacrée à la présentation des différents discours nécessaires à la prédéfinition des objets de formation et d’enseignement. Nous exposons d’abord les discours passés et présents sur l’argumentation orale et sur son enseignement, émanant des disciplines de référence telles que la rhétorique, la linguistique, la psychologie et la didactique. Les conceptions des différentes didactiques disciplinaires quant à l’enseignement de l’argumentation sont ensuite détaillées. Le discours de la formation continue intègre la justification théorique et la description des dispositifs prévus. Ces dispositifs mettent l’accent sur les outils du formateur, ce qui permet d’articuler les champs théoriques et pratiques de la formation.

Deux outils et objets de la formation sont principalement utilisés : les modèles didactiques des genres débat et entretien d’embauche et les genres d’activité (l’improvisation et l’analyse de pratiques). Enfin, nous terminons par le discours de l’institution de formation professionnelle, en nous intéressant plus particulièrement à l’évolution et au traitement de l’enseignement du français en son sein. La synthèse de ces discours guide la constitution des grilles d’analyse des pratiques effectives.

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6 Faire du neuf avec du vieux…

L’originalité de notre démarche de recherche consiste à tester des outils méthodologiques élaborés initialement pour analyser les pratiques d’enseignement ordinaires en les appliquant à une recherche sur les pratiques de formation des enseignants. À faire du neuf avec du vieux… Les emprunts prennent bien sûr appui sur les mêmes présupposés théoriques. Nous ancrons notre démarche dans l’interactionnisme sociodiscursif qui appréhende l’analyse de la construction de connaissance en considérant la relation d’interdépendance existant entre les sujets qui veulent connaitre et l’objet de la connaissance. Suivant ce courant, l’utilisation du langage constitue tout à la fois la trace et l’instrument principal de l’interaction sociale. L’interaction didactique se caractérise par la trace et l’instrument de l’interaction, auxquels s’ajoute l’objet de transmission visée.

Notre analyse des pratiques enseignantes, que ce soit celles de la formation ou celles de classe, reprend sensiblement la même démarche d’analyse que des récents travaux du GRAFE4 autour de l’enseignement de la production écrite et de la subordonnée relative.

Nous observons les pratiques à partir des contenus des interactions didactiques, munie d’une grille de lecture reflétant l’analyse à priori des dimensions et sous-dimensions des objets d’enseignement et l’organisation de celles-ci. Dans une démarche d’analyse multifocale, nous articulons une lecture macro, mezzo et micro des séquences de formation et de classe. Au plan macro, nous examinons les démarches, les unités de contenus et les activités langagières et métalangagières dans les séquences. Par ces indicateurs, nous caractérisons d’abord le passage des dispositifs de formation prévus sur l’enseignement de l’argumentation orale aux dispositifs de formation effectifs. Ensuite, nous observons le passage des dispositifs de formation effectifs aux classes de culture générale. Les obstacles et apports des formés et des élèves composent le plan mezzo de l’analyse. Ces deux unités nous renseignent sur les conditions de réception des contenus de la formation. Quels sont les points de tension ou de négociation dans les interactions entre formés et formateur ?

4 L’acronyme signifie Groupe de Recherche pour l’Analyse du Français Enseigné. Sous la direction des professeurs Joaquim Dolz et Bernard Schneuwly, il regroupe des chercheurs en didactique des langues à l’université de Genève.

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Entre enseignants et élèves ? L’analyse micro porte sur les gestes d’institutionnalisation.

Quelles dimensions de l’objet sont jugées importantes ? Comment cela se manifeste-t-il dans le discours ? Au regard de notre problématique de recherche, ces trois niveaux de description des interactions entre formateurs et formés et entre enseignant et élèves rendent compte de l’évolution dynamique des systèmes didactiques relativement aux enjeux de savoirs.

Structure de la thèse

La thèse est structurée en cinq parties : la contextualisation de la recherche, l’analyse à priori des objets d’enseignement, le cadre méthodologique, les analyses et les conclusions.

Dans la première partie, nous délimitons l’objet de recherche et justifions le point de vue didactique adopté. Pour ce faire, nous brossons un large tableau des recherches sur la formation des enseignants. Ce panorama d’ensemble montre les enjeux actuels et passés de ces recherches et situe notre travail dans l’ensemble du champ. Nous présentons ensuite le cadre épistémologique de notre recherche à travers la notion de transposition didactique et ses implications quant à la sélection et à l’organisation des savoirs. Son principe organisateur est de considérer la formation continue et l’enseignement en classe de culture générale comme deux systèmes didactiques interreliés.

La deuxième partie consiste en une analyse à priori des savoirs nécessaires à l’enseignement de deux genres argumentatifs dans le contexte particulier de la culture générale. Nous examinons d’abord les apports des disciplines de référence puis ceux des didactiques des disciplines scolaires à l’enseignement et à l’apprentissage de l’argumentation orale. Ces apports théoriques et didactiques sont suivis par la justification et la présentation des dispositifs de formation. Nous complétons cette partie en circonscrivant l’enseignement du français à l’intérieur de la branche de culture générale.

La troisième partie explicite le cadre méthodologique. Nous exposons d’abord les principes et les postulats théorico-méthodologiques de notre étude empirique. Puis nous explicitons le dispositif de recueil et de traitement des données et la méthode d’analyse multifocale.

Les analyses des séquences forment la quatrième partie de la thèse. L’ordre de la présentation des résultats va d’une vue grand-angle sur les séquences à une focalisation de

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plus en plus réduite. Nous commençons par la présentation des macrostructures, des catégories de contenus, des démarches et des activités. Nous poursuivons par l’analyse des obstacles et des apports. Nous terminons par celle des gestes et des démarches d’institutionnalisation dans les séquences.

La partie conclusive de la thèse comprend deux sections. Nous faisons un bilan de la formation à partir des propos recueillis par deux enseignantes dans les entretiens d’autoconfrontation simple. La section suivante intègre les conclusions de la recherche en tant que telle : la synthèse de ses principaux résultats ainsi que ses limites et apports. Des éléments de prospective complètent le tout.

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PREMIÈRE PARTIE

Objet de recherche et point de vue adopté

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La formation des maitres est un « processus étagé et complexe » dans lequel les agents doivent apprendre à la fois la discipline et l’enseignement de la discipline (Plane & Ropé, 1997, p. 5). L’objet de recherche qui en découle est, de fait, composite, ramifié de plusieurs instances à légitimité et pouvoir variables. En effet, la formation implique plusieurs institutions (l’école, l’université ou la haute école de pédagogie), elle est appréhendée de multiples manières en fonction des disciplines de recherche et soulève de nombreux enjeux dont plusieurs se rapportent aux tensions générées par son caractère multidimensionnel.

Quelles doivent être la composition, la teneur de cette formation ? Quelle discipline, quelles disciplines prioriser ? Comment, par exemple, articuler les différentes contributions disciplinaires aux domaines plus transversaux ? Quelle part attribuer à l’expérience sur le terrain ? Quelle articulation entre théorie et pratique ?

La formation des enseignants est aussi un sujet social et politique : il importe de former des enseignants en mesure de préparer l’élève, le futur employé ou le travailleur à affronter les défis de la société actuelle : adaptabilité, mobilité, maitrise d’outils technologiques en constante évolution, performance. La formation des enseignants se situent au carrefour d’enjeux sociaux, économiques et politiques. Ces enjeux variés se répercutent en la multidimensionnalité des recherches qui s’y intéressent.

Or, les liens entre la formation et la recherche demeurent problématiques. Vanhulle et Lenoir (2005) parlent d’«enjeux irréductibles et paradoxaux» (p.33). Il est vrai que si l’on oppose d’un côté la volonté d’une recherche non utilitariste dont la fonction est la déstructuration du sens commun et la restructuration novatrice des idées (Crahay, 2006b) et, de l’autre, celle d’un pragmatisme visant à l’amélioration des pratiques éducatives, les enjeux semblent inconciliables. Globalement, les objectifs poursuivis par les recherches sur la formation relèvent de deux grandes préoccupations : produire des savoirs, des cadres théoriques sur et pour la formation de manière à rendre intelligibles la formation et l’enseignement ; servir à améliorer la formation et les pratiques éducatives. La conciliation de ces préoccupations conduit à interroger l’articulation de la recherche à la formation.

L’examen donne à voir une dualité d’enjeux et de discours portés par les communautés d’acteurs que sont les chercheurs, praticiens et formateurs (Altet, 2006). Les savoirs issus de la recherche sont encore « incomplets » et « fragiles », d’autant plus quand ils sont

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développés dans le champ des pratiques avec les praticiens. Pour les formateurs, il y a à former sans s’adosser aux seuls savoirs de la recherche, mais à prendre aussi appui sur les savoirs issus des pratiques.

Les nouvelles demandes sociales contribuent à ce que l’articulation recherche et formation soit repensée et reconstruite. À l’heure actuelle, afin d’assurer l’employabilité et l’insertion professionnelle des travailleurs, les curriculums pour la formation et pour la scolarité obligatoire reformulent leurs attentes en termes de compétences. Ces attentes contribuent à une augmentation de la demande en formation continue, laquelle vise à l’actualisation des connaissances, au développement de compétences professionnelles, d’ouverture et de spécialisation (de Landsheere & de Landsheere, 1992). En vue d’une plus grande articulation entre formation et emploi, on prône la professionnalisation du métier. La diffusion de l’idée de professionnalisation dans le champ de la recherche sur la formation des enseignants engendre la poursuite de travaux dont les résultats peuvent être réinvestis dans la pratique.

L’intérêt porté à la formation pratique génère «un nouveau modèle de formation professionnelle à l’enseignement », qui considère le travail enseignant au quotidien comme

« la mise en contexte indispensable de la formation enseignante » (Tardif & Ziarko, 1997, p.

4). L’analyse de pratiques, dispositif permettant une clarification et une réflexion sur les dynamiques qui interfèrent dans le feu de l’action, s’intègre dans les programmes de formation des maitres. Les nouvelles interactions, nouvelles articulations entre formation et travail génèrent inévitablement des confrontations entre des acteurs occupant des positions institutionnelles différentes, ayant des compétences et des préoccupations différentes (Lang, 1999). Aussi, l’interface lieu de formation/lieux de pratique professionnelle et l’articulation des rapports au sein de cette interface complexifient la formation, mais ils contribuent aussi à en définir la spécificité (Bourdoncle & Lessard, 2003, p. 143).

Vis-à-vis un sujet aussi vaste et complexe que la recherche sur la formation des enseignants, des choix s’imposent. Cette première partie vise à délimiter l’objet d’étude et à préciser l’angle sous lequel il sera abordé. Aussi, le chapitre I situe notre travail dans le cadre plus général des recherches sur l’enseignement et la formation des enseignants dans les Sciences de l’éducation. Nous y précisons notre intérêt pour les objets de savoir de la formation. Le chapitre II explicite le point de vue didactique adopté. Par le biais de la théorie de la

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transposition didactique, nous exposons le cadre épistémologique de notre recherche, lequel pose la question des savoirs impliqués dans la formation des maitres en analysant le traitement dont ils sont l’objet au moment du passage de la formation à la classe.

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Et effectivement, on est toujours en droit de se demander quel type de rapport entretiennent les modèles construits pour rendre compte d’une pratique sociale comme celle de l’enseignant face à ses élèves, avec la réalité de cette pratique et les véritables enjeux de son fonctionnement

(Nonnon, 1990, p. 155).

CHAPITRE I

Recherche et formation des enseignants : Situation de l’objet de recherche

Ce chapitre vise à situer notre travail dans le cadre plus général des recherches sur la formation des enseignants dans les Sciences de l’Éducation et, plus particulièrement, dans le champ de la didactique du français. Il épouse trois parties. Nous retracerons d’abord quelques éléments importants du contexte actuel, fortement influencé par le néolibéralisme. Un contexte caractérisé par des demandes, d’une part, envers un « capital humain » apte à répondre à une économie changeante et à occuper des emplois protéiformes et, d’autre part, envers l’application de critères de mesure de performance à la sphère de l’éducation (Tardif, Lessard & Gauthier, 1998). Nous illustrons la conjoncture actuelle en développant tour à tour trois concepts : une recherche utile, un enseignant compétent et la professionnalisation du métier d’enseignant. Nous analysons les implications de chacun de ces concepts dans les façons de faire et de penser la formation des enseignants et la recherche sur celle-ci.

Nous nous arrêtons ensuite aux voies passées et présentes de la recherche sur la formation des maitres. Les courants les plus importants pour la période allant de la fin des années 1960 au début des années 1990 sont retracés. Nous centrons notre attention sur le courant de recherches sur l’enseignant efficace, plus spécifiquement, sur le paradigme processus- produit fondé sur l’étude systématique des relations entre le comportement des enseignants et les rendements scolaires. Puis, nous examinons les recherches ultérieures en sciences sociales qui analysent le processus d’enseignement.

Nous terminons le chapitre par l’examen des nouvelles directions de recherche portant spécifiquement sur la formation à l’enseignement. Cette vue grand-angle des enjeux actuels

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qui touchent la formation et les recherches sur la formation nous permettra de justifier l’apport d’une entrée didactique pour étudier la formation des enseignants. Présentant les travaux de recherches en didactique professionnelle et disciplinaire, nous sommes à même de préciser le point de vue adopté pour aborder la formation des enseignants à l’enseignement de l’argumentation orale.

1.1. Éléments du contexte actuel

Les dernières décennies ont été le théâtre de changements venus principalement de la mondialisation de l’économie et de la prédominance de principes néolibéraux tels que la compétitivité, le rendement, la performance et l’excellence. Parallèlement, on assiste également à l’apparition d’une économie du savoir avec le passage d’une économie de biens et services standardisés à une économie axée sur la production de biens et de services plus complexes, rattachés notamment à l’information. Cette nouvelle économie lie le statut et le revenu sociaux à l’accumulation par les individus d’un capital de connaissances et de compétences susceptibles de les rendre adaptables pour une économie changeante et des emplois de plus en plus protéiformes (Tardif, Lessard & Gauthier, 1998). Ces nouvelles valeurs touchent les acteurs de l’éducation que les décideurs politiques enjoignent à plus de transparence et au rapprochement de la formation à son lieu d’application. La formation des enseignants est soumise à un développement contrôlé ; la pratique professionnelle et les exigences de celles-ci sont au centre des préoccupations (Bourdoncle & Lessard, 2003).

Ainsi, le domaine d’étude de la formation des enseignants est traversé par une tension permanente entre, d’une part, les visées, valeurs, exigences et contraintes qui sous-tendent l’action de formation et, d’autre part, celles qui caractérisent les activités de production de nouveaux savoirs. Les revendications envers une recherche utile, un enseignant compétent ou un professionnel du métier constituent autant de tentatives pour arrimer la théorie et la pratique et mieux répondre aux besoins concrets et immédiats en éducation.

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1.1.1. Une recherche en éducation utile

Dans les recherches en éducation, la question des rapports entre les savoirs de la science et ceux du terrain pose toujours deux problèmes majeurs : l’utilité sociale des connaissances produites et la mise en relation des savoirs entre eux (Dugal & Léziart, 2004). Ce qui est illustré ici en d’autres termes :

Depuis une quinzaine d’années, les reproches les plus constants adressés à la recherche en éducation sont les suivants : elle est trop éloignée des pratiques concrètes des enseignants ; elle est trop éclatée, car elle est régie par les divisions et les subdivisions propres aux disciplines scientifiques ; elle n’a pas ou très peu d’impact sur les pratiques professionnelles puisqu’elle est généralement formulée dans un langage et en fonction de problèmes qui n’ont à peu près aucune pertinence et utilité pour les enseignants et les étudiants (Tardif, Lessard & Gauthier, 1998, p.

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Derrière ce portrait très négatif se profilent les nouvelles prescriptions pour la recherche dans le champ des sciences de l’éducation : l’idée d’une recherche utile, autant capable de générer de nouveaux savoirs que de s’adapter aux préoccupations courantes et de résoudre les problèmes sociaux et éducatifs, parfois avec la collaboration des acteurs du terrain. Pour Tardif, Lessard et Gauthier (1998, p. 57), les conséquences de l’articulation de la sphère scientifique et du milieu professionnel sont multiples et largement négatives.

Parmi celles-ci, nous retenons l’hétérogénéité et l’éclatement excessifs de la recherche en sciences de l’éducation, laquelle doit à la fois répondre à des exigences scientifiques des diverses disciplines et à des impératifs politiques, ainsi que la difficulté d’établir des consensus entre les chercheurs qui transcenderaient leurs intérêts professionnels et disciplinaires. Globalement, on craint d’orienter la recherche vers des buts sociaux plutôt que vers un modèle d’explicitation théorique et d’action partagé par une communauté de chercheurs et de praticiens (Tardif & Ziarko, 1997; Vanhulle & Lenoir, 2005). Ce difficile arrimage fait poindre la menace d’une recherche en sciences de l’éducation mise au service exclusif de la pratique qui, tombée dans un utilitarisme naïf, prive toute démarche scientifique de son autonomie (Crahay, 2006a).

Vanhulle et Lenoir reformulent ces tensions en parlant de deux « logiques » différentes qui interviennent dans le champ de la recherche : la logique de la recherche universitaire

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traditionnelle, axée sur la production de savoirs, et celle de la recherche ancrée dans le terrain et visant la transformation des pratiques éducatives (Vanhulle & Lenoir, 2005, p. 35).

Pour eux, l’un des défis actuels du champ consiste à penser la relation entre ces deux logiques autrement que de façon binaire. Par exemple, les travaux sur l’alternance impliquent des allers-retours entre les logiques formative et praxéologique de différente nature, car la partition des apprentissages que suggère le principe de l’alternance soutient des modalités plurielles d’appropriation et d’accompagnement (Merhan, Ronveaux &

Vanhulle, 2007, p. 8-10). Comment penser ces allers-retours ? La logique d’accompagnement ne dépend-elle que du hasard des stages, de la conjoncture de l’entrée dans la pratique ? Comment assurer la transmission d’une pratique professionnelle ? L’intégration des apports de la recherche à l’intérieur de la formation se fera-t-elle de la même manière dans la formation initiale, où il s’agit de fournir les outils de base du métier, que dans le cadre de la formation continue, qui vise davantage à mettre à jour et à enrichir les compétences déjà- là ?

Bien que nous admettions la nécessité d’une recherche qui fasse davantage écho aux pratiques des enseignants, nous ne saurions penser celle-ci sans ses aspects fondamentaux.

Autant les pratiques et leur évolution sont consubstantielles au projet même des sciences de l’éducation, autant les grilles de lecture théoriques dont disposent les chercheurs doivent être mises à l’épreuve (Schubauer-Leoni & Dolz, 2004).

1.1.2. Un enseignant compétent

Les récents référentiels de compétences1 donnent lieu à l’apparition de processus de contrôle de la « qualité » de la formation (Vanhulle & Lenoir, 2005, p. 72). Véritable cahier des charges de la formation des enseignants, le référentiel de compétences liste les compétences attendues à la fin des formations initiale et continue, cadrant ainsi la mise en pratique de ces formations. Il vise aussi à permettre la poursuite du dialogue avec les futurs employeurs et les associations professionnelles et syndicales.

1 Ces référentiels visent à proposer une description détaillée des pratiques professionnelles de référence comme base en vue d’un plan de formation (Perrenoud, 1998).

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L’approche par compétences fait de la pratique professionnelle et de ses exigences un principe organisateur du curriculum de formation. Pour ses défenseurs, elle apporte réponse aux insatisfactions envers des formations universitaires axées davantage sur l’assimilation de connaissances générales et éloignées des contextes de la pratique (Bourdoncle & Lessard, 2003). Rey (1998b, cité par Bourdoncle & Lessard, 2003) l’interprète comme une tentative d’inscrire l’action finalisée dans les curriculums : « une compétence renvoie toujours à une tâche, c’est-à-dire à une action fonctionnelle et finalisée, son importation dans un curriculum permet de réduire le risque de passage à la théorie et par suite la perte de certains aspects de la pratique» (p. 14). C’est ce qui expliquerait sa compatibilité avec la pratique professionnelle et le monde de l’entreprise :

De manière générale, la notion de compétence renvoie à un agir « juste » en situation, impliquant la mobilisation articulée de ressources cognitives multiples. Elle se veut fédératrice, en proposant au monde pédagogique un concept unissant la cognition et l’action. Plus précisément, cette notion traduit clairement une notion utilitariste, chère au monde anglo-saxon : la cognition est subordonnée à l’action, elle-même finalisée par un problème à résoudre. On ne s’étonnera donc nullement que le monde de l’entreprise y trouve son compte (Crahay, 2006a, p. 98).

Malgré et peut-être en raison de sa popularité, l’approche par compétences n’est pas sans poser problème. Elle comporte deux écueils majeurs : son ambigüité terminologique et sa référence à des propriétés inédites, innées de la personne.

Deux dangers liés à l’approche par compétences

La notion de compétence en sciences de l’éducation « provoque souvent des incertitudes lexicales et des controverses à cause de la difficulté à identifier clairement les phénomènes qu’elle tente d’objectiver » (Dolz & Ollagnier, 1999, p. 7). Le terme est appliqué pour désigner tantôt des objets sociaux et leurs finalités ; tantôt des objets et des objectifs d’enseignement élaborés dans le cadre de modèles pour l’enseignement ou pour la formation ; tantôt des capacités (Bronckart & Dolz, 1999). Tout un arsenal théorique se voit donc fédéré en un seul concept : savoir, savoir-faire, savoir-être, attitudes, habiletés, capacités, schémas opératoires, représentation du problème, schèmes, habitus, etc. (Crahay, 2006a). À titre d’exemple, Rey (1998a) répertorie trois manières de définir la compétence :

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1. la « compétence-comportement », pensée en lien avec les comportements auxquels elle donne lieu ;

2. la « compétence-fonction », définie par sa finalité technicosociale ;

3. la compétence « pouvoir d’escient », associée à « ce pouvoir qu’a l’homme d’adapter ses actes et ses paroles à une infinité de situations inédites » (p. 46).

La troisième définition donnée par Rey renvoie à la compétence linguistique telle que décrite par Chomsky. Pour Bronckart et Dolz (1999), c’est dans cette acception que le terme est porteur de connotations qui accentuent l’idée de l’existence de propriétés inhérentes, voire innées, de la personne. La compétence renvoie alors au sujet, à ses actions et à son fonctionnement cognitif interne ; elle cesse d’être spécifique et peut être qualifiée de transversale. Une compétence transversale réfère à une « disposition à utiliser une procédure ou une opération logique dans des situations de même structure, mais d’apparence différente » (Rey, 1998a, p. 201). Ce qui est plus ou moins fondé. En effet, un sujet qui possède une procédure ou une opération logique qui convient à une situation n’est pas pour autant toujours capable de l’appliquer à une situation qui relève de la même procédure ou opération. De plus, il ne suffit pas qu’un sujet possède la compétence cognitive qui convient à un problème pour qu’il l’utilise pour le résoudre ; il faut que son intention par rapport à la situation la lui fasse percevoir comme un objet possible d’application de la compétence (Rey, 1998a, p. 201). L’enseignant compétent, suivant cette troisième acception, nous ramène aux aprioris kantiens supposant l’existence d’idéaux-types (Bayer & Ducrey, 2001). Ces types idéaux, prescriptifs, s’inscrivent « dans une vision bureaucratique *…+ et technocratique de la sphère socioéducative » (Vanhulle & Lenoir, 2005, p. 36).

La présente thèse ne saurait résoudre « l’énigme de la compétence » (Dolz & Ollagnier, 1999), mais elle ne pourrait faire abstraction d’un terme tant usité dans notre domaine d’investigation depuis les années 19902. Un des impacts de la popularité de cette notion polysémique est de faire ressurgir la question épineuse de la qualification des enseignants.

2 Dans la suite du texte, nous emploierons le terme de compétence dans ses multiples acceptions, en fonction du contexte et de l’auteur cité.

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La prudence conceptuelle et le refus d’aprioris prescriptifs nous mènent pour notre part à

« raisonner » la formation des enseignants en d’autres termes. Nous aurons l’occasion d’expliquer notre démarche un peu plus loin dans ce chapitre.

1.1.3. Un professionnel du métier

L’actuel courant de professionnalisation du métier d’enseignant, lié aux propositions de réformes des années 1980, vient donner une dimension internationale à la question de la teneur et des finalités de la formation des enseignants. La professionnalisation recouvre une réalité complexe : elle signifie autant la transformation structurelle du métier que la mise en œuvre de stratégies orientées par des objectifs et une éthique à la place de règles d’action préétablies. Pour l’enseignant, elle implique le développement d’une attitude réflexive et autonome (Altet, 2000). Derrière le terme de professionnalisation se cache le vœu pieu d’élévation du statut du métier (Criblez, Hofstetter & Périsset Bagnoud, 2000). Si l’on admet qu’une formation est nécessaire pour apprendre un métier, comment l’apprend-on de façon à devenir un professionnel du métier ? Qu’est-ce qu’une formation professionnelle des maitres ? Le courant de professionnalisation interroge la nature des savoirs en jeu ainsi que les liens qui préexistent entre les instances impliquées (Bourdoncle, 1993).

Professionnalité et professionnisme

Deux acceptions sont données au terme de « professionnalisation ». Pour Lang (1999), reprenant Bourdoncle (1991), il renvoie en premier lieu « aux processus de construction et d’approfondissement de compétences et de savoirs nécessaires à la pratique d’un métier » (p. 26), c’est-à-dire au développement professionnel. Cinq affirmations viennent étayer cette première acception, nous les reprenons :

1. L’exercice d’une profession repose sur des savoirs et savoir-faire spécifiques.

2. Les acteurs de la profession possèdent des compétences liées à l’expérience et développent progressivement une expertise.

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3. Les objectifs de la professionnalisation sont l’efficacité des acteurs en termes de résultats3 et l’efficience en termes d’économie des moyens.

4. L’expertise ne peut être simplement individuelle, elle doit se répercuter sur l’ensemble du groupe professionnel.

5. La professionnalisation ne peut être effective que si elle se base sur des savoirs transmissibles, des « savoirs de la pratique, objectivés » (Lang, 1999 ; Vanhulle &

Lenoir, 2005).

Il s’agit là d’une conception de la professionnalisation qui correspond à la tendance nord- américaine orientée vers la standardisation du métier d’enseignant. Dans une logique instrumentale, ce courant présuppose que la professionnalisation conduit à la professionnalité.

La deuxième acception du terme « professionnalisation », que Lang nomme le

« professionnisme », renvoie à la place du groupe professionnel dans la division du travail et aux stratégies mises en place par ce groupe pour valoriser socialement ce qui fait sa spécificité. Ce dernier pan de la professionnalisation, cette culture commune au groupe professionnel, se réalise plus difficilement dans le domaine de l’enseignement étant donné la difficile liaison entre le milieu pratique et l’institution universitaire. « Comment l’université peut-elle contribuer à l’essor social d’un groupe professionnel qu’elle-même ne représente pas ? » (Vanhulle & Lenoir, 2005, p. 38).

Des freins à la professionnalisation

Parmi les obstacles à la professionnalisation du métier d’enseignant, relevons l’insistance sur la formation de personnes et non de collectifs ainsi que la persistance d’idées reçues autour du métier d’enseignant.

Au regard du professionnisme, Chevallard (1999b, 2003) critique l’emphase mise dans la formation sur l’accroissement de la qualification personnelle. Il associe cet état des choses à la vision traditionnelle du métier de professeur. Cette vision, d’après lui, « ne permet guère de situer (…) la formation des professeurs parmi l’ensemble des conditions qui concourent

3 Lessard reformule cette idée ainsi : « produire des enseignants plus performants » (1997, p. 264).

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au développement du système scolaire ou en inhibent les potentialités » (1999b, p. 1). En insistant sur la seule formation des personnes, on oublie le rôle joué par la recherche et par le système dans la formation des maitres.

L’oubli de ces réalités historiques que sont la recherche et le système va de pair, en règle générale, avec une logique lourdement individualiste et platement positiviste de la formation, qui suggère de s’adresser à chaque professeur pris dans son

« irréductible singularité » en vue de compléter ses connaissances, selon une logique purement cumulative calée sur les seuls manques (supposés) du « formé » *…+ Ce qu’on oublie alors, c’est que les « individus » dont il s’agirait de combler les manques sont des personnes, nées de complexes d’assujettissements à une foule d’institutions qui, généralement, tirent chacune leurs sujets dans une direction propre, sans concertation particulière (Chevallard, 1999b, p. 2).

Pour Chevallard, il est possible de dépasser cette singularité personnelle en agissant sur les normes du collectif dont l’individu fait partie, car elles se manifestent en premier dans les faits et les gestes de l’enseignant. Celui-ci est à la fois soumis aux normes de l’institution en même temps qu’il est le dépositaire de la normativité institutionnelle. Le didacticien voit d’ailleurs la recherche comme une source cruciale de normativité. Une « coopération organique » entre chercheurs et praticiens passe, selon lui, par une corporation où maitres et formateurs sont reconnus comme des professionnels4. Suivant ces arguments, les lieux de formation des enseignants devraient être identifiés comme des hauts lieux de savoirs. Pour répondre aux besoins praxéologiques du système scolaire, ses acteurs doivent faire preuve de capacités délibératives, de capacités à intégrer des normes en fonction des finalités éducatives.

Le second frein au processus de professionnalisation est la persistance de certaines idées reçues : citons notamment celle qui prétend qu’il ne faut qu’une bonne connaissance de la matière, qu’un peu de talent, de charme, de bon sens, d’intuition et d’expérience pour enseigner. Certains chercheurs qualifient l’enseignement de « semi-profession » (Etzioni,

4 Le penseur Ivan Illich tenait en regard des professions la position inverse, leur reprochant d’être incapacitantes ou mutilantes, c’est-à-dire de rendre les gens dépendants, incapables de se prendre en main eux-mêmes et de développer les talents nécessaires par eux-mêmes (Illich, 1977, cité par Bourdoncle, 1993).

Nous n’entrerons pas en détail dans ce débat sociologique, mais notons toutefois les écarts dans les prises de position, liés probablement aux conjonctures du moment.

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1969) ou de « not quite profession » (Goodlad, 1990). Ils appuient ce présupposé sur trois arguments :

1. le statut incertain des savoirs nécessaires au métier d’enseignant, celui-ci ne reposant pas sur un corpus de connaissances théoriques fermes ;

2. l’administration et les hiérarchies qui encadrent fortement l’exercice du métier ; 3. le fait que certaines caractéristiques du métier, sa contingence et son imbrication

dans un réseau de relations, ne permettent pas sa professionnalisation complète.

Le statut de semi-profession, en plus d’être à l’origine de dissensions sur la nécessité ou non d’élever la qualification du métier d’enseignant, empêche la coconstruction de questions et de réponses par le « monde savant » et le « monde enseignant » (Chevallard, 2003, p. 12).

«Métier sans savoirs, savoirs sans métier : telle est la contradiction majeure qui peut opposer l’enseignement comme pratique et la recherche sur l’enseignement » (Vanhulle &

Lenoir, 2005, p. 46).

Les implications d’une formation professionnalisante

Le dépassement de ces obstacles réside dans une meilleure connaissance des conditions qui déterminent la formation pratique (Tardif & Ziarko, 1997). Il implique aussi l’apprentissage du partenariat en éducation (Lessard, 1997, p. 258). Afin de faire dialoguer professionnalité et professionnisme et permettre de substituer un modèle professionnel au modèle applicationniste préexistant, Vanhulle et Lenoir (2005) soutiennent que la formation devrait intégrer les trois dimensions suivantes: délibérative, opérationnelle et sociopolitique. Ces dimensions requièrent des capacités réflexives, des capacités à intégrer les normes en fonction de finalités éducatives, des capacités pédagogiques et didactiques et « la volonté et

*…+ la capacité d’influencer l’environnement scolaire de manière congruente entre la réalité et les idéaux visés (p. 64). Pour sa part, Paquay et al. (1996/2001) prônent l’intégration des 6 modèles de professionnalité qu’il détaille ainsi :

- un maitre instruit transmetteur de savoir, applicateur de principes ; - un praticien artisan doté d’un savoir pratique ;

- un praticien réflexif au savoir d’expérience ;

- une personne en relation avec les autres et elle-même ;

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- un acteur social, partenaire engagé et analyste lucide ;

- un technicien, applicateur de techniques et organisateur d’apprentissages.

Coen et Leutenegger (2006), quant à eux, résument ainsi les qualités de l’enseignant professionnel : un praticien réflexif, capable d’adopter une démarche méthodique, régulière, instrumentée, sereine et porteuse d’effets sur sa propre action.

À nos yeux, l’idée d’une formation professionnelle vient renforcer les dimensions majeures de l’enseignement, car elle donne une vision concrète et réaliste du métier d’enseignant. La professionnalisation met de l’avant une culture commune et contribue ainsi à ce que l’ingénierie de l’enseignant ne soit pas réduite à une quelconque disposition naturelle et qu’elle soit plutôt comprise comme «un ensemble dynamique de dispositions que les institutions scolaires et de formation tendent à forger et à maintenir » (Bourdoncle &

Lessard, 2003, p. 162). Elle renvoie à l’idée d’une expertise technique et spécialisée de

« haut niveau ». Cette expertise ne s’acquiert pas par imitation ou compagnonnage, à partir d’un corpus de règles stables ou à des cas de figure connus. Au contraire, elle met en jeu des conduites adaptatives complexes, qui convoquent des données multiples, des choix, des décisions à plusieurs niveaux, qui font appel à la créativité, à l’éthique et à la responsabilité (Perrenoud, 1994). Pour la recherche, la diffusion de l’idée de professionnalisation passe notamment par la formalisation de l’occupation, c’est-à-dire par la poursuite de recherches dont les résultats peuvent être réinvestis dans la pratique (Holmes Group, 1986, cité par MEQ, 2001). C’est d’ailleurs l’une des ambitions de la présente recherche.

Dans un contexte marqué par des exigences croissantes de productivité, d’accumulation de compétences variées, la recherche en sciences de l’éducation se doit d’être utile, réinvestie directement dans la pratique. En matière de formation, ces demandes sociales se traduisent par une articulation plus grande entre la formation et le marché du travail. S’ensuit un nouveau modèle de formation professionnelle à l’enseignement qui fait une large place à la pratique. Ces bouleversements amènent un changement et une réorganisation des savoirs impliqués dans la formation des enseignants.

Des enjeux actuels autour de la recherche sur la formation des enseignants, nous passons maintenant aux courants de recherche passés et actuels sur la formation des enseignants.

Par la présentation de ce bref panorama, nous souhaitons situer notre travail.

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