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Les États générau

Dans le document Les États de la Ligue en Bretagne (1591-1594) (Page 109-114)

La question de la tenue des États généraux est étroitement liée à celle de la succession au trône de France. À la mort d’Henri III, les ligueurs catholiques refusent de reconnaitre son successeur, le protestant Henri de Navarre, comme le nouveau roi de France. Les ligueurs qui refusent de voir un roi protestant en France doivent donc trouver un nouveau souverain. Celui que les ligueurs reconnaissent comme le légitime héritier au trône depuis 1584 est Charles, cardinal de Bourbon et oncle d’Henri de Navarre. Le duc de Mayenne le fait proclamer roi sous le titre de Charles X. Mais le roi de la Ligue décède en prison dès 1590. Les ligueurs doivent donc choisir un nouveau souverain et ce sont les États généraux qui doivent procéder à cette élection. C’est pourquoi le duc de Mayenne envoie des lettres au duc de Mercoeur22, mais aussi à certaines villes bretonnes, afin que soient choisis des députés à envoyer aux États généraux. C’est, par exemple, le cas pour la ville de Morlaix. Dans la procuration des députés de la ville datée du 29 janvier 1591, il est précisé que le sénéchal de la ville a reçu des lettres du duc de Mayenne afin de les prévenir de la tenue des États généraux23. Dans la procuration de Redon, la tenue des États provinciaux est étroitement liée à celle des futurs États généraux, car les habitants précisent avoir été convoqués aux États de Bretagne par le duc de Mercoeur afin de traiter des affaires de la province, et de désigner les députés qui se rendront aux États généraux assignés à Orléans24.

L’objectif principal de ces États généraux est donc d’élire un nouveau souverain pour le royaume de France. Les États de Bretagne sont relativement impliqués dans cette assemblée, puisqu’ils sont premièrement chargés de désigner les députés qui y représenteront la province.

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ADIV, C 3187, PV des Etats 1591, feuillet 1 recto. Commission générale de Mercoeur : « suivant les lettres closes de monsieur le duc du Mayne lieutenant general de l’estat royal et couronne de France a nous adressees qu’envions presantement acompagnees des nostres il est besoing et necessaire d’assembler estraordinairement lesdits estatz ».

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ADIV, C 3189, Procurations des députés de Morlaix, 29 janvier 1591.

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109 En plus de désigner les députés, les États leur donnent également des instructions sur ce qu’ils doivent faire et demander lors des États généraux. C’est le programme et la ligne définis dans l’assemblée qui y seront défendus. Le rôle des États de Bretagne se poursuit après la tenue de l’assemblée générale du royaume, puisque que les députés bretons doivent y rendre compte et c’est l’assemblée provinciale qui paye leurs frais de voyages.

Lors de la session de 1591, les États procèdent donc au choix des députés qui seront chargés d’aller à Paris. Pour le clergé, sont députés Jean Christi, théologal de Nantes et Jean Juhel, recteur de Guengon. Les députés pour la noblesse sont les sieurs de Rosampol, d’Orvault et de la Roberye. Et enfin pour le tiers état, sont choisis Pierre André, Jean Bertie et Pierre Le Bigot. La liste des choisis comporte donc huit noms, mais il est précisé que seulement deux de chaque ordre iront aux États généraux25. C’est donc six députés qui doivent, accompagnés du procureur des États, représenter les États ligueurs de Bretagne. Les États qui avaient été convoqués à Orléans pour le 25 février 1591 ne se tinrent finalement pas cette année-là. C’est pourquoi lors des États de Vannes en 1592 il est procédé à un changement dans la liste des députés nommés. La nouvelle liste comprend quelques évolutions. Le clergé sera désormais représenté par l’évêque de Vannes, Georges d’Aradon, Jean Christi et Jean Juhel figurent encore parmi les nommés et est ajouté Pierre Rihouet, chanoine de Saint-Malo, si les États décident d’envoyer quatre députés par ordre. La députation de la noblesse sera composée des sieurs de Rosempol, Olivet, Roberye et Montigny. Enfin, pour le tiers état sont gardés les précédents nommés26. Il semble donc que les États aient décidé d’augmenter le nombre de députés à au moins trois par ordre, ce qui ferait un total de neuf députés.

Les États de la ligue donnent un certain nombre d’instructions à leurs députés. Les archives de l’assemblée ligueuse contiennent un document qui récapitule les consignes que doivent suivre les députés bretons27. La première des taches des députés est de consentir et participer à l’élection d’un roi catholique. Ils doivent ainsi requérir en faveur du respect de la loi fondamentale du royaume stipulant qu’un non-catholique ou un « fauteur d’hérésie » ne

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ADIV, C 3187, PV des Etats 1591, feuillet 18 verso, 10 avril.

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ADIV, C 3193, PV des Etats 1592, feuillet 25 verso, 6 avril.

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ADIV, C 3197, Instructions données aux députés envoyés aux Etats généraux convoqués au 17 janvier 1593 à Paris. On ne connait pas la date précise de ce document. En effet il ne porte pas de date et dans aucun des procès- verbaux il n’est fait référence à la rédaction de ces instructions. En revanche, dans le document il est précisé que celui-ci doit être envoyé à « messieurs les depputez des estatz a Paris a l’assemblee generalle des estatz de France » ce qui laisse à penser que le document fut élaboré après le départ des députés et peut-être même après l’ouverture des Etats généraux. Dans la requête de Pierre Le Bigot pour le remboursement de ses frais de voyages, voir ADIV, C 3200, il précise que lors des Etats de Vannes de 1593 il lui est ordonné de se rendre le plus rapidement possible à Paris avec les mémoires et instructions.

110 puisse accéder au trône. Par cette formulation, il est clair qu’Henri de Navarre ne peut aucunement prétendre au titre de roi de France, même s’il se convertissait au catholicisme. Dans, Le duc de Mercoeur les armes et les lettres, Solen Peron affirme qu’« après les États ligueurs de Nantes, les ligueurs embrassèrent la cause de l’Infante d’Espagne, prétendante au trône de France »28. Pourtant à aucun moment les États ne précisent quelle candidature leurs députés devaient favoriser et aucune source dans leurs archives ne permet de confirmer une telle affirmation. Les députés veulent également que l’édit d’Union soit gardé et observé, et personne ne pourra obtenir le titre de roi s’il ne l’a pas juré. Enfin, il est précisé qu’« en cas de contravention seront les subjetz dispenser du service de fidellite. ». D’autres instructions concernent l’ensemble du royaume et la politique « nationale ». C’est d’abord de faire publier et observer le Concile de Trente dans tout le royaume. Les États ligueurs de Bretagne étaient en faveur de l’adoption du Concile, et dès 1592, ils avaient envoyé une requête au Parlement de Nantes afin qu’il soit promulgué en Bretagne29

. Enfin, les députés bretons doivent présenter ou se rallier à l’idée d’une convocation régulière des États généraux. L’assemblée bretonne souhaite que les États généraux soient réunis tous les trois ans afin de traiter des affaires du royaume.

Les autres points présentés dans ces instructions concernent spécifiquement la Bretagne. D’abord, les États souhaitent que la Bretagne demeure unie au royaume de France et le nouveau souverain devra s’engager à ne pas désunir, démembrer ou donner la Bretagne en apanage. La participation des députés bretons à l’élection d’un nouveau roi est soumise à cette condition. Les États souhaitent également que Mercoeur soit maintenu dans sa charge de gouverneur de Bretagne, et ce avec armées suffisantes pour continuer la guerre contre les hérétiques. S’il est besoin d’un lieutenant en Bretagne, il ne pourra être nommé sans le consentement des États et de Mercoeur. Et enfin que toutes les actions et décisions militaires, financières, nominations aux bénéfices ecclésiastiques et aux offices de finance et de justice… faites par Mercoeur et les États, soient ratifiées. Les États tiennent à ce que les règles concernant la répartition des offices entre les originaires et les Français, établies lors du traité d’Union soit respectées. Enfin, ils veulent que leurs privilèges soient respectés : aucune levée d’impôt ou taxe ne peut se faire sans leur consentement, réunion des États tous les un ou deux ans et plus généralement que soit respecté « ensemble des autres privilleges contenuz au contrat d’allience entre les rois de France et Anne duchesse de Bretaigne et au contrat de l’Unyon de la province a la couronne de France ».

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BURON E., MENIEL B., Le duc de Mercoeur, les armes et les lettres (1558-1602), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2001, p. 119.

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111 Les préoccupations des États se situent donc sur deux échelles territoriales différentes : le royaume et la province. Les instructions des États qui concernent l’ensemble du royaume peuvent être perçues comme assez novatrices. Le projet ici est de faire de l’édit d’union une forme de nouvelle loi fondamentale du royaume dont le respect par le roi est la condition de l’obtention de la couronne. C’est une forme de contractualisation de la relation entre le roi et ses sujets qui était envisagée, puisque si le souverain ne respecte pas l’édit d’union alors les sujets n’ont plus à lui devoir obéissance et fidélité30

. De plus, la façon de gouverner veut aussi être changée par le renforcement des États généraux et leur association au traitement des affaires du royaume. En revanche, les demandes qui ne concernent que la province sont assez classiques. En effet, l’objectif des États est de faire respecter le traité d’Union et garder les privilèges de la province. Au contraire de proposer des innovations, c’est plutôt la conservation de l’ordre ancien qui est voulue. Les États généraux sont donc pour les États de Bretagne un moment et un lieu clé pour participer aux décisions politiques importantes et peser sur l’avenir du royaume. C’est aussi le moment de faire passer des demandes et d’obtenir la sanction d’une autorité supérieure, quant à la gestion de la province qu’ils ont faite, avec le duc de Mercoeur, depuis le début du conflit.

Les États généraux s’ouvrent finalement à Paris le 26 janvier 1593. Les députés bretons n’y sont que cinq : Georges d’Aradon, évêque de Vannes ; Jean Juhel, recteur de Guengon, Louis de Montigny, Jean Bertie et Pierre Le Bigot31. La délégation bretonne est donc moins nombreuse que ce que les États provinciaux avaient prévu, et Louis de Montigny est l’unique député pour la noblesse. Cela correspond aux requêtes qui sont présentées aux États pour obtenir le remboursement des frais faits pour le voyage à Paris32. Jean Christi, chanoine de Nantes, a également assisté aux États généraux33, mais il y resta très peu de temps puisqu’il se fait rembourser pour un voyage qui se déroula entre le 24 août et le 25 octobre 1593. Enfin, il était prévu que le procureur des États assiste également aux États généraux. Mais comme celui-ci est présent aux États ligueurs en avril-mai 1593, il semble qu’il ne soit finalement pas allé à Paris. Quant à la participation réelle des députés bretons dans les délibérations qui se

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BURON E.,MENIEL B., Le duc de Mercoeur, op. cit., p. 22 : Etats Généraux de Blois demandaient à ce que l’édit d’union soit faite loi fondamentale du royaume ce qui en ferait des Etats avec pouvoirs constituants. P. 43- 44 : en 1588 dans leur cahier de doléances le clergé est pour le caractère contractuel à l’édit d’union, il entend institutionnaliser un droit de résistance en cas de non-respect de cette loi de catholicité. Tiers n’allait pas si loin dans la formulation.

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BERNARD A., Procès-verbaux des Etats généraux de 1593, Imprimerie royale, Paris, 1842, p. 7. 32

ADIV, C 3200, Requêtes pour remboursement voyages aux Etats généraux de Paris. Parmi les requêtes figurent aussi celle de Joachim Du Guesclin sieur d’Olivet. Celui-ci s’est bien rendu à Paris mais en 1591-1592 ce qui fait qu’il n’assista pas aux Etats généraux.

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BERNARD A., Procès-verbaux des Etats généraux de 1593, op. cit., p. 356. Il fait la prédication après la messe le 19 septembre 1593.

112 firent aux États, cela est très difficile à déterminer. On peut néanmoins relever que l’évêque de Vannes faisait partie du bureau du clergé34. Le nom de Jean Juhel apparait à l’occasion d’une messe qu’il a célébrée le 11 juin35

. Enfin, le sieur de Montigny et Jean Bertie sont régulièrement mentionnés comme commis ou députés par leur ordre respectif. Le premier est un des députés de la noblesse pour aller conférer avec les ministres espagnols36 et le second est député par le tiers pour aller conférer avec le duc de Mayenne37.

Les États généraux de la Ligue furent un échec. Ils ne parvinrent pas à remplir leur principal objectif : élire un nouveau roi. La réunion de cette assemblée se termine dans une relative confusion, notamment en raison de l’abjuration d’Henri IV qui la rend en grande partie inutile. Lors de la réunion des États ligueurs en 1594, l’évêque de Vannes fait le rapport de ce qui fut fait aux États généraux. Mais le procès-verbal ne contient pas le contenu de ce rapport et, là où il devrait figurer, il n’y a qu’une page vide38. Ensuite, le procureur-syndic prend la parole sur le sujet, et là encore figure un blanc39. Difficile de dire si ce fut une omission délibérée ou un oubli du greffier. En tout cas, l’assemblée décida qu’elle approuvait tout ce qui fut fait par leurs députés lors de l’assemblée générale de Paris.

34 Ibid., p. 14. 35 Ibid., p. 504. 36 Ibid., p. 528. 37 Ibid., p. 265. 38

ADIV, C 3198, PV des Etats 1594, feuillet 8 recto. Séance du 4 mai.

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Dans le document Les États de la Ligue en Bretagne (1591-1594) (Page 109-114)