• Aucun résultat trouvé

L'activité littéraire des écrivains russes en émigration

I.2. Langue oralisée russe

I.2.3. L’apport de la littérature de l’émigration

I.2.3.1. L'activité littéraire des écrivains russes en émigration

Les événements russes à l'aube du XXe siècle, et plus particulièrement la révolution d'Octobre 1917, ont été la cause de l’exil de quelque trois millions de personnes3 au début

1 F. Sologub, Tvorimaja legenda, M., 1991, p. 7.

2 G. Nivat, Russie-Europe : la fin du schisme : études littéraires et politiques, op. cit., p. 665. 3

Ce chiffre est donné par M. Raeff dans sa monographie Russia Abroad: A Cultural History of the Russian

des années 1920, ce qui n'est pas un événement extraordinaire du point de vue géopolitique. Par contre, il diffère des exodes massifs des époques précédentes ou d'autres pays par sa signification culturelle et historique1. Marina Gorboff précise que « le terme d’"émigré", employé aujourd'hui pour désigner ceux qui, en 1920, quittent leur pays pour raison politique, est rarement utilisé au début de l'exil » et que « seul, celui de "réfugié" est communément admis, les Russes se qualifiant "d'apatride" jusqu'en 1924, date de la création du passeport Nansen2 »3. La même année la France reconnaît l'existence de l'URSS. Dès lors, les émigrés ne peuvent plus être considérés, du point de vue légal, comme citoyens de ce nouveau pays qui était dirigé par les bolcheviks.

À cette époque, les meilleurs représentants de l'élite russe ont préféré fuir la Russie. Parmi ces hommes et ces femmes, il y avait également des poètes et des écrivains qui ne voulaient pas ou qui ne pouvaient pas accepter l'idéologie du nouveau régime établi par les bolcheviques. Les émigrés ont trouvé refuge dans plus de trente pays différents. « La culture russe était à Berlin, à Paris, à la revue des Annales contemporaines, dans l’humble villa du prix Nobel de littérature Bounine, à Grasse »4,- remarque Georges Nivat.

Dans ce paragraphe, nous nous intéresserons surtout à ce que l’on a appelé la première vague de l’émigration russe dont les limites chronologiques se situent entre les deux guerres. L’ampleur de cette émigration forcée et son activité impressionnante mondiale, notamment dans les années 1920-1930, ont donné lieu à un phénomène culturel connu aujourd'hui sous le nom de « la Russie hors de Russie ».

Se retrouvant à l'étranger et n'ayant pas de terrain d’entente avec les milieux littéraires étrangers, les représentants de ce nouveau phénomène étaient plus au moins repliés sur eux-mêmes5, ils s’opposaient non seulement à leurs collègues soviétiques, mais

Raev, Rossija za rube%om : Istorija kul'tury russkoj èmigracii. 1919-1939, perevod s angl., M., Progress-Akademija, 1994, pp. 261-262.

1

Cf. Istorja russkoj literatury XX veka, op. cit., p.569.

2 Le passeport Nansen est un certificat permettant aux réfugiés apatrides de circuler librement à travers les pays qui l’ont reconnu. Le passeport Nansen a été crée le 5 juillet 1922 à l’initiative de Fridtjof Nansen, premier Haut-commissaire pour les réfugiés de la Société des Nations. Au départ il était destiné aux réfugiés russes qui ont fui le régime bolchevique et qui ont été destitués de leur nationalité par le décret soviétique du 15 décembre 1922.

3 M. Gorboff, La Russie fantôme : l'émigration russe de 1920 à 1950, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1995, p. 28.

4 G. M. Nivat, Russie-Europe : la fin du schisme : études littéraires et politiques, op. cit., p. 665.

5 Certes, avec les années, les écrivains russes ont été mis de moins en moins à l’écart par leurs confrères français. Des réunions-débats envisagés comme échanges interculturels ont été mis en place à partir de cette

également au monde littéraire local. Les critères esthétiques et moraux de la communauté russe à l’étranger ne permettaient pas de fusion avec les idées venues de l’extérieur. Marina Gorboff précise que cela est dû également à la barrière de la langue. Les Russes vivaient dans ce que Georges Nivat qualifie de « ghetto linguistique »1. Persuadés de retrouver leur terre dans les années à venir, la plupart des émigrés des années 1920 « ne parleront jamais correctement le français »2. Ce qui freinera des échanges possibles entre les Russes émigrés et les Occidentaux.

Ainsi, les poètes et les écrivains russes ont recréé leur Russie littéraire en miniature. Héritier de la tradition du Siècle d'Argent, le milieu littéraire russe a été divisé en différents cercles et on pouvait trouver sur les comptoirs de Prague, Belgrade, Sofia, Varsovie, Paris, Berlin, Riga, Constantinople un large éventail de périodiques et de monographies en langue russe.

À la fin des années 1920, Berlin perd peu à peu son statut de capitale culturelle des émigrés russes et c'est donc Paris qui devient le véritable centre politique, intellectuel et littéraire de l'émigration. Il a acquis ce rôle en partie suite à une crise économique en Allemagne. Au début des années 1920, le terrain de l'Allemagne semblait être propice à l'activité éditoriale grâce au cours du rouble avantageux. Or, à partir de 1924 la chute du cours du mark allemand et l'impossibilité du mariage religieux entre les Russes et les

période. « L’importance de ces rencontres est sensible à travers leur écho dans la presse de l’émigration russe (Poslednie Novosti, Vozro%denie, Segodnja, Rossjia i Slavjanstvo) et la presse française (France et Monde) et par la publication en français d’une série d’auteurs russes. » (Cf. T. Victoroff, « L’émigration, lieu de rencontres culturelles : le Studio franco-russe, « tribune libre » des années 1930 », URL : http://russie-europe.ens-lsh.fr/article.php3?id_article=38#appel2). La même thèse est mise en évidence par le chercheur canadien Leonid Livak. Dans son article « L’émigration russe et les élites culturelles françaises, 1920-1925. Les débuts d’une collaboration » remet en cause les idées reçues sur l'isolement de l’émigration russe face aux milieux culturels français dans l’entre-deux-guerres. (Cf. L. Livak, « L’émigration russe et les élites culturelles françaises, 1920-1925. Les débuts d’une collaboration », Cahiers du monde russe, 48/1, 2007 pp. 23-44). Le chercheur canadien affirme que « une indifférence générale des intellectuels français envers les cultures étrangères, encore aggravée par la mode prosoviétique en vigueur dans les milieux littéraires parisiens » du tout début du siècle a cédé la place à la solidarité dans la mesure où, à partir des années 1920, « [...]la littérature française contemporaine se rangeait du côté des émigrés dans leur conflit avec la culture soviétique ». (Cf. L. Livak, « Nina Berberova et la mythologie culturelle de l’émigration russe », Cahiers du

monde russe, 43/2-3, 2002, p. 464, p. 467) Cependant, on ne peut pas nier le fait que les élites littéraires

russes se tenaient plus au moins à l'écart du mouvement littéraire français. Les problématiques des œuvres n'étant pas les mêmes, la grande majorité des émigrés représentait un phénomène singulier. Cette idée trouve sa confirmation dans la monographie de Catherine Gousseff qui tient à préciser que « les échanges entre les intellectuels français furent relativement importants mais il ne s’agissait pas là d’une véritable insertion sociale » (C. Gousseff, op. cit., p.148) ainsi que dans l’article de René Guerra « Nesostojav"ijsja dialog. Russkaja èmigrantskaja kul'tura i francuzskaja intelligencija. 1920-1970 » ( Novyj %urnal, 2009, p. 257, URL : http://magazines.russ.ru/nj/2009/257/ge20.html ).

1 G. M. Nivat, Russie-Europe: la fin du schisme : études littéraires et politiques, op. cit., p. 671. 2 M. Gorboff, op. cit., p. 36.

Allemands ont fait que beaucoup d'émigrés ont décidé d'essayer de refaire leur vie en France. De plus, l’installation du métropolite Euloge à Paris, qui au début de l’année 1921 reçoit de la Direction provisoire des églises russes à l’étranger sa nomination comme Administrateur des paroisses orthodoxes russes en Europe occidentale, est perçue comme un symbole.

C'est à Paris que vécurent les grands poètes et écrivains russes comme Georgij Adamovi$, Marc Aldanov, Ivan Bunin, Konstantin Bal'mont, Marina Cvetaeva, Georgij Ivanov, Aleksandr Kuprin, Dmitrij Mere*kovskij et sa femme Zinaïda Gippius, Aleksej Remizov, Nade*da Tèffi, Boris Zajcev.

Quant à Ivan )mel'v, il a eu beaucoup de mal à quitter sa chère Russie. Les raisons de ses hésitations étaient d'ordre personnel et général. En décembre 1920, le fils de )mel'v, Sergej, qui était officier dans l'armée blanche, a été arrêté. Il a été fusillé en janvier 1921, mais ses parents ignoraient tout de son sort et, pendant quelques années, ils gardèrent l’espoir de retrouver leur fils. Par ailleurs, au départ, )mel'v avait du mal à s’imaginer hors de Russie. Dans les années 1910-1920, il jetait un regard extrêmement critique et pitoyable à la fois sur les premiers émigrés.En 1920, Ivan )mel'v a écrit le récit

Le Vin de canon ( Pu$e!noe vino ) dans lequel les émigrés, réunis autour d’un dîner donné

par Mme Boirenard, apparaissaient comme des personnes pitoyables et malheureuses.1 Le

mot qui revient constamment dans le discours que tient le journaliste Vjazov pour qualifier le comportement des Russes, et plus particulièrement des politiciens, qui ont fui leur patrie est le mot « pozor » ( la honte ). Dès lors, l’écrivain charge son personnage-journaliste de faire savoir au lecteur sa position vis-à-vis des émigrés, car il ne pouvait pas leur pardonner de consommer ce vin de canon à volonté pour « tout voir en rose » et ne pas se soucier de leurs compatriotes. Par ailleurs, )mel'v croyait vraiment que l'homme russe ne pouvait pas s'adapter au mode de vie européen.

Or, plus le temps passait et plus la situation politique devenait désastreuse, le départ pour l'étranger devenait une évidence. Un an seulement après l’écriture de ce récit, )mel'v a constaté qu'il était désormais un étranger dans son propre pays et qu'il était obligé d'aller rejoindre ses compatriotes à l'étranger.

1 I. )mel'v, « Pu"e$noe vino », Sobranie so!inenij en 5 volumes, le 8ième volume supplémentaire, M., Russkaja kniga, 2000, pp. 521-524 ; publié initialement dans le journal Jug Rossii, 1920, du 27 août, N° 114 (307), p. 2.

Ivan )mel'v et sa femme faisaient partie de ceux qui ont profité de l’assouplissement de la législation soviétique concernant les voyages à l’étranger en 1922.

Un dixième des émigrés russes en France ont ainsi quitté la Russie entre 1922 et 1926 [...]. Il s’agissait de citoyens soviétiques partis légalement pour effectuer des études, rejoindre des parents [...], ou encore pour des raisons de santé ou simplement pour faire un voyage touristique.1

Ainsi,sa femme et lui ont fait partie d’environ 10% des émigrés russes qui ont quitté la Russie entre 1922 et 1925 en période de la NEP alors que plus des deux tiers des émigrés sont arrivés en France vers la fin de la guerre civile, c’est-à-dire vers 1920. 2 En novembre 1922, les )mel'v sont arrivés à Berlin et en janvier 1923 le couple a quitté Berlin pour s'installer à Paris. Ils ont ainsi rejoint la plus grande diaspora russe sur le vieux continent qui a marqué l’histoire « tout particulièrement à travers l’intense circulation d’une abondante production intellectuelle ».3

Le milieu littéraire des émigrés russes était hétérogène, car il y avait de grandes divergences d'opinions entre eux.4 Leurs divisions avaient des raisons non seulement littéraires, mais également politiques. « Comme avant la révolution, les représentants de l'intelligentsia en émigration se sont divisés en hommes de droite et hommes de gauche »5 - remarque N. M. Solnceva. Ivan )mel'v n'a pas abandonné les opinions monarchistes qu'il affichait déjà en Russie. Il les a formulées dans l'article intitulé « Puti mërtvye i *ivye ( Les Voies mortes et vivantes ) » publié dans le journal Russkaja gazeta v Pari%e en 1925. Dans ses réflexions sur le destin de la Russie, )mel'v suit la lignée de Nikolaj Danilevskij, grand philosophe russe, et les idées de ce dernier exposées dans son ouvrage La Russie et

l’Europe (Rossij i Evropa). Dans ses réflexions sur le destin de la Russie, )mel'v suit la

1

C. Gousseff, L’Exil russe. La fabrique du réfugié apatride (1920-1939), P., CNRS Éditions, 2008, p. 94. 2

Le couple )mel'v a profité de la nouvelle législation soviétique (1922) dont le but était de faciliter les sorties du pays. « Il s’agissait de citoyens soviétiques partis légalement pour effectuer des études, rejoindre des parents à l’étranger, accomplir des missions scientifiques, diplomatiques, ou encore sortis pour des raisons de santé ou simplement pour faire un voyage touristique ». (Cf. C. Gousseff, op. cit., p. 23; p. 94). Les époux )mel'v ont demandé le visa pour six semaines pour raison de santé. Par ailleurs Ivan )mel'v a indiqué dans la demande qu’il partait en Europe pour collecter le matériel pour son prochain livre. Le critique littéraire N. S. Kl'stov-Angarskij s'est porté garant pour les )mel'v. Ce départ est devenu également possible grâce au concours des Bunin et d’autres membres de la diaspora russe.

3 C. Gousseff, op. cit., p. 13.

4 N. Tèffi a dépeint le Paris russe dans son récit ironique et sarcastique Une Petite ville (Gorodok) (1927) (Cf. N. Tèffi, « Gorodok », in My : &enskaja proza russkoj èmigracii, SPb, Russkij Xristianskij gumanitarnyj Institut, 2003, pp.122-123).

lignée de N. Ja. Danilevskij et les idées de ce dernier exposées dans son ouvrage La Russie

et l’Europe. Selon N. Ja. Danilevskij, la Russie doit suivre « la voie d’un renouvellement

religieux de la vie est une véritable voix d’un démocratisme spirituel »1, car c’est la seule solution possible qui lui permettra de sortir de l’impasse. L’article de l’auteur du diptyque s’articule également autour d’une longue renaissance spirituelle nécessaire pour sauver la Russie.

Néanmoins, malgré les divergences d’opinions de l'émigration russe, y compris dans le milieu des poètes et des écrivains, il existe des caractéristiques et des tendances communes à tous les cercles littéraires ou aux poètes et écrivains indépendants.

Dressons donc la liste des principales tendances2 dans la littérature de la première vague de l'émigration russe.

Avant tout, l'élite de la société russe émigrée est devenue en quelque sorte la gardienne des traditions du Siècle d'Argent, dont « le point final [...] a été posé en 1921 par la mort de Blok et de Gumilëv3 »4. Si la littérature soviétique a pris l'orientation d'une littérature de masse, littérature-type avec son héros marginal, orientée vers le nouveau lecteur de masse, la littérature russe de l'étranger a pris une direction opposée. Ou plutôt, elle a choisi de continuer les traditions littéraires du Siècle d'Argent. De ce fait, la première génération des écrivains russes a repris et développé à travers ses ouvrages la ligne individualiste, liée étroitement à la richesse des ressources intérieures spirituelles de l'homme, et les innovations des écoles littéraires du Siècle d'Argent. Cela pouvait paraître paradoxal à première vue, car la plupart des émigrés étaient conscients de la défaite morale et intellectuelle de leurs prédécesseurs. Certains d'entre eux allaient jusqu'à accuser carrément les agents du Siècle d'Argent d'avoir laissé les bolcheviks envahir la Russie : « Ils parlaient, parlaient, parlaient jusqu'à ce qu'ils aient perdu la révolution, la patrie et eux-mêmes »5. Or, l'élite du début du XXe siècle et son héritage intellectuel et littéraire

1 N. Ja. Danilevskij, Rossija i Evropa, M., 1991, p. 325. 2

Nous insistons encore une fois sur le fait qu'il s'agit de tendances générales; il existait évidemment des exceptions chez les écrivains et les poètes russes en émigration.

3 A. Blok est mort suite à une dépression le 7 août 1921; N. Gumilëv a été fusillé par les bolcheviks en août 1921.

4 Istorija russkoj literatury XX veka, op. cit., p. 572.

5 M. P. Arcyba"ev, Na$ tretij klad: povesti i rasskazy. Roman. Zapiski pisatelja, sost., vstyp. st., prime$. T. F. Prokopova, M., )kola-Press, 1996,

représentaient, pour les émigrés, la Russie prérévolutionnaire qu'ils tentaient si fort de faire revivre.

Dans la lignée de cette première tendance, un autre objectif est né chez les porteurs de la culture russe de la première vague de l'émigration : il s'agit ici de la dominance du caractère didactique de la politique socioculturelle mise en place par les Russes vivant à l'étranger. À partir du milieu des années 1920, les émigrés russes ont constaté un triste fait : la nouvelle génération se détachait de plus en plus de la patrie de leurs ancêtres. Il a donc fallu prendre certaines mesures afin de retarder le plus possible ce déracinement de la nouvelle génération. Pour ce faire, un rôle important fut accordé à des écoles russes dans la sauvegarde des traditions. C’est l’enseignement de l’histoire qui fut mis en avant tout en insistant sur le fait que « [...] la présentation de l’histoire russe à l’école ne devait pas avoir un caractère abstrait [...] – elle doit être plus concrète, elle doit présenter la vie du peuple russe aux élèves dans les contours plus vifs »1.

Pour Ivan )melëv, la mission didactique de l'écrivain consistait non seulement dans la transmission des détails sur la vie en Russie d'avant la révolution, mais il tenait par ailleurs à léguer aux générations suivantes les particularités de la forme orale du russe car elle faisait une partie intégrale de la Russie moscovite.

Dans la lignée de cette remontée de la conscience religieuse au sein de l'émigration russe, l'axe de l'éducation de la nouvelle génération a changé de direction. Si au début et au milieu des années 1920, l'éducation de l'histoire russe se faisait au détriment et sans prendre compte de la religion, à partir de la fin des années 1920 l'importance de l'orthodoxie devint une évidence pour la plupart des acteurs participant à la transmission aux enfants des émigrés des valeurs russes. En 1929, lors du congrès de Prague, N. A. Ferny"ov a avancé sa thèse sur l'importance de l'éducation des enfants dans l'esprit orthodoxe : « Il faut faire de sorte que l'Église orthodoxe transformée prenne la place qui lui est due dans la vie russe »2.

Apparemment, l'auteur du diptyque a également réalisé le danger de l’éducation sans foi en Dieu. De ce fait, son ouvrage reflète les préoccupations de la vieille génération des

1 I. I. Lappo, « Discours prononcé au congrès de Prague en 1926 », in V. A. Vladykina et al., Russkaja $kola

za rube%om. Istori!eskij opyt 20-x godov : sbornik dokumentov, M., INPO, 1995, p. 96.

2

N. A. Ferny"ov, « Russkoe nacional'noe vospitanie i poznanie Rossii », in V. A. Vladykina et al., op. cit., p. 60.

émigrés et met en relief la grande importance de la religion orthodoxe dans la formation de l’homme. Le caractère didactique de ses œuvres est renforcé par l’introduction dans le corps du texte des personnages faisant figure des startcy. Dans le diptyque, ce rôle est accordé au vieux sage (starec) Varnava, à Gorkin qui était considéré par le petit Vanja comme « un saint vivant » ou encore au vieillard Aks'nov. D’autres personnages du diptyque déclinent devant l’autorité spirituelle du starec Varnava, de Gorkin et Aks'nov. De ce point de vue L’Année du Seigneur et Le Pèlerinage d’Ivan )mel'v restent toujours d'actualité, car ils proclament les vraies valeurs éternelles de l'existence humaine.

Les enfants russophones avaient des revues spécialisées dont la plus célèbre est

Zel'naja palo!ka (1920-1921). Cette revue, éditée par Don-Aminado et A. N. Tolstoj, fut

une vraie bonne trouvaille malgré sa courte existence. Les écrivains les plus célèbres de l'émigration russe comme Ivan Bunin, Sa"a Fërnyj, Alexandr Kuprin, Konstantin Bal'mont, Aleksej Tolstoj et d'autres considéraient pour honneur d'y publier ses récits. La politique de la rédaction de la revue rentrait bien dans le cadre didactique de la tendance générale régnant au sein de la communauté russe à cette époque. Les rédacteurs de cette revue tenaient, à travers les publications, à sauvegarder la langue russe dans le microcosme des émigrés, car plus les années passaient, plus leur langue maternelle s’appauvrissait. Le discours des émigrés, et surtout celui des enfants, était émaillé de gallicismes et les mots français y figuraient de plus en plus souvent.1

Or, les avis des critiques de cette période concernant la sauvegarde de la culture et notamment de la langue russe au sein de la diaspora russe en exil sont mitigés. Selon certains ( Mark Slonim, Konstantin Mo$ul'skij ) il s’agit des méthodes artificielles étant donné que les Russes en exil sont coupés de leur patrie par des milliers de kilomètres. Par conséquent, leur langue n’est qu’une langue conservatrice. Une langue de musée. De plus, ils se montrent très critiques vis-à-vis de la qualité des médias russes en exil et notamment