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Chapitre II La démarche : analyser les

53 J Pluvinage (1995) montre comment les exploitants algériens régulent leur système de production par rapport aux conditions climatiques ainsi qu’ils anticipent sur les cours du prix des grains et des fourrages, en

1.3. L’échantillonnage : recherche d’une diversité de cas plutôt que l’exhaustivité.

J’ai choisi un échantillon d’étude restreint afin de pouvoir réaliser une analyse précise du fonctionnement de l’exploitation, en accordant une place importante aux logiques de production des acteurs concernés. Pour cela, je n’ai pas recherché l’exhaustivité, mais une diversité de cas suffisante pour mettre en évidence ce qui, dans les systèmes d’élevage, relève du contexte local ou de spécificités du type d’élevage étudié, dans l’objectif de répondre à la question de recherche posée au départ à savoir le rôle de l’élevage dans la mise en œuvre des projets familiaux. J’ai donc privilégié la répétition et la durée des visites – entre une demi-journée et une journée par exploitation avec une répétition mensuelle dans la mesure du possible- en limitant l’échantillon à 14 exploitations, réparties dans cinq localités de la zone d’étude (117 000 ha). A la suite d’un désaccord au printemps 2003 ainsi que d’une qualité passable des données recueillies, une exploitation a été retirée lors de la phase d’analyse.

Figure 4 : Localités de l'échantillon

Sened Ettoual Dkhilet Toujane

El Kosba

1.3.1. Caractéristiques des localités retenues dans l’échantillon.

La localité 1, Henchir El Majel, se situe au sud de la Jeffara dans l’imadat de Ksar Jedid, à la rencontre de plusieurs terres tribales : T’mara à l’Est, Hererza au nord, Twazin au sud, H’waya à l’ouest. La zone est caractérisée par des plantations d’oliviers nombreuses et récentes, qui datent des années 80, et la présence d’un centre d’habitation important à proximité, comprenant des infrastructures de base ; un hôpital et un collège, qui marquent une pression d’installation forte de la population. Celle-ci, d’origine H’waya et Twazin pour l’essentiel, avance généralement la proximité de l’école comme raison de son installation en plaine. Dans la localité 1, la migration des hommes vers l’Europe est répandue ; les revenus de l’émigration ont par ailleurs permis la construction de la mosquée et de l’école du village.

Localité des éleveurs 1,4 et 5.

Les localités 2 et 2 bis correspondent à deux imadats, l’une se situant en montagne (imadat de Toujane) et l’autre en secteur de piémont et de plaine au nord de la Jeffara (imadat de Dkhilet Toujane). L’ancien village, situé en amont, était un lieu de sédentarisation ancien ayant connu une augmentation de la population jusque dans les années 60. Par la suite, la majorité des habitants (6500 personnes) s’est installée en piémont et en plaine, sur des secteurs traditionnellement réservés à la céréaliculture et au pâturage des animaux. A l’époque, la plaine se répartissait par tribus et lignages, organisation qui se retrouve aujourd’hui dans l’organisation des quartiers du bourg. Dkhilet Toujane a été officiellement créé en 1968-69 à la suite de la construction d’une mosquée est dans une dynamique d’accroissement ; un hôpital était en construction en 2003. Les villageois restés en montagne sont ceux qui n’ont pas eu les moyens financiers de construire une habitation en plaine. Il y a peu d’infrastructures à Toujane : une école primaire, un service médical ambulant qui assure ses visites hebdomadaires de façon irrégulière, pas de réseau d’eau potable….

Localité des éleveurs 2,6 et 10 à Toujane et 9 et 12 à Dkhilet Toujane.

La localité 3, Sened Ettoual est située en zone de piémont au nord de la Jeffara dans

l’imadat de O’metameur. Toutes les familles sont d’origine Hererza, tribu nomade installée

dans la région avant l’arrivée de la confrérie Ouerghemma. La localité est pratiquement déserte aujourd’hui (7 élèves à l’école primaire). Les familles ont principalement émigré vers Médenine. Selon les anciens qui restent au village pour garder un bon kif (bien-être), l’émigration de leurs enfants vers Médenine s’inscrit dans un continuum des mouvements de la tribu au cours des siècles. Cependant, l’attache au territoire, depuis une époque récente est plus marquée et reste assez facile à gérer par les jeunes émigrés, du fait de la proximité de la ville (mois de 10 km de route nationale goudronnée).

Localité des éleveurs 7, 8 et 11.

La localité 4, l’imadat d’El Kosba, se situe en plaine côtière au nord est de la Jeffara ; elle concentre une grande partie - avec l’oasis de mareth - de la population noire qui vivent dans des conditions généralement précaires. Les habitants possèdent le plus souvent une petite parcelle (2-3 ha) de plantations arboricoles à proximité de l’habitation, ainsi que des droits d’accès à des communs - les dhahara non salées et la sebkha salée - encore nombreux de par la faiblesse du potentiel agricole en bordure de mer. Sur ces espaces officiellement domaniaux, l’exploitation par la population est régie par les règles tribales. Bien qu’il y ait des puits publics permettant la culture irriguée, la localité 4 est touchée par le chômage des jeunes.

1.3.2. Les critères de choix de l’échantillon reposent sur des hypothèses formulées à priori.

La bibliographie relative à l’élevage dans le sud tunisien témoigne certes d’un phénomène de diminution de la transhumance, d’intensification des pratiques en terme d’alimentation du bétail et de diminution de la taille des troupeaux, mais relate également de la permanence de grands troupeaux transhumants, où le pâturage reste une des premières sources d’alimentation. La taille des troupeaux de l’échantillon initial (6 exploitations dans les localités de Dkhilet Toujane et Sened Ettoual) était restreinte (un maximum de 50 têtes de bétail) ; les troupeaux de plusieurs centaines de têtes étaient donc absents de l’échantillon. De plus, le paysage dans lequel se situaient les exploitation, la zone de piémont, était marqué par de nombreuses parcelles d’olivier.

J’ai donc recherché plus de diversité, en me rendant sur des secteurs moins « plantés », c’est à dire dans la zone de « sebkha » (végétation salée), en montagne et dans la partie sud de la zone d’étude. Là, j’ai sélectionné deux ou trois systèmes d’exploitation par localité choisie en réalisant des entretiens rapides selon les critères de choix que j’avais fixés a priori.

Localisation du troupeau :

L’hypothèse était que la taille des troupeaux est d’autant plus petite que le territoire sur lequel il se trouve est composé d’une mosaïque de parcelles arboricoles et de steppes, entraînant une conduite d’autant plus intensive. Je souhaitais savoir s’il existait des portions de territoire privilégiées pour l’élevage de gros troupeaux.

Le statut des terres exploitées :

La question qui justifiait ce critère de choix était la suivante : existe-il une utilisation ou pression de pâturage différenciée des terres selon qu’elles sont collectives ou privées ? Il s’agissait là de se positionner par rapport au paradigme de G. Hardin (1968) ; reprenant les hypothèses malthusiennes de croissance exponentielle de la population, il prit l’exemple d’un pâturage « common » - en libre accès - et fit le postulat que : « Each man is locked into a system that compels him to increase his herd without limit – in a world that is limited »57. Selon lui, le statut commun d’un bien conduit inévitablement à une dégradation des ressources planétaires par surexploitation maximale des acteurs qui aspirent uniquement à leur profit à court terme. L’alternative proposée correspondant à la privatisation des biens pour conscientiser la population. Un courant de pensée opposé, conduit en particulier par E. Ostrom (1999, 2000), se base sur des études empiriques pour montrer l’existence de formes de gestions locale des communs – qu’elle nomme Common Pool Resource pour caractériser un système de ressources au regard des droits de propriété des usagers -. La gestion est basée sur des règles d’usages définies et pouvant être modifiée par les bénéficiaires qui sont tous en connaissance des règles adoptées.

Ce critère avait été choisi dans le but de mettre en évidence la présence ou non, d’une différence de pression sur les ressources pastorales par rapport au caractère « commun »58 ou privé des terres considérées.

57 « Chacun est enfermé dans un système qui le contraint à accroître son cheptel sans limite – dans un monde

limité ». Hardin, G. The tragedy of the commons. Science, 1968, 162. Version Internet p 3/11.

58 terme signifiant « utilisable par plusieurs familles » que nous avons préféré à celui de collectif qui sous-

Mobilité des troupeaux :

Nous définissons ici la mobilité comme une transhumance où le troupeau parcourt une distance suffisante pour que bergers et troupeaux passent la nuit en un lieu différent du campement précédent. Je voulais vérifier l’hypothèse que la transhumance permet de gérer les incertitudes climatiques en valorisant mieux les ressources naturelles.

Une sous-hypothèse découlant de celle-ci portait sur les modalités de mobilité ; par rapport à un discours traitant de la disparition du métier de berger d’une part et l’émergence de formes mécanisées de mobilités d’autre part, je souhaitais mieux connaître les pratiques traditionnelles et modernes de transhumance (lieux, dates, associations d’éleveurs…). Je pensais qu’il existait des pratiques innovantes de transhumance. La totalité des systèmes d’élevage du sud tunisien étaient très mobiles avant l’indépendance du pays (les déplacements pouvaient s’effectuer jusque dans le nord du pays en année très sèche). Aujourd’hui, la transhumance se pratique encore dans certains cas, même si l’on assiste à une diminution généralisée de la mobilité des troupeaux.

Part de l’aliment distribué par rapport au pâturé :

Dans l’objectif d’évaluer la pression de pâturage des troupeaux sur les secteurs de parcours, l’hypothèse formulée était que tout ce qui est distribué à l’animal n’est pas pâturé, en supposant que les besoins nutritifs soient couverts. Ce critère a été choisi afin de connaître la part de pâturage et d’aliments distribués dans la ration alimentaire des troupeaux. Il renseigne également sur les objectifs de production souhaités et les moyens que se donne la famille pour les atteindre.

Activité productive principale :

Je souhaitais vérifier l’hypothèse selon laquelle l’activité d’élevage n’a pas toujours une fonction économique et qu’elle possède un rôle « tampon » dans les projets familiaux en situation climatique incertaine. L’enquête principale réalisée en 2001 - année sèche - révèle que la majorité des ménages avaient des revenus venant principalement d’activités extra- agricoles (plus de 75% des ruraux déclaraient une profession extra agricole, source : Sghaier

et al., 2003) cette année-là. Pourtant, beaucoup de familles possèdent des petits ruminants ;

66% des personnes interrogées dans l’Enquête Principale se déclarent éleveurs.

Le critère « d’activité productive principale » indiquait la part de l’activité d’élevage dans la formation du revenu des systèmes d’exploitation familiale. Il a été assez difficile à évaluer lors de l’enquête semi-directive menée pour choisir les cas de l’échantillon, mais a néanmoins servi, dans le cadre de l’élargissement de l’échantillon, à identifier des exploitations agricoles dont l’unique source de revenus provenait de l’élevage et d’autres dont le revenu était formé par une diversité d’activités au sein et hors de l’exploitation.

Tableau 4 : Caractéristiques des élevages retenus

Eleveur Activité principale Statut des terres exploitées

Complémentation actuelle

Mobilité du troupeau Localisation troupeau

1 Elevage Privé, « non privé », collectif Faible Grande : entre le Dhahar, sud de la Jeffara et Henchir El Majel Oued Fessé

2 Elevage « non privé », collectif Aucune Moyenne : pâturage autour de Toujane Toujane

3 Agriculture/Elevage « non privé », privé Moyenne Moyenne : entre sebkha et terres privées Sebkha M’jessar

4 Agriculture/Elevage Privé, « non privé »,

collectif Forte

Grande : entre le Dhahar, sud de la Jeffara et

Henchir El Majel Henchir El Majel

5 Elevage/Extra agricole Privé, « non privé », collectif Forte Moyenne : pâturage à Henchir El Majel et Ksar Jedid Henchir El Majel

6 Extra agricole Non privé Forte Moyenne : pâturage autour de Toujane Toujane

7 Agriculture/Elevage « non privé », privé Moyenne Faible : rotation sur terres autour de Sened

Ettoual Sened Ettoual

8 Elevage Collectif, privé Moyenne Grande : dans sud Jeffara et rotation sur terres de Sened Ettoual Sened Ettoual

9 Elevage « non privé », privé Faible Grande : pâturage à Dkhilet Toujane et transh.

Dans Dhahar et dans sud (400 km) Dkhilet Toujane

10 Elevage/Extra agricole « non privé », privé Faible Moyenne : pâturage à Toujane, transh dans

Dhahar au printemps Toujane

11 Elevage/Extra agricole « non privé », privé Forte Faible : rotation sur terres de Sened Ettoual Sened Ettoual

12 Elevage « non privé », privé Faible Faible : pâturage à Dkhilet Toujane Dkhilet Toujane

13 Elevage « non privé » Aucune Faible : rotation dans sebkha Sebkha Zeuss

14 Agriculture/Elevage Privé, « non privé »,

collectif Moyenne

Moyenne : pâturage a Dkhilet Toujane et