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Section 3. La liberté de mouvement et le droit au changement

B. L'exclusion d'une région ou 1' assignation

1. Le champ d'application personnel

Savoir qui peut bénéficier du regroupement familial implique de se placer du point de vue des deux parties à la relation: il s'agit d'une part de délimiter le cercle des étrangers séjournant en Suisse qui pourront faire venir leurs proches (A), et d'autre part de définir qui sont ces derniers (B).

A. L'étranger qui souhaite faire venir sa famille

Les ressortissants helvétiques ne sont pas concernés par l'OLE: le droit de faire venir les membres étrangers de leur famille découle del' art. 7 LSEE. Les étrangers titulaires d'un permis d'établissement (art. 6 LSEE) sont également exclus du champ d'application de l'ordonnance54 (art. 2 let. b OLE) et ne sont pas non plus soumis à ses exigences: ils jouissent au contraire d'un véritable droit à faire venir leur famille, par l'intermédiaire del' art. 17 LSEE. Restent donc les titulaires d'un permis de séjour (art. 5 LSEE). Mais ceux-ci ne peuvent pas tous, et de loin, bénéficier du regroupement familial. L'art. 38 al. 2 OLE stipule en effet que les saisonniers, les titulaires d'une autorisation de courte durée, les stagiaires, les étudiants55 et les curistes ne peuvent pas faire venir les membres de leur famille. Ne bénéficient donc du regroupement familial del' OLE que les étrangers en possession d'une autorisation de séjour à l'année56, ce qui inclut également les titulaires d'un permis humanitaire57 (art. 13 let. f OLE), les rentiers58 (art. 34 OLE) et les étrangers sans activité lucrative59 (art. 36 OLE).

53 Infra, pp. 202ss.

54 ATF 119 Ib 81, cons. 2.b.

55 Leur présence en Suisse est d'ailleurs expressément conditionnée par le fait qu'ils ne doivent pas être accompagnés (art. 32 let. a OLE). Il en va de même pourles écoliers (art. 31 let. a OLE).

56 MARf!NA CARON~ p. 100; MARCO MôHR-MONN, p. 132.

57 MARfINA CARONI, p. 102; ALEXANDRA GERBER/ BÉXI'RICE MÉTRAUX, p. 92.

58 PETER KOTIUSCH, Regelung, p. 333. Directives OFE, § 661.

59 KASPAR TRAUB, p. 120. Directives OFE, § 661.

CHAPITRE 3 - LA PRÉSENCE EN SUISSE PAR LE RÈGLEMENT DES CONDITIONS DE RÉSIDENCE

Le cercle des bénéficiaires potentiels du regroupement familial ainsi défini, se pose la question de la mise à l'écart pure et simple des autres catégories d'étran-gers mentionnés à l'art. 38 al. 2 OLE de toute possibilité d'être rejoints par leur famille. Cette exclusion ne va pas sans poser problème. L'art. 4 LSEE investit les autorités de police des étrangers d'une liberté d'appréciation qui ne semble pas se limiter à la possibilité d'accorder ou non l'autorisation demandée à certai-nes catégories précises d'étrangers uniquement. Le gouvernement fédéral peut-il donc, par simple ordonnance, limiter de la sorte une compétence reconnue aux cantons par le législateur lui-même? La doctrine n'apporte pas une réponse una-nime à cette question. Certains auteurs nient60, d'autres mettent en doute61 cette éventualité. Il convient de prendre position.

Le principe de la séparation des pouvoirs implique que l'exécutif ne peut en principe se faire l'auteur de règles de droit dites de substitution - ou «primai-res», à savoir des normes que le législateur n'a pas lui-même voulu poser et qui n'exécutent pas simplement la loi - dont l'adoption devrait, selon la Constitu-tion, être de la compétence du seul législateur (cf. art. 164 Cst.). Le principe n'est cependant pas absolu, et le pouvoir exécutif joue un rôle législatif de pre-mier plan depuis bien longtemps. Le droit suisse des étrangers, principalement réglementé par des dispositions de rang infra-légal, en est l'illustration parfaite.

Les articles 38 et 39 OLE réglementent à l'évidence un domaine originaire que la loi n'a pas prévu: le regroupement familial des étrangers titulaires d'un permis de séjour. Le Conseil fédéral ne pouvait dès lors adopter ces normes primaires qu'en se fondant sur une clause de délégation législative valable.

L'art. 164 al. 2 de la nouvelle Constitution fédérale du 18 avril 1999 consacre aujourd'hui expressément ce qui jusque-là valait au titre de la coutume62, à sa-voir que le législateur fédéral peut déléguer à l'exécutif la compétence d'édicter des règles de droit. Dérogeant à un principe constitutionnel - la séparation des pouvoirs-, toute délégation législative à l'exécutif doit elle-même répondre à des exigences de rang constitutionnel. Ainsi, selon l'art. 164 al. 2 Cst., la délé-gation législative est tout d'abord exclue lorsque la Constitution fédérale l'inter-dit. Elle doit au surplus figurer dans une loi fédérale au sens formel. L'art. 164 al. 1 Cst. stipulant que «toutes les dispositions importantes qui fixent des règles de droit doivent être édictées sous la forme d'une loi fédérale», le Conseil fédé-ral ne saurait se voir attribuer la compétence d'édicter ces dispositions impor-tantes63, par quoi le constituant comprend notamment les dispositions fondamen-tales relatives à la restriction des droits constitutionnels et aux droits et obligations

60 YVES HOFSTETTER, pp. 182s; PETER KoITUSCH, Eimessen, p. 152; le même, Regelung, p. 335;

DANIEL TuûRER, Familientrennung, pp. 586 et 592.

61 GIORGIO MALINVERN!, Art. 69ter, pp. 35s; KAsPAR TRAUB, p. 114; PASCAL MAHON. «Alt. 34quinquies», in Commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, 1992, p. 23.

62 ANDREAS AUER/ GIORGIO MALINVERN!/ MICHEL HOTTELIER, Vol. I, pp. 525s.

63 Ibid., p. 526.

des personnes (art. 164 al. 1 lettres b etc Cst.). Enfin, la délégation législative doit se limiter à une matière déterminée et contenir les lignes fondamentales de la réglementation déléguée, à savoir son but ainsi que l'objet et l'étendue des pouvoirs octroyés au Conseil fédéral64 .

A notre avis, la réalisation de ces conditions n'est de loin pas assurée. Le Conseil fédéral s'est fondé formellement sur les articles 18 al. 4 et 25 al. 1 LSEE pour adopter l'OLE65. L'art. 25 LSEE n'est d'aucun intérêt pour le regroupe-ment familial, si bien que c'est à l'art. 18 al. 4 LSEE qu'il faut voir la clause de délégation législative permettant au Conseil fédéral de réglementer cette ma-tière. L'art. 18 LSEE touche notamment à la répartition des compétences entre Confédération et cantons pour ce qui est du pouvoir d'octroyer des autorisations.

Le 2e alinéa mentionne celles que les cantons peuvent accorder seuls, le 3e alinéa concrétisant pour sa part le principe de l'art. 69ter al. 2 aCst., à savoir que les autorisations qui ne sont pas énumérées à l'alinéa précédent doivent recueillir au surplus l'approbation de l'Office fédéral des étrangers. Le 4e alinéa del' art. 18 LSEE stipule quant à lui que «le Conseil fédéral peut régler la compétence des cantons, après les avoir entendus, en dérogeant aux dispositions des 2e et 3e alinéas».

Dans un arrêt rendu en 1992, le Tribunal fédéral s'est penché sur la consti-tutionnalité et la légalité del' OLE, analysée sous l'angle du contingentement66.

Il rappelle que la Confédération doit souvent donner son assentiment aux autori-sations que les cantons sont d'accord d'octroyer. Puisque le pouvoir fédéral peut, au cas par cas, accepter ou refuser d'approuver les décisions cantonales, les juges fédéraux estiment qu'on ne saurait interdire au Conseil fédéral de régler, par voie réglementaire, la manière dont cette compétence doit être mise en œuvre.

Même lorsqu'il s'agit de se prononcer sur des autorisations que l'art. 18 al. 2 LSEE met normalement dans la compétence exclusive des cantons, le Conseil fédéral serait habilité, par le biais de l'art. 18 al. 4 LSEE, à régler également par des normes générales et abstraites les conditions à remplir pour ces types d'auto-risation. L'art. 18 al. 4 LSEE serait donc bien la clause de délégation qui fonde-rait la compétence du Conseil fédéral d'adopter l'OLE67 . Mais encore

faudrait-64 Ibid., p. 527;ANDRÉGRISEL, pp. 324ss; ULRICHHAFELIN /WALTER HALLER, pp. 342s; BLAISE KNAPP, p. 69; PIERRE MooR, Vol. I, pp. 252s. Ces dernières conditions - art. 113 al. 3 et l 14bis al. 3 aCst.

obligent - n'ont pu être formulées que dans le cadre d'affaires cantonales: par exemple ATF 118 la 245, cons. 3.b ou A:TF 112 la 136, cons. 3.b. Le Tribunal fédéral et la doctrine unanime estiment cependant qu'elles sont de rang constitutionnel, si bien qu'elles s'imposent également au législateur fédéral.

65 Voir le considérant introductif de l' OLE.

66 ATF 118 lb 81, cons. 3.

67 ROLF ScHMID, p. 56. PETER KOTIUSCH, Bestimmungen, pp. 38s et KASPAR TRAUB, pp. 85s estiment que, pour ce qui est du contingentement, ce fondement légal del' OLE est ce1tes maigre, mais tout de même suffisant ( «eher schma/, aber ausreichend» ). L'appréciation de ces auteurs ne porte cepen-dant pas sur le point qui ici nous intéresse, à savoir les articles 38 et 39 OLE.

CHAPITRE 3 - LA PRÉSENCE EN SUISSE PAR LE RÈGLEMENT DES CONDITIONS DE RÉSIDENCE

il que cette clause soit en elle-même valable. Si, en vertu de l'art. 191 Cst., le Tribunal fédéral se refuse à sanctionner la validité des clauses de délégation législative fédérales68, il nous revient d'entreprendre l'examen que le Tribunal fédéral s'interdit de faire. Or, on a vu que parmi les conditions qui affranchissent une clause de délégation législative de toute inconstitutionnalité figure la néces-sité pour le législateur de limiter la délégation à un domaine déterminé. De sur-croît, lorsque la matière déléguée peut porter une atteinte grave à la situation juridique des particuliers69, la clause de délégation doit poser les lignes fonda-mentales de la réglementation déléguée, condition dont on peut ici difficilement concéder la réalisation.

Certes, dans l'interprétation de la clause de délégation, d'autres disposi-tions de la LSEE, en particulier l'art. 16 al. 1 LSEE, doivent également être prises en considération pour définir le cadre de la matière déléguée70 . Il n'en reste pas moins que l'art. 18 al. 4 LSEE, pour autant qu'il puisse même être interprété comme une clause de délégation législative71 , est une norme à notre avis bien trop générale et trop large pour fonder la compétence de l'exécutif à poser des conditions aussi restrictives en matière de regroupement familial. En ce qui concerne la nécessité interprétée strictement par le Tribunal fédéral -pour la clause de délégation de contenir les principes essentiels de la réglemen-tation déléguée en cas d'atteinte grave à la situation juridique des administrés, il ne nous semble pas qu'il faille ici se montrer excessivement rigoureux avec le législateur. En partant del' art. 4 LSEE qui consacre une absence de droit à l'auto-risation, on pourrait comprendre que la situation juridique de l'étranger n'est pas drastiquement restreinte par la réglementation adoptée. On ne saurait cependant admettre, comme le Tribunal fédéral le dit72, que le droit au respect de la vie familiale au sens del' art. 8 CEDH n'est nullement mis en péril par une

déléga-68 Même si, selon une prutie de la doctrine, le Tribunal fédéral «est non seulement habilité, mais tenu d'examiner si la délégation législative contenue dans une loi fédérale respecte les conditions posées par la Constitution et la jurisprudence»: ANDREAS AUER/ GIORGIO MALINVERN!/ MICHEL HOTTELIER, Vol. l, p. 671.

69 L' lXfF 118 la 305, cons. 2.b dit: «soweit sie die Rechtsstellung der Bürger schwenviegend berührt>>.

ANDREAS AUER/ GIORGIO MAL!NvERNI / MICHELHOTTELIER, Vol. l, p. 670; ULRICH HÂFELIN /WALTER HALLER, p. 343;

w

ALTER KALIN, Verfahren, p. 28; PIERRE MOOR, Vol. I, p. 253.

70 KASPAR TRAUB, p. 85.

71 Ce que le Tribunal fédéral fait dans!' lXfF 118 lb 81, cons. 3.c. A la lecture de !'rut. 18 al. 4 LSEE lui-même, cela semble cependant douteux. Pour URBAIN LAMBERCY, pp. 203s, cette règle a été adoptée dans le but premier de permettre à la Confédération de rendre aux cantons ce1taines com-pétences en matière d'approbation des pe1mis, et non de leur en retirer. Voir FF 1948 I 1283. Pour YVES HOFSTETTER également, p. 26, cette disposition ne constitue nullement une clause de déléga-tion législative. DANIEL THûRER /CHRISTINE KAUFMANN, p. 52, en particulier leur note 12, estiment également que la clause de délégation s'avère «fragwü1dig».

72 D'après la jurisprndence fédérale, l'art. 8 CEDH ne peut en effet être invoqué dans le cadre du règlement des conditions de résidence lorsque la relation familiale est vécue avec une personne simplement titulaire d'une autorisation de séjour.

tion si large73. Comme on le verra, le fait que l'étranger n'est titulaire que d'une autorisation de séjour ne lui dénie en rien la titularité de l'art. 8 CEDH, si bien que le raisonnement du Tribunal fédéral n'est guère tenable74.

Même en admettant que la situation juridique des particuliers n'est pas drastiquement péjorée par la réglementation déléguée, la clause de délégation demeure bien trop vague75 . Le rejet de la loi de 1981, qui apportait une nette amélioration en matière de densité normative de la loi76, ne peut plus être utilisé, plus de 18 ans plus tard, pour justifier de tels écarts avec le principe de la sépa-ration des pouvoirs. Il serait grand temps que le législateur, pour ce qui touche au regroupement familial comme en ce qui concerne d'autres domaines du droit des étrangers, se réapproprie la compétence qui devrait être la sienne77. C'est à lui, et non au Conseil fédéral, de définir les catégories d'étrangers qui pourraient demander à faire venir leur famille et les critères principaux que l'exécutiffédé-ral devrait respecter. En particulier, vu l'impact numérique, économique et so-cial que la politique suisse en matière de regroupement familial implique, une légitimation démocratique un peu plus élevée s'impose.

Quoiqu'il en soit, l'art. 191 Cst. rappelle que toute autorité se doit d' appli-quer «les lois fédérales», donc y compris les clauses de délégation législatives fragiles et boiteuses, sans pouvoir exercer de sanctions. Le Conseil fédéral ne jouit toutefois pas pour autant d'un blanc-seing dans la réglementation de la matière déléguée.

Sous peine de violer le principe constitutionnel de la séparation des pou-voirs, les normes adoptées dans l' OLE doivent en premier lieu respecter le cadre légal fixé par la clause de délégation législative. Or, comme on vient de le voir, la clause de délégation législative est extrêmement large, de sorte qu'il sera difficile de retenir que le Conseil fédéral a outrepassé la marge de manœuvre que le législateur lui a octroyée78. On peut cependant se demander si le Conseil fédé-ral, en excluant purement et simplement certaines catégories d'étrangers de toute possibilité de regroupement familial, a usé du pouvoir que la clause de déléga-tion législative lui octroie conformément au principe de la propordéléga-tionnalité79 . En

73 Cf. DANIEL THÜRER/ CHRISTINE KAUFMANN, p. 55, note 34, qui estiment que l'art. 38 al. 2 OLE pose effectivement problème sous l'angle de l'art. 8 CEDH.

74 Infra, pp. 418ss.

75 Dans le même sens: ANDREAS AUER, Constitution, p. 1239.

76 C'est également ce que pensait le Conseil fédéral dans son Message à l'appui de son projet de loi: FF 1978 II 179. L'acceptation de la LEtr- et de son art. 39: FF 1981 II 563 - aurait ainsi largement comblé cette lacune.

77 ANDREAS AUER, Constitution, p. 1240.

78 Voir l' ATF 118 Ib 81, cons. 3.c, où le Tribunal fédéral parle de «weite[r] Spie/raum» octroyé par la LSEE au Conseil fédéral. Cf. ATF 124 II 241, cons. 3.

79 Voir ATF 121 II 465, cons. 2.a; ATF 118 Ib 367, cons. 4; ATF 116 la 382, cons. 4.a. PIERRE MooR, Vol. I, p. 320.

CHAPITRE 3 - LA PRÉSENCE EN SUISSE PAR LE RÈGLEMENT DES CONDITIONS DE RÉSIDENCE

effet, il aurait été plus respectueux du cadre législatif de la LSEE, et surtout au vu de la liberté d'appréciation que son article 4 consacre, de prévoir pour le moins des exceptions 80. Et ce d'autant plus que l'approbation de l'OFE n'est pas nécessaire pour les autorisations octroyées dans le cadre du regroupement fami-lial selon l'OLE. Le principe dégagé par la jurisprudence selon lequel le Conseil fédéral peut adopter, via l'OLE, des règles générales et abstraites parce que la Confédération doit de toute façon donner son accord à l'octroi des permis perd ici une bonne part de sa pertinence.

En second lieu, la conformité de la réglementation sur le regroupement familial doit également être réalisée non plus avec la loi, mais avec la Constitu-tion. A ce titre, c'est surtout l'article 8 al. 1 Cst. qui retiendra ici notre atten-tion81. Selon la formule consacrée, l'art. 8 al. l Cst. interdit de faire, entre divers cas, «des distinctions qu'aucun fait important ne justifie, ou de soumettre à un régime identique des situations de fait qui présentent entre elles des différences importantes et de nature à rendre nécessaire un traitement différent»82. Or, le critère retenu par le Conseil fédéral pour exclure de la possibilité du regroupe-ment familial «les saisonniers, les bénéficiaires d'une autorisation de courte du-rée, les stagiaires, les étudiants et les curistes» a assurément trait au caractère provisoire de leur séjour en Suisse. Tous devront, à plus ou moins long terme, quitter la Suisse. Ce critère nous semble pertinent dans la mesure où ce séjour est de courte durée et n'empêche pas l'étranger de rejoindre sa famille par la suite lorsqu'il aura délaissé la Suisse. Tel sera normalement le cas pour les curistes et les stagiaires, et dans une moindre mesure, les saisonniers. Dès lors, on doit pouvoir considérer que la réglementation excluant le regroupement familial pour les étrangers séjournant temporairement en Suisse repose sur des motifs objec-tifs83, d'autant plus que l'octroi du regroupement familial ne serait pas sans

po-80 PETER KOITUSCH, Ennessen, p. 152; GIORGIO MALINVERN!, Art. 69ter, pp. 35s; DANIEL THüRER, Familientrennung, p. 586; KASPAR TRAUB, p. 114. Dès lors que, comme on le veITa (infra, pp. 418ss.), le fait que l'étranger se trouvant en Suisse ne dispose que d'une aut01isation de séjour ne lui retire nullement, pas plus qu'à ses proches, la titularité de lart. 8 CEDH, la réglementation retenue cons-titue une restriction à cette liberté. En conséquence, comme le soulignent ANDREAS A UER /GIORGIO MALINVERN!/ MICHEL HOITELIER, Vol. II, p. 113, «[l]orsqu'une restriction réside dans un acte nor-matif, la règle de la prop01tionnalité au sens restreint veut qu'en principe cet acte prévoie lui-même des dérogations et permettent ainsi à l'autorité de faire des exceptions lorsque les circonstances le justifient>>.

8 1 Nous reviendrons dans la tr·oisième partie sur l'art. 8 CEDH, qui est, comme tous les droits garantis par· la CEDH, également un droit constitutionnel: ATF 101 la 67, cons. 2.c.

82 Par·mi beaucoup d'autres: ATF 123 I 112, cons. 10.b.

83 JEAN MEYER-MAURER, p. 141; ROLF SCHMID, pp. 164ss. On pouITait également relever que les étr·angers, et notamment les saisonniers, qui viennent en Suisse sont au clair sur le régime qui les attend et qu'ils sont libres de renoncer à se séparer de leur famille en restant dans leur pays. Cette remarque, qui fleure bon les propos de Café du Commerce, ne doit pas être totalement ignorée, même s'il nous semble que cette «liberté» de rester au pays fait tout de même fi de ce1taines réalités socio-économiques élémentaires.

ser de nouveaux problèmes au stade de la procédure de départ. Le fait que la réglementation en vigueur atténue l'exclusion du regroupement familial, dans la mesure où les proches jouissent de la faculté de demeurer temporairement auprès de l'étranger84, milite pour admettre le caractère objectif et raisonnable de la clause d'exclusion pour ces catégories d'étrangers 85.

La réglementation fédérale nous paraît en revanche plus discutable lorsque le séjour de l'étranger en Suisse peut d'emblée être considéré comme s'inscri-vant dans une certaine durée: on pense par exemple aux étudiants étrangers, qui souvent passeront plusieurs années en Suisse. Dans de telles situations, on peine à trouver le motif qui permettrait au Conseil fédéral de différencier le cas de ces étrangers de celui des titulaires d'un permis de séjour annuel. Certes, comme le relève à juste titre Ko11uscH, à la fin de ses études, l'étranger doit impérative-ment quitter le territoire (art. 18 al. 3 RSEE, art. 32 let. f OLE). Lui permettre de faire venir sa famille peut rendre un tel départ plus délicat à l'avenir, notam-ment si des enfants venaient à commencer leur scolarité en Suisse86. Il n'en demeure pas moins qu'un régime admettant des exceptions aurait le double avan-tage de permettre de régler les cas exceptionnels tout en respectant mieux la marge de manœuvre qui revient aux cantons87 .

En résumé, il faut à notre avis considérer que tant la clause de délégation contenue dans la loi que la manière dont le Conseil fédéral a aménagé la matière

En résumé, il faut à notre avis considérer que tant la clause de délégation contenue dans la loi que la manière dont le Conseil fédéral a aménagé la matière