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Après ces précisions d’ordre théorique, j’en viens à ce que j’ai arrêté comme moyen pour récolter mes données afin de pouvoir, dans un second temps, les analyser de manière qualitative.

Et ce sera pour moi et dans cette recherche l’entretien, pour plusieurs raisons. La première est, comme l’explique Baribeau et Royer (2012), que cet instrument correspond tout à fait à une logique d’étude du sens, de problématiques définies, de perspectives et d’intentions. Van der Maren (1996) corrobore cela en disant que l’interview cherche à recueillir des renseignements sur les impressions, les conceptions, les pensées qu’ont ces personnes au regard de leurs expériences personnelles et par rapport au contexte normatif que chacun peut se construire.

Donc, suivant ma volonté d'interroger et de discuter avec différents enseignants professionnels à propos des régulations et des remédiations, cet outil qualitatif paraît le plus adéquat. Cela afin de faire ressortir au mieux leur choix, les motivations qui les justifient, les limites qui peuvent apparaître ainsi que les connaissances qu’ils peuvent avoir sur l’approche ABA ou TEACCH.

Plus concrètement maintenant, et comme l’expliquent Mucchielli et Paillé (2008), cette solution nécessite des rapports individuels avec les personnes qui seront amenées à être interviewées dans le cadre de cette recherche. Et celle-ci devra mêler de manière appropriée une posture de chercheur qui sera à même de garantir une atmosphère de confiance en même temps qu’une relative mais réelle réserve qui devra attester d’une objectivité ainsi que d’une circonspection.

Mace et Pétry (2010) écrivent encore que la neutralité - à savoir arriver à ne pas exposer ses positions, ses opinions, ses volontés ou ses préconceptions ou également ne pas non plus exposer, même de manière sous-entendue, ses propres constructions personnelles - doit être une condition sine qua non au bon déroulement de ces entretiens et de l’analyse qui en découlera.

Pour résumer cette posture convenable qu’il me faudra savoir adopter lors de ces interviews, Blanchet et Gotman (2007, p. 20) nommaient cet étrange mélange d’attitudes, tantôt rapprochées qu’éloignées, comme une « neutralité bienveillante ».

108 Définition de « herméneutique » au sens de Greisch, J. (2016). Encyclopedia Universalis,Page Web. Accès : http://www.universalis.fr/encyclopedie/hermeneutique/, page consultée le 20 octobre 2016.

Pour ce qui est du format de ces interviews, ils ont été individuels et de « vive voix ». Car des entrevues menées collectivement poseraient obligatoirement un problème quant à la gestion de ceux-ci, savoir-faire que je n’ai pas. Alors que des interviews qui ne se dérouleraient pas de vive voix (par téléphone par exemple) engendreraient le souci de la profondeur et de la précision des échanges, quasiment certainement moins complets, explicites et rigoureux que ceux réalisés en tête-à-tête.

Voilà donc pour la technique de recherche que j’ai adopté, tout comme le dispositif retenu. Dès lors, il reste à trouver comment pouvoir mener ces entretiens afin qu’ils soient simultanément reproduisibles, avec assez d’informations - mais que celles-ci soient suffisamment hétérogènes pour pouvoir être analysées par analogie -, laissant une satisfaisante liberté de parole et d’expression - avec pour conséquence une force avérée dans les propos, tout en laissant supposer une certaine responsabilité individuelle de l’interviewé et que les réponses ne puissent pas (ou suffisamment peu) être dues à l’orientation - même inconsciente - du chercheur (Barbillon & Le Roy, 2012). Et cet outil qui regroupe toutes ces caractéristiques est l’entretien semi-directif. Car, se trouvant entre l’entretien dirigé et le non-dirigé, celui-ci n’est pas complètement libre et pas non plus totalement dirigé. Toutefois, l’interview semi-dirigé n’est pas exempt de tout désavantage : une quantité d’éléments pouvant être facilement très grande et une nature de ces éléments qui peuvent être aussi sensiblement disparates. Pour toutes les raisons précitées, l’entretien semi-directif devra alors être maîtrisé par un canevas d’entretien (Barbillon & Le Roy, 2012). Le canevas109 permettra de garder la même ligne directrice lors de tous les interviews, d’uniformiser les questions, les relances (afin qu’elles restent, dans la plus grande mesure possible, neutres ainsi qu’ordrées). Cette forme d’entretien, avec un canevas guidant le processus de discussion, aura encore l’avantage de pouvoir être testée avant le début

« réel » des interviews. Le but étant alors ici de comprendre et de prendre conscience si le canevas n’est pas trop focalisé - et ne laisse donc pas assez de liberté et d’ouverture dans les questions -, si le tableau de spécifications se corrèle bien aux questions ou si le déroulement général de l’entretien est bon. Car comme l’a écrit Paillé (2005), l’avantage du canevas est qu’il peut et même qu’il doit être modifié au fil de la recherche. Car si l’on ne peut pas modifier les situations de collecte des données, spécifier son canevas (qui « oriente les réponses des interviewés », p. 215) est nécessaire afin de suivre les perspectives de sa recherche et de s’adapter aux changements que l’on peut observer, anticiper ou prévoir.

109 Annexe n° 1 et 2.

Et pour reprendre l’idée du tableau de spécifications, il permettra de lier les questions et les relances de mon canevas aux différents aspects de mes questions de recherche. Ainsi que de pouvoir vérifier, dans un deuxième temps, les liens concrets entre les parties de l’entretiens et mes buts de recherche et d’en faciliter l’analyse (Baribeau & Royer, 2012). Blanchet et Gotman (2007), le « premier travail de traduction des hypothèses de recherche en indicateurs concrets et de reformulation des questions de recherche (pour soi) en question d’enquête (pour les interviewés) » est primordial (p. 58). Autrement dit et selon Barbillon et Le Roy (2012), il est nécessaire, lors de la construction du canevas d’entretien, de transformer l’ensemble des problématiques de la recherche en questions et relances qui conduiront alors à la construction et au bon déroulement de l’entretien. Élément premier et, on l’a vu, très important de la partie empirique qui suivra, mon canevas d’entretien a été construit en parallèle (et non pas avant ou après) le tableau de spécification (il y est d’ailleurs accolé tout du long). La continuité du travail de construction fût alors la gestion des relances, le reste de l’organisation générale (ordre, répétition des relances et de possibilités de réponse) ainsi que l’introduction et la conclusion de l’entretien.

La volonté de mener un entretien exploratoire (Grinschpoun, 2012), fût de se rendre compte d’un maximum de points y afférent et d’y apporter quelques réponses en modifiant certaines choses. Ce sera la dernière étape du travail de mise en place de ce canevas, même si celui-ci a encore pu être modifié par la suite, selon les ressentis et réflexions que j’ai pu avoir au fil des huit entretiens. Je l’ai mené avec ma mère, enseignante spécialisée (et donc dans le domaine de compétence discuté). Cette expérimentation m’a permis de contrôler mon tableau de spécifications (liens corrects avec mes questions et relances), d’examiner la justesse de tel ou tel critère, de modifier l’ordre de certaines questions, d’ajouter ou d’enlever certaines relances ou d’affiner la gestion des parties plus informelles (demande d’information biographiques par exemple). Ma mère a pu également me donner son ressenti, sur le déroulement de l’interview, sur les questions posées et sur les liens théoriques qu’elles impliquaient (dans le cadre théorique général de la discussion ou plus précisément vis-à-vis des interviewés). Par exemple, j’ai pu me rendre compte que la question générale sur la connaissance de l’une ou l’autre des approches s’intégrait mal, juste après les questions sur la régulation des situations comportementales. En effet, elle s’insérait bien mieux à la fin, après les diverses questions plus précises sur ces deux approches (« l’introduction d’un nouveau discours »). Elle permettait alors également de

« (faire) poursuivre le discours », de faire ressortir le ressenti des personnes interviewées (« faire se positionner sur [leur] discours »). Ma prise de conscience de cette progression

« thématique-expressif-réflexif (sur les sentiments et sur le contenu) » (selon Blanchet, 1985,

cité par Mottier Lopez, 2016) m’a permis d’ajuster en conséquence mes canevas afin d’essayer d’aller le plus possible dans le réflexif lors des entretiens et de chercher des positionnements sur les sentiments encore plus que sur le contenu.

Participants

Dans le but de trouver des réponses concrètes et précises à ma problématique de recherche, l’étape suivante est de définir le bassin des futurs participants à ma recherche. Les conditions qui spécifieront les contours de mon bassin de population assureront une bonne cohérence dans la collecte des données. Selon Blanchet et Gotman (2007), « définir la population, c’est sélectionner les catégories de personnes que l’on veut interroger, et à quel titre ; déterminer les acteurs dont on estime qu’ils sont en position de produire des réponses aux questions que l’on se pose. Souvent, la définition de la population est incluse dans la définition même de l’objet » (pp.

46-47). Toujours selon ces auteurs, il est également important de pouvoir s’imposer des limites quant au bassin à approcher et à potentiellement interroger.

Au départ, dans le cas qui m’occupe, les participants que je cible sont les enseignants spécialisés. Cependant, au fil de mes recherches, j’ai pris conscience que pouvoir rencontrer uniquement des enseignants spécialisés et surtout formés comme tels (en d’autres termes, avec un diplôme reconnu d’enseignant spécialisé) serait difficile. Cela car le diplôme d’enseignant spécialisé genevois est récent (il est mis en place depuis 6 ans) et que les formations diffèrent beaucoup d’un canton à un autre : par exemple, un Master en Enseignement Spécialisé, en Pédagogie Spécialisé à l’Université de Fribourg ; un Master en Enseignement Spécialisé et une Maîtrise en Education Précoce Spécialisé à l’Université de Lausanne. A partir de ces constatations, il m’est apparu que cerner une population cible formée uniquement d’enseignants serait compliqué. Dès lors, je me suis tourné vers la possibilité d’interviewer également, si besoin, des psychologues ou/et des éducateurs. Pour ces mêmes raisons, j’ai renoncé à introduire un critère de durée ou d’expérience dans le domaine de l’enseignement spécialisé.

Les autres critères seront le fait de travailler dans un-e établissement/centre/école spécialisé-e et donc de s’occuper dans ces endroits-là, d’enfants à besoins éducatifs particuliers (BEP), et ce, comme mentionné plus haut, sans s’arrêter clairement ou exclusivement au diplôme du participant. Dans le cadre de ce travail de recherche, la fonction « enseignante » est prépondérante par rapport à la formation de ces personnes.

Afin d’établir les premiers rapports, je suis parti de mes contacts tirés de mes expériences et connaissances personnelles. En effet, grâce à mes diverses expériences de remplacement - dans

divers lieux et structures - ainsi qu’à des connaissances familiales ou amicales dans ce domaine, je pouvais déjà compter sur certains contacts avant d’en chercher d’autres sur la base de mon cadre théorique, de ma problématique et de mes questions de recherche. J’ai contacté ces futurs potentiels participants par e-mail ou par téléphone en passant par leur hiérarchie, afin d’expliciter clairement les objectifs de cette recherche, sa problématique, ses modalités, ainsi que de pouvoir répondre aux éventuelles questions et d’échanger de manière informelle autour de cette thématique. Après l’accord de la hiérarchie, j’ai pu commencer à contacter directement (et toujours par e-mail ou téléphone) les professionnels choisis et concernés. Cette première partie relationnelle m’a permis de cerner le bassin de personnes à disposition et donc d’affiner mes choix, toujours en rapport avec ma problématique et ma méthodologie. De plus, les exigences de l’Institut Universitaire de Formation des Enseignants (IUFE), confirmées par mes codirecteur-trice de travail de Master étaient d’une huitaine d’entretiens.

Numéro de

l’entretien Fonction professionnelle Diplôme

1 Enseignante spécialisée

Brevet en enseignement ordinaire (Genève), diplôme en

enseignement spécialisé (en deux ans, Vaud) et autres

formations (notamment TEACCH)

2 Enseignante spécialisée

Bachelor en éducation spécialisée et Master d’enseignement spécialiée

(Université de Fribourg, pédagogie curative)

3 Enseignante spécialisée

Conseillère en économie sociale et familiale (Bachelor, France) équivalent à éducatrice

sociale en Suisse

4 Enseignante spécialisée

Licence économique, technicienne en ABA,

instructor PCM110

5 Enseignant spécialisé

Bachelor en Sciences Economiques, Master en éducation spécialisée (USA)

6 Enseignante spécialisée Master en éducation spécialisée (USA)

7 Enseignante spécialisée

PGC111 en enseignement primaire (Ecosse) et diplôme

en « inclusion » pour les special needs

8 Educateur spécialisé, responsable pédagogique

Educateur social et formations pédagogiques « TEACCH », s/

comportementalisme, s/ les aspects sensoriels

Tableau n°3 : Liste de correspondance

Il me reste à préciser encore que je me baserai, surtout lors de l’analyse de mes données, sur les numéros des entretiens afin de citer leur provenance. Toute citation fera donc référence aux numéros résumés dans ce tableau et permettra une mise en perspective ainsi qu’une correspondance aussi facile et pertinente que possible. Toutefois, si je l’estime nécessaire dans certains cas précis de mon analyse, une mise en lien de ma part pourra être directement faite.