• Aucun résultat trouvé

L’étude de la notion de personne : pertinence épistémologique et heuristique épistémologique et heuristique

Dans le document persona, impuresa i sistema de castes avui (Page 74-77)

Chapitre 1. Cadre théorique

1.1. Système de castes

1.2.4. L’étude de la notion de personne : pertinence épistémologique et heuristique épistémologique et heuristique

Il est légitime de se demander si l'étude de la notion de personne dans d'autres sociétés, en supposant que cette catégorie y existe, n'est pas en fait un ethnocentrisme.

207 Bloch 1993 : 5.

208 Meyer Fortes, 1949, The Web of Kinship among the Tallensi, Oxford: Oxford University Press, p.283 in Bloch 1993 : 7.

209 Kaj Arhem, in Bloch 1993 : 8.

210 Bloch 1993 : 8.

211 Parry 1983, in Bloch 1993 : 11.

73

Comme souligne Bloch, une anthropologie de la personne présupposerait que nous savons « où se situent les frontières entre une personne et une autre, alors même que ce postulat fondamental doit être remis en cause »212.

Pour Gérard Lenclud, une preuve que cette catégorie existe dans d'autres sociétés est que les sciences de l'évolution et de la cognition montrent qu' « il est impossible qu'un être humain puisse ne pas ressentir par devers soi qu'il n'est pas un autre que lui-même et ne pas en tirer des conclusions sur autrui »213. En outre, selon cet auteur, la notion de personne telle qu'elle est définie par les philosophes occidentaux (nécessité de la

« réciprocité d'attribution », c'est-à-dire, que pour être des personnes, il faut que je considère que la personne que j'ai devant moi est un être qui a les mêmes rationalités et la réflexivité que j'ai moi-même, et que cette personne me considère également comme une personne) est nécessairement présente si nous pouvons maintenir, lors d'un travail de terrain, une conversation avec nos interlocuteurs214... Dans ce sens, Michel-Jones rappelle que, dans toute société, il y a un savoir anthropologique (la société s'étudie elle-même) et un savoir relatif à l'être humain en tant qu'individu situé à l'intérieur d'un corps social, ce qui correspond à une conception de la personne comme étant un être humain identifié par la société215. Cependant, qu’une certaine notion de personne existe ne signifie pas pour autant qu’elle soit définie de la même façon partout, et ses modalités sont au contraire diverses.

Lorsqu'on étudie la notion de personne, il faut se demander quelles sont les représentations, quelles sont les relations entre personne et société, entre personne et cosmos ; quels sont les composants de la personne, et quelles sont les conditions pour être une personne, c'est-à-dire, pour passer du statut d'être humain à celui de personne, ainsi que déterminer les limites de la catégorie d’humain, comme ont fait les anthropologues amazonistes ces dernières années. Cette « transformation » n'est pas automatique, et chaque société déterminera et surveillera les signes qui permettent d'attribuer la qualité de personne à un être humain. Pour certains, ce sera par exemple l'absence de malformations, pour d'autres, la façon dont les dents d'un bambin sortent, pour d'autres encore ce sera la façon de mourir : une disparition brutale ou anormale empêche l'être de se convertir en ancêtre, condition indispensable pour être une

212 Bloch 1993 : 5.

213 Lenclud 2009 : 16.

214 Idem : 16-17.

215 Michel-Jones 1974 : 38.

74 personne216.

L’étude de la notion locale de personne est un point de départ pour comprendre les systèmes de pensée et de représentations d'une société donnée. Les parallèles entre le cosmos et la personne, les correspondances de substances217, d'attributs, entre les éléments qui les composent, sont une matière de grande valeur pour l'étude de ces trois

« plans » interreliés que sont la personne, la société et le cosmos. « La connaissance de la personne fonde alors la prise de conscience des relations unissant l'individu au groupe et au milieu élargi, les mêmes modèles interprétatifs leur étant appliqués »218. Cette vision est caractéristique de l'anthropologie française qui, à l’instar de Griaule ou Dieterlen, aborde la notion de personne à travers la mythologie et la cosmologie219. Vision que ne partage pas l'anthropologie britannique, qui préfère étudier la notion de personne d'un point de vue plus sociologique que symbolique220, et qui accuse l'anthropologie française de considérer la structure sociale comme un reflet de la cosmologie (Turner, Douglas)221. Pour les Britanniques, en accord avec D. Forde, les

« idées cosmologiques » sont des « codes moraux » qui évoluent plus lentement que l'organisation sociale, mais qui finissent par intégrer les changements de celle-ci. Il existe cependant de nombreux exemples où la cosmologie influence et explique directement certains aspects de la société, de l'exploitation de l'environnement, des techniques et des comportements, entre autres222.

C’est donc probablement à travers cette vision des choses que les études de l’école française sur les systèmes de castes en Inde ont développé davantage les approches visant la notion de personne et son rapport au monde.

1.3. Corps

Si la personne a été définie en Occident de façon duelle, composée par un corps

216 Michel-Jones 1974 : 46-47.

217 Suzanne Lallemand, 1974, « Cosmologie, cosmogonie », dans Augé, M., La construction du Monde, Maspero, Paris.

218 Michel-Jones 1974 : 48.

219 Rabain-Jamin 2002.

220 Idem.

221 Lallemand 1974 : 22.

222 Idem.

75

et un esprit, la recherche autour de cette notion nous montre bien qu’étant dividuelle, relationnelle et multiple, la personne ne saurait se definir par ces deux seules composantes, d’autant plus qu’elles sont parfois dotées d’attributs croisés. En effet, comme nous le verrons dans le cas de l’Inde, l’esprit est non seulement ancré dans le corps, mais parfois tout aussi matériel que celui-ci. Comme le souligne à juste titre Andrew Strathern223, «Rappelons que la théorie des humeurs du corps qui a prévalu pendant longtemps en Europe était une théorie unificatrice de la relation entre le corps, ses humeurs, la personnalité, la maladie ou la bonne santé. La théorie cartésienne, en construisant un concept de l'esprit fondé sur un agent immatériel détaché par essence de ce nexus matériel, détruisit la qualité holiste de la pensée et la poussa bien loin des concepts qui prévalent dans de nombreuses sociétés non-occidentales, tribales ou autres.

L'excision de cette dichotomie corps/esprit qui eut lieu par la suite, ainsi que la déconstruction philosophique du concept d'esprit, nous placent maintenant dans une position beaucoup plus comparable avec les cultures non-occidentales et nous aident à réduire les constructions artificielles de « l'Autre » qui avaient été précédemment faites».

Dans le document persona, impuresa i sistema de castes avui (Page 74-77)