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L’élaboration des articles du cahier

Dans le document Les États de la Ligue en Bretagne (1591-1594) (Page 165-167)

C HAPITRE 2 – L’ ACTION LEGISLATIVE ET REGLEMENTAIRE DES

A. L’élaboration des articles du cahier

1. L’initiative

Les articles composant le cahier des ordonnances furent rédigés par les députés au sein de l’assemblée des États, lors de sa session de mars-avril 1591. L’élaboration de ces articles occupa la majeure partie de cette session des États qui se tint du 21 mars au 10 avril. Dans le premier paragraphe du cahier l’on peut lire :

« Les estatz de ce duche de Bretaigne […] en la grace de dieu recherche ayde et secours contre les maulx et calamitez qui affligent ce pays, ont avecques monseigneur le duc de Mercoeur, […] faict les ordonnances cy apres pour estre gardees et observees inviollablement attendant qu’il y est un roy tres crestien et catholique7. »

Ce préambule montre que le duc de Mercœur et les États ont travaillé conjointement pour créer ces ordonnances. Il est possible que l’initiative soit venue du duc de Mercœur puisque c’est lui qui convoque l’assemblée en premier lieu, et cela pour « adviser aux moyens plus propres de pourvoir au necessitez que la licence de la guerre a aporte et rompre les entreprinses de ceulx qui se sont eslevez en armes contre le repos et tranquilitte du pays8. »

Le fort besoin de réglementation dû au contexte de guerre serait ainsi comblé par les ordonnances faites par les États. Une partie des articles qui composent ce cahier d’ordonnances reprennent ou son relativement similaire à des arrêts promulgués par le Parlement de Nantes les années précédentes9. Ce cahier a pu aussi être un moyen de réunir et augmenter les dispositions prises par le Parlement de Nantes. Dans leur réponse en 1591, les États disent qu’ils demandent au duc de « faire entretenir garder et observer de poinct en poinct les articles lesquelz avecq son auctorite advis et consentement ilz ont faict mettre et rediger par escript »10, rappelant, encore une fois, de façon très claire que ces ordonnances n’auraient en aucun cas pu être faites sans l’autorisation et l’aval du duc de Mercoeur. Pour

7

ADIV, C 3188, Cahier des ordonnances, feuillet 1 recto.

8

ADLA, B 62, Livre des mandements et édits royaux, folio 271.

9

CARDOT CHARLES-ANTOINE, Le Parlement de la Ligue, op. cit, p. 675.

10

165 autant, aucun document ne mentionne clairement un ordre ou une demande formelle de Mercœur pour que les États fassent ce travail. De plus, bien que le duc soit associé à l’élaboration de ces ordonnances, l’essentiel du travail se fait au sein de l’assemblée et le gouverneur est finalement assez peu consulté sur le sujet.

2. Le travail de rédaction

Plusieurs phases de travail se succédèrent pour concevoir ces ordonnances. Les États travaillèrent d’abord au sein de chaque ordre séparément. Dès le 23 mars, sur la remontrance du procureur-syndic, l’assemblée décide que chaque ordre fera dresser un cahier de doléances, lequel sera lu devant l’ensemble des députés. Malheureusement, le procès-verbal des États ne donne aucun détail sur le travail qui fut fait au sein de chaque ordre. Les députés du tiers état ont pu utiliser comme base de travail les mémoires et cahiers qui leur furent fournis par les villes. En effet dans la plupart des procurations des députés des villes, sont mentionnés des mémoires et cahiers de plaintes remis par la communauté à son ou ses députés. Ensuite les 26 et 27 mars les cahiers de la noblesse et du tiers état sont lus dans l’assemblée générale qui décide qu’une commission de députés sera nommée afin de réunir les deux cahiers et y apporter des corrections11.

Commence ensuite le travail de la commission dont les tâches sont de rassembler les cahiers de la noblesse et du tiers, corriger les articles et les mettre au propre. Treize députés ont été nommés pour travailler au sein de cette commission : quatre députés du clergé, quatre nobles et cinq députés du tiers état12. La composition de cette commission est donc équilibrée entre les trois ordres. On peut remarquer cependant que les députés choisis pour le tiers état semblent tous venir du monde de la justice, était-ce un choix délibéré de l’assemblée ? Ce n’est que cinq jours plus tard, le 3 avril que les cahiers sont de nouveau présentés devant l’assemblée pour y être lus. Il est décidé qu’une commission ira rencontrer Mercœur pour parler de certaines affaires traitées par les États et notamment de lui communiquer la pancarte des devoirs et les articles dressés par les députés. Le rapport des députés ayant rencontré le

11.

ADIV, C 3187, PV des Etats 1591, feuillet 7. Il semble que seul le tiers état et la noblesse ont présenté des cahiers. En effet dans le procès-verbal il est dit que le clergé déclare n’en avoir fourni aucun.

12

ADIV, C 3187, PV des Etats, feuillet 9 recto, 28 mars 1591. Les députés étaient, pour le clergé : l’abbé de Rislé, Thomas Faverel chantre de Dol, Yves Toulalan chantre de Cornouaille et Jean Tousselin official de Nantes ; pour la noblesse : les sieurs de Goulaine, de Plessis-Josso, de Keredren et de Keruzoret ; et pour le tiers état : Antoine De Brenezay sénéchal de Nantes, Bernard Le Bihan sénéchal de Morlaix, Guillaume Le Baud conseiller au présidial de Quimper, Jean Bertie conseiller au présidial de Dinan et Pierre Le Bigot maître particulier des eaux et forêts en la baronnie de Fougères.

166 gouverneur pour lui présenter les cahiers d’ordonnances ne comporte aucune précision sur son avis. Mais si le cahier est validé par l’assemblée l’on peut supposer qu’il reçut, au préalable, un avis favorable du duc de Mercœur, d’autant plus que celui-ci va soutenir son enregistrement à la Chambre des comptes et au Parlement.

Enfin, le 6 avril le cahier des ordonnances fut de nouveau présenté à l’assemblée qui ordonne qu’il soit enregistré et qu’une copie soit donnée aux députés des villes et communautés13. Au total, il aura fallu deux semaines aux députés pour élaborer ces ordonnances. Durant ce temps, il n’est fait mention du duc qu’une seule fois pour que les députés lui présentent les articles qu’ils ont rédigés. Nulle part, on ne voit mention de l’intervention du gouverneur dans le processus de rédaction ou de tentative de sa part d’influencer le contenu. Il est possible que cette influence se soit faite de façon informelle par les fidèles du duc qui sont députés ou officiers des États14. L’analyse des soixante-dix-sept articles composant ce cahier est alors peut-être un moyen de déterminer si ces ordonnances sont une simple commande de Mercœur aux États ou si au contraire l’assemblée eut la liberté de statuer comme elle l’entendait. Cela permet surtout d’identifier les principaux domaines de compétences des ordonnances des États de Bretagne.

Dans le document Les États de la Ligue en Bretagne (1591-1594) (Page 165-167)