• Aucun résultat trouvé

I.3. Les dominantes intérieures d'Ivan !mel"v

I.3.3. Les idées religieuses et philosophiques

- Hum, réfléchit mon ami, vous avez

raison. À quoi la Russie pourrait-elle confiner de ces deux côtés-là ?

Soudain, le malade leva les yeux comme un jeune garçon.

- Vous le savez, m’écriai-je. - Peut-être à Dieu ? - Oui, confirmai-je, à Dieu.

- Ah oui, approuva mon ami d’un air de

comprendre. 2

(M. M. Rilke)

1 Il sera intéressant de noter que G. Adamovi$ reprochait à Ivan )mel'v le contenu de la majeure partie de ses oeuvres qui reproduisaient, selon le critique, l'ambiance de pitié et de souffrance des romans de F. M. Dostoevskij. Pour cela il a même donné un nom péjoratif à ce phénomène – la « dostoev%ina ». Le suffixe à connotation négative «-i%» traduit l'attitude négative, la désapprobation du critique littéraire envers l'oeuvre d'Ivan )mel'v. (Cf. G. Adamovi$, « )mel'v », op. cit, p. 82).

2

M. M. Rilke, « Comment la trahison vint en Russie», in Histoires du bon Dieu, traduit de l'allemand par M. Betz, P., Seuil, 1966, p. 33.

La présence de liens forts entre les idées philosophiques et la littérature est indéniable, car toute recherche ou création littéraire ne fait que refléter l’état d’esprit et la pensée philosophique de l’auteur. Il sera intéressant de voir les idées religieuses et philosophiques d’Ivan )melëv à travers le prisme des principales tendances dans la philosophie russe de son époque. En effet, l’ensemble des productions culturelles du début

du XXe siècle, y compris l’œuvre d’Ivan )melëv, ne peut être étudié hors de l’influence

des ouvrages à caractère religieux et philosophique de Sergej Bulgakov, Pavel Florenskij, Nikolaj Fëdorov, Georgij Fedotov, Aleksej Losev, Nikolaj Losskij, Vladimir Solov’ëv et d’autres. Les monographies des plus grands philosophes russes de cette période sont devenues à leur tour une sorte de miroir qui a reflété les recherches intellectuelles des meilleurs représentants de l'intelligentsia russe de la fin XIXe et du début du XXe siècle. L’apport des philosophes dans l’avancement de la littérature fut immense, car, non seulement la philosophie russe était enfin à égalité avec la philosophie occidentale, mais elle a participé activement au développement de la pensée philosophique mondiale.1

Le premier ouvrage considérable qui analyse le rôle d'I. S. )mel'v en tant qu'écrivain orthodoxe fut la thèse d'Anatolij Fernikov, rédigée à l'époque soviétique et intitulée

L'Oeuvre d'I. S. (mel'v (1895-1917) ( Tvor!estvo d'I. S. (mel'va (1895-1917) ). Se fondant

sur une grande quantité de matériels, y compris des archives, A. P. Fernikov étudie la particularité des recherches spirituelles, idéologiques et esthétiques de l'écrivain, les étapes de son évolution littéraire et sa place dans le processus littéraire. Par ailleurs, la problématique de l'orthodoxie dans l'oeuvre d'I. S. )mel'v a été soulevée dans les travaux de nombreux spécialistes contemporains.2 Ivan Esaulov, se basant sur le cadre spatial de l'ouvrage L’Année du Seigneur, détermine la place de )mel'v parmi d'autres auteurs d’ouvrages contenant le soi-disant « code orthodoxe de la culture nationale russe »3.

1 Cf. B. Zenkovsky, Histoire de la philosophie russe, traduit du russe par C. Andronikoff, P., Gallimard, 1953, vol. 1, p. 18.

2 Cf. V. N. Kondakov, Mifologema « Poterjannyj raj » v xudo%estvennoj strukture povesti I. S. (mel'va

« Leto Gospodne », Kaliningrad, 1994; M. M. Dunaev, Vera v gornile somnenija : Pravoslavie i russkaja literatura v XVII-XX vekax, M., Izdatel’skij sovet russkoj pravoslavnoj cerkvi, 2002; I. A. Esaulov, Poètika literaturnogo russkogo zarube%’ja ( (mel'v i Nabokov : dva tipa zaver$enija tradicii ), op. cit.; A. N.

+uravlëva, Pravoslavno-xristianskie tradicii v proizvedenijax I. S. (mel'va « Leto Gospodne »,

« Bogomol’e », &., 1997.

3

I. A. Esaulov, Poètika literaturnogo russkogo zarube%’ja ( (mel'v i Nabokov : dva tipa zaver$enija

La vie spirituelle de la société russe à la lisière des deux siècles se caractérise par un développement accéléré dans le domaine social et industriel et un progrès considérable des sciences. À la suite de cela, les processus évolutifs de tous les domaines de la vie sociale ont pris des directions tout à fait nouvelles. Cette époque est marquée aussi par une transformation des valeurs morales et spirituelles ainsi que par la modernisation du domaine culturel.

La crise de la conscience religieuse qui a fortement touché la société russe au milieu du XIXe siècle fut à l’origine d’un déferlement en Russie des idées philosophiques à forte dominance allemande à partir de la fin du XIXe siècle. À cette époque, la Russie était déchirée par divers courants philosophiques, parfois complètement opposés. En effet, d’une part, certains milieux de l’intelligentsia russe se proclamaient athées en niant le christianisme et avec lui les valeurs morales et, plus généralement, l'existence d'une réalité substantielle. Cette attitude nihiliste n’était pas nouvelle dans la société russe1, mais c’est à la fin du XIXe siècle qu’elle fut à l’origine d’une véritable crise de conscience due à l’absence de spiritualité. Les idées des partisans de cette tendance ont été influencées par le concept du philosophe allemand Friedrich Nietzsche et son apophtegme que « Dieu est mort ».2, 3 Par ailleurs, la nature de l’homme était perçue à travers la succession des cultures, pures productions de l’activité humaine et donc les plus aptes à la dévoiler. D’autre part, nous avons été en présence d’un engouement pour la philosophie à caractère religieux. Cette période a été ainsi perçue comme une renaissance philosopho-religieuse du XXe siècle qui selon le témoignage de Nikolaj Berdjaev, « était une époque du réveil de la pensée philosophe autonome en Russie, l’essor de la poésie et l’accentuation de la sensibilité esthétique, de l’inquiétude religieuse et des recherches [...] »4. Dès lors, l’observation de Georges Nivat concernant les rapports entre les Russes et la religion nous paraît tout à fait juste : « Voisiner avec Dieu a peut-être été la vocation de la Russie [...].

1 Le nihilisme, en tant que critique sociale et mouvement politique, est né en Russie au milieu du XIXe siècle. Il était à l'origine de l'apparition d'une nouvelle doctrine qui n'admettait aucune contrainte de la société sur l'individu, en refusant tout absolu religieux, métaphysique, moral ou politique. Parmi les adhérents de cette doctrine nous pouvons nommer le critique N. Dobroljubov, le théoricien D. Pisarev, l'économiste N. Ferny"evskij, les scientifiques P. Lavrov et P. Kropotkin.

2 L'expression est devenue populaire grâce à l'ouvrage Ainsi parla Zarathoustra de Nietzsche. Selon le philosophe, la mort de Dieu allait mener au rejet de la croyance et au rejet des valeurs absolues en tant que telles. Il croyait que la nouvelle de la mort de Dieu aller libérer l'homme. En ce sens, cela mènait au nihilisme qui était la conséquence de n'importe quel système philosophique idéaliste.

3 En ce qui concerne I. S. )melëv, il n'a jamais adhéré à la doctrine du philosophe allemand, se sentant proche des idées de Kant ou de Hegel.

Mais ce voisinage est dangereux, il est instable [...] »1.

Le développement de la pensée philosophique des représentants de l’intelligentsia en émigration allait faire volte-face. Après avoir traversé des périodes extrêmement difficiles dans leur vie, les philosophes, les écrivains et des simples ex-citoyens russes ont tourné leur regard vers Dieu. Il s’agissait d’un rapprochement progressif dans la compréhension et l’appréciation des valeurs du christianisme orthodoxe. Ce chemin est devenu possible grâce à l’apparition d’une nouvelle forme de perception et de vision de la part des philosophes, des historiens et des écrivains. Désormais, leur « mode de penser rond ( krugloe my$lenie ) »2 résultait des tendances du développement du milieu philosophique et artistique tout au cours du Siècle d’Argent. Le Siècle d’Argent leur a appris à être global, à recourir à la synthèse des éléments religieux, spirituel et artistique. Ainsi, les valeurs de l’orthodoxie, en association avec les notions d’autres domaines philosophiques et culturels, représentaient ce pilon qui guidait l’homme russe forcé de vivre loin de son pays.

Les idées religieuses et philosophiques de l’auteur de L’Année du Seigneur et du

Pèlerinage étaient fortement influencées par les événements de la vie et elles se trouvaient

en constante variation. C'est dès son enfance que I. S. )mel'v s’est familiarisé avec la spiritualité russe. Plus tard, c’est grâce à son épouse, Olga Aleksandrovna, une femme très pieuse, que )mel'v réapprend la religion orthodoxe, même si sa vie a été marquée par des moments de doute allant jusqu’à la négation de la religion.

Nous pouvons suivre l’évolution des idées d’Ivan )melëv à travers toute son oeuvre. Ses tout premiers ouvrages, y compris son grand succès Garçon!, mettent en avance une vision sociale de la foi de l'écrivain. À son avis, la mission principale de Dieu consistait dans la protection des pauvres et des malheureux. Cette position de l'auteur du diptyque reflèterait clairement son adhésion aux idées socialistes. La morale sociale chrétienne était censée réparer l'injustice. L’engagement dans la vie sociale de l'écrivain avait un caractère déductif et inductif en même temps. Mais déjà dans Les Adieux, 1913, et La Fièvre (Lixoradka), 1915, sa perception du rôle de la religion orthodoxe évolue. Elle devient plus globale. L'idée de la punition cède sa place aux remerciements adressés à Dieu pour la

1 G. Nivat, Russie-Europe : la fin du schisme, op. cit., p. 20. 2

P. A. Florenskij, «U vodorazdelov mysli», in P. A. Florenskij, Imena, M., ÈKSMO-Press, Xar'kov, Folio, 1998, p. 25.

création du monde terrestre et pour la possibilité d'y vivre.

Par ailleurs, lors de cette période Ivan )mel'v développe sa « sophiologie »1

(L’Inépuisable coupe, 1918). Les thèmes de la Sophia, très populaires chez les acteurs du Siècle d'Argent, servent à décrire le principe féminin de l'âme du monde. La philosophie de V. Solov’'v et de S. Bulgakov était leur source d’inspiration. La Sophia était un instrument dans les mains de Dieu qui reliait le monde terrestre et le monde divin. Dans la conception de la Sophia de V. Solov’'v, il s’agit de quelque chose de très complexe. On peut distinguer trois Sophia. En premier lieu, la Sophia est vue par le philosophe comme « élément de Dieu » qui dirige le monde vers l’unanimité et la conciliarité. En deuxième lieu, il s’agit de la Sophia comme fusion des traits divins et humains qui contribue à réaliser dans le monde de la Sagesse divine. En troisième lieu, sa Sophie était considérée en tant que l’âme vivante de la nature et de l’univers. En ce qui concerne S. Bulgakov, sa perception de la Sophia était plus étroite, car elle était chargée de moins de missions. Le rôle de la Sophia n’était pas de créer un nouvel univers, mais uniquement de guider les hommes vers la grâce divine. Chez )melëv, le personnage principal de L’Inépuisable

coupe, Il'ja )arunov, devient l’incarnation de ces visions qui à travers ses tableaux unit

l’origine terrestre et l’origine divine. Cependant, acquis au départ à cette idée de la féminité éternelle, Ivan )melëv s’en éloigne de plus en plus dans les années suivantes. À travers Le Pèlerinage ou encore Les Voies célestes, l’écrivain a tenu à démontrer son rejet des idées de l’éternelle féminité.

Les événements de la vie personnelle et la situation en Russie vont ébranler une fois de plus les convictions religieuses d'Ivan )melëv. En voyant les horribles souffrances du peuple russe, il refusait de croire que Dieu pouvait laisser la situation dégénérer de la sorte. Sa question principale de ce moment fut « Qu’ai-je fait? Qu’est-ce que le peuple russe a fait pour mériter cela? ». Il n'y trouvait pas de réponse. Ainsi, l'envie de vengeance « œil pour œil » a envahi l'écrivain. Ses ouvrages écrits soit en Russie après 1915, soit dans l’émigration, véhiculent l'idée de vendetta contre les bolcheviks. Dans Cela fut (Èto bylo),

Le Soleil des morts I. S. )melëv s'octroie le droit d'adopter l'image du Christ en fonction

des événements. Selon l'auteur, il faut que la réparation pour toutes les souffrances que le

1 Ici, nous utilisons le terme proposé par A. M. Vaxovskaja. Selon la critique littéraire, Ivan )melev a créé ses œuvres de cette période sous l’influence de l’idée de « la chair sacrée », « Sophia », très populaire chez les contemporains de l’écrivain comme A. A. Blok, A. Belyj, K. D. Bal’mont, D. S. Mere*kovskij, Z. N. Gippius, Vja$. I. Ivanov. Cf. A. M. Vaxovskaja, « I. S. )mel'v (1973-1950) », op. cit., p. 201.

peuple russe a endurées soit effectuée à titre de punition. Nous pouvons voir qu'il y a une fusion entre les notions de vengeance et de punition du point de vue philosophique, moral et religieux, car si la punition traduit une légitimité de l'acte, la vengeance, elle, est guidée par la passion et par conséquent le droit légal de l'acte est mis en doute. La punition venue du Ciel à la )melëv revêt des habits arbitraires suite à une approche trop personnelle, trop subjective de l'auteur. Par ailleurs, cette position de I. S. )melëv nous renvoie aux thèses avancées par N. A. Berdjaev et à l’importance qu’il accordait au rôle de l’Homme dans l’histoire. Le philosophe rejetait les visions traditionnelles chrétiennes selon lesquelles l’Homme n’est qu’un exécuteur passif dont le destin est géré par Dieu. Cependant, si, plus tard, Ivan )melëv finit par rejeter ce point de vue et soutient la nécessité de la pénitence de l’Homme comme la seule solution possible envers le sauvetage du monde, N. A. Berdjaev était convaincu que le monde pouvait être sauvé des bolcheviks uniquement par un démiurge terrestre.1

Les points de vue de N. A. Berdjaev et I. S. )melëv diffèrent alors en ce qui concerne l’aide transcendante qui doit venir à l’homme en cas de difficultés. Le philosophe estime que l’humanité ne peut compter que sur elle-même, ayant réalisé que l’absence de Dieu n’est pas de l’impuissance.2 Il insiste sur le fait que l’Homme doit aller chercher les forces pour lutter au fond de lui-même. Au contraire, l’espoir d’être sorti d’un monde misérable est propre aux personnages du )melëv dans La Lumière éternelle (Svet Ve!nyj), 1937, La

Lumière (Svet), 1943. L'espoir ne vient pas de nulle part, l'espoir doit être constamment

soutenu par notre foi en Dieu. La foi à son tour aide l'Homme à ne pas mettre en doute les agissements divins et à accepter les difficultés sans se plaindre de son sort. Dans ses œuvres, Ivan )mel'v revendique le droit, pour l’être humain, à une approche religieuse des événements et à la possibilité de l’existence de lois supérieures. Dans ce sens, ce sont les personnages profondément croyants comme Gorkin du Pèlerinage ou Njanja de Nounou de

Moscou qui servent d’exemple d'un comportement idéal de la personne croyante. Ces

personnages doivent non seulement porter haut et fort les principes de la religion orthodoxe, mais ils ont aussi pour mission de protéger leurs proches des tentations diaboliques au sommet desquelles il place la fierté.

En ce sens, Ivan )mel'v se réfère aussi à l’échelle des valeurs avancée par Nikolaj

1 Cf. N. Berdjaev, «Iz razmy"lenij o teodicee», Put', 1927, avril, N° 7, URL : http://www.krotov.info/library/02_b/berdyaev/1927_321.html . 2

N. A. Berdjaev, Smysl tvor!estva. Opyt opravdanija !eloveka, M., 1916, p. 4 (version électronique), URL : http://www.koob.ru/berdyaev_n/smisl_tvorchestva .

Losskij. En effet, dans sa hiérarchie des valeurs, présenté dans Dieu et Le Royaume divin ( Bog i mirovoe zlo ),Dieu est placé au sommet. Juste en dessous de lui se trouve l'Homme, qui est, selon le philosophe, un être unique et qui ne peut être remplacé par aucune autre valeur. En dessous de l'Homme, il place la liberté, la beauté, la vérité, la vertu. Ces valeurs sont indispensables pour atteindre la plénitude de l'existence humaine.1

En ce qui concerne la fierté, Ivan )mel'v affirmait que c’est elle et d’autres défauts diaboliques comme l’ambition, l’égoïsme qui ont été à l’origine de tous les malheurs de l’humanité et plus particulièrement de la tragédie du peuple russe au début du XXe siècle. Déjà en émigration, Ivan )mel'v a consacré à ce sujet l’article « La Chute des idoles (Kru"enie kumirov) »2, publié dans le journal Russkaja gazeta v Pari%e en mars 1924, où il a soutenu les idées du philosophe S. L. Frank concernant la tendance actuelle de la société à se détourner de Dieu et des valeurs, particulièrement des valeurs spirituelles, de l'intelligentsia d'avant la révolution. En effet, à la lisière des deux siècles nous avons été en présence d’un processus de sécularisation de la société3, d’effondrement de la signification théologique de la religion. La religion perdait son caractère primordial pour devenir juste un des domaines de la société au même niveau que l’art, les sciences et la philosophie. Sous la pression de l’individualisme, la religion se transformait en quelque chose de très subjectif et personnel.4 Par ailleurs, l’industrialisation avait des effets secondaires sur l’Homme qui perdait son côté spirituel en devenant un simple rouage mécanique. L’industrialisation fut également un des facteurs du déplacement des frontières des valeurs morales et esthétiques et de la libéralisation des mœurs. Ce n’était pas la libéralisation en elle-même qui dérangeait, mais le fait qu’elle avait tendance à déraper.5

La majorité absolue des philosophes russes du début du XXe siècle estimait que les

1 Cf. N. O. Losskij, Bog i mirovoe zlo, M., Respublika, 1994.

2 L'article de I. S. )mel'v portait le même nom que l’ouvrage de S. L. Frank, publié un an plus tôt, en 1923. (Cf. S. L. Frank, Kru$enie kumirov, Berlin, Ymca Press Ltd., 1924, URL : http://www.yabloko.ru/Themes/History/frank_kk.html). En donnant le titre identique à son article, l’écrivain voulait probablement tisser un lien étroit avec le contenu de l’ouvrage du philosophe.

3 Voir la théorie de N. A. Berdjaev qui critique le phénomène de l'Église en la dénonçant comme une source majeure d'aliénation spirituelle.

4

Cf. par exemple V. I. Garad*a, Sociologija religii. U!ebnoe posobie dlja studentov i aspirantov

gumanitarnyx special'nostej, &., Nauka, 1995; J.-C. Monod, La Querelle de la sécularisation. De Hegel à Blumenberg, P., Vrin, 2002.

5Par exemple, Benjamin Guichard témoigne que « les publications obscènes faisaient donc partie du paysage éditorial de la Russie du début du siècle de façon quasi-officielle ». Plus loin il ajoute : «L’administration reconnaissait ainsi implicitement qu’elle tolère des publications qui enfreignent par leur contenu le code pénal et qui ne respectent pas le programme de publication déclaré lors de leur enregistrement.» (B. Guichard, « Les Publications obscènes dans la Russie tsariste (1905-1917) », Bulletin de l’Institut Pierre

phénomènes comme liberté ou libéralisation doivent être pris avec prudence. Faut-il alors enlever toute liberté à l’Homme ou doit-on le laisser tout faire ? Les réponses diffèrent selon les penseurs. Pour les premiers, la liberté est nécessaire à l’Homme pour un bon fonctionnement de la société et de son âme. Selon eux, au sein de l’Église les origines de la liberté et de l’unanimité se trouvent dans une étroite corrélation. Le fonctionnement de cette corrélation est le suivant : en accordant la liberté à chaque membre de l’Église et en offrant des possibilités à l’Homme de faire la démonstration de ses particularités et de ses qualités personnelles, l’Église renforce le lien organique entre tous ses adeptes. N. Berdjaev déclarait que « la liberté m’a emmené vers le Christ, et je ne connais pas d’autres voies vers le Christ à part la Liberté »1. Or, cette notion de liberté dérange certains. La question légitime que V. S. Solov'ëv se pose : s’agit-il dans ce cas d’une vraie liberté ou de sa fiction ? est-ce la composition « une subordination libre » n’est pas un oxymoron ? V. Solov'ëv n’accepte aucune limitation des pouvoirs de celui dont la mission est de diriger le peuple. Le souverain est un représentant divin sur terre et limiter ses pouvoirs ou, pire encore, s’opposer à ses agissements, aller contre lui c’est d’aller contre la religion. En tant que monarchiste fervent, Ivan )melëv se sent plus proche des thèses avancées par V. S. Solov'ëv. D’ailleurs, selon l’écrivain, c’est justement trop de liberté accordée au peuple russe qui a fait que maintenant le pays baigne dans le sang. Le vieux monde étant détruit, la Russie s’est plongée dans le chaos.