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Un allié à ménager

A. Le Saint-Siège

1. Un allié à ménager

Lorsque les États de la Ligue se réunissent pour la première fois en 1591, cela fait presque un an que le duc de Mercoeur s’est allié avec les Espagnols et déjà plusieurs mois que leurs armées sont en Bretagne. Les États n’ont donc pas eu de rôle à jouer pour négocier le soutien des Espagnols en Bretagne, comme ont pu le faire les États royaux avec le royaume d’Angleterre où ils ont envoyé leur trésorier Gabriel Hus pour négocier un soutien militaire et financier15. Cet état de fait n’empêche pas les États de lier des contacts avec le roi d’Espagne et les capitaines espagnols en Bretagne, dans le but de leur présenter leurs remerciements et les assurer de leurs communes vues.

C’est dans cet objectif que, le 8 avril 1591, les États décident « qu’il sera escript au nom desdictz estatz au roy catholique d’hespaigne pour luy rendre graces de la bonne vollonte, zelle et attention qu’il a a la manutention de la religion catholique et du secours qu’il envoye pour cest effect. »16. Le ton général de la lettre est donc évident, mais son contenu précis nous échappe. En effet, aucune commission ne fut réunie pour en dresser le contenu et aucun document correspondant n’est conservé dans les archives des États ligueurs. En revanche, dans le premier volume des Correspondances du duc de Mercoeur et des ligueurs bretons

avec l’Espagne, publié par Gaston de Carné, figure une lettre des États de Bretagne adressée

au roi d’Espagne17

. La lettre est datée du 7 avril 1592 et fut rédigée à Vannes alors que les

15

Ibid., p. 157.

16

ADIV, C 3187, PV des Etats 1591, feuillet 13 recto.

17

CARNE Gaston de, Correspondance, op. cit., vol. 1, p. 121-122, document 141. Lettre des États de Bretagne de Vannes, le 7 avril 1592, signée de Rehault (greffier) et de G. Raoul (procureur).

97 États avaient décidé, il y a un an, d’écrire au roi d’Espagne. Est-ce bien là la lettre que les États avaient l’intention d’envoyer à Philippe II ? Pourquoi les États ou ses officiers auraient- ils attendu un an avant de l’envoyer ? Le contenu de la lettre semble bien correspondre aux objectifs des États de 1591, qui étaient de rendre grâce au souverain espagnol. Tout d’abord, les États y rappellent les mérites du roi espagnol :

« Les tres illustres Ferdinand, sixiesme roi d’Espagne et Charles Ve empereur, vos pere et ayeul, princes d’eternelle mémoire feirent par leurs actions heroiques paroistre combien ils desiroient que les idolastres et heretiques feussent reduictz en l’obeissance de l’église. Mais Dieu a faict naistre et eslever V. M. sur tous les princes catholiques, comme luy aiant reservé de rédifier et asseurer le magnifique edifice de son eglise »

Ensuite, ils y expriment leur reconnaissance pour le soutien que Philippe II avait apporté à la Ligue en Bretagne :

« recoignoissons la bonté, le secours, la fabveur dont V. M. nous a honorez et le soing qu’elle à de nous conserver, nous la remercions humblement et luy offrons nostre tres humble service, la supplians de continuer en la saincte et religieuse affection qu’elle a tousiours eu de maintenir l’eglise catholique et romaine et défendre les catholiques de la viollance des heretiques, particulierrement en ce duché, auquel, comme les ennemis dressent plus leurs desseings, le gloire de V. M. sera plus grande d’en avoir chassé les heretiques »

Enfin, ils assurent le roi d’Espagne de leur fidélité et qu’ils prient Dieu pour qu’il assiste le roi « de sa grace, continue longue vye, en bonne santé et bénisse de prosperité tout ce qu’appartient a vostre royalle Majesté ». Cette lettre est donc avant tout une façon pour les États d’exprimer leur reconnaissance, et le ton en est donc très flatteur. Aucun sujet politique ou aucune critique ne sont adressés au Roi Catholique. La communauté de religion et l’alliance dans le combat contre les hérétiques sont d’ailleurs un sujet sur lequel les États insistent tout particulièrement. Le but semble donc surtout de reconfirmer l’alliance entre les ligueurs bretons et l’Espagne.

À deux occasions, les États écrivent aux capitaines espagnols qui se trouvent en Bretagne. Dans ces deux occasions, ils rappellent cette amitié et gratitude qu’ils entretiennent envers le souverain espagnol. En 1592, les députés chargés de rencontrer Don Juan d’Aiguila et Don Diego doivent présenter : « Que messieurs desdits estatz sont serviteurs de ladite mageste de laquelle ilz recougnoissent avoir este assistez et grandemant secouruz contre les

98 hereticques et leurs faulteurs ».18 De même en 1594, les députés qui vont présenter les demandes des États à Don Juan doivent lui faire entendre « qu’ilz desirent rendre a sa mageste catholicque et demeurer en bonne intelligence et amitie avecq ledit sieur don Jouan et la nation espaignolle »19. Lors de ces deux échanges avec les capitaines espagnols, l’objectif des États était de présenter certaines plaintes contre les soldats espagnols ou leur stratégie militaire dans la province. Préalablement à ces critiques, l’assemblée prend le temps de flatter le souverain espagnol et de présenter leur gratitude et leur dévouement. Malgré ce discours d’amitié et d’alliance, la présence d’une armée étrangère dans la province était créatrice de problèmes et il existait des tensions entre l’assemblée ligueuse et l’Espagne.