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LA LECTURE DU MANUSCRIT DE MARINUS

1.2 LES RATURES

1.2.3 Les ajouts

Comme les autres types de ratures, la rature d'ajout révèle un aspect important de la méthode d’écriture louis-combétienne. Une des causes des additions s'avère être l'oubli. L’auteur ajoute un terme qu'il a oublié pendant la rédaction, un terme sans lequel la phrase reste incomplète ou incorrecte. Les exemples de cet ordre sont nombreux. Ici, l'absence du verbe « donner » rend la phrase incorrecte et sans aucune signification : « Ce quelque chose, je lui ai déjà < donné > (et cela a pu paraître précipité et injustifié) le nom d'obscénité. » De même, Louis-Combet oublie le verbe au folio 318 et l’ajoute au moment de la relecture : « Car j'avais toujours aimé me déguiser avec les vêtements dits de l'« autre » sexe et m'étais efforcé, comme l'on croit à des mystères ou même simplement au « mystérieux », < d'adhérer > à cet autre visage de mon cœur, à ce revers féminin de toutes mes pensées […]. » Ailleurs, l'auteur rajoute le « ne » de négation pour que sa phrase soit absolument irréprochable : « Il se gonfla, se tordit, se dénivela et < ne > put progresser en lui qu'en titubant. » (f. 44). Même exemple folio 97 : un deuxième « ne » est inséré suite également à un oubli : « Je prenais totalement à mon compte la

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parole selon laquelle l'un < ne > peut croître que si l'autre diminue – ou cette autre parole qui veut que toute face claire ait, en contrepartie, sa propre face d'ombre. » La rature d'addition est, en outre, effectuée pour éclairer et renforcer le sens dans une phrase dans un effet d’insistance. Au folio 3, Louis-Combet introduit « Il était décidé que » qui met en relief la responsabilité de la communauté ecclésiastique qui a provoqué l’humiliation du narrateur : « L'assemblée des chrétiens, travaillée dans toute sa pâte par une hilarité [de] sans mesure, [ill.] s'agitait en une foire grotesque où < il était décidé que > mes pieds, proposés aux enchères publiques, appartiendraient à qui en donnerait le prix le plus vil. » Par ailleurs, l'addition de « sans me voir», au folio 11, rejoint la série de « sans » : « sans voix, sans pensée, sans ressort, sans réponse » pour insister sur la vacuité de l’être : « Mais comme il n'était pas d'autre Dieu que le sien, je me trouvais sans voix, sans pensée, sans ressort tandis qu'il fondait sur moi < sans me voir >, du haut de son terrible et impossible amour et m'assénait sa question sans réponse : " Qu'allez-vous devenir mon pauvre ami ? " Moi, j'étais vide. » Cette thématique est prépondérante dans la mythobiographie. Le narrateur souffre d’une crise d’identité qui trouve sa source effectivement dans la question posée par l’Abbé. Ce dernier représente la figure du père aimable et puissant en même temps et nous remarquons, tout au long du récit, qu’une fascination se laisse ressentir devant l’image de l’Abbé, symbole du père absent. Les narrateurs, dans les mythobiographies et récits de Claude Louis-Combet, n’ont pas d’identité, et ici sont niés jusque dans leur présence. Absence et fracture sont ici accentuées par l’ajout de « sans me voir ». De même qu’est tenté un parallélisme entre le novice et le Père, tous deux assimilés par la répétition du « sans », tous deux dans l’éternelle privation.

Un autre ajout est opéré également au sujet de l'Abbé (f. 31). Cette fois-ci, le narrateur fait l'éloge de l'Abbé. En effet, l'ajout vient préciser que l’autorité n’agit pas par violence même au moment du pur conflit entre lui et le narrateur : « Jamais, < jusqu'à l'instant dont je parle >, je ne pus le surprendre en flagrant délit de violence à mon égard. » Cet ajout permet de mettre en relief le moment particulièrement traumatisant où le novice est rejeté. Ailleurs, l’écrivain décide d’introduire un détail significatif concernant le bijou des Bithyniennes. L'addition de « et au- dedans » située entre « au devant de » et de « lui-même » assigne à « l'œil stylisé » un rôle symbolique :

Pénitentes, recluses, moniales du désert ou de la forêt ou bien grandes courtisanes, bétail pour légions barbares ou petites danseuses nues de fêtes de tous les palais, les bithyniennes avaient

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toujours le même regard étonnamment ouvert dans son obscurité même, la même démarche hiératique, les allures hautes, le corps fugace dans la lumière et toujours, semblables entre elles, saintes ou pécheresses, comme sœurs de perdition, elles portaient, fixé dans leur beauté, comme l’essence de leur unique désir, pour parure et bijou, l’œil stylisé qui semblait regarder, au devant <et au dedans > de lui-même, ce que les yeux de chair jamais peut-être ne pourraient fixer : totalité de la présence ou abîme infini du néant. (f. 138).

Ce bijou n'est pas une simple parure, il reflète l'intériorité des Bithyniennes, plus précisément leur sensualité, leur intimité, ce qu’a signalé l’ajout :

Il semble que les jeunes bithyniennes aient tenu à mettre en évidence, au point le plus précieux de leur parure, la part d'elle-même qu'elles jugent la plus importante. A d'autres le cœur, par exemple. À elles, l'œil. Comme si leurs yeux de chair ne [suffisaient] < parvenaient > pas à exprimer, en chacun de leurs regards, une suffisante densité d'être, elles ont voulu fixer, dans la permanence du bijou et dans la schématisation de sa forme, l'essence absolue de leur plus profond désir. (f. 127).

Le bijou bithynien est le symbole de la féminité, ce qui justifie l’importance accordée à cette parure, symbole de l’identité. Dans le br identifié n°18 (f. 2)50

, Claude Louis-Combet explique que le bijou est loin de toute représentation réaliste : « Naturellement, le dessin de l’œil n’était guère qu’un schéma, dépouillé de tous les accidents anatomiques d’une figuration réaliste. » Quand Marinus se débarrasse de son œil stylisé dans le puits, il renonce définitivement à son identité de femme, à son intimité, à sa sensualité. Cet œil d’argent est porteur de tout un passé des origines d’où le danger de le découvrir ; Marinus décide alors de le cacher des regards des frères et enfin de le jeter dans le puits, autre symbole de l’intériorité, cette fois mystique. Après ce geste, Marinus se sent sans visage donc sans identité : « Et la nuit, dans les divagations du sommeil et des rêves, il se passait les mains sur le visage car il lui semblait, tout à coup, que celui-ci avait disparu, qu’on le lui avait ôté et qu’il gisait, impondérable, immobile et cependant souriant, mêlé à l’eau profonde du puits et diluant sa lumière dans son obscurité. » (f. 387). Le puits symbolise ici à la fois la mort et la féminité promise à la sainteté, à l’absolu. Marinus assis à côté du puits, c’est l’homme à côté de son autre moi, de sa part féminine. Et l’œil jeté dans le

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puits, c’est peut-être le désir enfoui au plus profond, nié sans doute, aboli dans l’impossible conjonction du masculin et du féminin.

Autre exemple au sujet de Marinus, l'addition de « communiquer », au folio 361, qui intervient entre « formuler » et « ses rêves » renforce l'absence de communication dont le moine souffre parmi ses Frères à Maria Glykophilousa, cette souffrance qui résulte directement de son travestissement, de sa nature féminine cachée : « Formuler < et communiquer > ses rêves paraîssai[ent] < t > à Frère Marinus plus révélateur et plus compromettant qu'exprimer ses pensées. » Ailleurs, la rature d'addition « et trébuchant » consiste à souligner les difficultés que le narrateur a rencontrées pendant la traduction de la légende de sainte Marina :

Car en ce temps dont je parle et dont je tente de me rapprocher comme si c'était de là, seulement, que je puisse parler, la légende de Marina (à la traduction de laquelle je m'appliquais – errant < et trébuchant > parmi les subtilités de la philologie classique) s'associait étroitement à ma propre légende telle qu'alors je cherchais à en cerner les contours. (f. 406).

Elle renseigne le lecteur sur les difficultés dans l’élaboration et la composition du projet mythobiographique par un narrateur qui tente désespérément de se construire à travers la traduction de l’hagiographie, le Moi vide trouve un vecteur d’identification dans l’Autre absolu qu’est la sainte.

Les suppressions et ajouts comme les substitutions enrichissent le texte et favorisent le style louis-combétien. En outre, ces légers changements laissent transparaître des idées cruciales de la thématique de MM : l’admiration de la figure paternelle de l’Abbé, l’incommunicabilité, et la sensualité des Bithyniennes, qui rend encore plus féconde et plus chargée de sens la négation de la sensualité et de la féminité par Marina, qui dicte son destin de sainte.

1.2.4 Le transfert

Le transfert constitue un autre type de correction élaborée dans le texte. Dans l’état autographe de MM, la rature de transfert consiste à déplacer un terme au sein d'une même phrase

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ou pour le mettre dans une autre phrase ou bien à déplacer une phrase vers un autre contexte ou une autre page :

Dans le détail d'une formulation ou d'une phrase, la rature de transfert se limite souvent à des figures d'arrangement et de permutation ponctuelle de mots ou de syntagmes. […]. La rature de transfert peut se ramener à une rature de suppression puisque le segment déplacé est effectivement éliminé de son contexte, et souvent par une biffure. Mais c'est aussi une espèce particulière de rature de substitution puisque la biffure est bien suivie d'un ajout : simplement, au lieu que le segment substitutif soit différent du segment initial et replacé au même endroit, il est (plus ou moins) identique au segment initial et replacé à un endroit différent.51

Nous repérons une série de transferts où le segment ajouté est souvent un adverbe ou un adjectif. L’auteur déplace, par exemple, « à cette » pour rajouter « assez fort » :

Pas seulement les gestes, pas seulement la crispation finale du corps sur lui-même, mais l'abîme chancelant des pensées, le lancinement des images, le crescendo sensuel d'une curiosité qui me tirai[ent] < t > tous les nerfs de fêtes et joie dans la térébrance du désir – c'était non qu'il fallait clamer, je le clamais, mais pas [ à cette ] < assez fort >, < à cette > mienne chair éprise d'elle-même, c'était non, c'était non, je me le répétais avec une violence sans force et l'accent d'une vérité sans assise.52 (f. 20).

Ce déplacement est le fruit d’un simple oubli mais aussi d’une série d’hésitations ; l’auteur a oublié d'écrire « assez fort » avant « à cette », l’ajout a pour effet d’insister sur l’impuissance du novice, l’être de la privation et de l’impuissance, l’être réduit éternellement à ses doigts de pieds, l’être beckettien par excellence.

Nous relevons un autre exemple au folio 107, un transfert d'adjectif : « Un trop grand miracle m'avait, en cette [nuit] < immense > < nuit >, trop profondément peuplé. » L'ajout de « immense » établit une certaine harmonie dans le sens et dit l’épanouissement heureux au sein du symbole d’éternité paisible qu’est la nuit. En effet, « immense » est compatible avec « grand» et « profondément » ; la nuit est chère à Claude Louis-Combet qui ressent admiration et reconnaissance pour la nuit et ses moments paisibles.

51 La Génétique des textes, op. cit., p. 55-56.

52 Nous transcrivons le transfert par des crochets et des soufflets. Les crochets désignent la suppression, les premiers

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Ailleurs, l’auteur introduit l'adverbe « si » pour souligner le grand attachement de Marina à sa virginité désirant un mariage exceptionnel dans la ville de ses rêves, Byzance:

A songer à l'œuvre délirante qui avait fait, de la ténèbre amoureuse, l'essence de sa destinée, Marina avait souvent pensé qu'il y avait, en Byzance, une patrie pour elle, un lieu pour sa beauté, et que si elle avait [jal] < si > < jalousement > conservé sa virginité, c'était dans l'attente de l'offrir, à son tour, là où la ville serait la plus obscure, à quelque héraut de Dieu – à l'un de ces prophètes échevelés comme il en surgissait quelquefois à Byzance, qui annonçaient la fin du monde, l'imminence des cataclysmes, la ruine des métropoles et le rire inextinguible des barbares. (f. 397).

L’intensif « si » insiste sur la passion dont est marquée Marina dans sa jeunesse en quittant la mère et en suivant le père, elle devra quitter sa féminité, sa beauté, son identité, sa sensualité, mais aussi tout ce qui les font, à savoir ses passions, ses sentiments, ses affects, c’est la vie en somme qu’il faudra nier au monastère.

Ailleurs encore, l’auteur introduit l'adverbe de temps « jamais » pour intensifier l'emprise maternelle éternelle sur le narrateur : « […] Je reconnus que toute cette histoire (mon histoire, ma prétendue biographie) n'avait pu se dérouler, en son essentielle immobilité, que dans les limites de la sphère maternelle dont [je ne m ['étais]] < jamais > < je ne m'étais > évadé » (f. 689). Louis-combet a souvent évoqué l’influence de sa mère dans sa vie affective. Son œuvre répète cette recherche d’un état euphorique de l’union avec la mère, du paradis maternel prénatal. Par ailleurs, l’ajout de l'adjectif « particulière » renforce l’image de l’être exceptionnel qu’est Marina. Ce personnage est le motif principal de l’élaboration de la mythobiographie. Louis- Combet a entrepris son projet fasciné par Marinus-Marina, ce personnage double, chair et esprit, homme et femme :

Aussi, à défaut de pouvoir engager dans une simple parole la réalité même de son être – cette alliance [de chair et d'es [prit]] < particulière > < de chair et d'esprit > qui faisait d'elle cette femme unique, nommée Marina – elle mettait, à prononcer son invocation au Seigneur, toute l'attention et toute l'énergie dont sa foi la rendait capable. (f. 619-620).

Le transfert de parenthèses peut servir à placer le segment ajouté entre parenthèses. Au folio 27, l’écrivain supprime « dans l'image du moi » pour insérer la parenthèse « (et de me posséder) » et puis le reprend juste après l’addition : « Comme celui qui rêvait de se voir les

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yeux clos, j'ai souvent rêvé de me voir dans le regard de l'Abbé et de me reconnaître [dans l'image de moi] < (et de me posséder) > < dans l'image de moi > que son regard percevait – en mal ou en bien, qu'importe ! » Un tel transfert peut suggérer l'admiration pour la personne de l'Abbé et dénoter une fascination dans ce regard puissant et dominant qui renvoie néanmoins au narrateur une image dégradante de lui-même, un sentiment de vide et d'absence :

Moi, je tenais presque toujours le regard baissé comme en cet instant où l'Abbé me demandait avec une sollicitude qui n'en finissait pas, bien que tout fût fini : « qu'allez-vous devenir, mon pauvre ami? » Mais il me suffisait de lever les yeux vers son visage pour me sentir aussitôt et totalement la proie d'une longue familiarité de vide et d'absence, plus fascinante que le plus étrange de tous les poèmes et, pour moi, plus enrichissante que tous les biens du monde. (f. 28).

De même, nous repérons une autre parenthèse toujours au sujet de l’Abbé. La parenthèse «(claire) » n'apporte pas un grand changement dans le sens de la phrase, elle a été ajoutée probablement pour établir une sorte de symétrie, puisqu'une autre parenthèse la précède au début de la phrase : « Je ne tentais même pas de me situer par rapport à mon passé (conscient) et ne m'interrogeais pas davantage sur le sens de ma relation [à l'Abbé] < claire > < à l'Abbé >. » (f. 89-90). Toujours le désir de l’auteur d’équilibrer ses phrases afin de les rendre plus harmonieuses, plus rythmées, plus fluides et ici d’associer le désir de clarté à celui de conscience, tous deux inaccessibles au novice, qui sera bientôt rejeté et invité à habiter la nuit. Claude Louis-Combet souligne, dans une autre parenthèse, l’unicité des Bithyniennes dans leur amour, leur plaisir, leur vie comme dans leur rapport à Dieu :

La tradition rapporte aussi – mais dans la vacance de sa mémoire – qu'au plus haut de l'amour et comme d'autres, un cri, les Bithyniennes poussaient un mot, jailli, vif, de joie clamée, un mot unique et définitif portant en son incandescence tou[ill.] < t > ce qui peut être dit de l'essence [de l'amour] < (non composite mais une) > de l'amour, du plaisir, de la femme, de la vie, de l'éternité, de Dieu […]. (f. 138 bis (1))53

.

53 Dans le folio 98 du dossier des « Pensées détachées » (Annexes III), Louis-Combet note quelques lignes sur ce

mot que prononçaient les Bithyniennes. L’auteur jette des idées, dans des séquences de phrases séparées par des tirets comme des mots séparés par des points, mais nous pouvons retenir déjà l’idée d’un mot prononcé par les Bithyniennes. Le terme « mot » est répété trois fois dans ce folio, les adjectifs « unique » et « définitif » séparés dans le folio des « Pensées Détachées » sont réunis dans le ms. « Le mot né de la joie clamée » se transforme en « mot jailli, vif de joie clamée » dans la version finale. L’idée de « l’essence d’amour » est déjà présente dans le folio préparatoire et se traduit, dans le ms, par une phrase savamment construite qui regroupe presque tous les éléments de la pensée détachée mais qui est reformulée avec un langage et un style élaboré.

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L’auteur déplace « de l’amour » pour introduire « non composite mais une » qui dit le caractère exceptionnel de ce peuple. Cette description annonce déjà la vie de Marina dans son rapport unique avec l’amour, le plaisir et Dieu, cet être rare, charnel et spirituel en même temps, recueilli dans sa chair et son silence. Quand Salomé attribue à Marinus un enfant qu’elle a eu avec un autre homme, le moine Marinus ne prononce aucun mot. En effet, les Bithyniennes sont un peuple mystique, d’où la vocation et prédestination de Marina à cette vie d’ascèse et de mortification54.

Un autre mode de transfert consiste à introduire un mot ou une expression nécessaire à la compréhension de la phrase. Par exemple, l’auteur élimine « et ne pouvais » et le reprend plus loin après avoir inséré « j'étais légion » insistant ainsi sur la multiplicité du narrateur surtout que le segment rajouté l’est juste après « j'étais multiple » :

Je dus me l'avouer (je me l'avouais encore, ce jour premier et dernier où, tandis qu'ayant coupé l'ombilical cordon de l'espérance qui me retenait à Dieu, l'Abbé me demandait ce que j'allais devenir, je me trouvais sans réponse), j'étais multiple, [et ne pouvais] < j'étais légion > < et ne pouvais > continuer à dire je que par la force d'habitude d'une parole se déroulant mécaniquement dans le vide. (f. 50).

L’impossibilité de la fusion avec l’Abbé provoque la déchirure du narrateur et peut-être aussi sa damnation. L’être qui est « légion », c’est le diable bien entendu, celui qui ne peut prétendre aspirer à aucune unité originelle. Le narrateur n’est plus dès lors un être consistant, le « je » est dissocié. Le narrateur, durant le tout premier chapitre de MM, a tenté de faire fusionner son être masculin et son être féminin, rêvant de devenir femme, de s’unir à l’Abbé pour former le primitif androgyne. C’est une image qu’utilise souvent Claude Louis-Combet pour matérialiser l’idéal moniste, lui qui précisément, dans l’épigraphe de sa mythobiographie, salue ce qu’il doit aux philosophies de l’Absolu. La fracture, la dissociation étant consumée avec le Père, c’est-à-dire