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L’éducation spécialisée en autisme : l’exemple de la théorie de l’esprit

Dans cette section, j’ai pris le parti de parler de l’éducation spécialisée dans le domaine de l’autisme en abordant la théorie de l’esprit. C’est une volonté qui part du principe qu’il me fallait illustrer d’une certaine façon la problématique de l’autisme dans un environnement réel et dans une situation concrète. J’ai donc choisi la théorie de l’esprit mais il va de soi que c’est un choix de ma part et que j’aurai pu traiter de passablement d’autres thématiques qui auraient aussi pu apporter un éclairage tangible et authentique à la question de l’éducation spécialisée en autisme.

La notion de « théorie de l’esprit » est apparue en premier en 1978 dans un article de Premack et Woodruff « Does the chimpanzee have a theory of mind ? ». Pour ces deux auteurs, c’est « la capacité d’attribuer des états mentaux à soi-même et à autrui ; cette faculté de déduire la pensée intuitive de l’esprit permet à l’être humain de prédire ce que les autres feront dans une situation donnée ». Selon Perner et Wimmer (1983), la théorie de l’esprit est présente chez une personne lorsque celle-ci possède la capacité cognitive de se forger des avis « à propos de ses états mentaux et de ceux d’autrui ». Selon Rogé (2008), « avoir une théorie de l’esprit c’est être

87 Au sens de l’article en ligne : http://www.autisme.qc.ca/tsa/programmes-et-interventions/les-methodes-educatives/la-methode-teacch.html, consulté le 21 janvier 2016.

capable d’attribuer des états mentaux indépendants aux autres et à soi-même pour expliquer et prédire le comportement ». Autrement dit et surtout au-delà du premier article de Premack et Woodruff, la théorie de l’esprit est un concept qui peut être défini comme l'aptitude à inférer, à concevoir ainsi qu’à distribuer des états mentaux tels que les intentions, les croyances, les désirs, les intérêts, les jeux, les connaissances ou encore les pensées, les sentiments, les émotions, etc., et cela aux autres mais également à soi. C’est donc une sorte de processus cognitif qui aboutit à une théorisation d’un état d’esprit. Dans le but, ensuite, d’arriver à appréhender et à pronostiquer des actes et des réactions. Finalement, cette mentalisation devrait permettre de prendre conscience de ce que quelqu’un peut imaginer, s’imaginer, vouloir, etc.

dans telle ou telle situation et de pouvoir supposer ses agissements et réagir en conséquence.

Peeters (2014) différencie les individus atteints de TSA et les « neurotypiques »88 de cette manière :

… par l’observation d’états extérieurs, nous essayons de comprendre les états intérieurs.

Nous savons que nous sommes capables de « lire » des comportements et des expressions et que, de cette manière, nous pouvons émettre des hypothèses sur ce que les gens ressentent, pensent ou envisagent. En d’autres termes, nous avons une « théorie de l’esprit » …, nous savons que derrière nos perceptions « littérales » ses cachent des idées, des émotions et des intentions. (p. 106)

Dans le domaine de l’autisme, l’apparition de cette théorie survient en 1985 avec l’article

« Does the autistic child have a theory of mind ? ». Sans rentrer tout de suite dans la considération des résultats de cette recherche, c’est alors la première fois qu’un défaut dans la théorie de l’esprit est présumé afin d’expliquer les diverses difficultés sociales, de communication et de collaboration des enfants atteints d’autisme. Ce serait donc à cause des difficultés découlant du manque de compréhension d’un environnement social rempli d’intention, d’émotions, de jugements ou de souhaits.

Cependant – et plus précisément en se référant à l’expérience de Sally et Anne dans Baron-Cohen et al. (1985) – nous pouvons donc dire que ces individus atteints de TSA n’arrivent pas savoir que Sally cherchera là où elle avait laissé sa bille étant donné qu’Anne l’avait entre-temps déplacée. Toujours sur la base de cette expérience-là, les personnes souffrantes de TSA

88 Selon Cottraux (2015), la neurotypie est le fait de présenter un développement cognitif (ou « du système nerveux central ») dans la norme humaine comparativement à des individus présentant un développement dit « atypique » tel que les personnes ayant des TSA.

seraient alors plus à même d’être persuadées que le monde les entourant ignore ce qu’ils ignorent et sait ce qu’ils savent. Thommen (2001 ; 2007) a encore confirmé plus tard cela et il semblerait donc juste de dire que les enfants atteints de troubles du spectre autistique montrent un certain nombre d’obstacles à interpréter certaines fausses convictions.

Peeters (2014) explique donc que les personnes atteintes de TSA possèdent une théorie de l’esprit « défectueuse et sous-développée ». Cet auteur expose alors une chose intéressante, l’avis de Uta Frith qui désigne alors ces personnes présentant des TSA comme des

« behaviouristes (comportementalistes) ». A comprendre dans le sens que « seul le comportement est important, le sens qui se cache derrière ce comportement leur échappe souvent ».

Figure n°4 : Expérience « Sally et Anne »89

Téléchargée de : http://autisme.info31.free.fr/wp-content/uploads/sally_Anne.gif, le 25 avril 2016.

89 Explications et but dans l’annexe n°14.

L’apprentissage de cette faculté – comprendre que les autres personnes peuvent avoir des états mentaux différents des miens et de la réalité – vient sanctionner une certaine progression dans la métacognition90 : savoir que je vis des états mentaux (décentration par rapport à son état mental), que les autres ont des états mentaux semblables aux miens, que mon état mental peut différer de la réalité et enfin que l’état d’autrui n’est pas nécessairement comme le mien, que les deux ne correspondent pas forcément à la réalité.

Il existe bien d’autres protocoles expérimentaux à propos de cette théorie de l’esprit91, tels que la situation de faire semblant d’appeler avec une banane en lieu et place d’un téléphone (Leslie, 1988) ou la boîte de smarties92 (Gopnik & Astington, 1988). Ce sont deux variantes parmi d’autres afin de tester les fausses croyances que les enfants peuvent se construire dans leurs relations avec autrui.

Pour continuer, je voudrais rapidement mentionner que, après cette partie ayant traité de la question de la théorie de l’esprit chez les enfants atteints de TSA, je vais me centrer sur la question de la régulation des comportements. En effet, certains comportements inadaptés peuvent provenir d’une mauvaise compréhension des intentions, actes ou émotions d’autrui et c’est donc dans cette logique-là que je continue ainsi.