1.5.4 Prise en compte de la r´ eponse dynamique de l’ouvrage et du sol de
1.5.4.1 Influence de l’interaction avec une couche de fondation . 62
La majorit´e des ´etudes simplifi´ees d’estimation du mouvement sismique d’un barrage
consid`erent que l’ouvrage repose directement sur un rocher rigide. Si cette hypoth`ese
est peut-ˆetre acceptable pour des barrages en remblai, g´en´eralement construits sur un
rocher compact, elle parait inadapt´ee au cas des digues, situ´ees en principe dans des
vall´ees alluviales. Les travaux de Idriss et al. (1974) montrent l’int´erˆet de prendre en
compte l’interaction entre un barrage et sa fondation dans certains cas. En effet, l’acc´
e-l´eration maximale peut ˆetre consid´erablement diminu´ee (jusqu’`a une r´eduction de 50%
de l’acc´el´eration en crˆete sur un cas pr´esent´e par l’auteur entre le calcul coupl´e - o`u la
r´eponse dynamique de l’ouvrage est coupl´ee `a celle de sa fondation - et celui o`u le calcul
est d´ecoupl´e - le barrage repose sur un rocher rigide sollicit´e par le mouvement calcul´e
en surface de la fondation en champ libre). L’effet important de la dissipation d’´energie
par radiation dans une fondation flexible est aussi mis en ´evidence par Abouseeda et
Da-koulas (1998). Pour les situations consid´er´ees, l’hypoth`ese d’une fondation rigide conduit
`
a une surestimation de 35% de l’acc´el´eration maximale en crˆete et de 50% des d´
efor-mations maximales par rapport au cas d’une fondation flexible. N´eanmoins, en cas de
forte sollicitation (comportement non-lin´eaire), l’amortissement hyst´er´etique d´evelopp´e
`
a la base du barrage est moins important dans le cas d’une fondation flexible (car les
d´eformations sont moins importantes), ce qui compense en partie l’effet«b´en´efique» de
la radiation d’´energie dans la fondation. Ce ph´enom`ene est aussi observ´e par Bycroft et
Mork (1988).
Plusieurs param`etres pourraient influencer le degr´e d’interaction entre un barrage et
sa fondation. Selon Idriss et al.(1974), le rapport entre la profondeur de la couche de sol
et la largeur `a la base du barrage est un bon indicateur de cette interaction. Sur les 5
configurations ´etudi´ees, plus ce rapport est petit, plus l’interaction entre le barrage et sa
couche de fondation est importante. Les r´esultats de Finn et Khanna (1966) montrent
que la r´eponse dynamique est fortement li´ee aux p´eriodes de r´esonance du barrage et de
la couche de fondation. Selon Finn et Reimer (1970), l’interaction entre le barrage et la
couche de fondation peut-ˆetre reli´ee `a la valeur de la p´eriode de r´esonance du syst`eme
relativement `a la p´eriode pr´edominante d’excitation.
Bien que l’influence de la flexibilit´e de la fondation d’un barrage sur son mouvement
sismique a ´et´e r´ev´el´ee d`es les ann´ees 1960’s, tr`es peu d’abaques ou de formulations
sim-plifi´ees la prennent en compte. A notre connaissance, seules deux m´ethodes simplifi´ees
d’estimation de la r´eponse sismique int`egrent la pr´esence d’une fondation flexible : la m´
e-thode propos´ee par Sarma (1979) et celle d´evelopp´ee par Papadimitriouet al.(2014). Ces
deux approches sont d´etaill´ees ci-apr`es, dans les parties 1.5.4.2 et 1.5.4.3 respectivement.
1.5 L’analyse simplifi´ee de la r´eponse sismique des barrages
1.5.4.2 M´ethode et abaques de Sarma
Sarma (1979) propose une solution th´eorique au mouvement sismique d’un barrage
reposant sur une couche de sol. Les ´equations du mouvement obtenues sont utilis´ees
pour calculer la r´eponse maximale de diff´erents ouvrages sollicit´es par plusieurs
enregis-trements r´eels afin de d´evelopper des abaques. Les travaux de Sarma (1979) concernent
toute la chaine de calculs permettant l’estimation des d´eplacements irr´eversibles par
une approche pseudo-dynamique, seuls les d´eveloppements permettant l’´evaluation de la
r´eponse dynamique du syst`eme barrage-couche de fondation sont pr´esent´es ici.
La r´esolution analytique propos´ee repose sur de nombreuses hypoth`eses :
• Le barrage est assimil´e `a une section triangulaire (ouvrage infiniment long), sym´
e-trique par rapport `a l’axe vertical et constitu´e de mat´eriaux homog`enes ;
• La fondation du barrage est mod´elis´ee par une couche de sol homog`ene
horizon-tale pouvant avoir des propri´et´es ´elastiques diff´erentes de celles du barrage, sans
variations lat´erales ;
• La couche de sol de fondation du barrage repose sur un rocher rigide semi-infini o`u
la sollicitation sismique est impos´ee ;
• Les mat´eriaux du barrage et de la couche de sol se comportent de mani`ere
visco-´elastique, la seule source de dissipation d’´energie provient de l’amortissement
vis-queux ;
• L’amortissement visqueux ne d´epend pas de la fr´equence, il est identique dans le
barrage et dans sa fondation ;
• Une approche «shear beam » est utilis´ee pour la r´esolution (voir hypoth`eses
asso-ci´ees dans le paragraphe 1.5.3.1).
La situation ainsi consid´er´ee est synth´etis´ee sur la figure 1.24. Sous l’ensemble des
hypo-th`eses effectu´ees, la r´eponse sismique du syst`eme ´etudi´e ne d´epend plus que d’une seule
dimension et peut ˆetre calcul´ee analytiquement.
Vd ρd Vc ρc Hd Hc Amortissementς y
Approche en cisaillement simple
Rocher rigide
accélérogramme au rocher
Figure 1.24 – Situation consid´er´ee par Sarma (1979).
La r´esolution analytique permet d’estimer `a chaque profondeur y le mouvement
sis-mique (acc´el´eration temporelle) comme la somme des contributions des diff´erents modes
63
propres de r´esonance du syst`eme barrage/couche de sol - Sarma (1979) propose de
consi-d´erer les modes ayant une fr´equence de r´esonance inf´erieure `a 20 Hz. Deux param`etres
sans dimension sont mis en ´evidence dans le calcul :
m “ V
dρ
dV
cρ
c(1.36)
q “ V
dH
cV
cH
d“ t
ct
d(1.37)
o`uV
dest la vitesse des ondes de cisaillement ´elastiques dans le barrage,H
dest la hauteur
du barrage, V
cest la vitesse des ondes de cisaillement ´elastiques dans la couche de sol,
H
cl’´epaisseur de la couche de sol, t
dest le temps de trajet des ondes S dans le barrage
et t
cle temps de trajet des ondes S dans la couche de sol.
Le param`etremest un indicateur du contraste d’imp´edance entre le remblai et la couche
de sol, tandis que le param`etre q repr´esente le contraste des temps de trajet entre le
remblai et la couche de sol.
La pr´esence de la fondation conduit n´ecessairement `a diminuer les fr´equences de r´
eso-nance des diff´erents modes par rapport au cas o`u l’ouvrage repose directement sur un
rocher consid´er´e rigide. L’expression de p´eriode de r´esonance du mode n obtenue par
Sarma (1979) est :
T
dcn“ 2πH
ds
a
nV
d(1.38)
o`u ¯a
nest le coefficient respectant l’´equation :
J
0pas
nqJ
1pas
nq“mtanpqas
nq(1.39)
avec J
0et J
1les fonctions de Bessel d’ordre 0 et 1 respectivement.
En particulier, le cas n “ 1 donne la p´eriode fondamentale du syst`eme. Sans pr´esence
de fondation (q “ 0), la valeur de as
1permet de retrouver l’´equation (1.35) du cas
d’un barrage reposant directement sur un rocher rigide. De la mˆeme mani`ere, lorsque
l’´epaisseur du barrage tend vers 0, la solution obtenue par Sarma (1979) converge vers
celle associ´ee `a une couche de sol horizontale.
Les hypoth`eses sur lesquelles reposent la m´ethode peuvent conduire `a de nombreuses
interrogations. Tout d’abord, Ambraseys (1960) montre que l’approximation de la section
d’un barrage `a un triangle est acceptable lorsque la largeur de la crˆete repr´esente moins
de 10% de la largeur totale. Cette situation est finalement peu fr´equente, notamment
lorsque l’on consid`ere des digues. Des variations lat´erales et verticales des propri´et´es des
mat´eriaux peuvent ˆetre attendues, surtout pour des couches de fondation ´epaisses.
L’hy-poth`ese d’un rocher rigide parait tr`es p´enalisante, la dissipation d’´energie par radiation
1.5 L’analyse simplifi´ee de la r´eponse sismique des barrages
n’´etant pas repr´esent´ee. Un amortissement visqueux uniforme, identique dans la couche
de fondation et le barrage, peut ˆetre une approximation grossi`ere, notamment en pr´
e-sence d’un contraste de rigidit´e important entre le barrage et la fondation. Finalement,
comme expliqu´e dans le paragraphe 1.5.3.1, l’approche «shear beam » peut conduire `a
une surestimation de l’acc´el´eration en crˆete.
Enfin, `a l’aide du mod`ele th´eorique d´evelopp´e, Sarma (1979), d´eduit des abaques
permettant de pr´edire l’acc´el´eration maximale en crˆete de digue ainsi que l’acc´el´eration
maximale de blocs potentiels de glissements. Pour diff´erentes valeurs demetql’´evolution
des sollicitations maximales est repr´esent´ee en fonction de la p´eriode de r´esonance
fonda-mentale du syst`eme barrage/couche de sol (comme dans le cas d’un spectre de r´eponse).
Pour cela, diff´erentes configurations de barrages et couche de fondation sont consid´er´ees
(le choix des valeurs de m et q permet de repr´esenter des ´epaisseurs de couche de sol
´egales au maximum `a deux fois la hauteur du barrage). 8 enregistrements de s´eismes
forts sont utilis´es. Afin de consid´erer la r´eponse des ouvrages en cas de forte sollicitation
et pour combler le d´eficit de dissipation d’´energie li´e `a l’hypoth`ese d’un rocher rigide,
un amortissement visqueux de 20% est utilis´e. L’application directe des abaques soul`eve
de nouvelles interrogations, notamment vis-`a-vis de l’amortissement tr`es fort pouvant
potentiellement conduire `a des r´esultats non conservatifs. Par ailleurs le choix des
para-m`etres m etq ne permet pas de couvrir l’ensemble des configurations de digues pouvant
ˆetre rencontr´ees en France (dans le cas o`u l’´epaisseur des s´ediments est tr`es ´epaisse
notamment).
La m´ethode propos´ee par Sarma (1979) pr´esente le grand int´erˆet de fournir une
solution analytique simple `a l’estimation de la r´eponse dynamique d’un barrage reposant
sur une couche de sol. Les formulations d´evelopp´ees ne d´ependent a priori pas de la
hauteur du barrage et sont donc applicables pour des digues moins hautes. Cependant
elle est bas´ee sur des hypoth`eses fortes, et notamment l’approche «shear beam », la
pr´esence d’un rocher rigide `a la base de la couche de sol ainsi qu’un amortissement
visqueux identique dans le barrage et dans la couche de sol (qui plus est tr`es fort pour le
d´eveloppement des abaques). Les abaques d´evelopp´es ont l’avantage d’ˆetre encore plus
simples `a appliquer. N´eanmoins, les situations choisies pour les d´evelopper sont plus
´eloign´ees du contexte des digues (surtout si ces derni`eres reposent sur des couches de sol
´epaisses) sollicit´ees par des s´eismes mod´er´es (l’amortissement choisi ´etant de 20%).
Dans le document
Stabilité des digues sous chargement sismique : vers une nouvelle génération de méthodes simplifiées
(Page 101-104)