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Section 1. Le regroupement familial des articles 7

B. Les bénéficiaires du droit à l'autorisation

2. Les enfants

La création de liens de filiation peut paraître relativement aisée: les futurs parents se marient et mettent au monde leur progéniture. Les articles 7 et 17 al. 2 LSEE reflètent assez fidèlement cette vision de la famille nucléaire. Pourtant, divorces et remariages existent, tout comme la conception d'enfants en dehors du cadre strict de l'union conjugale. Etonnement, les nouvelles dispositions de la LSEE ne semblent pourtant pas avoir pris en compte de tels facteurs. Le caractère lacunaire de la réglementation concernant le statut des enfants s'en ressent particulièrement. C'est alors tout naturellement à la jurisprudence qu'il revient de combler ces failles.

Avant la révision de 1990, le texte de la LSEE prévoyait quel' épouse et les enfants de moins de 18 ans d'un étranger au bénéfice d'une autorisation d'éta-blissement (ou pour qui l'OFE avait fixé la date à partir de laquelle l'établisse-ment pouvait être accordé) avaient le droit d'être compris dans l'autorisation de ce dernier, s'ils faisaient ménage commun avec lui296 . Au regard del' art. 4 al. 2 aCst. et sous l'empire de l'ancien art. 17 al. 2 LSEE, le Tribunal fédéral a af-firmé que les termes «étranger (qui) possède l'autorisation d'établissement»

pouvaient être interprétés de manière conforme au principe del' égalité des sexes.

Ainsi ne devait-on pas uniquement inclure dans le permis d'établissement les enfants du seul père, à l'exception de ceux de la mère: les juges lausannois sont

également être accordée à la deuxième épouse d'un membre d'une mission diplomatique originaire d'un pays admettant la polygamie.

293 ATF 118 Ib 145, cons. 3.e.

294 ATF 120 Ib 16, cons. 2.d; ZR 1995, p. 225, cons. 5.

295 ZR 1995, p. 223, cons. 3.

296 Art. 17 al. 2 aLSEE: «Lorsque cette date a déjà été fixée ou lorsque l'étranger possède I' autodsa-tion d'établissement, sa femme et les enfants de moins de dix-huit ans ont le droit d'être compris dans l'autorisation, lorsqu'ils feront ménage commun avec lui».

CHAPITRE 3 - LA PRÉSENCE EN SUISSE PAR LE RÈGLEMENT DES CONDITIONS DE RÉSIDENCE

ici arrivés à la conclusion qu'une interprétation conforme à la Constitution était possible, et que les enfants d'une étrangère établie avaient donc également le droit d'être inclus dans le permis d' établissement297 . La révision de la LSEE en 1990 n'a que peu modifié cette solution. Le nouvel art. 17 al. 2 LSEE n'a maté-riellement introduit qu'une seule différence, qui tient à la condition du célibat des enfants.

De son côté, le nouvel art. 7 LSEE ne mentionne aucunement le droit des enfants de parents mixtes (suisse/étranger) à obtenir un permis. Ni le message du Conseil fédéral298 , ni les débats parlementaires299 n'apportent d'éclairage sur cette particularité. Il semble tant pour le Conseil fédéral que pour les Chambres que, dès lors que l'enfant de conjoints mixtes possédait forcément la nationalité suisse (art. 1 al. 1 let. a et al. 2 LN), aucun problème ne pouvait se poser sous l'angle du droit au permis. Gouvernement et parlement ont toutefois oublié qu'un ressortissant helvétique peut être le père ou la mère d'un enfant étranger3°0.

L'enfant étranger qui souhaite obtenir le règlement de ses conditions de résidence peut être soit l'enfant de parents étrangers, soit l'enfant que l'un des conjoints «amène» avec lui lors de la conclusion du mariage301 . Lorsque l'enfant est commun, à savoir que les parents sont mariés et que la filiation avec le père et la mère est établie au sens des articles 252ss CC et 66ss LDIP, il n'y a guère de problèmes. Ces enfants, selon le texte clair de l'art. 17 al. 2 LSEE, sont titulai-res du droit d'être inclus dans le permis d'établissement du parent qui en est titulaire. Au regard de l'art. 7 LSEE, la question ne se pose même pas: l'enfant commun de conjoints mixtes est forcément suisse (art. 1 al. 1 let. a et al. 2 LN) et ne nécessite nul permis.

En revanche, lorsque le lien de filiation n'est pas établi avec les deux con-joints, les articles 7 et 17 al. 2 LSEE méritent une analyse séparée. Au cas où les parents sont tous deux étrangers, c'est l'art. 17 al. 2 LSEE qui s'applique: il faut alors distinguer deux cas de figure, en fonction du permis dont le parent est titu-laire. La première hypothèse concerne le parent titulaire d'une autorisation d' éta-blissement qui souhaiterait faire venir son enfant, issu par exemple d'un mariage antérieur302: sous réserve des autres conditions de fond, l'enfant peut être inclus

297 ATF 115 lb 97, cons. 2.b.

298 FF1987III311.

299 BOCE 1988, pp. 207ss; BOCN 1989, pp. 1456ss; BOCE 1990, pp. 124s.

300 Voir par exemple!' art. 31 LN.

301 Soit encore!' enfant adopté, pour autant que les liens de filiation antérieurs soient de la sorte rom-pus (cf. art. 267 al. 2 CC) et que 1' adoption déploie des effets similaires à celle du droit suisse, ce qui est le cas d'une adoption plénière prononcée à l'étranger: anêt du TF du 12 décembre 1994 en la cause B.D. (2A.162/1994, non publié), cons. 2.a; arrêt du TF du 6 décembre 1996 en la cause D.J. (2A. l 26/l 996, non publié), cons. 2.a-b. ALAIN WURZBURGER, p. 282.

302 On peut aussi penser à un couple marié dont l'un des époux aurait un enfant avec une personne autre que son conjoint.

dans le permis de son père ou de sa mère. Dans un atTêt de 1989, rendu sous l'ancien droit mais qui vaut de la même manière sous l'empire du nouvel art. 17 al. 2 LSEE, le Tribunal fédéral a reconnu qu'une étrangère établie en Suisse et qui n'est plus mariée avec le père de son enfant, peut théoriquement faire venir et garder celui-ci auprès d'elle303. Le regroupement familial unilatéral est donc en principe possible. Savoir si en fin de compte le regroupement familial peut inter-venir, notamment au vu de la relation plus approfondie que l'enfant entretient peut-être avec son autre parent domicilié à l'étranger, est une question de fond qui nous retiendra plus loin304.

La seconde hypothèse concerne un étranger qui a épousé une personne au bénéfice d'une autorisation d'établissement, et obtenant de ce fait un droit à l'autorisation de séjour durant cinq ans. Lorsque ses enfants ne sont pas issus de ce mariage et n'ont de lien de filiation qu'avec lui (et non avec l'étranger établi), l'art. 17 al. 2 LSEE ne leur est d'aucun secours. Cette disposition stipule bien que les enfants seront inclus dans l'autorisation d'établissement, mais sans pré-ciser celle de qui. Dans pareil cas de figure, le «vrai» parent de ces enfants n'a pas de permis C, et la personne qui bénéficie d'un permis C n'est pas leur parent, mais simplement le conjoint de leur père ou de leur mère. Or, l'enfant ne peut justement être inclus que dans le permis C de son parent, et non pas dans l'auto-risation du conjoint de ce dernier305. L'enfant mineur ne peut déduire aucun droit au permis au cours des cinq années durant lesquelles sa mère ou son père a droit à l'autorisation de séjour. Ce n'est que lorsque le parent obtiendra un permis d'établissement que l'enfant aura le droit d'y être inclus 306.

L'analyse de l'art. 7 LSEE est a priori plus ardue, puisque son libellé ne mentionne aucunement l'hypothèse que l'enfant d'un couple mixte puisse être concerné par l'octroi d'une autorisation, partant du postulat que cet enfant ne peut avoir que la nationalité suisse. Or, nous l'avons vu, tel n'est pas forcément le cas. La question du statut de cet enfant a rapidement été tranchée par le Tribu-nal fédéral. En reconnaissant qu'il s'agissait là d'un point que les Chambres avaient tout simplement négligé de traiter, notre Cour suprême a affirmé qu'il n'existait aucun motif sérieux et objectif pour que le législateur ait souhaité mieux traiter les enfants d'étrangers établis que ceux de ressortissants helvéti-ques. Le Tribunal fédéral a conclu à juste titre que cette lacune devait être

corn-303 ATF 115 lb 97, cons. 2.b: le permis a cependant été refusé au motif que l'invocation de l'art. 17 al. 2 aLSEE procédait d'un abus de droit.

304 Infra, pp. 158ss.

305 ATF 122 II 385, cons. 4.a. MARC SPESCHA, Handbuch, p. ll5.

306 Pendant la période durant laquelle le parent a droit au permis B, le regroupement familial devrait donc se faire par le biais des articles 38 et 39 OLE. Toutefois, comme nous le ven-ons dans la troisième pllltie, l'art. 8 CEDH peut également intervenir pour octroyer à l'enfant un droit à l'auto-risation de séjour. ATF 125 II 633, cons. 2.c-e.

CHAPITRE 3 - LA PRÉSENCE EN SUISSE PAR LE RÈGLEMENT DES CONDITIONS DE RÉSIDENCE

blée par l'application analogique de l'art. 17 al. 2 LSEE307 . Cette solution ne concerne quel' enfant étranger d'un citoyen suisse, qui aura alors droit à l'auto-risation d'établissement. Le regroupement familial unilatéral de l'enfant étran-ger d'un parent suisse suit donc les mêmes règles que celui de l'enfant d'un parent étranger établi. Quant à l'enfant étranger d'un ressortissant étranger qui épouserait un Suisse ou une Suissesse, il n'a de son côté- pas plus que dans le cas de figure analogue del' art. 17 al. 2 LSEE - aucun droit d'être inclus dans le permis de séjour de son parent. Le droit à l'autorisation d'établissement ne verra le jour que lorsque ce dernier obtiendra, en principe après 5 ans, le permis C. La protection de la vie familiale telle que le droit interne la prévoit touche ici ses limites, qui sont en partie dues aux problèmes rédactionnels des articles 7 et 17 LSEE et aux lacunes que la jurisprudence ne peut combler.

On peut encore brièvement se poser la question de savoir si le cercle des enfants qui tombent dans le champ d'application des articles 7 et 17 LSEE peut être élargi. La réponse est aisée et cinglante: le regroupement familial doit se limiter aux liens de filiation directs. Ainsi, les petits-enfants ou les frères et sœurs ne peuvent en aucune manière se fonder sur ces dispositions pour obtenir un droit de rejoindre leurs proches308 . De même, les articles 7 et 17 LSEE ne donnent nullement au parent d'un enfant se trouvant en Suisse le droit de rejoin-dre celui-ci309.

Au delà del' existence d'un lien de filiation, deux autres conditions doivent être remplies: elles concernent l'âge et le célibat des enfants (art. 17 al. 2 3e phrase). Elles valent, par analogie, pour les cas de figure de l'art. 7 LSEE et concernent donc également l'enfant étranger d'un ressortissant suisse. La limite d'âge pour obtenir le droit d'être inclus dans l'autorisation d'établissement est fixée à 18 ans. Selon la pratique du Tribunal fédéral, c'est la date du dépôt de la demande de regroupement familial qui est déterminante310. Pour d'aucuns, la

307 ATF 118 lb 153, cons. l.b: dans cette affaire, la mère étrangère et divorcée avait obtenu la nationa-lité suisse lors de son remariage, son enfant gardant toutefois la nationanationa-lité yougoslave. Cf. aussi Directives OFE, § 652.

308 Le Tribunal fédéral l'a explicitement exclu pourles (demi-)frères et les (demi-)sœurs: ATF 120 lb 257, cons. l.b.

309 ATF 122 II 289, cons. I.e. Dans ce cas, c'est éventuellement l'art. 8 CEDH qui peut intervenir. Voir aussi l'aITêt du TF du 18 janvier 1994 en la cause M. (2A.381/1993, non publié), cons. 2.c, qui affirme clairement que la relation enfant-parent n'est pas prise en compte par l'art. 7 LSEE.

310 ATF 124 II 361, cons. 4.b; ATF 120 lb 257, cons. l.f; ATF 118 lb 153, cons. l.b. WALTER KA.LIN I MARTINA CARONI, Familiennachzug, p. 45. Il s'agit là d'une exception au principe qui veut que c'est l'état de fait au moment du jugement qui est déterminant: fJ"'F 118 lb 145, cons. 2.b. La justification tient au fait qu'il s'agit de l'octroi d'une autorisation d'établissement qui fonde une présence illimitée en Suisse: arrêt du T1ibunal administratif du canton de Bâle-Campagne du 15 no-vembre 1995, inBLVE 1995, p. 179, cons. 2.a.cc. Retenir que les conditions doivent en être réali-sées au moment où !'autorité - le cas échéant, le Tribunal fédéral en dernière instance se pro-nonce sur la demande pomrnit faire perdre Î!Témédiablement le bénéfice d'un tel droit illimité pour cause de lenteurs dans le traitement de la requête ou par le simple jeu des voies de recours.

barrière des 18 ans peut parfois paraître inhumaine311Le législateur est parti de l'idée qu'au delà de cette limite, l'enfant devait être suffisamment indépendant pour ne pas avoir besoin de vivre auprès de ses parents. Quant aux enfants qui vivent déjà auprès de leurs parents et bouclent leur l 8e année, ils conservent leur autorisation d'établissement indépendamment de la situation de ces derniers.

Enfin, le célibat est également de rigueur. Le législateur a logiquement es-timé que l'enfant n'avait plus besoin, une fois marié, de vivre auprès de ses parents312.

§ 2. Les conditions matérielles

Les acteurs sont maintenant définis. Reste à prendre connaissance du scénario.

Le regroupement familial de la LSEE fixe plusieurs conditions. Tout d'abord, la vie commune peut être exigée pour que le droit à l'autorisation persiste (A).

Ensuite, l'existence d'un motif d'expulsion ou d'une infraction à l'ordre public peut entraîner la caducité du droit (B). Enfin, l'ordre juridique ne saurait protéger certaines situations: tant la conclusion d'un mariage fictif (C) quel' abus de droit (D) peuvent empêcher la naissance du droit à l'autorisation. Pour le conjoint, le droit au permis de séjour peut en outre, à certaines conditions, se transformer en un droit au permis d'établissement (E).