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III. CADRE THEORIQUE

4. Jugement professionnel

4.5. L’éthique au cœur même de l’acte d’évaluer

L’enseignant a ce que Hadji (1997a), en citant Chevallard, appelle « un devoir de véridiction », en ce sens que celui qui évalue a en tête un idéal qui semble dépendre de ce jugement de valeur et qui l’amène à « dire le vrai » ou encore à être juste. Lorsque l’on parle de jugement de valeur de l’enseignant, il s’agit donc bien de valeurs personnelles auxquelles il croit, qui l’amènent à agir et sur lesquelles il base son jugement en tant qu’évaluateur. Il est alors important pour l’enseignant de pouvoir questionner sa pratique et ainsi interroger les valeurs, principes et représentations qui guident chacune de ses décisions. C’est par cette interrogation que l’évaluateur semble à même de parvenir à cette « objectivation des jugements » (Laveault, 2005).

C’est également à partir du moment où, nous dit Hadji (1997a), l’on se pose la question du

« pourquoi » de nos actes et de notre pratique, qu’apparaît une dimension éthique importante, voire omniprésente dans tout acte, dont celui de « l’agir évaluationnel ». Pour lui, ce questionnement est ce qui donne une légitimité à chacun de nos actes. Il est donc question d’éthique dès lors que l’on adopte une attitude de questionnement concernant les valeurs sur lesquels reposent nos actes.

Selon Hadji (1997a), « c’est très simple : il suffit de se méfier de ce qui paraîtrait aller de soi. En posant la question : "Et pourquoi ?" » (p.19).Ainsi, l’éthique est rendue visible au travers des différentes phases constituant l’acte d’évaluer (Hadji, 1997a), telles que :

- « la construction du référent » qui amène l’évaluateur à définir les critères sur lesquels il va se baser pour évaluer le travail des personnes évaluées. Ces critères sont des éléments auxquels se réfère l’évaluateur pour porter une appréciation ou un jugement. Comme le

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précise Mottier Lopez (2007)12, « Définir des critères permet ainsi de viser à l’objectivité ».

Cela demande de la part de l’évaluateur de se questionner sur ce qu’il est en mesure d’attendre des personnes qu’il évalue, c'est-à-dire, de se questionner entre autres sur « les espaces de référenciations légitimes » (Hadji, dans Mottier Lopez, 2007)13.

- « l’élaboration et la formulation d’un jugement » puisque l’évaluation se traduit toujours, selon l’auteur, comme « l’acte de mise en rapport au cœur du processus évaluatif » amenant ainsi à un jugement. Il ajoute qu’ « évaluer signifie se prononcer sur » (p.19). Or l’évaluateur doit, malgré toutes les précautions pour se centrer sur l’objet d’évaluation, être conscient des impacts et répercussions que peut avoir ou entraîner son jugement, car il s’agit d’un jugement que construit un évaluateur, mais qui est reçu par la personne évaluée.

- le « contexte social de l’évaluation scolaire » puisque l’évaluation prend place dans un milieu social réunissant un ensemble d’acteurs, dans lequel se négocie et se construit des règles, des normes et des valeurs communes. De ce fait, l’évaluation prend place dans ce que Hadji appelle « un processus général de communication/négociation ». Il décrit l’évaluateur comme étant un acteur d’une « communication sociale » et selon Weiss dans Hadji (1997b) l’évaluation est « une interaction, un échange, une négociation entre un évaluateur et un évalué, sur un objet particulier et dans un environnement social particulier »(p.31). Hadji (1997a) précise qu’il y a là une « double dimension de l’opération d’évaluation scolaire. Elle est un acte de communication, s’inscrivant dans un contexte social de négociation » (Hadji, 1997b, p.37).

Se pose dès lors la question de l’influence que peut engendrer le contexte et donc la lecture que l’évaluateur va faire du réel afin de mettre en place son action d’évaluation. L’un des risques pour l’évaluateur est d’agir en se laissant influencer par sa position et son statut social : celui d’enseignant évaluateur face à l’élève évalué.

Ces trois phases du processus d’évaluation mettent donc en évidence des risques auxquels l’évaluateur peut être soumis et qui peuvent influencer son jugement professionnel et ainsi mettre à jour un comportement allant à l’encontre d’une évaluation éthiquement correcte (Hadji 1997a).

La construction d’une évaluation par l’enseignant n’est donc pas un acte simple et anodin. Cela exige donc, pour chaque évaluation, que soit construit par l’enseignant un ensemble de critères

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d’évaluation, désignée par Hadji (1997b) comme le « référent ». Il utilise ensuite le terme de

« référé » pour définir l’ensemble des indices et indicateurs permettant de désigner « des aspects de l’objet évalué » qu’il tire de la réalité et sur lesquels il va se baser afin de déterminer si les attentes qu’il avait sont satisfaites ou non.

L’évaluateur doit donc chercher à garder et conserver une cohérence entre les critères et les indicateurs, c'est-à-dire entre le référent et le référé, puisque cela va lui permettre de satisfaire à l’objectivité à laquelle doit répondre ce qu’il appelle le « jugement d’évaluation ».

C’est la mise en relation d’un référé et d’un référent qui permet à « l’acte spécifique

- « une évaluation cohérente et systématique » lorsque le jugement est prononcé;

- une évaluation prenant en compte l’ « appréciation des apprentissages » lorsque l’on passe à la conclusion qui découle de l’analyse des résultats ;

- une évaluation faisant preuve de « clarté, précision et opérativité » lorsqu’il s’agit de communiquer les conclusions auxquelles l’on est parvenue suite à l’analyse des résultats (pp.10-11).

Plus qu’une simple analyse réflexive sur sa pratique, l’enseignant à également la possibilité de confronter son point de vue avec celui de ses collègues et ainsi parler de sa pratique en matière d’évaluation. C’est grâce à ce que Laveault (2005) appelle « les capacités collectives » que l’enseignant peut faire face aux enjeux se trouvant derrière l’acte d’évaluer. Il évoque ainsi le terme de « communauté d’évaluateur » pour décrire cet espace dans lequel s’inscrit tout un ensemble de réflexions, d’échanges, de débats et d’analyses portant sur cette pratique complexe que constitue l’évaluation.

C’est également en échangeant et prenant de l’information avec d’autres acteurs concernés par la situation d’évaluation tels que les autres professionnels, les parents et l’élève que l’enseignant est

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Laveault (2005) appelle l’« approximation risquée » à laquelle renvoie tout « jugement d’expert ».