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Section 1. La nature juridique del' obligation de quitter la Suisse

A. L'expulsion administrative

L'expulsion de l'art. 10 LSEE est la mesure qui porte le plus gravement atteinte à la situation juridique de l'étranger. Elle rend tout d'abord caduc le droit de séjour de l'étranger jusque-là titulaire d'une autorisation de séjour ou d'établissement142 (art. 9 alinéas 1 let. d et 3 let. b et art. 11 al. 4 in fine LSEE).

141 En revanche, on n'abordera pas la possibilité pour l' OFE de retirer son propre assentiment, donné à une autorisation cantonale, au sens de l'art. 17 al. 3 RSEE. Cette faculté n'est en effet jamais utilisée. Sur cette question, voir NICOLAS WISARD, pp. 119ss.

142 EMIL HOFMANN, p. 288; PIERRE MooR/ YVES HOFSTETIER, p. 51; HANS PETER MOSER, p. 433;

TONI PFANNER, p. 202; STEFAN STROPPEL, p. 64; PETER SULGER BûEL, p. 85; DANIEL THÜRER, Rechtsstellung, pp. 1379 et 1381; NICOLAS WISARD, Renvois, p. 106; ANDREAS ZüND, Landesve1weisung, p. 367.

CHAPITRE 4 - LA SORTIE ET L'ÉLOIGNEMENT DU TERRITOIRE

Elle peut théoriquement être prononcée à l'encontre de tout étranger143, même si elle lest en pratique essentiellement contre les titulaires de permis C 144.

L'expulsion oblige en principe l'étranger à quitter le tenitoire suisse145, mais peut aussi se limiter au seul tenitoire d'un canton 146 (articles 10 al. 3 LSEE et 16 al. 5 RSEE). Elle est en outre prononcée soit pour une durée déterminée non inférieure à deux ans, soit pour une durée indéterminée (art. 11 al. 1 LSEE).

Enfin, elle interdit à son destinataire de pénétrer en Suisse durant toute la validité de la mesure, à moins d'être suspendue ou levée147 (art. 11 al. 4 LSEE) et exclut que l'étranger se voie accorder un nouveau permis durant cette période.

L'expulsion constitue donc à l'égard des autorités cantonales un cas de limitation de leur liberté d'accorder une autorisation, au sens de l'art. 4 LSEE.

Puisque lexpulsion est une mesure particulièrement lourde dans ses consé-quences, elle ne peut être ordonnée qu'en fonction de motifs exhaustivement énumérés. L'art. 10 al. 1 LSEE en prévoit quatre. L'étranger peut ainsi être ex-pulsé:

s'il a été condamné par une autorité judiciaire pour crime ou pour délit (let. a);

si sa conduite, dans son ensemble, et ses actes permettent de conclure qu'il ne veut pas s'adapter à l'ordre établi dans le pays qui lui offre l'hospitalité (let. b ), par quoi il faut comprendre que létranger contrevient gravement ou à réitérées fois à des dispositions légales ou à des décisions de l'autorité; s'il attente gravement aux mœurs; si, par mauvaise volonté ou par inconduite et de façon continue, il ne satisfait pas à des obligations de droit public ou privé; enfin, selon les termes de l'ordonnance, s'il vit dans l'inconduite et la fainéantise (art. 16 al. 2 RSEE);

si par suite de maladie mentale il compromet l'ordre public (let. c ), auquel cas l'expulsion ne pourra être prononcée que si le retour de l'étranger dans son pays est possible et raisonnablement exigible (art. 10 al. 2 LSEE);

143 Donc y compris contre un étranger sans autorisation: HANs PETER MOSER, p. 433;STEFAN STROPPEL, p. 64; NICOLAS WISARD, p. 105.

144 La pratique connaît cependant des cas où elle s'applique à l'encontre du titulaire d'un permis de séjour: voir par exemple les faits dans l'aiTêt du TF du 29 février 1996 en la cause O. (2A.401/

1995, non publié).

145 STEFAN STROPPEL, p. 64; PETER SULGER BOEL, p. 85; NICOLAS WISARD, Renvois, p. 106. MARC SPESCHA, Handbuch, p. 129, estime à tort que I'OFE doit étendre l'expulsion à toute la Suisse.

146 Auquel cas l'étranger reste au bénéfice de son aut01isation ou en obtient une nouvelle dans un autre canton:NICOLAS WISARD, Renvois, p. 196.

147 Pour raisons humanitaires ou lorsque la Suisse y a intérêt: PETER SuLGER BOEL, pp. 87s; DANIEL TuûRER, Rechtsstellung, p. 1382. Dans un tel cas de figure, l'autorisation éteinte par le prononcé de l'expulsion n'est pas rétablie par la suspension ou la levée de la mesure: ait. Il al. 4 in fine LSEE.

enfin, si lui-même, ou une personne au besoin de laquelle il est tenu de pourvoir, tombe d'une manière continue et dans une large mesure à la charge de l'assistance publique (let. d). Dans ce cas également, le prononcé de la mesure n'intervient que si le retour del' expulsé dans le pays dont il possède la nationalité est possible et raisonnablement exigible. De plus, des rigueurs inutiles doivent être évitées et l'étranger peut alors être simplement rapatrié (art. 11 al. 3 LSEE). Il s'agit là d'une modalité particulière - et «adoucie», puisqu'elle n'entraîne notamment pas l'interdiction de revenir en Suisse148 - de l'expulsion sur laquelle nous ne nous étendrons pas vu le peu de cas d'application 149.

Lorsque l'un de ces motifs est donné, l'autorité peut recourir à l'expulsion, mais ne le doit pas15°. La loi lui reconnaît une certaine liberté d'appréciation, qui n'est toutefois pas celle de l'art. 4 LSEE151 , cette dernière n'entrant en ligne de compte que pour l'octroi d'une autorisation et faisant intervenir tant des critères de police que de politique économique. La liberté d'appréciation que l'art. 10 LSEE accorde à l'autorité cantonales' inscrit dans un cadre plus étroit. L'expulsion administrative vise avant tout la défense del' ordre et de la sécurité publics 152 et ne peut être prononcée que pour les motifs exhaustifs énumérés à l'art. 10 al. 1 LSEE. Dans ce cas, l'art. 11 al. 3 LSEE, reflet légal du principe constitutionnel de la proportionnalité, dispose que l'autorité n'expulsera l'étranger que si cette décision paraît appropriée à l'ensemble des circonstances. Il faut notamment tenir compte de la gravité de la faute commise par l'étranger, de la durée de son séjour en Suisse et du préjudice qu'il aura à subir avec sa famille du fait de l'expulsion (art. 16 al. 3 1 ère phrase RSEE). De surcroît, la liberté de l'autorité de prononcer ou non une expulsion doit également s'exercer dans le respect des autres principes constitutionnels que sont l'égalité de traitement, l'interdiction del' arbitraire et la protection de la bonne foi et des autres droits fondamentaux.

Enfin, dans les cas de l'art. 10 al. l lettres a et b LSEE, la mesure sera remplacée par une menace d'expulsion si elle ne paraît pas opportune (art. 16 al. 3 2ephrase RSEE).

148 WALTER SCHÂPPI, p. 14;NICOLAS WISARD, Renvois, p. 112.

149 TONI l'FANNER, p. 208; DANIEL THüRER, Rechtsstellung, p. 1384. Pour de plus amples détails, voir PETER SULGER BûEL, pp. 93s et NICOLAS WISARD, Renvois, pp. 11 lss. Pour les pays avec qui la Suisse a conclu des traités dans le but d'organiser ces rapatriements, voir YVES HOFSTETI'ER, p. 205.

150 EMIL HOFMANN, p. 288; MARC SPESCHA, Handbuch, p. 127; PETER SULGER BûEL, p. 86; DANIEL THüRER, Judicial Contrai, p. 161; le même, Rechtsstellung, p. 1382.

151 Voir cependant STEFAN STROPPEL, p. 88, qui semble admettre que l'art. 4 LSEE trouve à s'appli-quer.

152 HANS PETER MOSER, p. 436; NICOLAS WISARD, Renvois, p. 105.

CHAPITRE 4 - LA SORTIE ET L'ÉLOIGNEMENT DU TERRITOIRE

La police cantonale des étrangers ou une instance qui lui est préposée est l'autorité compétente pour prononcer l'expulsion153 (art. 15 al. 2 LSEE). Il peut s'agir de l'autorité du canton qui a réglé les conditions de résidence de l'inté-ressé, ou de tout autre canton sur le territoire duquel les faits qui justifient l'ex-pulsion se sont produits154 (art. 16 al. 1 RSEE). Une voie de recours cantonale judiciaire doit être ouverte155 (art. 98a al. 1 OJ), puisque la décision cantonale peut être entreprise en recours de droit administratif devant le Tribunal fédéral (art. 100 al. 1 let. c ch. 4 a contrario).

Pour WrsARD, que nous rejoignons, l'expulsion constitue une simple forme d'extinction du permis, assortie d'une interdiction d'entrée156. L'obligation de quitter la Suisse qui en résulte découle alors directement de la loi, comme on l'a vu. Au moment où le permis devient caduc, cette obligation ex lege refait surface et oblige l'étranger à sortir de Suisse. L'expulsion est cependant accompagnée d'une décision fixant le délai de départ157 (articles 12 al. 4 LSEE et 16 al. 8 RSEE) et comprenant la menace de recourir à la contrainte, décision qui consti-tue l'ordre de renvoi.