• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : Kaki dans le théâtre algérien

1. Présentation de la société algérienne et impact de la colonisation

1.2. L’Algérie et l’empreinte de la colonisation française

1.2.1. L’Algérie au moment de la colonisation

Mais que représente l’Algérie à la veille de la colonisation française c'est-à-dire en 1830? Revenons aux faits historiques et contextuels. En 1830, la population de l'Algérie vivait essentiellement en tribus pratiquant l'agriculture et l’élevage. La langue, le mode de vie, les traditions variaient suivant les régions25.

La population algérienne musulmane du XIXe siècle est hétérogène. Les Français distinguent trois principales ethnies qu'ils nomment « types Algériens », les Kabyles (terme donné aux Berbères montagnardes), les Arabes (terme donné aux populations arabo-nomades) et les Maures (terme donné aux citadins de tradition arabo-andalou)26. Les minorités ethniques sont distinctes et comprennent les Mozabites (groupe religieux musulman berbérophone). La quatrième principale ethnie indigène est celle des Juifs (ou Israélites).

Ce que les médias, parlementaires et l'État civil français nomment les « européens » est la partie de la population algérienne composée des « Français de France » (ou «Français de souche») et des « Français d'Algérie » ; ces derniers revendiquant l'appellation de « Pieds-Noirs » (à l'origine incertaine et à la définition imprécise) après l'exode depuis leur terre natale et ancestrale en 1962. Il faut cependant préciser que l'origine des « étrangers » en Algérie est majoritairement espagnole mais est plus globalement européenne (Allemagne, Suisse et Angleterre) et méditerranéenne (outre Espagne, Italie et Malte alors occupée par les Britanniques).

Dans son Atlas National Illustré, l'ingénieur géographe Victor Levasseur publie les statistiques sur la population de l'« Algérie, colonie française » : « La Population Totale de l'Algérie peut-être évaluée à 5 millions d'habitants. Voici d'après les recherches

24Assia Djebbar, discours prononcé dans la séance publique le 22/06/2006, lors de sa réception par l’Académie française.

25Jacques Simon, Algérie : le passé, l'Algérie française, la révolution (1954-1958), Paris : L’Harmattan, avril 2007, p. 133.

26Archives Nationales - Territoire d'Outremer (Algérie) — Registres paroissiaux et d'état civil numérisés, 2009.

officielles mais très incomplètes le chiffre de la Population au 31 mars 1849». (V. Levasseur, 1845, p.1).

La population totale est divisée en deux parties distinctes :

 La « Population Indigène » (2 598 517 habitants), qui incluent les musulmans et les israélites

 Les « Européens » (117 366 habitants), qui incluent les Français et les étrangers À l'arrivée des Français, l'arabe est la langue employée par l'administration et le makhzen de la Régence d'Alger. Toutefois, afin de consolider leur domination les Français vont chercher à imposer leur langue, qui est de facto la langue officielle de l'administration coloniale. Mais les français doivent aussi maintenir le lien avec les populations, surtout dans la Mitidja. Ils vont donc rétablir la fonction d'agha al'arab, l'Agha des arabes qui était actif dans l'administration de la Régence d'Alger. Les services de cet Agha des arabes sont encadrés et placés sous la tutelle de la Direction des affaires arabes. Ses officiers parlent obligatoirement l'arabe, considéré comme la langue de liaison avec les populations. Par la suite, le même principe a été appliqué avec les populations berbérophones.

Le premier dictionnaire français-berbère intervient en 1842, pour permettre aux officiers français de communiquer dans ces régions. Nous sommes dans à cette époque dans une doctrine coloniale basée sur l'association et l'assimilation, ce qui suppose d'imposer l'enseignement du français au détriment de l'arabe. Cette orientation se solde toutefois par un échec dès le XIXe siècle. Dorénavant, plutôt que de conduire les populations arabes à une assimilation (et donc possiblement à la citoyenneté française) l’on associera ces populations indigènes sans dénaturer leurs usages. D’où le faible nombre d'Algériens bénéficiant de la scolarisation, de la citoyenneté française. C’est ce qui explique aussi le réveil de l'enseignement de l'arabe au XXe siècle (notamment par le biais des oulémas algériens). Parallèlement, le XXe siècle voit un réveil identitaire autour du tamazight avec l’émergence du berbérisme en réponse au mythe colonial sur la question berbère27.

27Patrick Cabanel, « Patricia M.E. Lorcin, Kabyles, Arabes, Français : identités coloniales », Archives de

sciences sociales des religions [en ligne], 140 | octobre - décembre 2007, document 140-56, mis en ligne

C'est durant la colonisation, notamment du fait de l’exode rural, que le ratio berberophone/arabophone alors favorable aux berbérophones (1,2 million de berbérophones et 1,1 million d'arabophones, en 1886) s'inverse au profit des arabophones28.

De sa conquête en 1830 à la loi sur la laïcité en 1905, la religion officielle de l'Algérie française est le catholicisme. La loi de séparation des Églises et de l'État est proclamée par la Troisième République le 9 décembre 1905.

Les trois principales religions coexistantes en Algérie française sont l'islam, le catholicisme et judaïsme.

L'islam a été introduit dans la région à la suite de la conquête musulmane du Maghreb au VIIe siècle ; c'est la religion de la majorité des habitants. En Algérie française, le terme « musulman » ne désigne pas les pratiquants de l'islam, mais défini le statut « ethnico-politique » des « regnicoles » (originaires) non israélites du territoire29.

La religion catholique est introduite en Algérie au VIe siècle par l'Empire romain d'Orient jusqu'à la conquête musulmane de l'Algérie. Le catholicisme est réintroduit au XIXe siècle par la conquête française de l'Algérie. Il est la religion majoritaire des colons européens et la religion d'État en France jusqu'en 1905. En 1867, le père Charles Martial Lavigerie devient archevêque d'Alger. L'année suivante il fonde la société des missionnaires d'Afrique et entreprend une entreprise d'évangélisation des indigènes. La Préfecture apostolique du Sahara et du Soudan est créée la même année 1868, elle change de nom en 1891 pour devenir le Vicariat apostolique du Sahara.

Sur le plan social, l'opposition entre Européens et Musulmans apparaît cruellement dans la répartition des revenus individuels, comme souligné dans ce passage : « Si nous isolons les employés, les ouvriers et le personnel de service du reste de la population active européenne, nous remarquons que les revenus dépassant 600 F par mois concernent les 4/5 des Européens »30.

28Pierre Vemren (sous dir), « Les Maghrébins sont des Arabes » in Idées Reçues sur le Monde arabe, Le Cavalier Bleu, France, 2012, p.4.

29Patrick Weil, Qu’est-ce qu’un Français ? Histoire de la nationalité française depuis la Révolution, Grasset, Paris, 2002, p. 235.

30André Nouschi, « En Algérie : portrait social de la colonisation [P. Bourdieu, A. Darbel, J. P. Rivet, C. Seibel, Travail et travailleurs en Algérie.] » (Note critique), in Annales. Économies, Sociétés,