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Section 2. Le regroupement familial des étrangers titulaires

D. La garde des enfants

Dernière condition à remplir pour que le regroupement familial puisse être accordé: la garde des enfants qui ont encore besoin de la présence de leurs parents doit être assurée, et ce bien évidemment dans l'intérêt supérieur de l'enfant.

Dans la pratique, le principe veut que ce soit l'un des parents qui assume cette tâche, et non des tiers130. Comme tout principe, celui-ci peut connaître des exceptions131.

§ 3. La possibilité de changer de canton

Le droit suisse des étrangers, fédéralisme oblige, se caractérise fortement par le principe de la territorialité des autorisations de présence. D'après l'art. 8 al. 1 LSEE, l'autorisation n'est en effet valable que pour le canton qui l'a délivrée, l'art. 14 al. 1 RSEE ajoutant que l'étranger ne peut être en même temps titulaire d'une autorisation dans plus d'un canton. La liberté d'établissement sur l'ensemble du territoire n'existe dès lors pas pour les étrangers. La Constitution ne garantit d'ailleurs qu'aux nationaux le droit de s'établir en un lieu quelconque du pays (art. 24 al. 1 Cst.). Aussi sied-il de s'interroger ici sur deux cas de figure: la réglementation en matière de changement de canton, avec obtention d'une nouvelle autorisation à l'appui, et le droit applicable à la simple présence temporaire sur le territoire d'un canton tiers.

La première hypothèse concerne l'étranger qui désire transférer le centre de sa vie dans un autre canton pour y vivre une relation privée ou familiale. On peut par exemple penser au mariage en Suisse de deux étrangers en possession d'une autorisation de séjour. La réglementation suisse prévoit que dès que l'intéressé transfère le centre de son activité et de ses intérêts dans un nouveau canton, il est tenu de s'y procurer une nouvelle autorisation132 (art. 8 al. 3 LSEE et art. 14 al. 3 RSEE), ce qui rendra l'ancienne caduque (art. 9 al. 1 let. b et al. 3 let. a LSEE). Or, sous réserve de l'art. 14 al. 4 RSEE133, le changement de canton n'est pas un droit. Une telle requête se tranche comme toute demande ordinaire

130 MARTINA CARONI, pp. lüls;

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ALTER KALIN I MARTINA CARONI, Familiennachzug, p. 50; PETER KOTTUSCH, Regelung, p. 338;MARCO MôHR-MONN, p. 137;KASPAR TRAUB, p. 107. Voir par exemple pour la pratique du canton des Grisons les détails exposés par WALTER SCHLEGEL, pp. 36s.

131 Ainsi, d'après les informations qui nous ont été communiquées, les autorités du canton du Valais et du canton de Fdbourg semblent par exemple admettre qu'une tierce personne puisses' occuper des enfants. MARC SPESCHA, Handbuch, p. 188, indique également que des crèches publiques peuvent faire l'affaire.

132 PETER KOTTUSCH, Ermessen, p. 163; HANS PETER MOSER, p. 421; TONI PFANNER, p. 153; DANIEL THüRER, Rechtsstellung, p. 1373. Directives OFE, § 318.2.

133 Un véritable droit au changement de canton existe lorsque l'étranger possède l'autorisation d'éta-blissement et une pièce nationale de légitimation d'un Etat avec lequel la Suisse a conclu un accord d'établissement.

par le nouveau canton: librement134 (art. 4 LSEE). L'art. 29 OLE fixe les condi-tions qui doivent en tout cas être remplies pour les titulaires d'une autorisation permettant l'exercice d'une activité lucrative. Ces critères sont cependant d'or-dre économique et ne nous concernent dès lors pas. Il faut ainsi constater que le droit suisse ne prend pas en compte de manière particulière d'éventuels liens familiaux ou privés existants ou nouvellement créés, pour permettre aux étran-gers qui se trouvent déjà en Suisse au titre d'une autorisation de présence de changer de canton: au delà des critères économiques, l'obtention d'une nouvelle autorisation présuppose en cas de création de liens familiaux le respect des con-ditions ordinaires des articles 38s OLE135; dans les cas où des arguments rele-vant de la vie privée seraient avancés, ce sont les dispositions relatives aux cas de rigueur qui s' appliquent1 36 .

En second lieu, une relation familiale ou privée peut être entretenue et plei-nement vécue sans que les «participants» doivent ou souhaitent vivre en com-mun. Or, tant quel' essentiel des rapports familiaux, sociaux ou privés del' étranger demeure dans le canton qui a délivré l'autorisation, sa présence dans un autre canton ne nécessite pas l'obtention d'une nouvelle autorisation. Le droit suisse permet ainsi à tout étranger de se rendre temporairement sur le territoire d'un canton tiers. Dans l'optique qui nous intéresse, l'administré bénéficie ainsi du droit de libre circulation intercantonale, par exemple pour rencontrer dans un autre canton des membres de sa famille, son concubin, un ami ou son amant.

Cette présence à but privé ou familial, dès lors qu'il n'y a pas d'exercice d'une activité lucrativel37, peut même durer jusqu'à trois mois pour les titulaires d'un permis de séjour, après quoi l'assentiment de la police des étrangers du canton tiers devient nécessaire (art. 8 al. 2 2e phrase LSEE et art. 14 al. 5 RSEE). Cet assentiment n'est pas une autorisation de séjour. Il laisse donc intacte l'autorisa-tion initiale dont il ne fait qu'étendre le champ d'applical'autorisa-tion territorial138 . Il s'avère également indispensable à l'étranger établi, même si le texte légal est sur ce point muetl39 : tout comme le porteur d'un permis B, ce dernier, à moins qu'il puisse invoquer l'art. 14 al. 4 RSEE, n'y a pas droit, l'autorité délivrant

134 PETER KorruscH, Eimessen, p. 163; le même, Niederlassungsbewilligung, p. 536. Décision du Conseil d'Etat du canton d'Argovie du 20 octobre 1993, in AGVE 1993, p. 567, cons. 1: «Eu égard à l'analogie entre le changement de canton et 1 'immigration venant de 1' étranger, son admis-sion doit être limitée et sa justification doit être trouvée soit dans les besoins du nouveau canton, soit dans la personne même de l'étranger» (nous traduisons). Voir aussi la décision du Conseil d'Etat du canton d'Argovie du 17 septembre 1990, in AGVE 1990, p. 442, cons. l .c.

135 Supra, pp. 99ss.

136 Infra, pp. 124ss.

137 Auquel cas le délai de déclaration est de 8 jours.

138 AUGUSTIN MACHERET, p. 99.

139 PETER KorruscH, Niederlassungsbewilligung, p. 538. ATF 101 lb 225, cons. 5.

CHAPITRE 3 - LA PRÉSENCE EN SUISSE PAR LE RÈGLEMENT DES CONDITIONS DE RÉSIDENCE

son assentiment tout aussi librement que si elle se prononçait sur une autorisa-tion 140.

Pour clore ce cas de figure, il convient de se poser la question de la validité de l'autorisation initiale lorsque l'étranger réside dans un canton tiers sans y obtenir l'assentiment dudit canton. A notre avis, une telle situation de fait doit entraîner une réaction juridique, sous peine de vider de son sens la portée territo-riale de toute autorisation. Il faut dès lors s'interroger sur la sanction qui peut frapper l'étranger qui obtient le règlement de ses conditions de résidence dans le canton A mais séjourne dans les faits dans le canton B. Une application analogi-que de l'art. 9 al. 1 let. c LSEE semble ici indiquée. Le canton A serait ainsi fondé à considérer que le séjour de l'intéressé sur son territoire est en fait ter-miné et que l'autorisation de séjour a pris fin. Reste à déterminer le moment où le séjour est «en fait terminé». L'art. 14 al. 5 RSEE, qui dispose que l'assenti-ment du canton tiers s'avère nécessaire si l'étranger y réside plus de trois mois, ne peut être retenu comme critère décisif. Cette disposition ne fait que poser le délai au delà duquel la situation juridique doits' adapter à la réalité des faits, et le canton tiers donner son accord. L'art. 14 al. 5 RSEE ne peut être compris comme fixant la période nécessaire à l'extinction du permis dans le canton ini-tial: retenir que le permis initial s'éteint après trois mois rendrait caduque toute possibilité de séjourner plus de trois mois dans le canton tiers, ainsi que le per-met l'art. 8 al. 2 2e phrase LSEE, puisque l'assentiment prendrait fin au même moment. La réponse se trouve à notre avis à l'art. 8 al. 3 LSEE: le séjour doit être considéré comme terminé dans le «canton d'origine» lorsque l'étranger se transporte dans le canton tiers, par quoi l'art. 14 al. 3 RSEE entend le transfert de ses intérêts. La notion n'est certes pas plus précise et la pratique ne semble pas en donner d'illustrations.

Quant au canton tiers, il ne dispose que d'une arme pour forcer au départ l'étranger disposant d'une autorisation dans un canton tiers qui «s'incrusterait»

trop longtemps sur son sol sans requérir l'assentiment nécessaire au delà des trois mois: s'il considère que l'étranger est «indésirable», proposition peut être adressée à l'autorité fédérale de lui retirer son autorisation de séjour (art. 8 al. 2 3e phrase LSEE). Nous n'avons toutefois, sur ce point non plus, aucune connais-sance des solutions retenues par la pratique.

140 DANIEL THÜRER, Rechtsstellung, p. 1373. DirectivesOFE, § 318.1.

Section 3. Le regroupement familial des étrangers admis