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Qu’est ce qu’une image mentale? Comment la définir? Vers 1920, rapportent Ginsburg et Opper (1978), on croit que les images mentales sont des "bulles de sensations" suivant, notamment, la pensée de Wundt. Beverly-Colleene (1986) rapporte que Einstein, Aristote, Pythagore, KeKule, Poincarré, Léonard de Vinci travaillaient à partir de leurs images mentales et des sentiments et sensations qui accompagnent ces images. De Einstein elle dira que "l’interaction des images semble être le facteur essentiel de sa pensée productive"(1986, p.22).

Piaget parle d’images mentales dès l'apparition de la fonction sémiotique ou symbolique, c'est à dire vers deux ans. Il en explique ainsi le développement: les images mentales seraient le résultat d'une imitation intériorisée. Au cours de son développement pré­ opératoire, l'enfant reproduira les scènes déjà vues (jeux symboliques), il reproduira les sons du langage. Ces types d'images sont appelées reproductrices et sont presque exclusivement statiques. Elles sont décrites ainsi: "...elles se bornent à évoquer des spectacles déjà connus et perçus antérieurement..."(Piaget, 1975, p.56).

Avec l'apparition du niveau des opérations concrètes, les enfants parviennent à effectuer des mouvements et des transformations au niveau des images mentales. Piaget les appelle à ce moment images anticipatrices. Il affirme dès lors qu'elles sont plus fonctionnelles pour supporter les opérations. Il ajoute que "ce progrès ne résulte pas d'une modification interne et autonome des images, mais bien de l'intervention d'apports extérieurs qui sont dûs à la formation des opérations"(Piaget 1975, p.63). Les objets ou événements extérieurs feraient surgir un conflit cognitif permettant un déséquilibre puis une nouvelle équilibration. Les images mentales interviendraient comme instrument permettant une adaptation.

Pour Beverly -Colleene,

en tant qu’humains nous sommes essentiellement des êtres producteurs d'images dont la capacité de découvrir, de comprendre et de créer de nouvelles significations et de les communiquer dépend largement de la capacité de créer les sensations et sentiments qui les accompagnent (1986,p.22).

Pour elle l'imagerie en éducation se partage en quatre catégories: -1 la détente et la concentration,

- 3 l’approfondissement de la dimension affective et de la conscience de soi,

- 4 le développement transpersonnel.

Elle nous dit de la détente et de la concentration qu’elles "...préparent l’intelligence à apprendre, à réduire le stress..." (1984, p.24). La deuxième catégorie permet à l’image de servir d'instrument dans l’élaboration de stratégies. Elle pourrait donc être utile, entre autre, à la construction de la compréhension d'un concept mathématique.

L’approfondissement de la dimension affective et de la conscience de soi favorise chez les enfants le recours à des images affectives pour acquérir des habiletés d’introspection, de compréhension de soi..., de résolutions pacifiques de conflits, d'auto-déteimination. (1986, p.24)

Le développement transpersonnel, précise Beverly-Colleene, touche davantage l'aspect spirituel et ne sera pas considéré ici.

L'approche, tel que décrite par cette auteure, prend en considération le développement global de l’enfant.C'est cet aspect qui a attiré mon attention: en effet, les mathématiques sont perçues comme rationnelles, logiques, mais cela ne signifie en rien la mise à l'écart de facteurs affectifs; il s'agit d'un apprentissage impliquant la confiance en soi, l'estime de soi. La construction de la compréhension d’un concept mathématique demande des tâtonnements, des erreurs donnant naissance à des intuitions puis à des hypothèses à vérifier. Pour mes élèves, l'eiTeur et le tâtonnement sont vécus comme un échec et bloquent l'expérimentation au lieu de la stimuler.

Concrètement, dans cette recherche, je retiens la définition du concept d'image mentale comme étant l'imitation d'un modèle déjà vu, comme le décrit Piaget. L’habileté de l'enfant à utiliser ses images mentales sera visibles par les rappels et les transformations qu'il pourra exercer sur elles. Je dois ajouter que la connaissance intuitive d’un concept peut s'appuyer sur le souvenir diffus d’un modèle déjà vu. Je tenterai, par des questionnements de faire resurgir ce souvenir, de le faire évoluer en interrogeant l'enfant sur les mouvements ou les transformations possibles.

Pour observer les images mentales des enfants, Piaget se servait du dessin, d'indications gestuelles ou de commentaires verbaux. Il faut admettre que toute observation de cet instrument intérieur ne pourra qu’être indirecte.

Dans cette recherche, je noterai les commentaires verbaux à partir de questions posées sur les expérimentations de l'enfant. Par exemple, à un enfant référé pour un problème de compréhension de la numération je pourrais demander: que t'imagines-tu lorsque je te dis 6? Comment est disposé ce que tu vois? Ton copain a imaginé ce nombre avec cette disposition. Es-tu d'accord avec ce qu'il a imaginé? Pourquoi? Si tu imaginais 12, que verrais-tu? Comment est-ce disposé? Peux-tu le reconnaître d'un seul coup d’oeil? As-tu fait des regroupements? Comment sont-ils faits? Ton copain ou un garçon que j'ai rencontré avant toi avait disposé 12 ainsi: a-t-il raison? Ainsi de suite, jusqu'à faire émerger la nécessité d'une règle nous permettant de nous comprendre sans avoir besoin d'expliquer notre façon de faire à chaque fois. A l'occasion, les dessins des enfants pourront compléter mes observations. J'ajoute que ce type de questionnement pourra s'échelonner sur plusieurs séances. De plus, pour certains enfants, il pourra s'avérer indispensable de refaire des manipulations avec du matériel (jetons, enveloppes...), en particulier dans les cas où les enfants ne se souviennent pas d'avoir travaillé ce concept. Depuis un an, une utilisation informelle de cette approche, m'a permis de constater la difficulté pour certains enfants de se représenter, en imagination, une transformation fut-elle aussi simple que 5+1 ou 5-1. L’habileté semble par contre se développer avec l'entraînement

Il est à noter que la suite de questions que je pose à l'enfant n'est pas toujours prévisible. En effet, tel que décrit dans les principes généraux de Ginsburg, la stratégie adoptée est centrée sur l’enfant. L’objectif poursuivi sera toutefois clairement établi et donnera une direction à mes questions. Une visualisation pourra aussi être directement tiré du livre de Beverly-Colleene (1986) "Visualisation, apprentissage et conscience. Ce choix se fera à partir du problème présenté par l'enfant.

L'imitation, la connaissance intuitive font partie de ma définition de l'imagerie mentale. Réduire le fossé entre l'intuition et la connaissance serait peut-être possible en utilisant cette stratégie. Ainsi, c'est là mon espoir, je favoriserais chez les enfants en difficulté l’appropriation d'une façon d'appréhender le monde et de résoudre des problèmes.