1.3 La prise en compte des effets de site
1.3.2 L’estimation des effets de site
1.3.2.2 L’approche num´ erique
Cette approche consiste `a simuler num´eriquement la propagation des ondes sismiques
au niveau du site ´etudi´e. De nombreux outils num´eriques ont ´et´e d´evelopp´es au cours des
derni`eres d´ecennies afin d’am´eliorer la pr´ediction num´erique du mouvement sismique et
plusieurs degr´es de complexit´e peuvent ˆetre introduits dans les mod`eles. La situation la
plus simple consiste `a calculer la r´eponse lin´eaire d’une colonne de sol 1D sous incidence
verticale d’ondes S. La fonction de transfert peut alors ˆetre calcul´ee«`a la main»
(Thom-son, 1950; Haskell, 1953) et a ´et´e cod´ee pour la premi`ere fois dans le programme SHAKE
(Schnabel et al., 1972). Les diff´erents codes de calcul permettent `a l’heure actuelle de
consid´erer :
• des milieux de propagation 1D, 2D et 3D ;
• diff´erents champs d’ondes incidents (comme une onde plane `a propagation verticale
ou inclin´ee, une source ponctuelle ou ´etendue, une onde de surface) ;
• diff´erentes lois de comportement dans le milieu de propagation (visco´elastique,
«non-lin´eaire» par une approche lin´eaire ´equivalente d´etaill´ee ci-apr`es, et
non-lin´eaire).
Parmi les diff´erentes m´ethodes num´eriques figure le calcul en lin´eaire-´equivalent. Il
s’agit d’une approche permettant de prendre en compte la d´egradation des propri´et´es
m´ecaniques du sol avec l’augmentation de la d´eformation, sans pour autant engendrer
des coˆuts de calcul tr`es importants. L’approche est bas´ee sur les param`etres ´equivalents
pr´esent´es dans la partie 1.3.1.1. Il convient de garder en m´emoire que ce calcul reste
fonci`erement lin´eaire. En effet contrairement `a un calcul non-lin´eaire, il est r´ealis´e dans
le domaine fr´equentiel et ne consid`ere pas le chemin de contrainte r´eel. Il ne permet
1.3 La prise en compte des effets de site
donc pas de d´eduire une valeur de d´eformation r´esiduelle ou de prendre en compte les
´eventuelles mont´ees de pression interstitielle. La r´esolution en lin´eaire ´equivalent de la
r´eponse d’une colonne de sol 1D (alternance de couches horizontales) reposant sur un
semi-espace uniforme sous l’effet d’une onde plane de cisaillement `a incidence verticale a
´et´e cod´ee dans le programme SHAKE par Schnabel et al.(1972) puis modifi´e par Idriss
et Sun (1992). Ce code reste largement utilis´e pour la r´ealisation de calculs lin´eaires
´equivalents. A tr`es forts niveaux de d´eformation, la m´ethode lin´eaire ´equivalente n’est
plus adapt´ee et il est alors recommand´e d’effectuer un calcul non-lin´eaire. Kim et al.
(2013) proposent un proxy pour la d´eformation donn´e par la relation :
γ
proxy“ P GV
V
S30(1.34)
o`uP GV est la vitesse maximale du mouvement incident et V
S30la vitesse moyenne des
ondes de cisaillement sur les trente premiers m`etres de sol.
La figure 1.14 pr´esente les conclusions obtenues par Kimet al.(2013) quant `a la validit´e
de l’approche en lin´eaire ´equivalent. Les auteurs consid`erent que tant que cette
esti-mation de la d´eformation est en-de¸c`a du seuil de 0.1%, la m´ethode lin´eaire ´equivalente
capture aussi bien les ph´enom`enes de propagation des ondes qu’un calcul non-lin´eaire.
Au del`a de cette valeur, l’approche lin´eaire ´equivalente peut sous-estimer le mouvement
sismique pour des p´eriodes comprises entre 0.1 s et 1 s, par suite d’une surestimation de
l’amortissement. A basses fr´equences (inf´erieures `a 1 Hz), les deux approches sont
cepen-dant ´equivalentes. Lorsque leproxy pour la d´eformation atteint 0.4%, il est recommand´e
de privil´egier le calcul non-lin´eaire. Malgr´e ces limitations, le calcul lin´eaire ´equivalent
reste tr`es int´eressant pour l’estimation des effets de site du fait de sa simplicit´e et
ra-pidit´e de mise en œuvre. Il permet ainsi de comprendre les ph´enom`enes via des ´etudes
param´etriques notamment.
Le calcul lin´eaire ´equivalent est bas´e sur un processus it´eratif, dont les diff´erentes ´etapes
sont list´ees ci-dessous :
1. Estimation initiale des valeurs de rigidit´e et d’amortissement G
0etζ
0. Les valeurs
`
a faible d´eformation sont utilis´ees (G
0“G
maxet ζ
0“ζ
min).
2. Calcul de la r´eponse de la colonne de sol avec ces valeurs de module de
cisaille-ment et d’amortissecisaille-ment, et notamcisaille-ment des d´eformations temporelles au niveau
de chaque couche.
3. Calcul de la d´eformation de cisaillement «effective» au niveau de chaque couche
`
a partir de la d´eformation maximale (d´eduite de la d´eformation temporelle). En
effet, la d´eformation maximale issue d’une sollicitation r´eelle n’est atteinte que tr`es
ponctuellement. La d´eformation effective est d´efinie comme un pourcentage de la
d´eformation maximale γ
ef f0“Rγ
max0, avec R souvent choisi ´egal `a 65%. Idriss et
Sun (1992) ont propos´e la relation suivante pour relier la valeur deR`a la magnitude
M du s´eisme (crit`ere sur la dur´ee du s´eisme, i.e. le nombre de cycles) : R“
M10´1.
Un rapport de 65% serait donc adapt´e `a une magnitude de 7.5.
Analyses
non-lin´eaires
n´ecessaires
Analyses en lin´eaire ´equivalent
suffisantes
Zone de transition
P´eriode (s)
γ
pr oxy(%
)
10
Figure1.14 – Figure extraite de Kimet al.(2013), illustrant la validit´e de l’approche en
lin´eaire ´equivalent. Zone en bleu : spectre de r´eponse en acc´el´eration sous-estim´e de 10%
`
a 30% par une analyse en lin´eaire ´equivalent (par rapport `a une analyse en non-lin´eaire).
Zone en orange : spectre de r´eponse en acc´el´eration sous-estim´e de 30 % (ou plus) par
une analyse en lin´eaire ´equivalent.
4. Des valeurs it´er´eesG
1etζ
1sont d´eduites de la d´eformation de cisaillement effective
par lecture sur les courbes de r´eduction du module et d’´evolution de l’amortissement
pour une d´eformation de cisaillement ´egale `aγ
ef f0, comme illustr´e sur la figure 1.15.
5. Les ´etapes 1 `a 4 sont r´eit´er´ees jusqu’`a converger vers une valeur de d´eformation
effective - et donc de module de cisaillement et d’amortissement. En principe 3 `a
5 it´erations suffisent `a converger (Schnabel et al., 1972) pour aboutir aux
para-m`etres ´equivalents G
eqet ζ
eqet `a l’estimation du mouvement sismique en lin´eaire
´
equivalent.
Les calculs num´eriques pr´esentent le grand int´erˆet de permettre de comprendre les
ph´enom`enes mis en jeu dans la r´eponse dynamique d’un site. Ils sont par ailleurs fiables
dans le cas de situations simples (1D visco´elastique ou lin´eaire-´equivalent). Cependant,
les diff´erents travaux de v´erification des codes de calcul r´ev`elent que la fiabilit´e des m´
e-thodes num´eriques d´ecroit lorsque le degr´e de complexit´e introduit dans les mod`eles
augmente. En particulier, l’exercice de v´erification PRENOLIN (PREdiction of
NOnLI-Near soil response) a montr´e que la mod´elisation de comportements non-lin´eaires sur
une colonne de sol 1D conduisait `a une variabilit´e des r´esultats entre diff´erents codes
de calcul (R´egnier et al., 2016). Plus les niveaux de d´eformation sont forts – i.e. plus
1.3 La prise en compte des effets de site
1
γeff
i-1log(γ
c)
G/G
maxζ
G
i/G
maxζ
iFigure 1.15 – Illustration d’une it´eration du module de cisaillement et de
l’amortisse-ment par lecture sur les courbes de d´egradation.
le sol se comporte de mani`ere non-lin´eaire – plus cette variabilit´e est importante. Pour
un P GA de 5 m{s
2, l’´ecart-type logarithmique (logarithme d´ecimal) sur l’acc´el´eration
maximale calcul´ee en surface de la colonne de sol est de 0.17 pour une sollicitation `a
spectre riche en basses-fr´equences, et de 0.65 pour une sollicitation `a spectre riche en
hautes-fr´equences. L’incertitude sur les r´esultats reste toutefois l´eg`erement inf´erieure `a
celle accompagnant la variabilit´e al´eatoire associ´ee aux lois de pr´ediction du mouvement
sismique (GM P E).
L’´etude de la propagation des ondes sismiques dans des milieux de propagation 3D
complexes, en restant dans le domaine lin´eaire, est aussi accompagn´ee d’une certaine
variabilit´e, cependant l’ensemble des codes test´es (m´ethodes des diff´erences finies, aux
´el´ements finis, aux ´el´ements spectraux et Galerkin discontinu) se sont r´ev´el´es ´equivalents
en termes de pr´ecision et d’effort de calcul (Tsuno et al., 2009; Chaljub et al., 2010;
Maufroy et al., 2015a; Chaljub et al., 2015). Globalement, l’origine de diff´erences entre
les diff´erentes pr´edictions num´eriques en lin´eaire sont bien comprises. Le facteur limitant
pour des ´etudes param´etriques en trois dimensions `a des fr´equences allant jusqu’`a 10 Hz
ou 20 Hz reste la puissance de calcul.
Ces tests comparatifs ont montr´e que pour s’assurer d’un minimum de fiabilit´e dans
l’estimation du mouvement sismique, il convenait d’effectuer une comparaison avec au
moins deux codes de calculs et deux op´erateurs diff´erents. Effectuer cet effort de v´
eri-fication dans le domaine lin´eaire avant toute introduction de non-lin´earit´e s’est r´ev´el´e
utile pour ´eviter les erreurs li´ees `a une mauvaise impl´ementation des donn´ees d’entr´ee,
`
a une mauvaise compr´ehension de la situation ´etudi´ee ou encore `a une loi d’att´enuation
diff´erente entre les codes (R´egnieret al., 2016).
Finalement, l’approche num´erique souffre d’une autre limitation, concernant sa repr´
esen-tativit´e par rapport au site r´eel. En effet, elle n´ecessite de se baser sur un mod`ele associ´e `a
43
des param`etres m´ecaniques et une loi de comportement devant permettre de repr´esenter
correctement le site ´etudi´e. Or, ces donn´ees ne sont pas toujours accessibles ais´ement et
s’accompagnent d’une incertitude. Il est recommand´e d’effectuer des ´etudes de sensibilit´e
pour ´evaluer l’impact de cette incertitude sur le mouvement sismique pr´edit.
Dans le document
Stabilité des digues sous chargement sismique : vers une nouvelle génération de méthodes simplifiées
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