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CHAPITRE 1 – CONSTELLATION CONCEPTUELLE

1. L’ENGAGEMENT PROFESSIONNEL

Nous démarrons notre recherche conceptuelle par les définitions du Centre national de ressources textuelles et lexicales français, car le terme engagement est largement usité au sens commun. Puis nous avons exploré les écrits de différents auteurs qui ont étudié les notions d’engagement professionnel et d’engagement en formation.

1.1. Définitions du terme engagement

Le substantif engagement comprend le mot ‘gage’ qui signifie, au figuré, “ce qui représente une garantie, une assurance de quelque chose” (Centre national de ressources textuelles et lexicales, 2012). Le terme engagement comprend, selon les définitions, la notion d’“action de mettre en gage quelque chose”(CNRTL, 2012), ce qui “suppose de celui qui met en gage et de celui qui reçoit des responsabilités et des obligations” (De Ketele, 2014, p. 103) . L’engagement consiste également en un contrat oral ou écrit concernant “une promesse, convention ou obligation en vue d’une action précise ou d’une situation donnée” (CNRTL, 2012), également la notion de “participation active, par une option conforme à ses convictions profondes, à la vie sociale, politique, religieuse ou intellectuelle de son temps” (CNRTL, 2012), et encore la “mise en train d’une action dans laquelle il y a échange, lutte, rivalité, avec l’intention d’aboutir à un résultat positif” ou le “fait, pour cette action, d’être mise en train” (CNRTL, 2012).

S’engager dans une fonction est-ce fournir une garantie ? si oui, une garantie de franchir toutes les étapes, jusqu’où ? et fournir une garantie à qui ? une garantie du professionnel envers sa hiérarchie ? envers ses collègues ? envers soi-même ?

L’engagement dans une fonction peut être l’objet d’un contrat explicite ou tacite envers soi-même, envers la hiérarchie ou les collègues.

L’engagement dans une fonction implique-t-il nécessairement une participation active ? et si celui-ci n’est pas en conformité avec les convictions profondes de l’acteur, que se passe-t-il ? La mise en train de l’action comme définition de l’engagement met en lumière une partie seulement du concept, à savoir l’entrée en fonction, négligeant l’engagement sur la durée.

Les notions d’échange et de lutte illustrent bien les dimensions interactives de l’engagement, ainsi que de désaccords possibles impensés, implicites ou explicites, issus de valeurs professionnelles différentes, entre collègues ou avec la hiérarchie.

L’intention d’aboutir à un résultat positif peut fournir un but d’engagement dans la fonction.

Intervient ici également la question de la perception de la valeur du résultat positif auquel aboutir.

Nous ajouterons l’engagement au sens d’être au service de ou engagé pour un public ou une cause.

En 2014, De Ketele définit l’engagement professionnel comme

l’ensemble dynamique des comportements qui, dans un contexte donné, manifestent l’attachement à la profession, les efforts consentis pour elle ainsi que le sentiment du devoir vis-à-vis d’elle et qui donnent sens à la vie professionnelle au point de marquer l’identité professionnelle et personnelle. (p. 102).

Selon l’auteur (2014, p. 102), l’engagement professionnel peut donc s’observer au travers des comportements, et il est en étroite relation avec la construction identitaire professionnelle et personnelle. Ces dynamiques motivationnelles, d’engagement et d’identité professionnels interagissent dans le temps et l’espace (entre engagement et désengagement à un moment ou dans une situation autre). Elles sont en lien avec les comportements de reconnaissance professionnelle et leur perception par l’acteur. Nous faisons l’hypothèse que l’attachement à la profession est sous-tendu par la construction d’un êthos professionnel (que nous définirons plus bas) correspondant aux valeurs personnelles de l’acteur.

Bourgeois et Merhan (2017, p. 61) proposent de distinguer l’engagement dans l’activité de travail et dans le collectif de travail. Ils citent parmi les facteurs qui conditionnent l’accès à l’activité : le rôle du supérieur hiérarchique qui peut promouvoir l’activité [du professionnel], le double statut de stagiaire et d’employé, les facteurs individuels (Bourgeois & Merhan, 2017, p. 64-65). Ils relatent également les “effets de l’engagement dans l’activité et le collectif de travail […] sur la reconnaissance mutuelle” (Bourgeois & Merhan, 2017, p. 65) par le fait de trouver sa place, de participer, de collaborer à la tâche, par sa contribution à la construction de l’identité professionnelle (Bourgeois & Merhan, 2017, p. 65). Les auteurs présentent ensuite les conditions liées à l’environnement de travail qui ont un impact sur l’engagement : notamment le climat socioaffectif de travail, le degré de liberté dont bénéficie le professionnel (Bourgeois & Merhan, 2017, p. 65-66). Ils citent enfin les dispositions individuelles de l’engagement reliées au modèle de l’Expectancy-Value sur lequel nous reviendrons. Ce modèle comporte les dispositions relatives à la valeur perçue de la tâche, comprenant la pulsion épistémophilique ainsi que l’intérêt intrinsèque pour la tâche, et les dispositions relatives à la perception des chances de réussite, comprenant la propension à surmonter des défis et le sentiment d’efficacité personnelle (Bourgeois & Merhan, 2017, p. 72-74).

L’engagement dans la fonction de délégué PSPS est secondaire par rapport à celui dans l’enseignement et peut être limité dans le temps, toutes deux caractéristiques possibles de l’engagement en formation. Nous allons donc explorer les formes d’engagement par le modèle d’Expectancy-Value relaté ici par Bourgeois (2014), par les apports de Kaddouri, ainsi que Carré et Fenouillet (2011).

Bourgeois (2014, p. 96) ajoute que la dimension sociale de l’engagement se manifeste par l’engagement envers autrui en plus de celui envers soi et la tâche. L’auteur (2014, p. 96) traite de l’engagement en formation et expose également le modèle de l’Expectancy-Value proposé par Eccles et Wigfield (1992, 2000) et s’inspirant des théories de Vroom (1964) et Atkinson (1964). Selon ces auteurs, les deux sources principales, en interaction, de l’engagement de l’acteur dans l’apprentissage sont “la valeur attribuée par le sujet à la tâche d’apprentissage […

ainsi que] sa perception de ses chances de réussir la tâche en question (« espérance de réussite »)” (Bourgeois, 2014, p. 96). La valeur attribuée à la tâche concerne le sens de l’apprentissage pour la personne et se décline en quatre dimensions : “l’utilité perçue […], l’intérêt intrinsèque […], l’importance perçue [… renforcement de son image positive de soi], et le rapport coût/bénéfice” (Bourgeois, 2014, pp. 96-97). L’espérance de réussite, quant à elle, recouvre les “dimensions en interaction […] de difficulté perçue de la tâche, de sentiment d’efficacité personnelle […] ainsi que de perception du soutien de l’environnement”

(Bourgeois, 2014, p. 97). La valeur attribuée à la tâche et l’espérance de réussite sont le résultat d’une interaction entre des facteurs individuels et situationnels ou contextuels (Bourgeois, 2014, p. 97).

L’une des acceptions des termes « engagement en formation » proposée par Kaddouri (2011, p. 1) est “l’engagement comme valeur” pour laquelle il cite Rogers (1999, p. 273) en précisant que “l’engagement consiste « en une orientation organismique totale de la personne, impliquant non seulement son esprit conscient mais encore tout son organisme »” (Kaddouri, 2011, p. 73).

Kaddouri (2011, p. 79) expose ensuite le rapport de désengagement à savoir l’abandon de la formation commencée. Concernant l’engagement professionnel, cela signifierait donc que les formes d’engagement se situeraient entre l’engagement organismique et, à l’opposé du spectre, le désengagement.

Dans l’ouvrage « Traité des sciences et des techniques de la formation », Carré & Fenouillet (2011, pp. 280-283) présentent une typologie des motifs d’entrée en formation dont nous allons adapter certains en tant que motifs d’engagement dans la fonction.

Figure 2: Orientations et motifs d'engagement en formation

A partir de ces quatre orientations motivationnelles intrinsèque, extrinsèque, d’apprentissage et de participation, Carré & Fenouillet (2011, pp. 282-283) relèvent plusieurs motifs d’engagement dans une activité, dont nous retiendrons les trois motifs intrinsèques :

- Le motif épistémique : s’engager pour le plaisir de la connaissance, exercer la fonction est une source de plaisir en soi.

- Le motif socio-affectif : l’engagement pour bénéficier de contacts sociaux, d’échanges, et dans le but de communiquer avec autrui.

- Le motif hédonique : motif lié aux conditions pratiques d’exercice de la fonction, à l’ambiance des groupes de travail.

Nous conserverons également quatre motifs extrinsèques :

- Le motif dérivatif : l’engagement dans la fonction pour éviter des situations ou des activités désagréables (mauvaise ambiance, manque d’intérêt au travail…).

- Le motif opératoire professionnel : s’engager dans la fonction pour acquérir des compétences nécessaires pour le travail.

- Le motif opératoire personnel : s’engager dans le but d’acquérir des compétences en dehors du travail (loisirs, vie familiale, etc.).

- Le motif identitaire : l’engagement comme reconnaissance de l’environnement et de l’image de soi.

1.2. Synthèse

Nous retiendrons pour notre recherche tout d’abord la définition de De Ketele (2014, p. 102) qui se rapproche le plus de ce que nous entendons par engagement sur la durée dans la fonction :

“l’ensemble dynamique des comportements qui, dans un contexte donné, manifestent l’attachement à la profession, les efforts consentis pour elle ainsi que le sentiment du devoir vis-à-vis d’elle et qui donnent sens à la vie professionnelle au point de marquer l’identité professionnelle et personnelle” (De Ketele, 2014, p. 102). Nous retiendrons également les dimensions communes à plusieurs auteurs telles que les dimensions individuelles et contextuelles de l’engagement ; la valeur attribuée à la tâche avec l’utilité perçue, l’intérêt intrinsèque, l’importance perçu, le rapport coût/bénéfice, et l’espérance de réussite avec la

difficulté perçue de la tâche, le sentiment d’efficacité personnelle et la perception du soutien de l’environnement. Nous retiendrons enfin l’engagement valeur, le rapport de désengagement, les motifs épistémique, socio-affectif, hédonique, dérivatif, opératoire professionnel, opératoire personnel, identitaire ; l’engagement dans l’activité et le collectif de travail.

Somme toute, cet engagement se situe toujours entre dispositions personnelles, histoire de vie, et environnement de travail, ou situationnel. Nous relèverons finalement l’interdépendance entre engagement professionnel et engagement personnel.