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Des alternatives à la 'justice' privée existent 133

5   Une 'justice' privée 103

5.7   Des alternatives à la 'justice' privée existent 133

Le traité euro-canadien précise a qu’une multinationale ne peut s’adresser à un groupe d’arbitrage privé tel que défini dans le traité et en parallèle lancer une procédure devant « un tribunal ou une cour relevant du droit national ou international »… ce qui démontre que des alternatives existent ! D’autres solutions en faveur d’une protection de l’investisseur sont en effet possibles et d'autres systèmes de recours au-delà des frontières nationales existent aujourd'hui, dans le respect effectif des droits sociaux, environnementaux ou de protection du consommateur, et sans socialiser le risque de l'entrepreneur. Ils ne sont pas explorés dans les traités en négociation 120, 175 :

- La solution assurantielle, souscrite par l’investisseur : à une demande issue d’une économie de marché, il conviendrait de proposer des solutions du marché. La protection d’un risque, comme                                                                                                                

celui relevant d’un investissement à l’étranger, est une situation des plus classiques pour les polices des assurances commerciales.

- Des mécanismes d’assurance des opérations d’investissement international ont été créés au départ par les États pour leurs seuls investisseurs, comme par exemple la COFACE française,

créée en 1946. À ces mécanismes d’assurance nationaux s’est ajouté un mécanisme international de garantie des investissements. Le 11 octobre 1985 a été signée la convention de Séoul créant l’Agence multilatérale de garantie des investissements (Multilateral investments guarantee agency – MIGA). Intégrée comme le CIRDI au groupe de la Banque mondiale, elle assure les

investisseurs contre les risques non commerciaux et exclusivement ceux-ci.

- La solution de la Cour de justice de l’Union européenne qui a compétence pour les pays membres de l’UE.

- La solution selon le modèle de la Convention européenne des droits de l’Homme, garantissant des droits fondamentaux pour tous les acteurs sans discrimination, et offrant un recours, après épuisement des instances nationales, devant une juridiction internationale, dont les décisions s’imposent à tous les sujets, sans distinction de leur nationalité ou leur considération administrative comme « étranger » ou ressortissant national, personne physique ou morale. - Éventuellement des recours entre États, devant la Cour internationale de Justice.

Le droit international est en effet dit actuellement d'une part par les tribunaux arbitraux ou groupes d'arbitres privés que nous avons longuement analysés, d'autre part par des tribunaux publics :

- La Cour de justice de l’Union européenne, dont le siège est à Luxembourg, a pour mission d’interpréter uniformément le droit communautaire et de juger de sa validité.

- La Cour européenne des droits de l’homme (à Strasbourg) et la Cour interaméricaine des droits de l’homme (à San José au Costa Rica) sont chargées d’examiner les allégations de violation des conventions relatives aux droits de l’homme qui les ont créées.

- La Cour internationale de justice règle, conformément au droit international, les différends d’ordre juridique entre les États. Instituée par la Charte des Nations Unies signée en 1945, elle a entamé ses activités en 1946 au Palais de la Paix à La Haye aux Pays-Bas.

- Les tribunaux pénaux ad hoc établis par les Nations Unies – tels que le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) – ou en coopération avec celles-ci (tel que le Tribunal spécial pour la Sierra Leone), jugent des personnes accusées de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité dans des situations exceptionnelles et ponctuelles.

- La Cour pénale internationale (CPI), régie par le Statut de Rome, est la première cour pénale internationale permanente créée par traité pour contribuer à mettre fin à l'impunité des auteurs des crimes les plus graves qui touchent la communauté internationale : génocides, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. La CPI est une organisation internationale indépendante, qui n'appartient pas au système des Nations Unies. Elle siège à La Haye, aux Pays Bas.

Aucun de ces tribunaux publics ne peut juger d'un différend entre une personne morale de droit privé (entreprise), une personne physique (individu) et un État, hors crimes de guerre, crimes contre l’humanité et droits humains. Pourtant, les États ont ratifié nombre de traités internationaux dans le domaine du travail, de l'environnement ou de la consommation entre autres, qui sont intégrés généralement au système des Nations Unies, auxquels se rajoutent les traités de libre-échange. Seuls ces derniers ont des organes chargés de les faire respecter, ce sont les groupes d'arbitres privés ou tribunaux arbitraux. Les engagements des autres traités ne sont en rien contraignants. Il y a donc un déséquilibre flagrant du droit international.

Les conséquences néfastes pour les États et donc leurs citoyens des mécanismes de règlement des différends ont amené la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement

(CNUCED) à s'emparer de la question et à organiser, en octobre 2014, un Forum mondial de

l’investissement. Une chose encourageante qui est ressortie de ce Forum est l’accord sur la nécessité de réformer le régime international des investissements, l’ampleur et les modalités de la réforme ne faisant bien sûr pas consensus.

S'il était avéré que les juridictions nationales ne suffisaient pas à faire respecter les traités de libre- échange, une solution serait d'utiliser le règlement d’État à État devant la Cour internationale de justice (comme le fait l'OMC) ou de créer, soit sous l'égide de l'ONU comme la Cour internationale de justice, soit de manière autonome comme la Cour pénale internationale, un tribunal international chargé des questions d’investissements comme le propose l’Expert indépendant pour la promotion d’un ordre international démocratique et équitable, Alfred-Maurice de Zayas, suite au consensus de la CNUCED 195.

Une autre solution serait de créer une cour pénale faisant respecter l'ensemble du droit international. Les traités internationaux dans le domaine du travail ou de l'environnement étant généralement intégrés au système onusien, une cour sous l'égide des Nations Unies nous semble plus logique. Elle aurait à traiter de toutes les infractions aux différents traités internationaux, en prenant en compte les logiques différentes de chacun d'entre eux. Les obligations environnementales ou sociales des États comme des multinationales seraient prises en compte comme leurs obligations issues des traités de libre-échange. Cette cour n'interviendrait qu'après épuisement des recours devant les juridictions nationales et assurerait l'égalité des justiciables, quelle que soit leur nationalité ou leur statut.