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Chapitre 4 : Le public chez Dewey, articulation entre une théorie de l’action et une

IV. L’expérience esthétique, une réponse au public et ses problèmes ?

problèmes ?

La publication de L’Art comme expérience en 1934 apporterait potentiellement quelques solutions aux problèmes présentées sept années plus tôt dans Le public et ses problèmes. En effet, en conclusion de ce dernier John Dewey commence à penser à la communication et à l’art comme des remèdes vitaux aux apories rencontrées par le public. L’ésotérisme des

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BRUGIDOU Mathieu, L’opinion et ses publics, Une approche pragmatiste de l’opinion publique, Presses de la Fondation Nationales des Sciences Politiques, Paris, 2008, p. 30.

86 langages scientifiques et techniques ne serait aucunement un obstacle si nous songeons à la puissance de l’art.

Après que Dewey a encensé l’enquête et a défendu la nécessité de la publicisation, il modère son propos en postulant que celle-ci peut être inutile dans certains cas ; il reprend là les arguments de Walter Lippman29 entre autres. En réalité, Dewey part souvent des critiques émises à son encontre pour y apporter une réplique constructive. En effet, le citoyen n’est pas « omnipotent », il ne détient pas la science infuse sur tous les sujets. Dès lors, certaines choses lui échappent. Par exemple, des thématiques financières ou scientifiques ne peuvent être cernées par tout un chacun ; par voie de conséquence le public ne peut se constituer puisqu’il est incapable de comprendre de quoi il retourne dans ces domaines et à terme son intérêt se fane face à la complexité du monde qui l’entoure. La solution ne saura plus être seulement la publicisation des résultats d’une enquête pour mettre un terme à une expérience. Cela ne suffit pas, ou plutôt ne suffit plus depuis les révolutions industrielles et technologiques.

Si nous considérons que seuls certains initiés peuvent accéder aux conclusions d’une enquête, il s’agirait d’une erreur car ce serait méconnaître « la puissance de l’art ». « La présentation est d’une importance fondamentale, et elle relève d’une question d’art. »30

L’essentiel est donc, à en croire Dewey, de disséminer les conclusions d’une enquête d’une manière accessible à tout un chacun. Le contenu n’est pas suffisant à lui seul, la forme occupe une part au moins aussi importante. Il s’agirait de rendre compréhensible à tout citoyen les résultats de toute enquête. Par ailleurs, Dewey affirme que la société nord- américaine de 1927 dispose « d’outils physiques de communication comme jamais

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En effet, John Dewey publie Le Public et ses problèmes en 1927 en réaction à l’axiome de Walter Lippmann selon lequel le public ne peut plus subsister. Dans notre monde si complexe, d’après révolutions industrielles et technologiques, le public politique ne pourrait plus prétendre ni aspirer à s’occuper de ses affaires mais devra dès lors déléguer tout comme il se laisse aller entre les mains et les décisions d’un médecin sans remettre en cause ses compétences, n’étant pas apte à juger du bien-fondé de ses actions. Le citoyen d’aujourd’hui, en fait celui de 1925 aux Etats-Unis d’Amérique, serait comme un « spectateur sourd assis au dernier rang », il s’ennuie et s’endort à force de n’y rien comprendre. La souveraineté du citoyen serait donc une « fiction ». A titre indicatif, voici une citation qui témoigne de l’esprit de la philosophie politique de Lippmann :

« « Nous devons prendre pour une prémisse indiscutable de toute théorie du gouvernement populaire, écrit encore Lippmann, que les hommes, en tant que membres du public, ne seront jamais bien informés, qu’ils ne s’intéresseront jamais longtemps à une affaire, qu’ils ne seront jamais neutres, qu’ils ne feront jamais preuve de créativité et qu’ils n’agiront jamais directement. » »

BASTIN Gilles, « Notes de lecture « Walter LIPPMANN, Le public fantôme » », Réseaux n°154, « Web 2.0 », volume 27, 2009, p. 248.

87 auparavant »31. Il consacre la communication dans ses écrits. Celle-ci permet une publicité à une plus grande échelle et surtout de manière très rapide. La communication s’établit comme le préalable à tout ce que postule l’auteur pragmatiste.

Désormais, Dewey met sur un même piédestal la publicisation des résultats d’une enquête et la forme que celles-ci prennent. Ce n’est pas sans raison s’il intitule le chapitre VI de L’Art

comme expérience : « La substance et la forme ».

« Autrement dit, la libération de l’artiste dans la présentation littéraire est autant une condition préalable pour la création souhaitable d’une opinion adéquate sur les questions publiques que ne l’est la libération de l’enquête sociale. »32

Un fin mélange de communication astucieuse et une forme accessible à tous rendraient le discours plus fluide et plus intéressant. L’artiste se retrouve donc positionné au même rang que le scientifique, si ce n’est à une place plus élevée.

Pour éclaircir un peu plus notre propos, nous pouvons commencer par indiquer le positionnement qu’adopte Dewey face à l’art. En disciple de Ralph Waldo Emerson, Dewey est séduit par une conception méloriste de l’art :

« Le méliorisme, en esthétique, signifiait non seulement que l’art devait être développé de manière à enrichir notre

expérience, mais aussi qu’il appartenait à l’esthétique de

fournir un aiguillon critique pour une intervention active destinée à cela »33.

En effet, Dewey regrette la conception muséale des beaux-arts, il constate que les œuvres d’arts accèdent à une sorte de vérité absolue en étant coupée de leur contexte. L’œuvre serait donc coupée de ses racines et de ses origines pour s’ériger au rang de mythe. Ce que le pragmatisme déplore. Rien ne peut être appréhendé en dehors de son environnement et des interactions qui ont lieu entre un organisme et celui-ci.

Il en est de même pour l’art. Une œuvre ne peut être considérée comme telle si nous excluons son environnement, une création datant de quelques siècles ne peut détenir le même sens aujourd’hui. Dewey convoque l’exemple du Parthénon, celui-ci est une pièce architecturale qui n’avait pas la même valeur pour les Grecs dans l’Antiquité que pour nous

31 Ibid., pp. 235-236 32

Ibid., p. 282

33

DEWEY John, L’art comme expérience, Gallimard, coll. « Folio Essais », Paris, 2010, édition originale 1934, p. 15. C’est nous qui soulignons.

88 à l’heure actuelle. Nous ne pouvons concevoir l’art en omettant le contexte contemporain dans lequel il est abordé. Il fait prendre en considération l’environnement, les interactions ou plutôt les transactions, terme que préfère Dewey, qui prennent place entre l’organisme et son environnement.

« Lorsque les objets artistiques sont séparés à la fois des conditions de leur origine et de leurs effets et actions dans l’expérience, ils se retrouvent entourés d’un mur qui rend presque opaque leur signification globale, à laquelle s’intéresse la théorie esthétique. »34

L’œuvre n’acquiert une dimension esthétique que lorsqu’elle prend place dans l’expérience d’un être humain, elle ne peut être qualifiée d’esthétique dans l’absolu, de tout temps ou par nature. L’œuvre n’est pas esthétique, elle le devient. Une œuvre ne peut être atemporelle, immortelle, immuable, présente indéfiniment telle quelle. Elle n’est esthétique qu’à l’aune de son rôle dans l’expérience dynamique que vit, qu’endure, qu’expérimente un être. Ce pourquoi l’élitisme des beaux-arts dérange quelque peu Dewey, dans le sens où un type d’art se détache de l’expérience pour venir s’afficher dans un circuit commercial le mettant en valeur comme si la pièce avait un sens dans l’absolu, elle serait « belle », un point c’est tout. Les musées musèlent l’art en réduisant au silence ce qu’il contient de passionnant, à savoir son rapport avec l’environnement. Il ne suffit pas de re-contextualiser historiquement comment l’œuvre a pris forme, il faut également étudier son ancrage dans l’expérience actuelle, ce qui la définirait bien mieux.

« Le produit de l’art […] n’est pas l’œuvre d’art. Il y a œuvre quand un être humain participe au produit, de sorte que le résultat soit une expérience appréciée pour ses propriétés ordonnées et voulues comme telles. Esthétiquement du moins. »35

Tout est parfaitement résumé dans cette citation : il n’y a œuvre que lorsqu’un humain prend part, participe à l’œuvre même, la consomme et l’intègre ainsi dans son expérimentation. L’œuvre d’art ne s’exprime qu’à travers son récepteur potentiel, sans lui elle n’est pas, elle n’a aucune existence propre. Un texte littéraire ne peut être assimilé à une œuvre d’art tant qu’il n’a pas été lu et intégré dans l’expérience par son lectorat, il ne peut prétendre à un aspect esthétique si ses récepteurs ne s’en imprègnent pas au sein de leur expérimentation.

34

Ibid., pp. 29-30.

89 Ce que Dewey appelle l’expérience esthétique ne se distingue en rien de l’expérience « ordinaire », bien au contraire. Il s’agit toujours d’interaction entre un organisme et son environnement. Il ne faut en aucun cas séparer l’objet de ses conditions d’apparition, de ses effets et actions dans l’expérience. Une expérience esthétique peut venir s’insérer dans le champ de l’expérimentation tout comme une expérience ordinaire le ferait. Seulement, l’expérience esthétique présente des caractéristiques bien distinctes. Tout d’abord, celle-ci se doit d’inclure dans son programme l’émotion :

« L’expérience en elle-même possède une qualité émotionnelle satisfaisante due à son intégration et à son accomplissement internes, qui sont le fruit d’un mouvement ordonné et

organisé. Cette structure artistique peut être immédiatement

perceptible. C’est dans cette mesure qu’elle est esthétique. »36

En effet, ce « mouvement ordonné et organisé » offre à l’expérience une cohésion et une unité bien supérieures à celle d’une expérience ordinaire.

« Dans l’art vu comme expérience, la réalité et la possibilité ou idéalité, le nouveau et l’ancien, le matériau objectif et la réponse personnelle, la surface et la profondeur, le sensible et le sensé, sont intégrés en une expérience au sein de laquelle ils sont tous transfigurés par rapport au sens qui est le leur quand ils sont segmentés par la réflexion. »37

Cela vient rejoindre ce que nous venons d’avancer, l’art apporte une cohésion au sens de l’expérience. L’esthétique vient mettre de l’ordre dans nos idées. Nous avons abordé plus tôt la notion d’aboutissement qui met un terme à une expérience afin de renouer le continuum de l’expérimentation, à cet effet l’expérience esthétique introduit un avantage qu'une expérience ordinaire ne présente pas : la « qualité esthétique qui donne à l’expérience sa

complétude et son unité comme étant de nature émotionnelle. »38 Ainsi l’expérience de nature esthétique facilite la/les transactions qui permettent une fluidité certaine pour recouvrer le fil de l’expérimentation.

« C’est l’émotion qui est à la fois élément moteur et élément

de cohésion. Elle sélectionne ce qui s’accorde et colore ce

qu’elle a sélectionné de sa teinte propre, donnant ainsi une unité qualitative à des matériaux extérieurement disparates et dissemblables. Quand l’unité obtenue correspond à celle que

36

Ibid., p. 85. C’est nous qui soulignons.

37

Ibid., p. 478.

90 l’on a déjà décrite, l’expérience acquiert un caractère

esthétique même si elle n’est pas essentiellement

esthétique. »39

L’émotion est constitutive de l’expérience esthétique, elle la définit par essence et sous-tend la complétude et, par prolongement, l’aboutissement de celle-ci.

Un second élément est nécessaire pour qualifier une expérience d’esthétique : l’imagination. L’un ne va pas sans l’autre. Au même titre que l’émotion, l’imagination va fluidifier les transactions censées supprimer ou du moins réduire la résistance qui prend part dans toute expérience.

« Toute expérience consciente recèle à quelque degré une qualité imaginative. Car si toute expérience s’enracine dans l’interaction d’une créature vivante avec son environnement, elle ne devient consciente et ne forme la matière d’une perception que quand elle se charge de significations dérivées d’expériences antérieures. L’imagination est la seule porte par laquelle ces significations peuvent se frayer un accès à une interaction en cours ; ou mieux, comme on vient de le voir,

l’ajustement conscient entre l’ancien et le nouveau est imagination. »40

L’émotion et l’imagination seraient donc des moteurs et des facilitateurs destinés à garantir à l’expérience esthétique une sensibilité, absente de l’expérience ordinaire, capable de mouvoir un public d’un stade du subir à l’agir. Dans une phénoménologie de l’agir, il n’y a : « pas d’action sans imagination » selon Paul Ricoeur : « l’imagination a une fonction projective qui appartient au dynamisme même de l’agir. »41 L’imagination donne à l’expérience un/des projets qui donnent une/des idées au public de ce qu’il souhaite dans l’optique d’une finalité recherchée. De cette manière l’enquête sociale et politique menée par le public se trouve clarifiée par la « fonction projective » et la « cohésion » relatives à l’expérience esthétique. L’émotion et l’imagination font ainsi tendre l’expérience vers son aboutissement.

39

Ibid., p. 92. C’est nous qui soulignons.

40

Ibid., p. 441. C’est nous qui soulignons.

91 Par ailleurs, la distinction entre exprimer et énoncer expliquerait une grande partie du problème. « La science asserte un sens ; l’art l’exprime »42, selon John Dewey. Et l’assertion tend à généraliser tandis que l’expression individualise le sens. La science découvre une vérité et l’art en créé une version qui, à terme, peut constituer une expérience, qui serait esthétique dans ce cas précis. Mais quelle est concrètement la force de l’art à laquelle nous avons fait allusion précédemment ? La crainte de Dewey se situe sur un point capital, celui des habitudes. Pour lui, l’esprit humain préfère économiser son énergie plutôt que de s’attaquer à une pensée bien ancrée dans une société donnée à un moment donné. L’« apathie et la torpeur occultent cette expressivité en les enfermant dans une coquille. La familiarité porte en elle l’indifférence, les préjugés nous aveuglent »43, l’expression se trouve affaiblie par le poids des habitudes. Et c’est là que l’art entre en scène :

« L’art fait s’envoler le voile qui masque l’expressivité des choses de notre expérience ; il nous permet de réagir contre le laisser-aller de la routine, et il nous rend capables de nous oublier, pour nous retrouver dans le plaisir d’une expérience du monde dans la variété de ses formes et qualités. Il se saisit de la moindre touche d’expressivité rencontrée dans les objets pour en faire une nouvelle expérience de vie. »44

L’art possède donc un langage, ou des langages plus à même de toucher les membres d’un public grâce à son pouvoir expressif. L’expérience esthétique permet de dépasser certaines frontières jusque-là insurmontables pour l’expérience ordinaire. L’art pourrait donc aider le public à passer du stade du subir à l’agir.

« Là où pour Aristote l’art est affaire de création au détriment de l’action, Dewey renverse les termes de manière à faire porter l’accent sur la dimension de l’action dans le processus créatif. »45

Nous pouvons donc faire le pont entre Le public et ses problèmes et L’art comme

expérience. En sept années, Dewey passe d’une conception où l’art fait s’estomper le

brouillard et tomber les barrières qui empêchent les membres du public de s’intéresser à ce qui les concernent, à une conception où l’expérience esthétique est entièrement constitutive de notre expérimentation. L’art s’inscrit dès lors tout à fait naturellement dans le projet du public. L’expérience a recours désormais à l’art pour exprimer ce dont elle a besoin. Nous

42 DEWEY John, L’art comme expérience, Gallimard, coll. « Folio Essais », Paris, 2010, p. 155 43

Ibid., p. 186. C’est nous qui soulignons.

44

Ibid., pp. 186-187.

92 passons d’une communication « attirante » à une esthétique de la communication mais pas seulement, à l’expérience devenant esthétique dans sa totalité tant qu’elle recouvre toutes les conditions que nous avons souligné plus haut. Nous pouvons lire chez Dewey :

« L’expression transgresse les barrières qui séparent les êtres humains. Etant donné que l’art est la forme de langage la plus universelle, étant donné qu’il est tissé, y compris dans les arts non littéraire, à partir de qualités communes appartenant au

monde public, il est la forme de communication la plus

universelle et la plus libre. »46

Dans son cadre pragmatiste, pour parvenir à l’étape de public il est nécessaire d’avoir des qualités communes cependant celles-ci ne peuvent être atteintes qu’à travers l’art. Une sorte de « monde commun » émerge grâce à l’art. Ainsi, le public trouve un terrain propice à son éclosion.

A partir du moment où une expérience possède une qualité émotionnelle et qu’elle arrive à son terme, elle est nécessairement esthétique. Dewey élargit ainsi les horizons et ouvre un accès inconcevable jusqu’alors à des activités que personne n’aurait soupçonné d’être une activité artistique. Le bûcheron, s’il s’applique à la tâche pendant le cheminement qui le transporte vers une fin, met un certain ordonnancement dans son activité, accorde une sensibilité esthétique à son travail, et éprouve du plaisir à exercer sa tâche se trouve dès lors expérimenter une expérience artistique. Alors que s’il pratique son activité de manière routinière, sans se soucier de l’apparence et de la visée de son travail, il ne vit pas d’expérience du tout. Tout comme pour l’artiste lorsqu’il s’intègre à son œuvre, il la vit, il traverse une expérience artistique, il en est de même pour certaines activités comme par exemple le ménage s’il se fait dans cette même optique. En fin de compte, assister à ce spectacle revient pour le public à vivre, de son côté, une expérience esthétique.

Conclusion chapitre 3.

93 L’approche pragmatiste et celle de Dewey en particulier, a été, il est vrai, bien plus développée que les autres notions mais il semble évident que, selon l’étude que nous nous proposons de mener, la conception deweyienne est la plus adéquate pour notre analyse à venir. Nous sommes sur le point d’étudier le street art égyptien sur Facebook afin de vérifier quelle a été sa part dans la constitution d’un public actif, qui s’est révolté contre le régime en place en 2011 et perdurer par la suite. Et soudainement, lorsque nous relisons Dewey, nous nous apercevons que ses théories sont effectivement opérationnelles pour notre sujet. L’auteur américain parle d’outils de communication, auxquels nous devons être attentifs, il s’intéresse au rôle de l’art dans l’expérience, et à la naissance d’un public. Grâce à Dewey, « à l’homme-spectateur s’est substitué l’homme-acteur »47, d’où la qualification de l’approche deweyienne comme étant une « théorie de l’action ».

Il ne faut pas non plus négliger la conception que Dewey a de l’art, il n’y voit pas du tout un outil élitiste détaché de l’expérience, bien au contraire. Il défend la création de l’art, qui se renouvelle en permanence, il offre aux nouvelles formes d’art une part considérable dans l’expérience, et lorsque l’étude porte sur le street art il semble judicieux et pertinent de se pencher sur une démonstration telle que celle de Dewey.

« Chaque fois qu’un matériau trouve un médium exprimant sa valeur dans l’expérience – c’est-à-dire sa valeur imaginative

et émotionnelle – il devient la substance d’une œuvre d’art. Le

combat permanent de l’art consiste ainsi à convertir les matériaux balbutiants ou réduits au silence dans l’expérience ordinaire en médiums éloquents. En se souvenant que l’art même dénote une qualité de l’action et de ses produits, toute nouvelle œuvre d’art authentique est elle-même jusqu’à un certain point un nouvel art. »48

Et c’est exactement le cas du street art depuis peu en Egypte. Il s’imprègne d’un nouveau médium pour s’exprimer, c’est-à-dire les murs urbains mais pas seulement, il se sert de réseaux sociaux, notamment des murs Facebook, afin d’atteindre un public plus vaste, de créer des interactions, et à terme de rendre le public actif. Un public que nous observons sur des pages d’activistes, s’opposant au régime de Moubarak, et qui a pour finalité ultime de