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Personne, humanité

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Chapitre 1. Cadre théorique

1.1. Système de castes

1.2.2. Personne, humanité

Dans notre tentative de cerner le siège de réflexion, conscience, mouvement, action (liste non exhaustive) qui est à la fois l’objet et le sujet de l’anthropologie, le

190 Voir aussi Montserrat Ventura i Oller, 2001 « Do Kamo. La persona y el mito en el mundo melanesio”, Barcelona, Buenos Aires, México: Paidós, 1997” compte-rendu dans Quaderns de l’Institut Català d’Antropologia 15-16, p.195-199.

191 Leenhardt 1947: 71-72.

192 Leenhardt 1947.

193 James Clifford, 1982, Person and myth : Maurice Leenhardt in the Melanesian world, Berkeley, University of California Press, in Rabain-Jamin 2002.

194 Françoise Michel-Jones, 1974 : « La notion de personne » in Augé, M. (éd.), La construction du monde: religion, représentations, idéologie, Maspero, Paris.

195 Strathern 1988.

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point de mire et l’instrument servant à l’observer, nous avons jusqu’ici employé le terme de personne, tout en usant librement et vaguement d’un autre terme: humain. Cela ne signifie nullement qu’ils soient synonymes, et comme nous l’avons déjà souligné dans notre introduction, le passage de l’un à l’autre exigera des processus précis dans une communauté, tandis que l’un ne sera pas l’apanage de l’autre dans une société différente. Si nous avons employé ces deux termes, c’est plutôt parce qu’ils sont eux-mêmes le reflet des tendances de l’anthropologie selon les diverses époques. Alors que le concept de personne fut longtemps privilégié, éclipsant presque celui d’humain, ce dernier fit une réapparition remarquable ces dernières années, notamment propulsé par le tournant ontologique, lui-même alimenté par les propositions d’Ingold196, puis renforcé par Descola197 et Viveiros de Castro198 entre autres. Le tournant ontologique, exigeant une sorte de refonte de la méthodologie ethnographique et anthropologique, rompt avec l’idée d’une seule nature, qui serait réelle et indépendante de l’humain, régie par des lois universelles, et qui serait représentée de multiples façons par les diverses cultures. Au contraire, elle part du principe qu’il existe une multiplicité des réalités, et que plusieurs ontologies sont possibles. L’objectif est donc non seulement de dépasser le clivage nature/culture (qui présuppose une nature faisant l’objet de diverses représentations, c’est-à-dire de plusieurs cultures), mais également de ne plus assumer une posture vécue comme ethnocentrique, fondée sur notre propre vision de la nature et notre rapport à celle-ci, elle-même dénominée comme ontologie naturaliste. La recherche d’autres ontologies possibles demande donc d’accorder une attention plus

196 Tim Ingold, 1986, The Appropriation of Nature: Essays on Human Ecology and Social Relations.

Manchester: Manchester University Press; Ingold, T., 1992, 'Culture and the perception of the environment', in E. Croll and D. ParkIn (eds.), Bush Base: Forest Farm. Culture, Environment and Development, 39-56. London and New York: Routledge; Ingold, T. 1994. 'Humanity and animality', in T.

Ingold (ed.), Companion Encyclopedia of Anthropology, 14-32, London and New York: Routledge; Ingold, T., 1995, 'Building, dwellng, living: How animals and people make themselves at home in the world', in M. Strathern (ed.), Shifting Contexts: Transformations in Anthropological Knowledge, London and New York: Routledge; Ingold, T. 1996. 'Hunting and gathering as ways of perceiving the environment', in R.

Ellen and F. Katsuyoshi (eds.), Redefining Nature: Ecology, Culture and Domestication, 117-55. Oxford and Washington D.C.: Berg; Ingold, T., 2000, The Perception of the Environment: Essays on livelihood, dwelling and skill, London/New York: Routledge.

197 Descola 2005; Descola, P., 2010. « Cognition, Perception and Worlding », Interdisciplinary Science Reviews, 35 (3-4), pp. 334-340.

198 Eduardo Viveiros de Castro, 1998, « Les pronoms cosmologiques et le perspectivisme amérindien », In Eric Alliez (éd.), Gilles Deleuze. Une vie philosophique, pp. 429-462, Le Plessis-Robinson: Institut Synthélabo. Viveiros de Castro, E., 2002, A inconstância da alma selvagem. E outros ensaios de

antropologia, São Paulo: Cosac Naify; Viveiros de Castro, E., 2002. “O nativo relativo.” Mana 8 (1): 113–

48; Viveiros de Castro, E., 2009, Métaphysiques cannibales, Paris: Presses Universitaires de France;

Holbraad, M., Pedersen, M.A., and Viveiros de Castro, E., "The Politics of Ontology: Anthropological Positions." Fieldsights - Theorizing the Contemporary, Cultural Anthropology Online, January 13, 2014, http://culanth.org/fieldsights/462-the-politics-of-ontology-anthropological-positions.

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importante, dans l’enquête ethnographique et l’analyse anthropologique, à la catégorisation des êtres et des choses: comment les humains et les autres animaux, les plantes et les autres entités sont-ils perçus, vécus? Quelles relations entre ces divers êtres découlent ensuite de ces ontologies? Les thèses de Viveiros de Castro soutiennent une bipartition des ontologies, avec un clivage entre le multinaturalisme (multiplicité des réalités) et le multiculturalisme (une seule nature repésentée par diverses cultures, ce qui serait le propre de l’Occident), tandis que celles de Descola illustrent quatre grands axes possibles, quatre ontologies combinables entre elles, et qui permettent la comparaison: deux principes, à savoir une physicalité et une intériorité, qui seraient universels dans l’optique de cet auteur, permettent un mode d’identification spécifique entre les êtres, donnant naissance à une ontologie particulière. Dans l’ontologie naturaliste, hégémonique en Occident, la physicalité est partagée entre les humains et les non-humains (matière physique commune avec les animaux non-humains), tandis que l’intériorité ne l’est pas: seuls les humains posséderaient une intériorité propre à l’humanité, et qui ferait défaut aux autres entités. Dans l’ontologie animiste au contraire, à diverses physicalités correspond une intériorité partagée: derrière la multiplicité d’apparences, de corps, d’attributs, existe un principe intérieur commun à plusieurs catégories d’entités (qu’il s’agisse d’une “âme” ou d’un autre principe intérieur, sur lequel reposent certaines facultés de langage, de conscience, de sentiments ou autres). Enfin, la combinaison des principes d’intériorité et de physicalité, sur base d’une identification ou non, débouche sur deux autres ontologies: le totémisme (physicalité et intériorité partagées par certaines entités, mais suivant un découpage particulier entre diverses catégories d’êtres) et l’analogisme (qui suppose une non-identification entre les êtres, tant du point de vue de la physicalité que de l’intériorité, débouchant sur une infinité de catégories d’entités). L’observation de ces diverses ontologies existant autour du globe, et leurs multiples combinaisons entre elles, permet alors de nous situer en tant qu’anthropologues occidentaux, pleinement conscients que notre vision du rapport entre les humains et les autres entités (animaux, plantes, et autres, c’est à dire notre vision d’un rapport à ce que nous appelons “nature”) ne constitue en fait qu’une ontologie parmi d’autres.

Sans entrer dans le détail des critiques adressées au tournant ontologique, qui produisent un vif débat199, retenons en tout cas ceci: il n’y a pas que la notion de

199 Voir entre autres: Soumhya Venkatesan (Edited by), 2010, “Ontology Is Just Another Word for Culture”, Critique of Anthropology, Vol 30(2), pp. 152–20 (Motion Tabled at the 2008 Meeting of the

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personne qui soit à mettre en perspective; c’est la notion-même d’humain qu’il faut questionner, en reconnaissant que notre vision d’humanité n’épuise pas les modalités possibles. Si nous prenons la liberté d’utiliser parfois le terme personne et parfois le terme humain, dans notre travail, c’est donc en essayant de garder toujours à l’esprit cette mise en perspective, qui exige à la fois de ne pas confondre les deux vocables entre eux, et à la fois de ne pas anticiper la conception locale d’humain et d’humanité en présupposant une universalité de ce qui constitue notre propre vision.

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