1.3 La prise en compte des effets de site
1.3.1 Description des effets de site
1.3.1.1 Les effets de site s´ edimentaires
La pr´esence d’effets de site s´edimentaires `a ´et´e largement observ´ee, l’exemple le plus
connu illustrant leur impact potentiellement pr´edominant sur le mouvement sismique est
celui du s´eisme de Mexico en 1985 (et plus r´ecemment en 2017). Les dommages les plus
importants ont ´et´e observ´es dans le bassin s´edimentaire de la ville de Mexico (constitu´e
d’un sol extrˆemement mou) situ´e `a 350 km de l’´epicentre et non pas dans les zones
plus proches de celui-ci o`u le sol est significativement plus raide (Andersonet al., 1986).
L’origine principale des effets de site s´edimentaires r´eside dans le pi´egeage des ondes
sismiques (et plus particuli`erement les ondes S) au sein du sol plus meuble en proche
surface. Par ailleurs, dans le cas de g´eom´etries 2D (vall´ees) ou 3D (bassins), des ondes de
surface sont g´en´er´ees par diffraction au niveau des h´et´erog´en´eit´es lat´erales. L’interf´erence
entre les ondes cr´ee des ph´enom`enes de r´esonance (associ´es `a des fr´equences et modes
propres) li´es aux conditions du site (g´eom´etrie et propri´et´es m´ecaniques).
Cas particulier du cas 1D L’´etude de ce cas particulier permet de comprendre et
d’illustrer les principaux ph´enom`enes mis en jeu de mani`ere th´eorique. La situation
consid´er´ee est pr´esent´ee sur la figure 1.10(a). Il s’agit d’ une stratigraphie horizontale
constitu´ee d’une couche de surface ayant des propri´et´es m´ecaniques plus faibles que le
substratum semi-infini sur lequel elle repose. La sollicitation sismique est repr´esent´ee
par une onde plane `a incidence verticale polaris´ee horizontalement (onde SH). Sur cette
figure, V
cet V
rsont respectivement la vitesse des ondes de cisaillement dans la couche
sup´erieure et dans le substratum, ρ
cet ρ
rcorrespondent aux masses volumiques dans
la couche de sol et le substratum respectivement, ζ est l’amortissement visqueux dans
la couche de sol et H
cl’´epaisseur de cette couche de sol. L’´evaluation de l’effet de site
associ´e `a cette situation peut ˆetre quantifi´ee dans le domaine fr´equentiel par sa fonction de
transfert, repr´esentant le rapport spectral entre le mouvement en surface et le mouvement
incident au rocher. L’amplification d’un site peut ˆetre aussi quantifi´ee par rapport au
mouvement au niveau du rocher affleurant, non impact´e par l’effet de site. Ce rapport
«site sur r´ef´erence» est repr´esent´e sur la 1.10(b). L’amplification significative du signal
peut ˆetre observ´ee `a certaines fr´equences appel´ees fr´equences de r´esonance. Dans ce cas
particulier d’une seule couche de sol homog`ene d’´epaisseurH
co`u la vitesse de propagation
des ondes S est ´egale `a V
c, les fr´equences de r´esonance sont donn´ees par :
f
0“ V
c4H
c, fr´equence de r´esonance du mode fondamental ; (1.29)
f
n“ p2n`1q f
0, fr´equence de r´esonance du n
`emeharmonique. (1.30)
Ces expressions peuvent ˆetre obtenues en ´ecrivant les ´equations de propagations des ondes
sismiques dans le milieu, comme d´etaill´e dans le livre Kramer (1996). Elles mettent en
´
1.3 La prise en compte des effets de site
basse tandis qu’une couche plus fine et raide pourra conduire `a une amplification des
hautes fr´equences. Bard et Riepl-Thomas (1999) rappellent les diff´erentes formulations
permettant d’estimer la fr´equence fondamentale de r´esonance dans le cas d’une
super-position de plusieurs couches horizontales 1D. Par ailleurs, l’amplification maximale A
0cpar rapport au rocher affleurant est li´ee au contraste d’imp´edanceC
ientre la couche de
surface et le milieu semi-infini sur lequel elle repose via la relation :
C
i“ ρ
rV
rρ
cV
c(1.31)
A
0c“ C
i1`0.5πζC
i(1.32)
En l’absence d’amortissement, l’amplification maximale est ´egale au contraste d’imp´
e-dance. Plus celui-ci est important (cas d’un sol tr`es mou reposant sur un rocher tr`es
raide), plus les ondes sont pi´eg´ees dans la couche superficielle et plus l’amplification est
´elev´ee. L’amortissement visqueux dans la couche de sol a pour effet de limiter
l’amplifi-cation, particuli`erement `a haute fr´equence, comme l’illustre la figure 1.10(b).
Cet exemple met en ´evidence les param`etres les plus importants pour l’´etude des effets
de site dans le domaine lin´eaire : la vitesse des ondes de cisaillement et l’amortissement
dans la couche sup´erieure, le contraste d’imp´edance entre les deux couches et la fr´equence
de r´esonance (o`u l’´epaisseur de la couche sup´erieure). Le profil complet de la vitesse des
ondes de cisaillement dans la couche de sol ´etant difficile `a obtenir, la vitesse moyenne
des ondes de cisaillement sur les trente premiers m`etres de sol, not´eeV
S30est couramment
utilis´ee pour caract´eriser la rigidit´e du sol.
V
S30“ 30 m
ř
i
d
i{V
Si(1.33)
o`u les trente premiers m`etres de sol sont discr´etis´es en sous-couches homog`enes, indic´ees
par la lettrei, d’´epaisseur d
i, de vitesse V
Siet de temps de trajet d
i{V
Si.
Modifications apport´ees par une g´eom´etrie 2D ou 3D L’impact d’une situation
2D ou 3D sur le mouvement sismique a ´et´e r´ev´el´e de mani`ere th´eorique par les travaux
de Bard et Bouchon (1980b,a, 1985) puis ´et´e largement ´etudi´e num´eriquement (Semblat
et al., 2005; Chaljub et al., 2015; Maufroy et al., 2015a; Stambouli et al., 2018). Un
certain nombre d’observations exp´erimentales r´ev`elent aussi la contribution d’effets 2D
ou 3D au mouvement sismique (Ch´avez-Garc´ıaet al., 1999, 2002). Les dommages s´ev`eres
observ´es lors du s´eisme de Kob´e en 1995 sont en partie justifi´es par la pr´esence d’effets de
bassin (Kawase, 1996; Pitarkaet al., 1998). Ces effets s’expliquent de mani`ere th´eorique
par la g´en´eration d’ondes de surface par diffraction au niveau des h´et´erog´en´eit´es lat´erales
et leur possible interf´erence avec des ondes de volume. Plus particuli`erement, dans le cas
de bassins ou de vall´ees s´edimentaires, des ondes de surfaces sont principalement g´en´er´ees
31
V
cH
cV
rCouche de sol
Milieu semi-infini
Mouvement de r´ef´erence
Mouvement en surface
de la couche de sol
ρ
rρ
cζ
cV
rρ
ravecV
rąV
c(a)
ζ = 0%
f
0C
iAm
p
li
fi
ca
ti
on
si
te
/
r´e
f´er
en
ce
ζ = 5%
ζ = 10%
1
Fr´equence (Hz)
(b)
Figure 1.10 – (a) Illustration d’une colonne de sol 1D reposant un substratum
semi-infini ; (b) Amplification par la couche de sol dans le domaine spectral.
au niveau des bords, rendant plus efficace le pi´egeage des ondes sismiques. Ce ph´enom`ene
influence le mouvement sismique en termes de dur´ee, d’amplitude, de contenu fr´equentiel
et de variabilit´e spatiale. En effet, l’ensemble des ´etudes s’accorde `a montrer que les effets
2D ou 3D conduisent `a (RSSOH, 2014) :
• augmenter la dur´ee du mouvement sismique, principalement lorsque la dissipation
d’´energie n’a pas un effet pr´edominant sur le mouvement sismique ;
• amplifier de mani`ere plus significative (que dans le cas 1D) le mouvement sismique
dans le domaine fr´equentiel. Il est d’usage de d´efinir un «facteur d’aggravation»
de l’amplification entre le cas 2D ou 3D et le cas 1D (Ch´avez-Garc´ıa et Faccioli,
2000) ;
large-1.3 La prise en compte des effets de site
bande), li´ee au sch´ema complexe d’interf´erences des ondes ;
• provoquer une forte variabilit´e spatiale du mouvement sismique.
Impact de la non-lin´earit´e Lors de tr`es fortes sollicitations, le sol subissant des
d´eformations fortes voit ses propri´et´es m´ecaniques se d´egrader et notamment le module
de cisaillement (et donc la vitesse des ondes de cisaillement). Ce ph´enom`ene est illustr´e
sur la figure 1.11(a). A petite d´eformation (inf´erieures `a 10
´4´10
´5), dans le domaine
lin´eaire, le chemin de contrainte peut ˆetre d´ecrit par une loi lin´eaire : τ
c“ G
maxγ
co`u G
maxest le module de cisaillement ´elastique du sol, γ
cet τ
csont respectivement la
d´eformation cyclique et la contrainte cyclique. Lorsque la d´eformation de cisaillement
augmente, une grandeur peut ˆetre introduite, appel´ee module de cisaillement s´ecant ou
´equivalent, permettant de lier la contrainte `a la d´eformation d’une mani`ere similaire. Il
s’agit par exemple des grandeursG
1etG
2sur la figure 1.11(a). Contrairement au module
de cisaillement ´elastique, le module s´ecant ne permet pas de repr´esenter exactement
le chemin de contrainte (en noir sur la figure 1.11(a)), mais est un indicateur d’une
rigidit´e «lin´eaire ´equivalente» `a un niveau de d´eformation de cisaillement donn´e. Plus
la d´eformation de cisaillement augmente, plus la rigidit´e ´equivalente diminue, comme
l’illustre la courbe 1.11(b) appel´ee courbe de d´egradation du module.
γ
cG
1γ
1γ
2G
2τ
cG
max(a)
log(γ
c)
G{G
max1
γ
1γ
2G
1{G
maxG
2{G
max0
(b)
Figure 1.11 – (a) ´Evolution de la contrainte de cisaillement avec la d´eformation et
module de cisaillement ´equivalent ; (b) Exemple d’´evolution du module de cisaillement
´equivalent avec la d´eformation.
En parall`ele de la diminution de la rigidit´e, la dissipation d’´energie augmente, comme
l’illustre la figure 1.12. La figure 1.12(a) permet plus particuli`erement de d´efinir
l’amor-tissement hyst´er´etique. Lorsqu’il est soumis `a un chargement cyclique sym´etrique, le sol
d´ecrit une boucle d’hyst´er´esis d´ecrivant le chemin de contrainte r´eel exp´eriment´e par
l’´echantillon de sol. Le ratio d’amortissement hyst´er´etique ζ est un second param`etre
´equivalent permettant de quantifier la dissipation d’´energie. Il est d´efini par le rapport
entre l’´energie dissip´ee sur un cycle (aire de la boucle d’hyst´er´esis) et le maximum d’´
ener-gie de d´eformation (aire du triangle rose sur la figure 1.12(a)) normalis´e par 4π. Les essais
33
de laboratoire r´ev`elent que le ratio d’amortissement augmente avec l’amplitude de la d´
e-formation cycliqueγ
c. Son ´evolution avecγ
cpeut ˆetre d´ecrite sur une courbe, de la mˆeme
mani`ere que le module s´ecant, comme l’illustre la figure 1.12(b). Sur cette mˆeme figure, il
est possible de remarquer que l’amortissement n’est pas de 0% `a tr`es faible d´eformation.
Th´eoriquement, la dissipation d’´energie ´etant nulle, cela devrait ˆetre le cas. N´eanmoins,
les courbes empiriques et l’exp´erience sismologique r´ev`elent qu’il demeure une l´eg`ere
perte d’´energie sur un cycle, ainsi, l’amortissement n’est jamais nul. Pour des calculs
´
elastiques, le «proxy » pour l’amortissement g´en´eralement utilis´e est Q“
VS10
o`u V
Sest
la vitesse des ondes S et Q est le facteur de qualit´e donn´e par Q“
2ζ1. Cependant, ceci
n’est qu’un pis aller masquant l’absence de mesures fiables de l’amortissement in-situ.
Module s´ecant
γ
cτ
cEnergie de
Energie
dissip´ee
∆W
cd´eformation
W
cζ “
4π1 ∆Wc WcContrainte
D´eformation
(a)
log(γ
c)
ζ
25%
γ
1γ
2ζ
2ζ
10%
(b)
Figure1.12 – (a) Illustration d’une boucle d’hyst´er´esis et d´efinition de l’amortissement ;
(b) Exemple de courbe d’´evolution de l’amortissement avec la d´eformation de
cisaille-ment.
Un impact significatif de la non-lin´earit´e sur la r´eponse du site a ´et´e observ´e, mˆeme
pour des s´eismes mod´er´es (R´egnieret al., 2013; Rubinstein, 2011). Les effets non-lin´eaires
entrainent un d´ecalage des fr´equences de r´esonance vers les basses fr´equences (du fait de
la r´eduction de la vitesse des ondes de cisaillement) et une r´eduction de l’amplification
maximale (du fait de l’augmentation de la dissipation d’´energie). Les observations
empi-riques montrent plus particuli`erement une augmentation de la r´eponse du site `a basses
fr´equences li´ee au d´ecalage des fr´equences de r´esonance (Frankel et al., 2002; R´egnier
et al., 2013) et une diminution de la r´eponse sur une tr`es large gamme de fr´equences
plus hautes. Cette att´enuation peut ˆetre tr`es significative, suivant les observations
l’ac-c´el´eration maximale peut ˆetre divis´ee par 1.4 et jusqu’`a 7 par rapport au cas lin´eaire
(Beresnev et Wen, 1996). De nombreuses ´etudes sugg`erent une r´eduction d’un facteur
2 `a 4 (Field et al., 1997; Aguirre et Irikura, 1997; Bonilla et al., 2011; R´egnier et al.,
2017). Le comportement non-lin´eaire ´etant li´e au niveau de d´eformation dans le sol, il est
fortement impact´e par le niveau de sollicitation, la rigidit´e des mat´eriaux (les mat´eriaux
plus mous se d´eformant naturellement plus que les mat´eriaux raides) et l’existence d’un
1.3 La prise en compte des effets de site
contraste d’imp´edance localisant la d´eformation.
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Stabilité des digues sous chargement sismique : vers une nouvelle génération de méthodes simplifiées
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