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L’étude du corps : pertinence épistémologique et heuristique 283heuristique283

Dans le document persona, impuresa i sistema de castes avui (Page 89-92)

Chapitre 1. Cadre théorique

1.1. Système de castes

1.3.4. L’étude du corps : pertinence épistémologique et heuristique 283heuristique283

L'anthropologie et la sociologie montrent, depuis quelques années, un intérêt croissant pour la question du corps, en consonance avec le mouvement général de la

281 Kumkum Sangari and Sudesh Vaid (eds.), 1989, Recasting Women. Essays in colonial history, New Delhi, Kali for Women, p.5, in Thapan 1997: 6.

282 Partha Chatterjee, 1989, “The nationalist resolution of the woman’s question”, in Sangari and Vaid 1989; cité dans Thapan 1997: 28 note 13.

283 Rappelons le rôle pionnier de Marcel Mauss (1934) dans l’ethnographie du corps, lui qui insista sur l’importance de l’utilisation du corps dans les différentes sociétés, à travers les techniques du corps, qui sont non seulement efficaces mais également traditionnelles, c’est-à-dire qu’elles ont une valeur symbolique, rituelle, magique. Marcel Mauss, 1936, « Les techniques du corps », Journal de Psychologie, XXXII, nº 3-4 (Communication présentée à la Société de Psychologie le 17 mai 1934).

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société occidentale qui s'intéresse de plus en plus à ce thème284. Mais cette question se trouve en fait implicite dès les débuts de la pensée sociologique, avec Marx, Engels, Villermé, suivis par Simmel et ensuite par Halbwachs, Friedmann, Leenhardt, De Martino, Eliade, et Mauss, entre autres285. Ce dernier était convaincu que, lorsqu'on étudie la religion et la magie, les « techniques du corps » doivent s'observer, s'analyser.

Ces deux champs mettent en marche des conduites motrices (jeûne, contrôle de la respiration, pèlerinage, etc), car religion et magie sont aussi (mais pas seulement) des pratiques physiques. L'adhésion exige, en plus de la foi, l'implication et l'assentiment du corps286.

Dans la pratique, l'étude du corps implique, à côté des considérations générales (cosmologiques, mythologiques, etc), d'observer les rituels qui le concernent, les tatouages, vêtements, piercings ; de chercher la manière dont il est exprimé, socialisé, humanisé, bougé ; d'analyser chaque étape dans sa formation : conception, grossesse, naissance, etc jusqu'à devenir un ancêtre ou non ; nous nous intéresserons également aux détails, à chaque partie (œil, main, pied, etc), aux os, aux organes, à la peau, aux cheveux, aux poils, etc ; aux fluides : sang, sperme, sueur, urine, lait maternel, larmes, bile, salive, etc. Il faut également prêter attention à tous les composants « invisibles » comme les pets, l'haleine, les odeurs, la chaleur corporelle, le regard (le mauvais œil par exemple), le doigt pointé vers quelque chose, la « pollution » entre castes, etc, mais aussi ce que nous appelons, par manque de vocabulaire, les « âmes », les ombres, les doubles ; et aussi ce que Lévy-Bruhl appelle « participations »287 : ongles et cheveux coupés, excréments, placenta, traces de pas, etc. Les orifices sont également un champ d'étude fascinant pour le thème du corps : « portes » entre l'intérieur et l'extérieur (en essayant de ne pas projeter nos propres conceptions d'intérieur/extérieur!), ils méritent une attention particulière, aussi bien pour ce qui entre que pour ce qui sort. Le contrôle de la sexualité et de la reproduction, la possession divine ou néfaste, la malédiction, le mauvais œil, l’impureté, sont tous des domaines qui ont un certain lien avec les orifices : la vagin, l'anus, le pénis, les yeux, le nez, la bouche, les tétons, mais aussi la fontanelle, le sommet du crâne, le nombril, le troisième œil, les pores de la peau, peuvent être considérés comme des orifices... Cette question rappelle ce que nous avons

284 Erny 1997.

285 Le Breton 2006.

286 Mauss 1934.

287 Lévy-Bruhl, in Michel-Jones 1974.

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évoqué plus haut dans la partie dédiée à la personne : les limites, les frontières de chaque corps, qui peuvent être extrêmement différentes de notre conception occidentale.

Florencia Tola, dans sa thèse sur les Toba du Chaco argentin, nous dit par exemple :

« Par ce corps circulent les substances des uns et des autres, substances qui n'appartiennent plus ni aux uns ni aux autres, substances qui ne sont plus des substances mais des transformations de substances, la concrétion et l'intensification des relations, le résultat de multiples interactions, la manifestation de connexions « intercorporelles » qui ne sont autres qu'un registre particulier de relations intersubjectives. […] Ce corps n'est pas conçu comme une frontière entre soi et autrui mais il est vécu comme une médiation »288.

Des orifices, Mary Douglas écrit : « Si nous considérons la protection rituelle des orifices du corps comme un symbole de l'intérêt que porte la société à ses entrées et à ses sorties, la pureté des aliments cuits prend toute son importance »289. Et c'est que, lorsqu'on étudie le corps, il nous faut prêter une attention toute particulière à l'alimentation, qui non seulement entre dans le corps par un des orifices, mais en plus est souvent source d'élaboration des liquides corporels et agent de contamination quand les frontières du système social sont soumises à de fortes pressions290 ; ainsi qu'aux remèdes, plantes, thérapies qui servent à soigner ce corps « point d'ancrage de notre rapport au monde, aux autres, à nous-mêmes, un noyau de représentations »291. Mais, comme insistent les auteurs de « Qu'est-ce qu'un corps ? », nous devons faire attention à ne pas trop nous focaliser sur les parties qui composent le corps. Il ne faut pas descendre, mais plutôt monter de niveau, comprendre que ce qui nous importe n'est pas le fait que le corps se divise, sinon qu'il est une partie d'autre chose, d'un autre

« corps »292...

288 Florencia Tola, 2004, Je ne suis pas seul(ement) dans mon corps, Thèse de doctorat EHESS/Buenos Aires.

289 Douglas 1971 : 141. Je voudrais souligner que, bien que les travaux de cette auteure me semblent d'une immense valeur, je n'adhère pas, dans ce cas précis, à l'utilisation des termes « rituelle » et

« symbole », considérant que ce serait projeter notre vision occidentale sur une réalité toute autre...

290 Douglas 1971 : 142.

291 Andrieu 2009.

292 Breton 2006 : 85.

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