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Le choix de la Sainte-Union

Dans le document Les États de la Ligue en Bretagne (1591-1594) (Page 146-150)

C HAPITRE 1 : L' ACTIVITE POLITIQUE DES É TATS LIGUEURS

A. Modalités et objectifs d’un engagement partisan

1. Le choix de la Sainte-Union

Par leur composition, les États de Bretagne étaient appelés à choisir un camp. L'assemblée était d'abord composée de membres du haut clergé, tels que les évêques, les chanoines des chapitres cathédraux et les abbés de la province, en un mot les principaux responsables religieux de la province. Le second ordre, la noblesse, est celui dont les membres détiennent les charges militaires et les charges telles que capitaines ou gouverneurs de villes. Enfin, le tiers état était en grande partie composé d'officiers royaux ou municipaux. Tous les individus présents aux États étaient tous membres des élites de la province. Ils étaient tous des personnes avec des responsabilités sociales ou des charges les obligeant à choisir un camp, ne serait-ce que pour répondre à leurs obligations sociales, notamment celle d'assurer l'ordre4. Le cas des officiers des cours souveraines est le plus révélateur. En effet, avec le dédoublement

1 LE PAGE D. et GODIN X., « Les Etats de Bretagne… », op. cit., p. 22. 2 Ibid, p. 22.

3 Ibid, p. 33. 4

HAMON P., « Paradoxes de l’ordre et logiques fragmentaires : une province entre en guerre civile (Bretagne, 1589) », Revue historique, 2014, vol. 671, no 3, p. 612.

146 des institutions un officier, pour être en mesure d'exercer sa charge, doit choisir dans quelle cour il va siéger et, de facto dans quel parti il s'engage5.

Les membres qui composent les États ont donc, au préalable, à titre individuel et personnel, fait le choix du parti de la Sainte-Union. L'assemblée est convoquée par le duc de Mercœur, gouverneur de la Bretagne pour la Ligue. Elle est donc clairement politisée. Bien entendu, l'ampleur de l'engagement des individus qui composent les États fut sans doute variable et tous n'ont pas nécessairement eu un engagement actif en faveur de la Ligue. De fait, les villes tenues par la Ligue, représentées aux États, n'étaient pas entièrement ligueuses et parfois la pression militaire fit plus dans le choix d'un parti qu'une réelle adhésion de la population aux idées et aux combats de la Ligue6. Malgré ces nuances, on peut admettre qu'en

tant que corps, les États réunis par le duc de Mercœur furent favorables aux idées de la Ligue et engagés dans ses combats.

La première preuve de l'engagement politique des États en faveur de la Sainte-Union est le serment de la Sainte-Union juré par les États lors de leur première réunion en 1591.

Un précédent serment avait déjà été juré dans une partie de la Bretagne. En 1588 après la journée des Barricades à Paris, le roi Henri III est en position de faiblesse face au duc de Guise, chef de la Ligue catholique. Le roi se retrouve dans l'obligation d'accepter l'édit d'Union qu'il signe en octobre lors des États généraux de Blois7. Il faut préciser que ceux qui

jurent l'édit d'Union de 1588 ne sont pas officiellement rebelles au souverain puisque le roi lui-même y a adhéré. L'édit d'Union de 1588 est signé par plusieurs évêques et villes en Bretagne. Ainsi l'évêque de Rennes, Aymar Hennequin, qui se trouve à Paris signe l’édit dès cette année-là8. De même l'évêque de Dol, Charles d'Espinay fait le choix de signer l'édit

d'Union9. Les villes de Nantes et Saint-Malo adhèrent elles aussi à l'Union dès 1588. Nantes

prête le serment d'Union dès le 14 août et Saint-Malo fait de même un peu plus tard le 10 septembre10. Plusieurs évêques et villes en Bretagne adhèrent par la suite à la Sainte-

Union sans que l'on sache exactement à quelle date ils signèrent l'édit d'Union11.

L'édit d'Union est donc déjà introduit en Bretagne et y a déjà recueilli de nombreuses

5HURON M., Le Parlement de Dijon. Et la Ligue catholique : une division politique et ses conséquences (1588-

1600), Master 1, Univ. Bourgogne, dir. D. Le Page, 2013, p. 42-43.

6

HAMON P., « Paradoxes de l’ordre… », art. cit., p. 624.

7CONSTANT Jean-Marie, La Ligue, Paris, Fayard, 1996, p. 189-190. 8LAFAYE Elsa, « La religion fut le prétexte » ?, op. cit., p. 59. 9 Ibid, p. 58

10 Ibid, p. 60. Mais selon Hervé Le Goff dans La Ligue en Bretagne, op. cit., p. 59, Nantes signe l'édit d'union

seulement en septembre 1588.

11LAFAYE Elsa, “La religion fut le prétexte” ?, op. cit, p. 61-62, c'est le cas pour Nicolas Langelier (Saint-

147 adhésions bien avant la réunion des États ligueurs en 1591. Pourtant le serment d'Union est un des premiers sujets abordés par les États lors de leur première réunion en mars-avril 1591. En effet dès l'après-midi du deuxième jour de réunion, sur remontrance du procureur-syndic le sujet du serment de l'Union est mis en discussion12. Les députés décident de jurer l'Union et

de dresser des articles sur lesquelles ils prêteront serment.

Le lendemain, le 23 mars 1591, les articles du serment sont lus dans l'assemblée. Ensuite des députés sont envoyés à Mercœur pour qu’il lise les articles du serment. Ce dernier donne son assentiment et propose de venir prêter serment lui-même. L'ensemble des députés se déplace à l’église des Jacobins dans laquelle une messe est célébrée. Les articles du serment sont ensuite jurés par le duc de Mercœur et l’ensemble des députés devant l’évêque de Cornouaille. L'ensemble des députés de l'année 1591 a donc été dans l'obligation de prêter le serment. En 1592, lors de la réunion des deuxièmes États ligueurs, le procureur propose que les députés n'ayant pas prêté le serment la dernière fois le fassent cette année. Étant donné l'important renouvellement des députés d'une année sur l'autre, nombre de députés de 1592 n'étaient pas présents en 1591 et n'y avaient, par conséquent, pas prêté le serment. Les États décident donc que les députés concernés devront prêter le serment dans l'église de Vannes devant l'évêque de Cornouaille13. De ce fait, il devient nécessaire, pour siéger aux États, en

tant que député, d'avoir prêté le serment à l'édit d'Union et donc de faire la preuve publique de son adhésion aux idées de la Ligue.

Le serment de l'édit d'Union semble avoir eu une grande importance pour les ligueurs et les États qui, de fait, n'acceptent pas en leur sein des députés n'ayant ni juré fidélité à la Sainte-Union, ni juré de respecter les articles qu'ils ont eux-mêmes rédigés en 1591. Les États font donc preuve, par leur serment à l'édit d'Union, de leur engagement en faveur de la Ligue.

De plus, ils décident de publier le serment et de le rendre obligatoire dans toute la province se mettant ainsi au service de la Ligue. Dans l'après-midi du 23 mars 1591, sur remontrance du procureur-syndic, il est décidé d’envoyer les articles du serment dans toutes les villes, communautés, juridictions et tous les évêchés pour y être juré par tous14. Ainsi dans

le cahier des ordonnances, rédigé par les États en 1591, les deux premiers articles stipulent que les articles du serment doivent être publiés et suivis dans toute la province. Ils s’imposent

12 ADIV, C 3187, PV des États 1591, feuillet 7 « Et en appres a este faict la remonstrance par le procureur desditz

estatz qu’en premier lieu il estoit besoing de jurer et prometre en ceste assemblee de tenir l’edict d’union des catholiques. Il a este en ladite assemblee conclud et arreste que ledict ecdit d’union sera promis et jure par tous les ordres desdits estatz sur les articles qui seront a ceste fin dressez et communiquez a monseigneur le gouverneur pour ce faict estre procede audict sermant. ».

13 ADIV, C 3193, PV des États 1592, feuillet 15 recto. 14 ADIV, C 3187, PV des États 1591, feuillet 7 verso.

148 à tous les catholiques, clercs comme laïcs,15 qui ont alors deux mois pour faire le serment.

Dans le cas contraire, ils seront désignés comme ennemis du pays et criminels de lèse-majesté divine et humaine16. On peut enfin citer l'article 40 : « affin que les capitaines et soldatz

scaichent la justice de ceste guerre en laquelle ilz sont emploiez presteront le serment de garder et observer les articles de l’unyon ». Cet article concerne spécifiquement les capitaines et gens de guerre et montre l'intérêt accordé à cette catégorie particulière des soldats qui combattent pour la Ligue. Les États ligueurs s'appuient sur les juges et sur l’Église pour recevoir les serments et pour contrôler les populations.

En 1593, le sujet du serment est de nouveau abordé aux États par une remontrance du procureur 17 portant sur l'article un du cahier des ordonnances de 1591. Il propose qu'il soit

demandé aux députés des États généraux de Paris de garder l’édit d’union et d’en faire une loi fondamentale du royaume. Les États décident que le procureur avertira dans ce sens leurs députés aux États généraux. Le même jour, il est également fait des ajouts à l'article 40 qui interdit désormais l'entrée en garnison d'un soldat s'il n'a pas au préalable juré le serment de l'Union18.

Publier et faire prêter le serment de la Sainte-Union dans toute la province est d'abord un moyen de faire connaître les idées et les motivations du parti ligueur. C'est peut-être aussi une manière de clarifier leurs positions et susciter des fidélités, volontaires ou plus ou moins forcées. C'est aussi un moyen de tenter de contrôler les populations et de mieux identifier qui est du parti ligueur et qui est du parti adverse. La décision des États de rédiger un serment et de le rendre obligatoire dans toute la province procède sans doute d'une volonté de clarifier les adhésions et les serments à l'Union. En effet, on a vu que certaines villes ou certains individus n'ont pas attendu les États et ont signé l'édit d'Union dès 1588. Mais ce sont des séries d'initiatives individuelles ou des serments qui ne s'imposent qu'au sein de certaines villes. Le règlement des États, lui, vaut pour l'ensemble de la province. Il précise les délais et les conditions pour prêter le serment. Ils apportent enfin une clarification des positions des ligueurs bretons et imposent une règle commune à tous les ligueurs de la province.

La prestation du serment par les États et leur décision de le rendre obligatoire dans la province est révélatrice de leur engagement pour la Ligue. L'analyse du serment en lui-même nous donne des indications sur ces positions ligueuses qu’ils défendaient. Tout d'abord, les députés s'engagent à vivre et mourir dans la religion catholique sous l’obéissance d'un roi

15

ADIV, C 3188, Cahier des ordonnances, feuillet 1, article 1.

16

ADIV, C 3188, Cahier des ordonnances, feuillet 1, article 2.

17 ADIV, C 3196, PV des États de 1593, 13 avril 1593, premier jour de séance. 18 ADIV, C 3196, PV des États de 1593, 13 avril 1593, premier jour de séance.

149 catholique, lorsque Dieu leur en fournira un. En attendant, ils s'engagent à mettre leur vie et moyen au service de la Sainte-Union et de la religion catholique au côté du duc de Mercœur. Ils s'engagent à ne pas faire de trêves avec les hérétiques ni avoir de contact ou de relation avec les ennemis de la Sainte-Union que ce soit à l'intérieur ou en dehors du royaume. Ils n'accepteront aucun officier ou magistrat qui ne soit pas catholique. Et enfin, les signataires promettent d'entretenir et de garder les ordonnances faites aux États19.

Dans ce serment, on a donc d'abord un passage assez classique sur le rejet total des protestants considérés comme hérétiques. On comprend également que les signataires de ce serment ne reconnaissent pas Henri IV comme roi puisqu'ils ne reconnaitront qu'un roi catholique. L'interdiction qui est faite d'entretenir une quelconque forme de relation ou de contact avec les ennemis de la Sainte-Union peut s'avérer problématique notamment pour le commerce. En effet, cela interdit les échanges commerciaux avec des puissances protestantes comme l'Angleterre ou les Provinces-Unies. Cela interdit aussi au sein du royaume et surtout au sein de la province le commerce avec les villes non ligueuses, source potentielle de problèmes pour les marchands. On comprend donc qu'une ville portuaire comme Saint-Malo qui souhaite continuer son commerce avec l'Angleterre préfère ne pas adhérer à la Ligue bien qu’elle ne reconnaisse pas un roi protestant. Le duc de Mercœur signe aussi le serment donc il s'engage à respecter et à faire respecter les ordonnances des États.

Il y a donc avec ce serment une adhésion formelle à la Ligue de la part des États et des députés qui les composent. Dans leur serment, ils expriment leurs buts fondamentaux qui sont de lutter contre les hérétiques et de maintenir la religion catholique en Bretagne et dans le royaume de France.

Dans le document Les États de la Ligue en Bretagne (1591-1594) (Page 146-150)