• Aucun résultat trouvé

Le duc de Mayenne

Dans le document Les États de la Ligue en Bretagne (1591-1594) (Page 106-109)

Depuis la mort du duc de Guise, celui qui s’est imposé comme chef du parti ligueur et autorité de remplacement en l’absence d’un roi catholique est le duc de Mayenne. Son titre de lieutenant-général du royaume lui permet de revendiquer une autorité sur l’ensemble du royaume. Contrairement au cas de la Ligue parisienne, les procès-verbaux nous révèlent l’existence de relation entre l’assemblée ligueuse et le duc. On relève quatre dossiers dans lesquels le duc de Mayenne est impliqué plus ou moins directement. Le premier dossier touche à des questions de fiscalité en relation avec la rançon du duc d’Elbeuf. Les deuxième et troisième cas où le duc de Mayenne apparait dans les délibérations des États concernent des questions de juridictions et d’institutions locales, à Saint-Malo pour l’un et à Dinan pour l’autre. Le quatrième et dernier dossier concerne le conflit qui oppose la ville de Saint-Malo aux villes de Dol et de Dinan à partir de 1593. En fonction de chacun des dossiers, des sujets qu’ils concernent, les relations des États avec le duc de Mayenne ne prennent pas les mêmes aspects. Ajoutons enfin que le duc de Mayenne est mentionné dans les procès-verbaux et dans les procurations des députés en raison de sa convocation des États généraux. Ce cas sera donc abordé dans la partie suivante sur les États généraux.

11

TINGLE E.C., Authority and society in Nantes during the French wars of religion, 1559-1598, Manchester, Manchester University Press, 2006, p. 186 : Conseil de l’Union de Nantes en contact avec les autres villes ligueuses, lettres reçues de Paris.

106 Pour les deux premiers dossiers, la rançon du duc d’Elbeuf et la juridiction à Saint- Malo, la relation des États avec le duc prend la forme d’une opposition à ses décisions et arrêts. Le duc d’Elbeuf, qui avait été fait prisonnier par le duc d’Epernon, dut payer à ce dernier une forte rançon pour sa liberté. En 1591, le duc demande l’aide des États pour la financer12. Les États acceptent que soit prélevé dix mille écus sur les deniers de la pancarte afin de l’aider. Or, lors de l’assemblée suivante, en 1592, le procureur fait savoir à l’assemblée que le duc d’Elbeuf a reçu du duc de Mayenne une commission pour lever des taxes à Ancenis. Commission contre laquelle il s’est opposé au nom des États13

. Les États souhaitent poursuivre leur opposition à cette commission. C’est pourquoi ils décident, entre autres, « qu’il sera escrit a monseigneur le duc du maine en leur nom pour le prier de faire cesser la commission et luy remonstrer que c’est contre les droictz et privillaiges du pays »14

. Le contentieux entre les États et le duc d’Elbeuf se poursuivit en 1593 et 1594, mais ils ne firent plus de demandes auprès du duc de Mayenne pour régler la question. Cette année-là, ils parvinrent à une décision qui stipule que le duc ne fera plus de levée de taxes à Ancenis en échange d’une aide des États à hauteur de cent mille livres15

. Le deuxième cas où les États s’opposent à un arrêt du duc de Mayenne concerne la ville de Saint-Malo. Lors de l’assemblée de 1592, le chapitre de Saint-Malo présente une requête contre la création d’une juridiction civile dans la ville, création qui fut validée par le duc de Mayenne16. Les États donnent raison à la requête du chapitre de Saint-Malo de s’opposer à cette création, en ce qu’elle est « prejudiciable aux droictz du pays ». L’assemblée doit donc écrire au duc de Mayenne pour s’y opposer et le procureur est chargé de s’y opposer devant le Parlement17

.

L’opposition au duc de Mayenne n’est pas la seule forme de relations qu’entretiennent les États avec celui-ci. En effet, ils ont également cherché à avoir son soutien et usé de son autorité pour faire respecter leurs décisions. C’est le cas dans le cadre du conflit contre Saint- Malo qui est porté devant les États par les villes de Dol et Dinan. Lors de l’assemblée de 1593, les habitants de Dinan et de Dol présentent une requête contre les habitants de Saint- Malo qui ont instauré des taxes à l’entrée de ces deux villes, et ce sans aucune autorisation18. Sur cette affaire, les États s’opposent aux taxes levées par les Malouins. En conséquence, le procureur est chargé de faire passer les requêtes de Dol et de Dinan au Parlement afin qu’une

12

ADIV, C 3187, PV des Etats 1591, feuillet 17 recto, lors de la séance du 9 avril.

13

ADIV, C 3193, PV des Etats 1592, feuillet 8 recto, lors de la séance du 24 mars.

14

ADIV, C 3193, PV des Etats 1592, feuillet 8 verso, lors de la séance du 24 mars.

15

ADIV, C 3196, PV des Etats, feuillet 18 recto, 23 avril 1593.

16

ADIV, C 3193, PV des Etats 1592, feuillet 26 recto, séance du 7 avril.

17

ADIV, C 3193, PV des Etats 1592, feuillet 26 verso, séance du 7 avril.

18

107 instruction soit lancée. De plus, les États décident d’envoyer des lettres au duc de Mercoeur, à l’ambassadeur du roi d’Espagne, au légat du Pape et au duc de Mayenne19

. Il est probable que les États ne font pas simplement appel au duc de Mayenne en raison de son titre de lieutenant- général du royaume. La ville de Saint-Malo a rejoint le parti ligueur, mais a refusé de se mettre sous l’autorité du duc de Mercoeur. Par ailleurs, elle n’envoie jamais de député aux États, ni ne répond aux sollicitations de l’assemblée ; ce qui laisse à penser qu’elle ne reconnait pas leur autorité. Saint-Malo s’est donc dès le début du conflit placé sous l’autorité du duc de Mayenne. En conséquence, il semble normal que les États recherchent l’appui d’une autorité que la ville elle-même est supposée reconnaitre.

Enfin, les États peuvent être d’accord avec les arrêts du duc de Mayenne. C’est le cas en 1592 et 1594 lorsqu’est soulevée devant l’assemblée la question de l’établissement d’une monnaie à Dinan. En 1592, les habitants de Morlaix présentent une requête à l’assemblée demandant qu’il fût établi une monnaie à Morlaix20. Dinan s’y oppose en vertu des lettres patentes du duc de Mercoeur et du duc de Mayenne leur accordant la monnaie de Rennes. Comme il n’y a toujours eu que deux monnaies en Bretagne, il leur serait préjudiciable qu’une troisième soit établie à Morlaix. Les États vont dans le sens de la ville de Dinan et confirment l’établissement fait par Mercoeur et Mayenne. De nouveau, en 1594, Dinan demande aux États de confirmer l’installation de la monnaie dans leur ville. De nouveau, les États la confirment comme étant utile au pays21. Sur ce sujet, les États étaient donc en accord avec les lettres patentes délivrées par Mayenne et n’ont eu aucune difficulté à reconnaitre son autorité et sa capacité à prendre des décisions sur ce sujet.

Après l’étude de ces quatre dossiers, il est apparent que les États reconnaissent l’autorité du duc de Mayenne. L’exemple du transfert de la monnaie à Dinan est très parlant, puisque le duc de Mayenne qui exerce une forme d’intérim en attendant un roi catholique, est perçu par les États comme légitime pour intervenir. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’ils ne sont pas capables ou pas désireux de s’opposer à celui-ci. C’est alors ce que fait l’assemblée lorsqu’elle pense que les décisions du duc enfreignent les libertés et privilèges de la province. C’est ce qui justifie l’opposition des États sur la question de la commission au duc d’Elbeuf puisqu’elle ne respecte pas leurs privilèges fiscaux. On a vu également que les États avaient par deux reprises décidé d’écrire directement au duc de Mayenne. Malheureusement, les

19

ADIV, C 3196, PV des Etats 1593, feuillet 17 verso, séance 23 avril 1593.

20

ADIV, C 3193, PV des Etats 1592, feuillet 25 recto, séance 6 avril.

21

108 archives ne conservent aucune trace de ces lettres, si elles furent bien envoyées. De même, aucune réponse du duc de Mayenne ne figure dans les archives ni n’est mentionnée dans les procès-verbaux. Il est donc possible que les États aient par deux fois contacté le duc sans que l’on sache le contenu de ces lettres, et le duc a pris le temps de leur adresser une réponse. Il est donc difficile de dire qu’il y eut des échanges entre le duc et l’assemblée, et la relation demeure somme toute très indirecte et lointaine.

Dans le document Les États de la Ligue en Bretagne (1591-1594) (Page 106-109)