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JEUNES IMMIGRANTS : L’AGENCE COMME VOIE D’INTÉGRATION AU MARCHÉ DU TRAVAIL QUÉBÉCOIS

rôle de l’agence dans l’accès au marché du travail

5. JEUNES IMMIGRANTS : L’AGENCE COMME VOIE D’INTÉGRATION AU MARCHÉ DU TRAVAIL QUÉBÉCOIS

Les jeunes immigrants sont également des habitués des agences de location de personnel. À leur arrivée au pays, ils cumulent souvent de l’expérience de travail en agence acquise à l’international. Quand ce n’est pas le cas, c’est sur le conseil d’amis, eux aussi d’origine étrangère, qu’ils approchent les agences afin de trouver de l’emploi. Réputées pour leur ouverture aux immigrants, elles facilitent leur intégration au marché du travail québécois. Des quarante répondants à l’étude, le quart appartient à ce groupe.

5.1 Caractéristiques du groupe

Leur parcours scolaire s’apparente à celui des étudiants et diplômés universitaires (groupes 1 et 2). Il se caractérise par un passage direct de l’enseignement secondaire à l’enseignement postsecondaire, accompagné parfois d’une interruption de courte durée ou d’un changement de programme d’études. Il se distingue toutefois par l’origine des diplômes obtenus, le niveau d’études atteint et la mise à niveau effectuée à leur arrivée au pays.

Principalement d’origine africaine, parfois française, ces jeunes ont ici un statut d’étudiant étranger ou d’immigrant réfugié. Les premiers viennent au Québec pour étudier. Ils ont obtenu la majorité de

62 leurs diplômes dans leur pays d’origine ou à l’international et poursuivent ici des études de deuxième et troisième cycles universitaires. Leur niveau de scolarité est plus élevé que celui des jeunes québécois qui poursuivaient ou avaient complété, au moment de l’entrevue, des études de premier cycle. Les deuxièmes quittent leur pays d’origine où sévissent guerre civile, conflit armé ou violation massive des droits de la personne afin de trouver refuge au Québec. À leur arrivée, ils n’ont en leur possession aucune attestation de fréquentation scolaire. Leurs aptitudes, notamment en français, en anglais et en mathématiques sont donc évaluées afin d’établir leur niveau de connaissances ensuite de quoi ces jeunes suivent un cheminement académique normal les menant vers l’obtention d’un grade universitaire.

Étudiant étranger ou immigrant réfugié, ils poursuivent leurs études à temps plein et occupent parallèlement des emplois leur permettant d’assumer les coûts de leur formation universitaire et de leur séjour en sol québécois. Si certains ont l’intention de retourner dans leur pays d’origine à la fin de leurs études, d’autres envisagent de demeurer au Québec. D’autres encore projettent de se lancer dans une carrière à l’international.

5.2 Expérience de travail en agence

Ces jeunes se tournent vers les agences, car ils savent qu’elles peuvent faciliter leur intégration en emploi. Peu familiers avec les réalités et les valeurs du marché du travail québécois, ils connaissent en revanche les agences de location de personnel. Souvent, ils n’en sont pas à leur première inscription. À leur arrivée, plusieurs d’entre eux cumulent de l’expérience en agence acquise à l’étranger. Ils n’hésitent donc pas à recourir à leurs services de même qu’à les recommander à leurs amis.

« J’arrivais dans un marché de l’emploi que je ne connaissais pas, forcément, donc passer par une agence c’était très pratique pour moi. En France, j’y ai eu recours qu’une seule fois parce qu’en général, tous mes postes je les ai trouvés en me déplaçant en fait, jamais à l’aide d’une agence […] Mais une fois arrivée ici, ces agences avaient l’air de proposer des choses intéressantes et qui correspondaient à mon profil. Donc, quand j’ai commencé à en avoir assez de chercher, je me suis inscrite à ces deux-là. » (F3U34)

« J’avais des amis à Sherbrooke qui n’avaient pas d’emploi. Je leur ai proposé de venir voir : « Il y a de l’emploi à Québec. » Et puis j’ai appelé l’agence, je leur ai demandé : « J’ai des amis qui voudraient travailler aussi. Si vous êtes toujours intéressés à recruter, ils sont disponibles. » Après, ils nous ont dit…en fait l’agence m’a dit : « Donne-leur notre numéro, ils n’ont qu’à appeler. » Et ils ont appelé. Ils ont eu leur rendez-vous, ils ont passé leur entretien, et ils travaillent maintenant. Deux d’entre eux travaillent avec moi à l’usine, et un autre est placé dans une autre entreprise, toujours par l’agence. » (F5U24)

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« C’est un ami. On parlait comme ça. C’est parce que moi, je jouais au soccer. J’étais au terrain de soccer puis la pratique étant terminée, il m’a demandé : « Est-ce que tu cherches un boulot ? » J’ai dit oui, bien sûr, tout le temps. Il m’a dit : « Tu devrais aller voir sur le site. » Je lui ai dit que j’étais allé sur le site du gouvernement du Québec, mais que ça ne marchait pas. Il m’a dit : « Tu devrais aller voir l’agence Y…tu vas à telle adresse, tu dis que tu viens de la part d’Untel et que tu cherches Mme Unetelle. » (H3U01)

Si les agences facilitent leur intégration à court terme, elles peuvent également la faciliter à long terme en levant un obstacle majeur à leur embauche, soit le manque d’expérience de travail québécoise. Les références peuvent prendre une place importante dans le processus de recrutement des entreprises et ont généralement un impact sur la recherche d’emploi. Sans référence québécoise, ces jeunes ont du mal à faire valoir leur candidature auprès d’employeurs potentiels.

« Q : Je vais passer à mon autre thématique, les raisons d’inscription dans l’agence. Tu l’as dit tout à l’heure. Dans le fond, la raison pour laquelle tu t’es inscrite dans une agence c’était parce que tu étais nouvelle sur le marché de l’emploi au Québec ? R : Oui, c’était juste pour faciliter…me permettre d’avoir la fameuse première expérience québécoise que les employeurs réclament. » (F3U34)

« Q : Est-ce que tu crois que le travail obtenu par l’entremise de l’agence va faciliter plus tard l’obtention d’un emploi qui correspondrait à tes attentes ?

R : Oui, ça va faciliter beaucoup. Maintenant, j’ai la référence québécoise. Le futur employeur que j’aurai, en rapport maintenant avec mes études, il faut qu’il se rassure que j’ai au moins été quelque part, que j’ai quand même un minimum de savoir-vivre. Et pour ça, il a besoin d’appeler quelqu’un au Canada, et ce quelqu’un sera l’agence Y. Et puis Y, parce que jusqu’à maintenant en tout cas, je me comporte d’une façon vraiment bien à l’usine, ne dira pas des choses qui ne sont pas bonnes sur moi. Certainement, elle va…elle va bien témoigner. Ça va rassurer le futur employeur. Et puis même le fait que j’acquiers de nouvelles expériences, surtout en matière de savoir-vivre, ça aussi sera bénéfique au futur employeur. Je trouve, en tout cas. Oui, si c’est à Québec le futur emploi, je leur dirai que je connais bien Québec maintenant parce que j’ai fait mon premier emploi à Québec avec l’agence Y. » (F5U24)

Il existe toutefois d’autres obstacles à leur embauche, comme le fait de ne pas posséder un diplôme du Québec. C’est pourquoi ces jeunes s’attendent à voir leurs perspectives d’emploi s’améliorer une fois leurs études complétées. En attendant, ils occupent des emplois d’agence leur permettant de financer leur séjour en sol québécois, et ce, sans nuire à leurs études. Interrogés à savoir s’ils croient que ceux-ci peuvent les aider plus tard à obtenir un emploi correspondant à leurs attentes, la réponse est non. Sans lien avec leur domaine d’études, ils doutent qu’ils puissent avoir un impact réel sur leur recherche d’emploi. Ils savent par contre que les agences peuvent les aider à décrocher

64 une première expérience professionnelle en lien avec leur formation. Ibra, un étudiant étranger sénégalais, compte d’ailleurs tenter sa chance auprès des agences à la fin de ses études.

5.3 Profil type (Ibra)

À la fin de ses études secondaires, Ibra intègre le lycée, soit l’équivalent sénégalais du cégep. Il y obtient son baccalauréat puis entreprend des études universitaires en économie. Quatre ans plus tard, licence en poche, il quitte le Sénégal pour la France. Il poursuit là-bas ses études en master et effectue un stage de six mois dans un organisme de coopération internationale. Ibra désire ensuite se lancer dans des études doctorales, mais la crise économique qui frappe alors le pays rend difficile l’obtention du financement nécessaire. C’est pourquoi il entame des démarches afin de venir étudier au Québec. Malheureusement, on lui refuse l’inscription au doctorat. Déçu, il se résigne à intégrer le programme de maîtrise. Au moment de le rencontrer, Ibra avait terminé ses cours et se concentrait sur la rédaction de son mémoire. Il projetait de participer à un séjour d’immersion linguistique dans l’Ouest canadien afin de perfectionner son anglais, en vue d’une carrière à l’international.

C’est en France qu’Ibra s’inscrit pour la première fois dans une agence d’intérim. Le contexte économique étant défavorable à l’emploi des jeunes, il procède lui-même à son inscription dans l’espoir que l’agence l’aide à trouver du travail. Par son entremise, il se voit confier des missions de manutention et économise suffisamment d’argent pour son projet d’études à l’étranger. À son arrivée au Québec, c’est pour faciliter son intégration au marché du travail qu’il approche une agence. S’il tente d’abord sa chance dans la banque d’emplois professionnels, il finit par inscrire sa candidature dans celle des emplois industriels. Il décroche ainsi d’autres missions en manutention lui permettant de payer ses frais de scolarité, mais aussi de concilier études et travail. À ses amis, il n’hésite pas à recommander l’agence de même que les services de Stéphanie, la responsable de son dossier. Mais Ibra ne croit pas que les emplois d’agence obtenus puissent l’aider plus tard à décrocher un poste qui correspond à ses aspirations professionnelles. Sans lien avec son domaine d’études, il ne compte pas les inscrire sur son CV. Il prévoit plutôt mettre en valeur sa formation, ses stages d’études ainsi que son implication dans la vie associative. À la fin de sa formation universitaire, il envisage toutefois de réinscrire sa candidature dans la banque d’emplois professionnels de l’agence. Il croit qu’avec son diplôme en main ainsi que sa résidence permanente, il aura plus de succès dans sa recherche d’emploi en sol québécois.

6. JEUNES DÉCROCHEURS : L’AGENCE COMME FORME DE PROTECTION CONTRE

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