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COMME ENJEU

168 dans les textes d’Abu A’la Maudoud

B. L’ ÉMIRAT ET LES ACTEURS TRANSNATIONAUX : DES RELATIONS ENTRE COLLABORATION ET CONFLIT

Comment rendre compte des dynamiques relationnelles entre ces différents acteurs ? Dans son ouvrage The Changing Politics of Foreign Policy679

, l’auteur Christopher Hill propose de caractériser les liens entre les acteurs transnationaux et les États selon trois types de

676Sur la question de l’utilisation des nouvelles technologies par les groupes religieux, nous consulterons avec attention : HAYNES Jeffrey, Religion in Global Politics, New York, Longman, 1998, p. 7-8.

677 Sur cette question nous consulterons avec attention KEPEL Gilles, Jihad, Expansion et déclin de l’islamisme, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 2003 (1er édition 2000), 2003.

678 Voir, AL NAFISI Abdallah ben Fahd, Al-hala al-Islamiyya fi qatar (La situation islamique au Qatar) Al- Manar al-Jadid, janvier, 2007, n°37.

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relations : 1) une relation de négociation/lobbying « normalisée » ; 2) une relation de type concurrentiel pouvant devenir conflictuel ; et enfin 3) une relation de contournement680

. L’entreprise du professeur britannique nous invite donc à penser les relations entre les acteurs non-étatiques et le Léviathan à travers une forme de schématisation qui nécessairement souffre de quelques lacunes face aux subtilités propres à chaque acteur, mais qui dans notre perspective théorique offre une première schématisation pertinente de l’influence de ces « forces profondes » sur la politique étrangère du Qatar.

Dans cette perspective, deux types de relations nous semblent structurer les rapports entre l’État qatari, la confrérie des Frères musulmans et la chaîne Al Jazeera : la coopération (1) et le conflit (2).

1)L

A COOPÉRATION ENTRE L

’É

TAT ET LES ACTEURS NON

-

ÉTATIQUES

Si l’étude de la coopération a donné lieu à une littérature théorique abondante, celle–ci s’est en grande partie intéressée au phénomène en tant que principe régissant les relations entre les États681

. Cependant, « l’action de travailler conjointement avec d’autres » ne recouvre plus aujourd’hui exclusivement le domaine des relations interétatiques. En ce sens, notre cas d’étude illustre que la convergence des intérêts entre l’État qatari par le biais de sa politique étrangère, la chaîne Al Jazeera et l’organisation des Frères musulmans ait favorisé la collaboration entre ces acteurs.

L’effet de cette collaboration se comprend notamment au regard des bénéfices que chacun en retire : a) pour l’État du Qatar il s’agit du bénéfice procuré par la captation de nouvelles ressources de Soft Power ; b) : pour Al Jazeera et la confrérie des Frères musulmans le bénéfice de la collaboration avec l’État qatari se comprend au regard des conditions matérielles et idéologiques offertes par l’émirat. Enfin, nous illustrerons ces perspectives à travers l’étude de la politique étrangère du Qatar et de la Question de Palestine (c).

680 Sur ce point voir PETITEVILLE Franck, De la politique étrangère comme catégorie d'analyse des relations internationales, Critique internationale 3/2003 (no 20), p. 59-63.

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a) Les acteurs non-étatiques comme ressources de la politique étrangère d’un micro-État Depuis 1955, il nous apparait que la captation des ressources offertes par les acteurs non étatiques présents sur son territoire ont fait que Al Jazeera et la confrérie des Frères musulmans se sont constitués comme de véritables relais dans le développement de la politique étrangère du Qatar.

À la croisée des intérêts étatiques et des intérêts individuels, la dynamique de ces acteurs non-étatiques constitue une ressource de visibilité à part entière pour l’émirat du Qatar venant alors compenser la faiblesse des ressources « classiques » de puissance. Par l’effet associationiste de ces acteurs qui se déploient en réseaux dans l’espace transnational682

, leur capacité de pénétration des sociétés, de mobilisation de l’opinion publique, ceux-ci viennent renforcer la stratégie de l’émirat, elle-même construite autour du pouvoir d’attraction autour de l’image du pays (State Branding).

b) Une collaboration favorable pour les acteurs non étatiques

Si la capacité de captation explique le développement de la stratégie de collaboration de l’État du Qatar, il advient que la collaboration avec l’acteur étatique soit porteuse d’effets bénéfiques pour les acteurs non-étatiques. Ceux-ci se comprennent notamment au regard des conditions offertes par l’émirat.

Dans une première mesure, il s’agit des conditions en termes de ressources matérielles. Comme nous le rappelle la littérature attenante à l’étude des États rentiers et notamment le travail de Hazem Beblawi et Giacomo Luciani683

, la manne financière des États rentiers confère à ceux-ci une forte capacité de clientélisation. Ainsi, bien qu’il soit impossible d’accéder aux comptes officiels de la chaîne Al Jazeera, plusieurs sources rapportent que si chaque année la chaîne accuse d’énormes déficits—30 millions de dollars en 2003 selon la BBC684

— les fonds octroyés soit par l’émir Hamad ben Khalifa Al Thani soit par le Premier ministre Hamad ben

682Sur ce point nous consulterons avec attention COLONOMOS Ariel (dir), Sociologie des réseaux transnationaux: Communautés, entreprises et individus : lien social et système international, Editions

L'Harmattan, 2000.

683 BEBLAWI Hazem et LUCIANI Giacomo, The rentier state (Nation, State and Integration in the Arab World, Londres: Croom Helm and the Instituto Affari Internazionali, 1987; voir également, MAHDAVY Hossein, The

Patterns and Problems of Economic Developments in the Rentier States: the case of Iran, Studies in the

Economic History of the Middle-Eats, Oxford University Press, 1970.

684 CRS REPORT for Congress, The Al Jazeera News Network: Opportunity or Challenge for Us Foreign Policy in the Middle East?, juillet 2004, p 7-9.

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