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Chapitre 4 : Le néolibéralisme et Jean-Paul II

1. Qu’est-ce que le néolibéralisme?

1.2 L’histoire du capitalisme libéral

Le capitalisme n’est pas une réalité présente depuis toujours. Il n’est pas non plus un événement surgi de nulle part : il repose sur un type d’économie qui s’est mis peu à peu en branle, à savoir l’économie de marché. Au début du XIXe siècle, cette économie est assez développée pour permettre au capitalisme de prendre son essor. Face à cette expansion, deux courants s’opposent quant à la réaction à avoir. D’aucuns voudraient laisser faire l’économie, tandis que d’autres souhaiteraient plutôt que l’État intervienne pour la réguler.

«Plus largement, sont formulées dès le début du [XIXe] siècle deux visions utopiques d’un monde à venir; l’une et l’autre garantissent le bonheur de tous : la vision libérale, d’un côté, et, de l’autre, la vision fondée sur !’organisation de la société et qui sera dans le deuxième tiers de siècle qualifiée de “socialiste”5.» Si l’utopie socialiste propose d’organiser la société et possède une dimension éminemment politique, la vision libérale se caractérise à l’inverse par une confiance dans les lois du marché. Il faut enlever toutes les entraves à la

BRAUDEL, La dynamique du capitalisme, p. 58.

BRAUDEL, La dynamique du capitalisme, p. 117.

M. Beaud, Histoire du capitalisme de 1500 à 2000, Paris, Éditions du Seuil (coll. «Points Économie», El 8), 2000, p. 122.

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libre entreprise et à la propriété. L’État doit, par conséquent, intervenir le moins possible.

Ce qui est proposé par les libéraux se résume ainsi : «le bonheur humain assuré par le libre jeu de l’offre et de la demande dans tous les domaines6». Bref, avec le développement du

capitalisme se pose la question de la régulation de l’économie.

Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, le capitalisme se développe surtout dans sa version libérale, tandis que le pendant socialiste entre en effervescence. Les fabriques se répandent de plus en plus et, avec l’exode agricole et la difficulté pour les artisans de survivre devant la compétition, une main-d’œuvre nombreuse et disponible remplit les villes où le mouvement industriel trouve son lieu de prédilection. Cependant, dès les années 1870, des signes d’essoufflement se font sentir : krach boursier de Vienne en 1873, krach boursier de Lyon en 1882, «panique des chemins de fer7» aux États-Unis en 1884, etc.

Devant ces problèmes, il faut trouver de nouveaux marchés et la mondialisation devient une solution : il se produit une colonisation capitaliste. De plus, les entreprises tendent à grossir et, par le fait même, le capital se concentre entre les mains d’un nombre plus restreint de personnes. Enfin, s’il se produit une mondialisation, elle se réalise au travers d’une compétition entre pays occidentaux. Cela crée des rivalités et une montée de politiques protectionnistes qui conduiront au krach boursier de 1929. Pour se relever de cette crise importante, plusieurs pays adoptent des politiques économiques dans la ligne de ce que proposera John Maynard Keynes. Les hommes politiques veulent relancer l’économie de leur pays par la régulation de la demande. Un consensus se forme : il faut des États interventionnistes. Bref, la pensée libérale du XIXe siècle se voit confrontée à un certain échec. Le krach de 1929 est là pour le rappeler. La résolution du problème semble alors passer par une implication de l’État dans l’économie.

Les politiques interventionnistes ainsi que la deuxième guerre mondiale permettront aux économies nationales de remonter la pente et même de connaître une période de prospérité. Toutefois, dès les années 60, les conditions de production deviennent plus

Beaud, Histoire du capitalisme de 1500 à 2000, p. 126.

«Les compagnies de chemins de fer sont prises entre la hausse des coûts de construction des voies et la concurrence qu’elles se livrent. Le cours des actions de l’Union Pacific s’effondre, suivi de ceux de nombreuses valeurs ferroviaires, puis de faillites bancaires et d’un ralentissement de l’activité industrielle avec faillites, chômage et baisse des salaires». (Beaud, Histoire du capitalisme de 1500 à 2000, p. 187.)

difficiles à cause des augmentations de salaire, du refus des employés d’adopter certaines conditions de travail, de l’augmentation de la concurrence, de dépenses plus importantes pour contrer la pollution, etc. Cette situation conduira à la crise des années 70 qui se manifeste par une augmentation du chômage et de l’inflation (stagflation). La solution à ce problème se trouve encore une fois dans la mondialisation afín d’augmenter les exportations. Les politiques économiques d’inspiration keynésienne sont rapidement remises en question. Plutôt que de stimuler la demande, il faudrait stimuler l’offre en baissant les impôts et en diminuant les interventions de l’État pour favoriser l’action des entreprises en leur donnant plus de liberté. C’est une reprise des politiques libérales affinées par la mathématisation de l’économie opérée au XXe siècle par l’économétrie. Au plan économique, Milton Friedman et Friedrich A. Hayek, pour ne nommer qu’eux, sont les représentants de cette approche libérale renouvelée. Au plan politique, les dirigeants qui mettront en branle ces mesures sont emblématiquement représentés par Ronald Reagan et Margaret Thatcher. C’est ainsi qu’au début des années 80, un courant néolibéral est en vogue, courant qui emprunte certes aux idées libérales du XIXe siècle, mais qui les adapte à la réalité contemporaine. Pour le distinguer du libéralisme du XIXe siècle, il sera appelé néolibéralisme. C’est ce terme que j’utiliserai8.

En résumé, devant la crise des années 1970, !’interventionnisme de l’État est vivement critiqué et est identifié comme une des causes de cette crise. Il se produit un recours aux idées libérales pour revendiquer une diminution du rôle de l’État. C’est ce qui fait dire à Michel Beaud et à Gilles Dostaler : «Si la révolution keynésienne a consisté à fonder des politiques économiques visant à faire reculer le chômage, en insistant sur le rôle stratégique de la demande effective, laquelle implique l’incertitude et les anticipations, il est difficile de ne pas voir dans ces nouvelles écoles [celles qui critiquent

Je m’oppose ainsi à Jean-Claude St-Onge qui conteste la nouveauté du «néo»-libéralisme. Pour lui, il ne s’agirait que d’un retour aux idées libérales et le cadre conceptuel du néolibéralisme «est fondamentalement le même que celui des fondateurs du libéralisme classique». (J.-C. ST-ONGE,

L'imposture néolibérale. Marché, liberté et justice sociale, Montréal, Les Éditions Écosociété, 2000, P- 16.)

1 ’interventionnisme et qui préconisent la réduction du rôle de l’État] les manifestations d’une puissante contre-offensive libérale9.»