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JEUNES « EXPLORATEURS » : L’AGENCE COMME MOYEN DE CONCILIER ÉTUDES, TRAVAIL ET PROJETS PERSONNELS

rôle de l’agence dans l’accès au marché du travail

4. JEUNES « EXPLORATEURS » : L’AGENCE COMME MOYEN DE CONCILIER ÉTUDES, TRAVAIL ET PROJETS PERSONNELS

Il ne fait aucun doute que la facilité et la rapidité avec laquelle il est possible de trouver du travail constituent des avantages de recourir aux services des agences. La flexibilité qui en découle permet à certains jeunes de concilier études, travail et projets personnels si bien qu’ils n’hésitent pas à postuler directement auprès des agences après une première expérience à leur emploi. C’est le cas pour cinq des quarante répondants à l’étude.

4.1 Caractéristiques du groupe

Leur parcours diffère grandement de celui des autres jeunes. Il se caractérise par l’alternance de périodes consacrées aux études, au travail et à la poursuite de projets personnels. C’est d’ailleurs ce qui leur vaut le surnom d’« explorateurs ». Plus que de simples allers-retours entre l’école et le marché du travail, ces périodes sont l’occasion pour ces jeunes d’explorer les différentes possibilités qui s’ouvrent à eux aussi bien sur le plan professionnel que personnel. Au fil de leurs découvertes, leurs plans évoluent ce qui explique les nombreux changements d’orientation dans leur parcours. Ils entreprennent des études dans un domaine puis les délaissent pour poursuivre un rêve de musique ou pour voyager. Aussitôt qu’un manque d’argent se fait sentir, ils se tournent vers le marché du travail où ils occupent des emplois divers, souvent peu qualifiés en raison de leur formation de niveau secondaire. Et au bout d’un certain temps, ils décident de reprendre les études dans un domaine nouveau dans l’espoir qu’il corresponde davantage à leurs champs d’intérêt et qu’il améliore leur situation professionnelle. Il arrive parfois que deux périodes (d’études et d’emploi, par exemple) s’entrecoupent, mais ainsi va sommairement leur parcours. Il se construit à travers ces allers-retours qui leur permettent non seulement d’apprivoiser le monde du travail, mais aussi de définir peu à peu leurs objectifs professionnels sans mettre de côté les projets qui leur tiennent réellement à cœur. Incidemment, ils vivent au jour le jour et arrivent difficilement à se projeter dans le

59 long terme. En effet, leurs plans changent constamment et ils ignorent ce que l’avenir leur réserve, mais ça n’angoisse pas ces jeunes pour qui l’important est de trouver la voie qui leur permettra ultimement de faire ce qu’ils aiment dans la vie.

4.2 Expérience de travail en agence

Comparativement aux jeunes des groupes précédents, les « explorateurs » cumulent davantage d’expérience de travail en agence. Leur première inscription relève peut-être du hasard, mais c’est de leur propre initiative qu’ils approchent ensuite les agences, car la flexibilité qu’elles offrent s’ajuste bien à leur mode de vie. Ils apprécient la rapidité avec laquelle ils peuvent trouver de l’emploi et tout particulièrement la formule de travail temporaire : les contrats peuvent durer quelques jours comme ils peuvent durer quelques mois. Pour ces jeunes, le travail en agence ouvre ainsi une multitude de possibilités et leur procure toute la liberté nécessaire afin d’aménager périodes d’activité rémunératrice et projets personnels. Les extraits suivants illustrent bien les avantages que leur apporte cette forme d’emploi :

« Q : Comment es-tu arrivée à t’inscrire dans une agence ?

R : J’ai vu un emploi affiché par une agence sur Kijiji. Dans le fond, je voulais un emploi le plus vite possible parce que je m’étais acheté une « mini van » et je partais à New York faire les sapins de Noël. J’avais besoin de sous maintenant et eux, ils cherchaient. Je savais que le nettoyage après sinistre ça ne prenait pas la « tête à Papineau », qu’on n’avait pas besoin d’un diplôme pour faire ça et que je rentrais dans les critères. J’ai appelé la dame et j’ai dit que moi, c’était juste pour trois semaines. Eux, ils avaient tellement besoin. Ça fait qu’elle a appelé la dame de l’entreprise et ils ont dit oui quand même. Dans le fond, c’est ça […] c’était un peu par hasard. Je cherchais un emploi et ça, ça convenait exactement avec ce que j’avais à offrir comme horaire, comme temps… Et je pouvais commencer tout de suite. » (F1C08)

« Q : Selon toi, quelles sont les raisons qui font en sorte que tu travailles dans une agence ?

R : Eh bien, c’est surtout parce que je voulais…comment dire… Un, je voulais essayer plusieurs choses. L’agence, c’était bien pour ça. Deux, parce que ça m’a permis de trouver une « job » rapidement. Même qu’après mon emploi chez X, je suis parti faire le tour de la Gaspésie avec du monde pendant deux semaines. À mon retour, j’avais besoin d’une « job ». Finalement, je n’ai eu qu’à envoyer un courriel à l’agence et de suite, j’avais une « job »… Ah et je ne voulais pas vraiment d’attachement non plus à une « job » parce que je savais que j’allais finir par quitter dans le fond. » (H1S18)

Les agences contribuent également à façonner leur parcours professionnel. En leur permettant d’occuper des emplois de toutes sortes, elles aident ces jeunes « explorateurs » à découvrir leurs

60 champs d’intérêt. Le travail en agence motive ainsi un répondant à entreprendre une formation en cuisine et un autre, à se lancer dans un cours de sonorisation et d’enregistrement musical.

Malgré qu’ils tirent un bilan positif de leur expérience, il est intéressant de noter que les agences demeurent pour ces jeunes une solution d’emploi à court terme. En effet, certains aspects de leur fonctionnement les dérange et les empêche d’envisager un recours à plus long terme. Ils dénoncent entre autres la cote que les agences se prennent sur leurs salaires et le fait que celles-ci soient peu présentes pour eux une fois placés en entreprise. Un des répondants s’est senti laissé à lui-même face à ses demandes en matière de santé et de sécurité du travail, et ce, aussi bien par l’agence que par l’entreprise cliente.

« En fait, on était pris comme dans un entre-deux. Quand on avait des demandes, on n’était pas vraiment épaulé d’un bord ou de l’autre. On était comme laissé à nous autres même. C’est ça que je trouvais plate un peu [...] À un moment donné, j’avais besoin de bottes. Les autres employés (ceux de l’entreprise cliente), leurs bottes étaient payées. Moi, j’ai dû les payer moi-même. Bref, en matière de santé-sécurité, elles se renvoyaient la balle pas mal. » (H3U22)

David, un autre répondant, estime qu’à long terme le travail d’agence peut même être dommageable sur un CV. Selon lui, il est perçu comme un signal négatif par les employeurs ; les salariés d’agences étant considérés comme des individus sans objectifs professionnels quelconques. Son parcours est typique de celui des jeunes « explorateurs ».

4.3 Profil type (David)

Après son secondaire, David s’inscrit au cégep dans une technique en informatique qu’il abandonne au bout d’une session. Ne sachant dans quelle direction s’orienter, il s’écoule presque un an avant que celui-ci retourne sur les bancs d’école et obtienne son diplôme d’études professionnelles en briquetage-maçonnerie, puis cinq ans avant que celui-ci tente des études préuniversitaires. Bien qu’il n’ait pas fréquenté d’établissement scolaire depuis 2009, il n’exclut pas un éventuel retour au cégep en tourisme d’aventure. David est un grand sportif et pense qu’il se plairait bien à organiser des circuits en vélo. Il croit surtout qu’un emploi dans ce domaine lui conviendrait parfaitement, car il implique une grande mobilité géographique et s’exerce selon des horaires non traditionnels.

Au fil des ans, David occupe une panoplie d’emplois dont plusieurs obtenus par l’entremise d’une agence de placement. C’est en consultant les offres en ligne sur le site d’Emploi-Québec qu’il postule par hasard auprès d’elle. S’il hésite d’abord à s’inscrire, il y trouve vite son compte et enchaine les contrats. L’agence lui permet non seulement de trouver du travail rapidement, mais également d’alterner périodes d’emploi et projets personnels sans problème. Au retour d’un voyage, il suffit pour lui d’envoyer un courriel à l’agence afin d’obtenir un nouveau contrat. Il souligne d’ailleurs son

61 caractère multinational qui lui permettrait de travailler à l’extérieur de la province s’il le désirait, lui ouvrant ainsi un monde de possibilités. Au final, ses nombreuses expériences de travail en agence lui ont permis de découvrir sa passion pour le service à la clientèle et de réaliser qu’il ne peut se trouver à l’emploi d’un même employeur trop longtemps.

« R : Eh bien, une chose que je vois c’est que…cet été, je prévois partir à Vancouver en vélo et arrivé à Vancouver, je sais que je peux appeler l’agence…

Q : Et travailler à l’agence là-bas.

R : Et travailler à l’agence là-bas. Je sais que si je veux trouver de quoi à Vancouver, bien ils vont probablement me trouver de quoi. Ça aide. Je pense qu’ils ont des contrats aussi aux États-Unis. Ça peut être une perspective qui est le « fun ». Sinon, c’est sûr qu’en travaillant pour l’entreprise X, je me suis vraiment rendu compte que je voulais m’en aller dans le service au client […] Je me dis aussi que plus jamais je ne travaillerais pour une même entreprise plus d’un an parce que je me tanne. » (H1S18)

Au moment de l’entrevue, David s’apprêtait à partir pour Vancouver en vélo. Il ignorait combien de temps le voyage allait lui prendre. Il savait par contre qu’il solliciterait de nouveau l’agence à son retour.

5. JEUNES IMMIGRANTS : L’AGENCE COMME VOIE D’INTÉGRATION AU MARCHÉ DU

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