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L’impossible réunion avec le Père

DU ROMAN REMANIÉ À L’AUTRE ROMAN

2.1 LE ROMAN REMANIÉ

2.1.1.1 Le mythe de l’androgyne dans l’avant-texte 74 L’androgyne

2.1.1.1.3 L’impossible réunion avec le Père

Des figures féminines nous passerons à une figure masculine, celle de l’Abbé, le directeur spirituel du novice, qui lui aussi permet à Claude Louis-Combet d’aborder le mythe de l’androgyne. L’Abbé joue un rôle primordial dans la vie spirituelle mais aussi affective du narrateur. Dans Le Recours au mythe, l’auteur a avoué que ce personnage lui a été inspiré par quelques prêtres qu’il a connus au cours de sa vie religieuse :

Ici, le père est désigné comme l’Abbé, le supérieur du séminaire. En vérité, c’est un personnage composite – synthèse des quelques prêtres parmi les meilleurs et les plus importants de ceux que j’ai rencontrés et dont j’ai parlé dans le présent ouvrage. Cet Abbé, issu des souvenirs mêlés de mon adolescence jusqu’à la crise religieuse, tels que je pouvais les recomposer dans ma mémoire

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d’homme du texte, en 1974, constitue l’instant suprême, la vérité sans faille, le juge et la loi, la figure, incarnée de Dieu sur terre, dans l’espace clos de l’abbaye et dans mon cœur fermé sur lui- même.90

Au folio 6 du dossier des « Plans » (Annexes III), le plan de la mythobiographie est structuré autour de la figure de l’Abbé. Louis-Combet divise son plan en trois parties en structurant le plan autour du couple Moi/l’Abbé. Nous retrouvons au premier point une allusion à la scène de séduction quand le Moi « devenant femme » tente de séduire l’Abbé « image du Père ». Le deuxième point souligne l’identification du Moi à Marina-Marinus alors que le troisième point établit une relation entre le Moi et un « Toi » qui désignerait probablement Marine puisque entre le moi et le toi existe une « confusion communion ». Il est l’une des personnes susceptibles de redonner au narrateur son unité et sa complétude. Le narrateur insouciant de son salut, et ignorant la théologie de son directeur, se préoccupe d’une autre question qui le tourmente, le désir de s’unir à l’homme dans la chair, de rejoindre le Père, Dieu, physiquement, pour s’absorber en lui, charnellement, mystique de la chair qui sera refusée. Dans le dossier des « Pensées détachées » (f. 41) (Annexes III), nous avons retrouvé quelques notes sur cette relation charnelle à laquelle le narrateur tend où Louis-Combet évoque une relation charnelle qui doit aller du Fils vers le Père ou encore dans le folio 43 où l’auteur note « vers l’acte », vers « l’établissement d’une relation charnelle en vue de l’unité reconquise ».

Dans le premier récit de MM, le novice expose un concept complètement étranger à la théologie de l’Abbé, le plaisir-en-Dieu : « Et l’Abbé avait beau me dire que j’errais et je divaguais et que, dans mon attente de l’extase, j’attachais trop exclusivement mon intérêt aux implications charnelles de la béatitude, je ne me retenais pas de rêver sur la nature du plaisir-en- Dieu. » (f. 18, p. 16). En effet, il implique le charnel dans le spirituel et rêve d’un monde où le plaisir est vécu paisiblement sans le poids du péché :

A un premier échelon d’abstraction, j’essayais de concevoir le plaisir tel que je le connaissais, mais débarrassé de tout sentiment de faute et de honte. Je me figurais un lieu indéterminé, un temps dépourvu de repères et, de la façon la plus vague, une sorte de communauté humaine vivant dans l’ignorance du péché de la chair et capable d’aller, sans conflit interne, jusqu’au bout de ses désirs. Les gestes s’accomplissaient librement. Il n’y avait pas de pensées impures. Et ces gestes étaient les miens. Ces pensées, soudain claires et heureuses, c’étaient précisément celles qui m’avaient tant de

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fois assailli, dans les instants de moindre vigilance. Mais dans mon utopique patrie, rien ne venait altérer la joie que la chair recherchait dans la chair. Tous les regards étaient permis, toutes les saveurs, toutes les senteurs, toutes les caresses, toutes les fêtes et tous les fastes. (f. 22, p. 19). Ici une vision totalement différente de celle que l’Abbé essaie d’enseigner au novice sur le monde. Le narrateur essaie d’épouser l’autorité religieuse en se féminisant. La femme en lui veut s’unir à l’Abbé, figure du Père Absolu, pour accéder à la complétude originelle pour réunir Chair et Esprit composant alors un androgyne métaphysique. L’Abbé refuse effectivement cette démarche et renvoie le novice à sa perdition. C’est-à-dire qu’il le renvoie définitivement à la dualité chair/Esprit, et la scission Homme/Femme. Dans la mythobiographie, le Père est décrit comme la personne capable de combler le manque de son novice. Il incarne aux yeux de ce dernier la plénitude face à son manque d’être, à sa vacuité qui voue le jeune homme à l’errance éternelle.

Un des thèmes que le narrateur aborde continuellement dans son récit est celui du regard de l’Abbé qui, à travers ses yeux bleus, a le pouvoir d’unifier ou de diviser le jeune homme. Le br n°2 révèle le travail de l’auteur sur la genèse de la figure du Père et le rapport que le narrateur entretient avec ce dernier, notamment à travers la note entre crochets « [tout cela, en la présence de l'Abbé. Loin de lui, j'essayai de me ressaisir, de me reconstituer. C'était là que la chair jouait son rôle de pôle identificateur] » qui souligne l’importance de l’Abbé dans la reconstruction du novice. En confrontant le brouillon à la version manuscrite, nous constatons que « tout cela en la présence de l'Abbé » est repris au folio 26 (p. 21), mais que le reste de la parenthèse a disparu. Initialement, c’est à travers l’Abbé que le narrateur essaie de se reconstituer ; le novice a l’intention d’approcher l’Abbé pour s’unir avec lui et atteindre la totalité. Des notes sur le regard, la parole, l'attente se lisent dans l’avant-texte. Le regard de l'Abbé est indispensable pour celui qui essaye de se reconstruire. C’est est le moyen de communication le plus efficace entre lui et le Père ; le regard est le miroir qui permet au narrateur de se voir tel qu’il est : « Comme celui qui rêvait de se voir les yeux clos, j'ai souvent rêvé de me voir dans le regard de l'Abbé et de me reconnaître [dans l'image de moi] < (et de me posséder) > dans l'image du moi que son regard percevait – en mal ou en bien, qu'importe! » (f. 27, p. 21-22). Ailleurs, la note « contradiction entre regard et parole » que l’auteur inscrit sur le folio de l’avant-texte est développée dans le ms:

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Et je me disais qu'un tel regard était en avance sur toutes les paroles qui pouvaient être dites et que, tandis que nous ahanions parmi les mots, essayant de formuler l'informulable, le regard de l'Abbé exprimait exactement (en son genre d'inexpressivité) ce que ni l'un ni l'autre ne pouvions rejoindre par la pensée : la fin. (f. 27, p. 22).

La version seconde développe l’idée que le regard est supérieur à la parole, pour ce narrateur qui se projette dans les yeux de son sauveur dans le but de trouver le salut. Le thème du regard est encore travaillé dans le br 3. L’auteur reprend ce folio lors la deuxième campagne d’écriture avec des remaniements intéressants. « Secrètes » se métamorphose en « enfouies » pour souligner la profondeur des réflexions. Claude Louis-Combet reprend, dans son ms, l’expression « l'œil qui était dans la tombe et regardait Caïn » pour la transformer en « l'œil de la mauvaise conscience et du remords » (f. 31, p. 24), s’extrayant ainsi d’une expression peut-être trop galvaudée ou connotée, préférant laisser toute puissance aux mots « remords » et « mauvaise conscience », comme si le climat biblique laissait place à un climat simplement psychologique. Par ailleurs, nous rencontrons des ajouts opérés dans la version définitive comme « il ne m'administra la moindre semonce. Jamais, < jusqu'à l'instant dont je parle, > je ne pus le surprendre en flagrant délit de violence à mon égard » (f. 31, p. 24) sujette à plusieurs modifications dans la version finale. L'auteur reprend l'adverbe « simplement » qu'il a abandonné dans le brouillon et rajoute le verbe « écouter ». « Il m'attendait seulement » est remplacé par « il m'écoutait, simplement, il m'attendait » (f. 31, p. 24) pour renvoyer une image plus solennelle de l'Abbé mais aussi plus froide et pour mieux opposer un désir ardent du novice une attente inassouvie. Ailleurs, l’auteur complète son folio par des notes. La note entre crochets qui semble compléter la dernière phrase de l’avant-texte [comme ces eaux dormantes, préparés de tte éternité et qui attendent – celui qui s'y jettera –] est reprise avec des changements dans le ms : « A travers la translucidité lavée du bleu d'un regard sans âge, l'Abbé m'attendait comme m'attendent, de toute éternité, je le crois, les mortes eaux vers lesquelles tout destin oriente son cours, en définitive. » (f. 31, p. 24). Les « eaux dormantes » sont devenues plus inquiétantes, « les mortes eaux », et le ms définitif insiste sur le « cours » d’une destinée, ici conjuguée au marécage. A travers les modifications apportées dans la version définitive, nous constatons une évidente poétisation de la phrase et en même temps une dramatisation du personnage de l’Abbé, assimilé dans la version finale aux eaux mortifères, devenu cause et fin de l’engloutissement du narrateur. L’ajout du « destin » et

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d’« éternité » signalent que la destinée du narrateur sera toujours reliée à cette figure première et primordiale du Père Absolu, de ce Dieu qui engloutit le novice.

Par ailleurs, le plaisir-en-Dieu surgit dans une note de l’avant-texte pour signaler le rapport entre le plaisir et le directeur spirituel. Par contre la phrase entre guillemets « qu’il me voit jouir » est abandonnée dans la version manuscrite étant sans doute trop explicite, le passage de l’avant-texte au texte requérant plutôt une exténuation du sensuel pour s’ouvrir plus nettement au spirituel. Dans son article, Stéphane Lavauzelle aborde le rôle du regard dans la quête de l’androgyne chez Louis-Combet :

C’est d’abord le regard qui donne forme à l’androgyne. C’est en Ecartelé(e) que le scripteur de

Miroir de Léda se l’imagine, vision première et définitive, au sein de laquelle il était « tellement ce

qu’il devait être, que les autres ne pouvaient, par la suite, que le répéter, indéfiniment. » Ecartelé(e), pour reprendre aussi l’ambivalence dont il se pare, être vitruvien, « personnage » debout, de face, sans yeux ni paupières, sans nez ni bouche, nu, le torse, droit, les bras à l’horizontale, les jambes formant par rapport à l’axe du corps, un triangle terriblement ouvert […]. 91

Le rapport de l’androgyne avec la figure du Père, rapport conflictuel, est ébauché à travers une note dans le br n°52. En bas du folio à gauche, nous lisons « la rupture de l'Androgyne est l'œuvre du Père ». Le Père est au cœur du problème existentiel évoqué à travers « – avoir été, ne plus jamais être ». L'Abbé refuse la relation avec le narrateur, une relation qui, selon le novice, pourrait lui restituer l'unité perdue comme le note le romancier dans le folio 40 des « Pensées Détachées » (Annexes III): « Le Père (l’Abbé) formant l’autre unité, l’autre face. » Dans une autre note, les deux termes « Femme » et « androgyne » sont associés pour affirmer que l'androgyne est liée à la femme et plus précisément à la mère, le Père venant rompre l’unité formée idéalement avec la Mère. Dans ce brouillon, Louis-Combet souligne l'écart et l'incommunicabilité auxquels il est voué suite à la première séparation. Il ne rejoindra jamais cette femme comme le montre la dernière phrase du brouillon.

Le br n°10 aborde d’autres aspects de la relation Narrateur /Abbé où le directeur spirituel apparaît comme la seule personne capable de déceler les pensées du narrateur ainsi que ses vices. La note « Epiphanie de l'obscène » est en rapport avec l'Abbé. En effet, l’obscénité caractérise la vie du novice et plus particulièrement sa relation avec l’autorité religieuse. Le développement de la note est repérable dans : « Quant à l'Abbé, comme s'il avait eu la prémonition du mal que je

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couvais en moi [sous] < dans > l'abri dérisoire de mes paroles de paille et de vent et comme s'il avait souhaité, puisque le bruit devait se parfaire, qu'il mûrît jusqu'au bout, il m'encourageait chaque jour à ne pas me hâter. » (f. 78, p. 53). Nous retrouvons aussi dans ce brouillon le thème de la muliérisation du narrateur. La note entre crochets « [creux de nuit creux de femme ouverture de la féminité invagination muliérisation] » sera développée au folio 83 :

Que signifie, par exemple, cette expression dont je dois absolument me servir pour rendre compte de ce qui se passait alors en moi : j'étais ouvert ? Ou celle-ci : mon corps se creusait ? Ce ne sont pas des images. […]. Couché sur le dos, les jambes repliées et écartées comme une femme en attente d'amour ou d'enfantement, dans une cellule strictement monacale, […]. (f. 83, p. 56-57).

Il faut la muliérisation du narrateur pour recevoir l'amour de l'Abbé. Le mot « invagination » sera individualisé dans « Je m'invaginais » (f. 83, p. 57). Dans le folio 42 du dossier des « Pensées Détachées » (Annexes III), Louis-Combet note « thème de l’invagination (du creusement interne de chair) abordé à partir de l’identification à la Nature (femme) ». On voit comment les thèmes jetés en note aide-mémoire prêtent plus tard à l’écriture. Invagination, creusement et féminisation que nous repérons dans le passage ci-dessus de la mythobiographie. Force est de reconnaître que l’avant-texte, dans la succession d’appels d’images et de thème, avait mis en place strictement l’univers fantasmé et imaginaire que développera le roman.

Ailleurs, des notes sur la nuit et la ténèbre sont inscrites dans l’avant-texte. La note oblique « érosion par la nuit » se lit dans « Nul minuit ne fut plus intense. Cependant, par ma fenêtre ouverte, continuait de s'opérer l'érosion du sensible. » (f. 80, p. 54-55). En outre, « enténèbrement » est présent dans « Je m'enténébrais charnellement dans la grande ténèbre.» (f. 81, p. 55). Là encore nous constatons que le passage du mot « enténèbrement » au verbe à la première personne « je m’enténébrais » personnalise l’image, comme s’il y avait un passage de l’imaginaire pur à la personnalisation, à l’incarnation de cet imaginaire. Entre l’avant-texte et le texte, il y a un mouvement d’individualisation, d’incarnation de l’image, rendu sans doute nécessaire car le roman ne saurait évoluer dans l’abstraction pure. Il a fallu à Claude Louis- Combet incarner les images, ce qu’il a fait en infléchissant les substantifs vers les verbes à la première personne, comme nous le montrent les inflexions de l’avant-texte vers le texte.

Ailleurs des notes sur la chair sont traduites par « le creusement de la chair » et l'« érotisation » repérables au folio 83 (p. 57). Ils sont suggérés dans cette position que le narrateur décrit et qui

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constitue une sorte de séduction entamée pour s'accoupler avec l'Abbé, cet accouplement imaginaire et fantasmé, esthétisé en quelque sorte. Dans le br n°4, la relation narrateur/Abbé se tisse à travers les notes inscrites entre crochet. La première note « [poursuivre sur le thème de l'intériorisation de l'image] » n'est pas développée ici. Il s'agit d'une intériorisation intime. Le narrateur rêve d'accéder à l'intérieur de l'Abbé, de l'épouser or l'Abbé est « établi dans son extériorité comme dans une forteresse » (f. 37, p. 27). Quant à la note « désir [communion Lui=Foi Moi=chair] », elle prend vie et forme de phrase dans : « Je sentais la part la plus étrange et la plus précieuse (la plus vraie ?) de moi-même se plier et s'ouvrir à toute épiphanie de chair transcendante et rigueur d'âme. » (f. 35, p. 26). Le texte développe poétiquement, par des phrases amples et sensuelles, les effets d’annonce de l’avant-texte. Le mot « désir » réapparaît dans le folio 37 du ms :

Ah! S'il avait pu oublier, un instant, que j'étais homme, chargé de visage, et qu'il me vît simplement comme une chose disponible pour n'importe quoi – un objet suffisamment indifférencié, comme un bâton, ou un caillou, pour être utilisable à toutes sortes de fins. Des ambitions de ce genre étaient, apparemment, dénuées d'orgueil mais, apparemment aussi, riches de désir. (f. 37, p. 27).

Le narrateur s’assimile donc à des objets évocateurs comme le bâton ou le caillou qui font allusion à la pénétration. Louis-Combet note, au folio 42 du dossier des « Pensées Détachées » (Annexes III), « la main – errante, vestige de conscience – cherche les fentes en corps, les trous, les ouvertures » et en bas du folio il n’hésite pas à parler de la « Nostalgie de la pénétration (sodomique ?) ». Il ne réemploie pas le mot « sodomique » dans son ms mais le suggère à travers les mots bâton et caillou qui renvoient aussi dans la Bible au bâton de Moïse ou aux cailloux qui frappent la femme adultère, des objets faits pour frapper, pour anéantir, pour blesser, tant le narrateur est en demande d’amour blessant, si l’amour mystique ne peut pas s’accomplir. La communion même douloureuse est suggérée mais elle n’est pas accomplie. Ailleurs la dernière note « me situer par rapport à Lui […] » reviendra telle quelle dans le ms. Le narrateur se situe par rapport à l'Abbé. Il se sent inférieur à cet homme plein de qualité et échoue constamment à se l'approprier charnellement, comme il le rêve tout au long de son récit. Finalement, le br 9 révèle l’échec des relations entre les deux hommes, comme dit la note entre crochet « [Teneur des propos. Qualité du verbe. Echec de l'échange] » qui se résume dans les « paroles dissonantes » du narrateur : « Car dans la mesure où j'étais – n'étant guère que discours – je m'engageais dans des paroles dissonantes si étrangères les unes aux autres qu'elles se poursuivent indéfiniment,

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sans jamais se rejoindre. » (f. 71, p. 48). La dissonance et l’échec sont donc inscrits au cœur de ce personnage du narrateur qui subira dans le roman un double échec : l’échec de son union fantasmée avec l’Abbé ; puis l’échec de l’extase, qui n’appartiendra qu’à Marina. Dans les mythobiographies de Claude Louis-Combet, l’extase mystique et l’accomplissement de l’être ne valent que pour l’Autre absolu que sont les saintes et les saints, pas les personnages de la narration, englués dans la contingence d’une chair pécheresse et d’une âme brisée.92

Ailleurs, la note oblique « superficialité de la confidence tandis que profondeur cherche un autre moyen d'expression que la parole » n'est pas retenue dans la version définitive, mais elle est développée dans les br 4 et 10 où le narrateur se rêve femme pour s’unir charnellement à l’Abbé93. Dans sa quête insatiable d’atteindre la perfection, le narrateur recourt à son directeur

spirituel mais il retombe vite dans la désillusion puisque l’Abbé refuse la chair et le condamne à l’errance en lui refusant l’absolution. La construction du personnage de l’Abbé dans l’avant-texte est liée à celle du narrateur, de plus en plus nettement privé d’accomplissement. La version manuscrite complète presque toujours le premier jet en apportant du sens aux notes inscrites sur les folios en développant les effets d’annonce, en approfondissant la théorie de la privation d’être du narrateur, en donnant forme à cette pensée qui ne trouve son chemin que dans la version finale.

Marine, Salomé et l’Abbé sont donc des personnages qui sembleraient capables de redonner au narrateur son unité première, celle d’avant la naissance. En effet, la quête de l’androgyne recoupe partiellement, chez Claude Louis-Combet, la quête de la mère. Le narrateur aborde le thème androgynique à travers l’union de plusieurs couples Mère/Fils, narrateur/Marine, narrateur/Abbé. Le couple primordial est Mère/Fils, les deux autres couples refluent vers le