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Impact prévisible du traité euro-­‐étasunien sur le secteur agricole 151

6   Des garanties et avantages illusoires 137

6.2   Des avantages socio-­‐économiques attendus dérisoires 143

6.2.4   Impact prévisible du traité euro-­‐étasunien sur le secteur agricole 151

À l'heure actuelle, six études se sont penchées à notre connaissance sur les effets du traité euro- étasunien sur l'agriculture 475.

En premier lieu, le parlement européen a commandé une étude d'impact spécifique pour le secteur agricole publiée en 2014 87. Elle montre que les importations europuniennes augmenteraient deux fois plus que n'augmenteraient ses exportations. Là encore, la seule suppression des droits de douane n'aurait que des effets minimes (mais nous verrons que les autres études d'impact sur le monde agricole sont d'un avis contraire). Le traité pourrait avoir des répercussions néfastes sur les secteurs des vaches allaitantes, de l'éthanol, des volailles et des céréales et plus positives sur les secteurs des produits laitiers et des produits transformés dont le vin et les spiritueux. Mais globalement, la valeur ajoutée agricole devrait diminuer de 0,5 % dans l'Union et augmenter de 0,4 % aux États-Unis.

Une étude française publiée en 2014 a évalué l'impact de l'élimination des seuls droits de douane62. Elle montre que ce serait une catastrophe pour les agriculteurs europuniens, avec une entrée massive de produits à bas coût de l’agrobusiness étasunien, et la disparition de la plupart des petites et moyennes productions de viande bovine et porcine (cf. § 3.1).

Une étude de 2015 du ministère étasunien de l'agriculture envisage trois scénarios possibles : le premier traite d'une élimination des droits de douane, le deuxième y ajoute une élimination partielle des barrières non tarifaires, c'est-à-dire des normes, et le troisième scénario ajoute à ce dernier scénario une réaction des consommateurs à l'élimination des normes faisant de la qualité et des questions sanitaires une priorité, se traduisant par une préférence pour les productions locales 55. On en touvera les principaux résultats Tableau 9.

scénario droits de douane droits de douane + normes

DD + normes + prorité production locale Md $ % ÉU % UE Md $ % ÉU % UE Md $ % ÉU % UE exportations des ÉU vers l'UE

= importations de l'UE des ÉU +5,5 +2,3 +0,6 +9,6 +5,0 +1,3 +5,9 +2,7 +0,9 importations des ÉU de l'UE

= exportations de l'UE vers les ÉU +0,8 +1,2 -0,2 +2,0 +2,2 -1,4 +1,1 +1,5 -1,0 autres exportations des ÉU -1,7 -2,9 -2,1

autres importations des ÉU +0,2 -0,5 -0,5 autres importations vers l'UE -4,3 -7,5 -6,4 autres exportations de l'UE +0,2 +0,7 +0,5 total exportations des ÉU +3,8 +6,7 +3,9 total importations des ÉU +1,0 +1,5 +0,6 total importations vers l'UE +1,2 +2,1 -0,5 total exportations de l'UE +1,0 +2,7 +1,6

Tableau 9 : Impacts du traité euro-étasunien sur les importations et exportations agricoles de l'Union européenne de ou vers les États-Unis (ÉU) et le reste du monde selon une étude du ministère étasunien de l'agriculture, en milliards de dollars des États-Unis et en % des importations ou exportations des États-Unis et de l'UE 44.

Dans le premier scénario, les importations et exportations agricoles de l'Union – de ou vers le reste du monde – devraient augmenter toutes deux d'environ un milliard de dollars. L'augmentation des importations serait la combinaison d'une très forte augmentation des importations en provenance des États-Unis – de plus de cinq milliards– et d'une très forte diminution des importations en provenance d'autres pays – de plus de quatre milliards. Pour les États-Unis, les importations devraient globalement augmenter aussi d'un milliard de dollars, mais leurs exportations augmenter trois fois plus que celles de l'Union. Ce scénario se traduirait par une augmentation des prix agricoles aux États-Unis et une chute des prix agricoles dans l'Union. Le deuxième scénario prévoit des impacts environ deux fois supérieurs, les États-Unis restant les grands bénéficiaires. Le troisième scénario est intermédiaire, mais ne modifie pas les grandes tendances. Tous les scénarios montrent donc un déséquilibre très important entre les bénéfices pour les États-Unis et ceux de l’Union européenne. Les productions qui seraient les plus impactées seraient en premier lieu le porc et les volailles, puis le bœuf.

La quatrième étude d'impact a été réalisée par l'association allemande des entreprises vertes (UnternehmensGrün) et publiée en 2016 85. Cette étude qualitative montre que les exploitations étasuniennes ont une position très supérieure aux exploitations europuniennes en raison de leur taille, mais également grâce à des normes de production et de protection des consommateurs bien plus faibles que les règles qui régissent l'UE comme nous l'avons vu aux § 3.1 et 4.6.1. Le marché agricole

aux États-Unis est principalement orienté vers la performance, les exportations et la production de masse, alors que le marché europunien est plus centré sur la consommation nationale. Selon cette étude, le traité euro-étasunien menace de modifier radicalement le fonctionnement des petites et moyennes exploitations, avec plus d'ingénierie génétique et de viande traitée aux hormones. Ce serait les secteurs des céréales, de la viande et du lait qui seraient les plus désavantagés.

En 2014, une étude du think tank conservateur Századvég pour le gouvernement hongrois arrivait aux mêmes conclusions générales : les accords de libre-échange se traduiront par une pression immense sur les agriculteurs. Les abattoirs hongrois qui produisent de la volaille et de la viande bovine et porcine, auront du mal à survivre, tout comme les cultivateurs de maïs et les producteurs de vin 425, 504.

La dernière étude provient de l'Interprofession bétail et viande (Interbev). Elle estime qu'environ 50 000 emplois équivalents temps plein de la filière viande bovine française sont condamnés sous le poids de la concurrence américaine, soit 27 % de l'emploi du secteur 331. Pour l'ensemble du secteur agro-alimentaire français, le Conseil économique, social et environnemental dans son avis du 22 mars 2016 souligne que seules de rares filières, parmi lesquelles le diester, l'huile d'olive, le cidre ou la production fromagère, pourraient tirer leur épingle du jeu si le traité euro-étasunien était conclu 116. Les études d'impact menées prédisent donc un avenir assez sombre pour les agriculteurs europuniens. Les Amis de la Terre Europe ont repris les différentes études d'impact et arrivent à la même conclusion. Pour leur porte-parole Nicolas Roux, « Les agriculteurs français et européens seront les grands perdants. Alors que beaucoup d’entre eux peinent déjà à survivre, la conclusion de ce traité les achèverait. La menace de voir l’agriculture européenne sacrifiée afin de signer le TAFTA à tout prix est réelle. » Et il ajoute : « Les plus grands gagnants du TAFTA seront les multinationales de l’agro- alimentaire ». En termes de gains pour l’agriculture europunienne, le rapport affirme qu’ils se limiteront à peu de secteurs, tels que le fromage. Les protections pour les consommateurs et l’environnement seraient également mises à rude épreuve 196.