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Étude de trois approches pouvant favoriser l'atteinte de la compréhension abstraite logico-mathématique de la numération chez des élèves de troisième année

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ETUDE DE TROIS APPROCHES POUVANT FAVORISER L'ATTEINTE DE LA COMPREHENSION ABSTRAITE LOGICO-MATHEMATIOUE DE LA NUMERATION CHEZ DES ELEVES DE TROISIEME ANNEE

LUCIE DEBLOIS

Mémoire présenté pour l’obtention

du grade de maître ès arts (M.A.)

ECOLE DES GRADUES UNIVERSITE LAVAL

JUILLET 1990

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La réalisation de cette recherche a été rendue possible grâce à la participation de plusieurs personnes. Mes remerciements particuliers vont au professeur Jean Dionne pour sa participation comme directeur de ma recherche et à Madame Marie-Renée Gagnon pour sa collaboration lors de l’expérimentation avec ses élèves.

A l'issue de cette recherche j'ai le sentiment d'avoir satisfait certaines interrogations provenants des problèmes rencontrés par les enfants avec lesquel(le)s je travaille. Je possède une foi renouvelée en leurs capacités et une habileté qui favorise l'actualisation de ces dernières.

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La présente recherche porte sur l’étude de trois approches pouvant favoriser

l'atteinte d'une compréhension logico-mathématique de la numération positionnelle chez

trois élèves de troisième année du primaire. Elle vise plus spécifiquement à répondre à la

question suivante: puis-je favoriser l'atteinte d'une compréhension abstraite logico-

mathématique du concept de numération positionnelle à travers des approches comme le

jeu, l'imagerie mentale, la programmation neuro-linguistique et si oui, comment? A cette

fin, j'ai conçu un cadre conceptuel issu de la pensée constructiviste. Au plan

méthodologique, j’ai opté pour l'analyse de trois études de cas à partir de l'expérimentation

du jeu, de l'imagerie mentale, de la programmation neuro-linguistique. Je rapporte mes

observations et mes analyses quant à l’apport de chacune dans la construction du concept

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AVANT-PROPOS RESUME INTRODUCTION...1 CHAPITRE 1...3 LA PROBLEMATIQUE... 3 1.1 Interrogations initiales... 3 1.2.1 Abstraction et compréhension...6 1.3 Cadre théorique... 7

1.3.1 Choix du cadre théorique... 7

1.3.2 Description du cadre théorique... 8

1.3.2.1 Le cadre constructiviste... 8

1.3.2.2 Esquisse de la théorie piagétienne du développement de l’intelligence...8

1.3.2.3 La transition entre deux niveaux... 10

1.3.3 Description du modèle de compréhension constructiviste... 11

1.3.4 Le passage vers une abstraction logico-mathématique... 14

1.3.4.1 La réponse des piagétiens... 15

1.3.4.2 Les limites de mon action orthopédagogique...16

1.3.4.3 Possibilités de transition...17

1.3.4.4 Les approches choisies... 18

CHAPITRE H LES APPROCHES...20

2.1 Le jeu... 20

2.1.1 Point de vue constructiviste... 20

2.1.2 Différentes définitions du jeu... 21

2.1.3 Définition du jeu pour les besoins de la recherche...22

2.1.4 Choix du jeu... 23

2.2. Les images mentales...24

2.3 La programmation neuro-linguistique... 27

2.3.1 L'ancrage... 28

2.3.3 La stratégie de Walt Disney...29

2.3.4 Le recadrage... 30 2.3.5 La métaphore...30 2.4 Le rôle de l’intervenant...32 CHAPITRE III... 34 LA METHODE... 34 3.1 Le type de recherche... 34 3.2 Clientèle... 35 3.3 Déroulement de l’expérimentation... 36

3.4 Comment ont été vécues chacune de ces approches...36

3.4.1 Le jeu...36

3.4.2 L’imagerie mentale...38

3.4.3 La programmation neuro-linguistique...38

3.5 Type de données recueillies... 38

3.6 Protocoles des mini-entrevues... 38

3.6.1 Abstraction logico-mathématique... 39

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3.7 Plan sommaire d'analyse...44

Tableau 1...46

Compréhension de la numération décimale positionnelle... 46

CHAPITRE IV... 47

ETUDE DE CAS SUR LE JEU... 47

4.1 Evaluation préliminaire de K. (8-02-1989)...47

4.2 Analyse de K. première séance...49

4.2.1 Conclusion de l'analyse de la première séance... 51

4.3 Analyse de K. deuxième séance...51

4.3.1 Conclusion de l'analyse de la deuxième séance... 54

4.4 Analyse de K. troisième séance...54

4.4.1 Conclusion de l'analyse de la troisième séance... 56

4.5 Analyse de K. quatrième séance... 57

4.5.1 Conclusion de la quatrième séance... 59

4.6 Evaluation finale de K... 60

4.7 Conclusion...61

CHAPITRE V...65

ETUDE DE CAS SUR L'IMAGERIE MENTALE...65

5.1 Evaluation préliminaire de M. (7-02-1989)... 65

5.2 Analyse de M. première séance... 67

5.2.1 Conclusion de la première séance... 71

5.3 Analyse de M. deuxième séance... 72

5.3.1 Conclusion de la deuxième séance... 76

5.4 Analyse de M. troisième séance... 77

5.4.1 Conclusion de la troisième séance...81

5.5 Analyse de M. quatrième séance... 82

5.5.1 Conclusion de la quatrième séance... 87

5.6 Evaluation finale de M. (21-03-1989)...88

5.7 Conclusion du cas de M... 89

CHAPITRE VI...92

ETUDE DE CAS SUR LA PROGRAMMATION NEURO-LINGUISTIQUE... 92

6.1 Evaluation préliminaire de J.(13-02-1989)... 92

6.2 Analyse de J. première séance... 93

6.2.1 Conclusion de la première séance...95

6.3 Analyse de J. deuxième séance... 96

6.3.1 Conclusion de la deuxième séance... 99

6.4 Analyse de J. troisième séance... 100

6.4.1 Conclusion de la troisième séance... 103

6.6 Analyse de J. quatrième séance...104

6.5.1 Conclusion de la quatrième séance... 107

6.6 Evaluation finale de J. (29-03-1989)... 108

6.7 Conclusion du cas de J... 109

CONCLUSION GENERALE... 113

C.l Problématique... 113

C.2 La méthode...115

C.3 Réponses à la question de recherche... 116

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Retour critique... 120Implications pédagogiques...121 Questions de recherche...123

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Le travail de l'orthopédagogue que je suis est un travail différent de celui de l’enseignant(e) dans une école. Cette distinction provoque chez moi des questionnements quant aux types d’intervention et aux approches à utiliser auprès des enfants que je rencontre. Ce sont ces interrogations qui ont provoqué des prises de conscience quant au type d'enseignement privilégié, entre autre en mathématique, dispensé dans les écoles où j'ai travaillé.

J'ai remarqué que l’on favorisait souvent le développement de savoir-faire en considérant que ces derniers amèneraient une évolution de la pensée des enfants. "C'est en forgeant que l'on devient forgeron". C’est d’ailleurs ainsi que plusieurs d’entre nous ont appris. Des évaluations faites en groupe permettent aux intervenantes de connaître ce que les enfants ont retenu de ces savoirs-faire. En fait, la majorité des jeunes ont atteint un niveau acceptable d'habileté. Ceux qui échouent à ce type d'évaluation me sont référés et sont identifiés comme étant en "difficulté d'apprentissage".

Lorsque je rencontre ces enfants, je dois souvent refaire une évaluation. Il me manque des informations quant à la nature de leurs difficultés et ce, malgré la description détaillée des objectifs atteints ou non donnée par le professeur. Il me manque le "comment font-ils"? Quelques expériences avec un nouvel outil d'évaluation mis au point par Nicole Nantais, la mini-entrevue, m'a permis de compléter les observations des enseignant(e)s. L’utilisation de ce type d'évaluation m’a familiarisée avec le "comment" les enfants ont compris, ce qui est en fait le processus de pensée des enfants.

Cette étape franchie, mes préoccupations ont été de refaire, avec les enfants, le même type de travail que les enseignant(e)s dans la classe. Hélas, j'ai dû me rendre à l'évidence. Je n'obtenais pas de meilleurs résultats qu'eux. Je n’ai donc eu qu'un pas à franchir pour me demander: puis-je substituer le travail fait au niveau des connaissances de savoir-faire, par une intervention au niveau du développement de la pensée des enfants? En mettant en place des structures de pensée, favoriserait-on une utilisation fonctionnelle de savoirs-faire, celles- là devant servir de fondement au développement et à l'utilisation raisonnée de ceux-ci? Est-il possible de susciter une "accélération" du développement de la pensée de l'enfant? Quelles approches dois-je alors utiliser?

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Les pages qui suivent rapportent la problématique de cette recherche. J'y ai inclus mes observations et interrogations initiales, différentes définitions de l'abstraction, le cadre théorique dans lequel je me situe et enfin une discussion portant sur le passage vers une abstraction logico-mathématique. Par la suite, au chapitre deux,trois approches sont décrites. Il s'agit du jeu, de l'imagerie mentale et de la programmation neuro-linguistique. Ces dernières serviront à l'expérimentation.

Le chapitre trois est celui de la méthode. J’y exposerai le type de recherche menée, la clientèle visée, le concept à l'étude, le type de donnée recueillies, le plan qui servira à l'analyse.

Cette analyse sera présentée dans les trois chapitres qui suivent, chacun se voyant consacré à l'une ou l'autre des trois approches, objet de cette étude. Un chapitre de conclusion viendra clore ce travail, chapitre dans lequel je rappellerai les questions auxquelles je veux répondre et les éléments de réponses que mes analyses auront fournies afin de

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LA PROBLEMATIQUE

1.1 Interrogations initiales

J'ai commencé à m’interroger sur l'apprentissage des mathématiques chez les enfants, lorsqu'après plusieurs manipulations et démonstrations, un de mes élèves ne parvenait pas toujours à réutiliser les procédures pertinentes à la résolution d'un problème. Deux hypothèses me sont venues à l’esprit: ou bien il ne peut pas transférer (généraliser) à d'autres problèmes du même type une procédure expérimentée ou alors, il oublie immédiatement ce qu’il vient de faire. Peu de temps pourtant séparait la manipulation et son utilisation dans un autre contexte. J'ai d'abord cherché à explorer la seconde hypothèse puisque pour qu'un transfert ou une généralisation soit possible, l'élève doit se souvenir de ce qu’il a réussi dans un premier temps.

J'ai donc cherché à rendre signifiantes les situations proposées en utilisant un matériel familier qui lui permettait de réinvestir ses expériences quotidiennes. Nous avons mis en place une épicerie à l'aide de fruits et de boîtes de conserves miniatures et nous avons décidé d'étiqueter les aliments puis de jouer au marchand. L'enfant ne parvenait plus à distinguer le moins cher de deux produits (reconnaître le plus petit nombre); l'addition des prix était laborieuse (addition de nombres naturels comportant au plus des dizaines). Il ne s’y "reconnaissait" pas. Il ne parvenait pas à réutiliser des procédures étudiées en classe dans une situation de la vie courante. Par exemple, la procédure de l'addition était utilisée efficacement dans la classe. Mais cette situation de résolution de problèmes que je croyais familière pour lui, semblait augmenter la difficulté au lieu de lui faciliter la tâche. Le problème semblait se situer à la fois au niveau de la mémorisation et du transfert ou de la généralisation de ses connaissances (école-maison).

A partir de ce moment, plusieurs questions me sont venues à l’esprit. Pourquoi cet enfant ne se souvient-il pas de manipulations qu'il a pourtant lui-même effectuées? Pourquoi ses expériences ne permettent-elles pas à sa pensée de fixer des souvenirs qu'il pourrait réinvestir? Pourquoi faut-il multiplier explications et manipulations semblables pour arriver à

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manifestait aucun problème de motivation.

J'ai alors observé d'autres enfants avec qui j’ai à travailler en mathématique. Pour tous, la répétition d'exercices aussi semblables que possible paraissait la voie les menant à une meilleure utilisation de procédure, de savoir-faire. Mais où en étaient-ils avec le concept? L’utilisation correcte d'une technique n'est pas nécessairement la manifestation de la compréhension profonde du concept sous-jacent. Pourrait-on voir là l'explication du phénomène de procédures utilisées en classe qui ne pouvaient être appliquées à une situation de la vie courante? Explication aussi du phénomène inverse, l'impossibilité de reconnaître une situation déjà familière dans le contexte des leçons de mathématiques. Pourquoi la connaissance d’une procédure ne menait-elle pas facilement au concept?

Ce qui est appelé couramment le passage du concret à l'abstrait dans nos milieux scolaires semble se faire de façon laborieuse pour les enfants que je rencontre. La question centrale qui ressort de mes expériences pourrait être la suivante: quelles approches favorisent l’abstraction d'un concept mathématique? Cette question se trouve au centre de mes préoccupations quotidiennes. En effet, les enfants me sont référés pour un "problème” en mathématique. Ils ont déjà étudié et manipulé les concepts mais ne peuvent les réinvestir dans d'autres situations scolaires ou ils les utilisent en modifiant les règles de la procédure.

Cette question demeure vague et appelle quelques précisions importantes pour constituer une véritable question de recherche. Précisions théoriques d'abord: qu'est-ce que l'abstraction? qu'appelle-t-on passage à l'abstrait? transfert de connaissances ou de procédures? généralisation? Si on s'arrête par exemple aux stades de Piaget, peut-on r élément penser intervenir pour accélérer ou faciliter la transition du pré-opératoire vers l’opératoire concret? Précisions plus pratiques: compte tenu des réponses théoriques, quelles sont les stratégies qui s’offrent à nous? quelles sont celles qui paraissent à la portée des enfants?

Ce sont ces divers éléments théoriques puis pratiques qui retiendront mon attention dans les pages qui suivent et qui me permettront d'arriver à des hypothèses plausibles. Dans un premier temps, je m’attacherai à la définition de l'abstraction.

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.1.2 Vers une définition de l’abstraction

Au début de cette recherche, me basant sur mes expériences pédagogiques et sur des discussions avec des collègues, je définis personnellement l'abstraction comme suit: l'abstraction est la capacité de réutiliser dans un contexte différent, (donc transférer) un apprentissage ou une stratégie acquise par des manipulations concrètes, sans nécessairement devoir effectuer ces manipulations sur une réalité physique. Cette définition correspond à l'idée la plus généralement admise dans le milieu scolaire. J'ai senti le besoin de vérifier cette définition afin de pouvoir inscrire ma recherche dans un cadre théorique plausible. J'ai consulté divers auteurs.

Plusieurs se sont penchés sur cette question de l'abstraction. Le Petit Larousse (1989) définit l'action d'abstraire, en général, comme "une opération de l'esprit, qui isole d'une notion un élément en négligeant les autres”. Pour le Ministère de l’Education du Québec (1981) l'abstraction mathématique "consiste à dégager les caractéristiques essentielles par comparaisons et par contrastes” (p.4). Parlant plus spécifiquement de l'abstraction du nombre, Louis Legrand (1968) dit qu'elle est "la possibilité de découper dans l’univers perçu des éléments semblables entre lesquels pourra s'établir la correspondance un à un et les mises en relations" (p.96). Il ajoute que l'abstraction est: "le saut dans la réversibilité qui dépend exclusivement de la maturité psychologique”(p.l02).

Issu de la pensée behaviorale, Bandura, cité par Malcuit Granger et Laroque (1972), définit l'abstraction, en général, comme "la capacité à faire émerger des indices pertinents à travers ses comportements de façon à faciliter leur identification et leur codage mnémonique" (p.149).

Selon Piaget, père de la pensée constructiviste,

la nature particulière de la mathématique fait intervenir deux sortes d’abstraction..., l'abstraction empirique(portant sur les propriétés physiques) et l'abstraction réfléchissante (portant sur leur action et leur coordination). (Piaget, 1973, p.81-82).

Par exemple, l'enfant qui peut dire combien d'objets il a comptés fait une expérience portant sur des propriétés physiques et ne manifeste iri qu'une abstraction empirique. Par contre, s’il sait que le nombre d'objets ne diffère pas quant à l'ordre ou à la disposition, il démontre alors une abstraction réfléchissante puisqu'il coordonne différentes actions (dispersion de l’ensemble mais sans prélèvement ni ajout).

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Si l’on considère les différentes actions que suggèrent ces définitions, indépendamment des options psycho-pédagogiques qui les sous-tendent, je retrouve les termes: mémoriser, découper, coordonner, isoler, dégager. Pour que l'enfant réussisse ces actions, il doit se souvenir intuitivement ou formellement (mémoriser) de ce qu'il a observé ou manipulé et établir des rapports (coordonner, isoler, dégager). Le regroupement des différentes définitions se rapproche étrangement du deuxième type d'abstraction que Piaget déclarait essentielles à la compréhension des mathématiques, "l'abstraction réfléchissante". Ce qui ne doit surprendre puisque, en dehors des définitions très générales (Larousse, MEQ) les définitions qui précèdent émergent de travaux de psychologues et d'épistémologues. Cependant, toutes essentielles qu'elles soient, elles s'avèrent peu fonctionnelles pour qui est plongé dans une pratique quotidienne auprès des enfants. D'où la nécessité de descriptions plus facile à actualiser au niveau didactique.

1.2.1 Abstraction et compréhension

Bergeron et Herscovics ont justement élaboré un modèle décrivant la compréhension de concepts, modèle qui se veut aussi près que possible des besoins des enseignant(e)s. C'est le modèle constructiviste que je décrirai dans la section portant sur le cadre théorique. Mais dès maintenant, je peux retenir que l'un des niveaux de compréhension qu'ils y décrivent est l'abstraction: celle-ci "se manifeste soit par la généralisation, soit par la conservation qui reflète l'invariance de l'objet mathématique ou encore par la réversibilité des transformations"

(Bergeron et Herscovics, 1982, p.12).

Ma définition initiale de l'abstraction était issue de la psychologie. Mais, dans le cadre de ce travail, l'abstraction sera plutôt décrite ou définie en fonction des critères que Bergeron et Herscovics retiennent dans leur modèle de compréhension. Il s'agit entre autre de l’INVARIANCE de l’objet mathématique, manifestée dans la conservation et la généralisation et de la REVERSIBILITE des transformations. Je retiens donc une définition mathématique de l’abstraction puisqu'elle me semble plus cohérente par rapport à mon problème. Mon interrogation touche essentiellement la façon dont les connaissances et la compréhension s'élaborent dans un contexte scolaire. Il est important de choisir une définition qui réponde à mes préoccupations et qui se situe dans un cadre théorique qui me permet de mieux comprendre le développement de la pensée de l'enfant. Je décrirai maintenant ce cadre théorique en prenant comme point de départ mes expériences d'intervention auprès des enfants.

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13 Cadre théorique

1.3.1 Choix du cadre théorique

Au cours de mes dix années d'expérience comme orthopédagogue, j’ai eu l’occasion d’observer plusieurs problèmes rencontrés en mathématique par mes élèves. Ils oublient des procédures, ils confondent les règles de différentes procédures, ils sont souvent incapables de transférer une notion qui semblait pourtant acquise. Les répétitions, les renforcements amènent temporairement à une meilleure utilisation des procédures. "Mais ces connaissances, comme ce qui relève avant tout de la mémoire, demeurent volatiles...d’où le phénomène de l’oubli..." (Dionne, 1988, p.40).

Puisque l'entrainement au sens behavioriste ne semble pas toujours mener vers la construction d'un concept, quelles options puis-je explorer? L’expérience m’enseigne que pour qu'un apprentissage laisse une trace qui permette un développement de la pensée, il doit être plus que des répétitions portant sur des éléments qui viennent simplement se juxtaposer les uns aux autres. Raymond Hutin (1977) confirme cette réflexion. "L’intelligence se construit dans la mesure où l’expérience nouvelle ne vient pas simplement s’ajouter à l'acquis antérieur mais provoque une réorganisation, une restructuration de l’acquis en une totalité cohérente"(p.3).

Ces observations m'amènent à privilégier une intervention pédagogique basée sur l'action des enfants plutôt que sur des actions qui seraient miennes et par lesquelles je pourrais espérer faire comprendre puis apprendre un concept. Pour traduire ceci autrement, l'objet de connaissance n'est pas quelque chose qui se transmet de l'enseignant(e) à l’élève mais plutôt quelque chose que l'apprenant(e) doit construire pour lui (elle)-même en interagissant avec l'objet. Ce type d'intervention sera plus insécurisant puisque je ne peux tout prévoir. Je dois avoir l’esprit très présent afin de proposer des situations qui suscitent la poursuite d'une réflexion sans l'enfermer dans un mécanisme. Je commence toutefois à développer certaines habiletés puisque depuis deux ans je travaille avec ce type d’intervention. Je présenterai donc maintenant les grandes lignes du cadre constructiviste dans lequel je choisis de me placer.

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1.3.2 Description du cadre théorique

1.3.2.1 Le cadre constructiviste

Je crois profondément au pouvoir de l'enfant dans l’appropriation de ses connaissances. Le constructivisme jette un regard à l'intérieur de l’apprentissage. En effet, il cherche à connaître la façon dont l’apprenant appréhende l’information, l'objet, le monde. Cette compréhension se fait dans une interaction entre le sujet qui apprend et l’objet de connaissance. Par ailleurs, le constructivisme situe l'apprenant dans sa globalité humaine, affective, expérientielle. H cherche à expliquer les erreurs non plus en terme de manques mais d'étapes. La manipulation devient la vérifications des hypothèses posées au préalable. L'enfant devient un chercheur(e). Il (elle) prend conscience de ses erreurs en vivant des conflits entre ce qu’il pouvait penser et ce qu'il observe. "C'est le sujet qui, dans un acte interne, bâtit ses propres connaissances, cela ne signifie pas qu'il le fasse à l'écart de tout objet, de tout environnement (Dionne, 1988, p.100). C'est d'ailleurs ce que Revuz disait en 1980 lorsqu’il affirmait que, pour l'élève qui apprend comme pour le mathématicien qui les invente, les mathémathiques sont "à faire."

Le constructivisme prend sa source dans les travaux de Piaget et de ses collaborateurs de l'Ecole de Genève. C'est donc aux modèles qu'ils ont élaborés que je m'arrêterai d'abord.

1.3.2.2 Esquisse de la théorie piagétienne du développement de l'intelligence

Piaget a élaboré une théorie de la construction de la connaissance. C'est à l'intérieur de cette théorie qu'il a décrit le processus d'équilibration nécessaire à l'acquisition d'une nouvelle connaissance. Une nouvelle connaissance est issue à la fois de l'assimilation, par le sujet, des informations de l'environnement à ses schèmes antérieurs, et de l’accomodation, de ce sujet et de ses expériences antérieures, à la situation actuelle. "... au maximum d'équilibre correspondra donc, non pas un état de repos mais un maximum d’activités du sujet..." (Piaget, 1964, p.l 15). Cette recherche d’équilibre est présente pour chacun des niveaux du développement de l’intelligence que j’aborderai maintenant

Le modèle piagétien propose quatre niveaux dans le développement de l'intelligence de l'enfant, de la naissance à l’adolescence: les niveaux sensori-moteur, pré-opératoire, opératoire concret et opératoire formel. Ils ne peuvent être escamotés mais leur durée varie selon chaque individu et le milieu dans lequel il vit. Compte tenu du fait que cette recherche

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se situe dans le contexte scolaire du primaire, je décrirai uniquement les niveaux pré­ opératoire et opératoire concret du modèle de Piaget, niveaux qui correspondent à ce

contexte.

Le niveau pré-opératoire débute vers deux ans pour se terminer vers sept ans. Ce niveau est aussi parfois dit niveau de la fonction sémiotique ou de la fonction symbolique. C'est en effet à ce niveau que l’on observe le développement de l’imitation, du jeu symbolique, du dessin, des images mentales, de la mémoire et du langage. L’enfant peut imiter différentes situations en l’absence du modèle. Il sera très influencé par ses perceptions visuelles et ne pourra s’en détacher lorsqu'il exprime ses opinions. C’est ici qu’il est possible d’observer la croyance selon laquelle, entre deux rangées d’objets, il y a plus d’objets lorsque la rangée est plus longue indépendamment du nombre d’objets. Je peux donc imaginer les limites imposées aux apprentissages de concepts mathémathiques.

Le niveau opératoire ou niveau des opérations concrètes débute vers sept ans pour se terminer vers douze ans. On assiste au déroulement d'un grand processus d’ensemble que l'on peut caractériser comme un passage de la centration subjective en tous les domaines à une décentration à la fois cognitive, sociale et morale. (Piaget, 1975. p.101).

C'est à ce niveau des opérations concrètes que nous voyons apparaître une première décentration. A cette étape de son développement, l'enfant devient capable de réversibilité dans les opérations et de conservation d'un objet mathématique. Il pourra par exemple, reconnaître l'équivalence de deux rangées de jetons disposées différemment. De même il pourra reconnaître la soustraction comme l'inverse de l'addition. C'est à ce niveau qu'apparaît l'abstraction logico-mathématique (abstraction réfléchissante) telle que décrite par Piaget.

Ces comportements de décentration et de réversibilité sont utiles dès la première année à l'école. Plusieurs de mes élèves n'auraient vraisemblablement pas atteint ce niveau de maturité. Ils ne peuvent donc comprendre ce qui est démontré, poser des hypothèses, les vérifier, prendre conscience des conflits. Ils n'ont pas acquis la décentration nécessaire à l'observation d'un problème en tenant compte de plus d'une perspective. Ce retard crée des lenteurs qui deviennent souvent des difficultés et ce pour plusieurs raisons, parmi lesquelles on retrouve la peur de l'échec, le désintéressement face à un sujet qui ne le préoccupe pas. Quoi qu'il en soit, ces enfants me sont référés en général à partir de la deuxième année du

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1.3.2.3 La transition entre deux niveaux

Comment s’effectue le passage du pré-opératoire à l’opératoire concret? Qu'est-ce qui le provoque ou le suscite? Ginsburg et Opper (1978) rapportent les derniers travaux de Piaget à ce sujet et citent quatre facteurs sous-tendant cette transition:

- la maturation influencé par l'hérédité et par le développement du système nerveux central,

- les expériences physiques sensitives et logico-mathématiques, les notions transmises socialement,

- une équilibration amenée par l’intégration des trois facteurs précédents. Ce quatrième facteur sera explicité un peu plus loin.

Cependant, Ginsburg et Opper (1978) ajoutent que "pour apprécier la connaissance donnée par les autres individus, l’enfant doit posséder des structures cognitives qui lui permettent de les assimiler" (p.211 traduction libre). Les structures cognitives jouent donc un rôle fondamental dans la perception du monde par l'enfant et dans la coordination de ses perceptions. Ce sont elles qui lui permettent de s’approprier des connaissances, de les mémoriser. "La mémoire est influencée par le développe ment des opérations intellectuelles et pas seulement par les événements réels" confirment Ginsburg et Opper (1978, p.173 traduction libre).

Malgré l'intérêt de cette théorie et les connaissances qu'elle nous apporte, elle demeure une théorie globale de la "croissance mentale". Très vaste mais peut-être pas suffisamment précise par rapport à la pratique scolaire. Dans le milieu scolaire, je ne peux plus parler uniquement de cette croissance spontanée des connaissances. Je ne parle plus seulement de la façon qu'a l'enfant "d'apprendre" le monde qui s'offre à lui. Car qui dit classe parle d'enseignement c'est-à-dire d'intervention: au delà d'un modèle général expliquant comment se développe l'intelligence, j'ai aussi besoin d'un modèle plus particulier où il est tenu compte de la discipline abordée, des concepts en jeu et qui me permet de régler ces interventions, ce bien sûr, dans le respect des principes constructivistes énoncés plus haut et de la théorie globale qui demeure ma théorie de base. Le modèle de Piaget me sert donc de base pour comprendre le développement de l'enfant. Mais le modèle de compréhension

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menant vers des apprentissages scolaires.

1.3.3 Description du modèle de compréhension constructiviste

Dans les prochaines lignes, je décrirai rapidement le modèle élaboré en 1982 par Bergeron et Herscovics puisque c’est avec ce dernier que j’ai commencé mes recherches. Même si ce modèle n'en est pas un d’intervention pédagogique, il permet une analyse des concepts dans laquelle je peux situer la pensée de l’enfant. Il donne, de ce fait, une direction à mes interventions.

Ce modèle comporte quatre niveaux: intuitif, procédural, abstrait et formel. Le développement de la compréhension de chaque notion vue au primaire passe par ces niveaux.

Le niveau de la compréhension intuitive se caractérise par les "pré-requis” nécessaires à l'élaboration d’un langage commun permettant la communication. Par exemple, la compréhension intuitive de petits nombres se manifeste par la capacité de distinguer entre peu et beaucoup, entre plus et moins. Quant à la compréhension intuitive de l'addition, elle se manifeste par l'utilisation efficace des termes ajouter, réunir. Notons que la compréhension abstraite d'une notion comme l'addition servira possiblement de compréhension intuitive dans l'élaboration de la compréhension d'une notion plus complexe telle la multiplication.

La compréhension procédurale pour sa part "se manifeste par l'acquisition d'une procédure qui, en coordonnant les connaissances intuitives et certains pré-requis, forme une première construction d'une notion"(Dionne, 1988, p.74). L’enfant répétera ici certaines procédures efficaces. Le concept n'a pas encore d'identité propre, il existe à travers ces procédures. Par exemple, si l'on pense à la compréhension procédurale du nombre, on constate que celui-ci est encore lié à l'action, même si l'enfant connaît la comptine des nombres et peut compter à partir de 1 ou d'un nombre donné et à rebours. Au chapitre de l’addition l'enfant réunit ou ajoute physiquement ou mentalement des objets et les compte à partir du nombre 1 ou encore à partir de l'un des termes de l'addition.

Quant au niveau de compréhension abstraite, il se manifeste par la construction d'invariants. Parmi ces invariants nous retrouvons la conservation, la réversibilité des transformations. Ainsi à ce niveau de compréhension, le nombre a maintenant une existence

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comme telle. La conservation et la réversibilité amènent, entre autre, l’invariance du nombre par rapport à l’ordre, à la disposition des objets. La compréhension abstraite de l’addition se manifeste, par la réversibilité soustractive (1+3=4, 4-3=1) et fractionnelle (1+3=4, 4=3+1) de l’addition, par la conservation (équivalence des sommes par compensation, par rapport au total, par coordination de la composition et de la décomposition). La généralisation permettra le transfert et la coordination entre les situations vécues à différents endroits et à différents moments. Ce niveau de compréhension abstraite ne signifie pas que tout doit être fait en l'absence de matériel. Nous voyons donc des indices de l'atteinte du niveau de compréhension abstraite lorsqu’il y a manifestation d’opérations mentales qui dépassent les manipulations physiques.

Enfin, la formalisation se traduit par la capacité de recourir à une forme symbolique qui s'accompagne de manifestations de compréhension abstraite. Ce pourra être par le dessin, les chiffres ou des signes. Notons que, dans nos écoles, l'utilisation de symboles précède souvent un autre niveau de compréhension. L'utilisation de symboles est en général présente dès le niveau procédural. Ceci ne signifie pas que les enfants ont acquis le niveau de compréhension formelle.

A la suite d'une recherche menée depuis 1982, Bergeron et Herscovics ont passablement remanié leur modèle constructiviste, transformé en un nouveau modèle dit modèle constructiviste élargi et qui décrit avec plus de détails les étapes du développement de la compréhension d'un concept chez l'enfant. Ce dernier modèle issu de leurs travaux présente cette construction de la compréhension en deux paliers: le palier logico-physique et le palier logico-mathématique. Le premier palier traite de la compréhension du concept physique préliminaire et comprend trois niveaux: celui de la compréhension intuitive, celui de la compréhension procédurale logico-physique et enfin celui de la compréhension abstraite Inainn-phvsique. Hescovics et Bergeron (1988) les définissent ainsi:

la compréhension intuitive réfère à une perception globale d'une notion ,elle est le résultat d'un type de pensée basée essentiellement sur la perception visuelle, elle provient d'approximations rudimentaires non-numériques;

la compréhension procédurale logico-physique réfère à l'acquisition de procédures logico- physiques auxquelles l'apprenant relie ses connaissances intuitives et les utilise de façon appropriée;

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ou à la généralisation, (p.4, traduction libre).

Le second palier traite de la compréhension du concept mathématique émergeant et comprend des composantes et non des niveaux comme au premier palier. Ces composantes, au nombre de trois, sont la compréhension procédurale logico-mathématique, l'abstraction logico-mathématique et la formalisation. Les auteurs les décrivent ainsi:

la compréhension procédurale réfère à l'acquisition de procédures logico-

mathématiques explicites sous-jacentes à la compréhension des conceptsphysiques préliminaires;

la compréhension abstraite logico-mathématique réfère à la construction d’invariants logico-mathématiques et logico-physiques, ou à la réversibilité et à la composition de transformations et d'opérations logico-mathématique, ou à la généralisation;

la compréhension formelle réfère à l'interprétationusuelle d’axiomatisation et de preuves formelles mais elle inclut aussi la définition formelle d’unenotion mathématique et l'utilisation de symboles mathématiques pour des notions auxquelles une compréhension procédurale ou abstraite existe déjà.(Hercovics et Bergeron, 1988, p.7, traduction libre)

C'est ce dernier modèle qui servira de base à mon travail. J’ajouterai que ce modèle permet d'observer une non-linéarité entre les composantes du second palier et entre les compréhensions du premier au deuxième palier. Ainsi il est possible d'élaborer certaines procédures logico-mathématiques à partir de procédures logico-physiques. Voici un diagramme (Herscovics et Bergeron, 1989) qui permet de visualiser la non-linéarité du modèle.

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compréhension logico-physique compréhension — intuitive -►compréhension procédurale compréhension abstraite compréhension procédurale “ compréhension abstraite “ compréhension formelle compréhension logico-mathématique

1.3.4 Le passage vers une abstraction logico-mathématique

Je peux maintenant revenir à ma question de départ: quelles approches favorisent l’abstraction logico-mathématique d’un concept mathématique? Après avoir défini l'abstraction dans les termes du modèle de Bergeron et Herscovics et après avoir, dans ce modèle et dans la théorie piagétienne du développement, trouvé des éléments de réponses à mes questions portant sur la généralisation, le transfert de connaissances et de procédures, je suis en mesure de me demander: y aurait-il possibilité d’intervenir pour favoriser le passage de l’une ou l’autre composante de la compréhension vers l’abstraction logico-mathématique d'un concept?

Je chercherai tout d'abord à répondre à cette interrogation de façon théorique à l'aide d'un regard sur la littérature constructiviste. Ce regard théorique servira par la suite à orienter la partie expérimentale du travail en m’aidant à préciser ce que je peux espérer et ce qu'il ne faudrait attendre, en fournissant éventuellement des pistes à explorer, des approches qui pourraient se révéler efficaces.

Je m'arrêterai aux études de Piaget, l'un, sinon le pilier du constructivisme, et des quelques chercheurs, notamment Ginsburg, qui, à sa suite, se sont penchés sur cette question. Par la suite, je reviendrai aux travaux de Bergeron et Herscovics, puisque, dans le cadre constructiviste, c'est leur modèle de compréhension que j'ai choisi comme base de recherche.

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1.3.4.1 La réponse des piagétiens

Ce que, dans ce travail, j'appelle passage à l'abstraction correspond, dans les niveaux définis par Piaget, à la transition du pré-opératoire à l'opératoire concret. Un bref rappel de ce que l'on retrouve dans chacun de ces stades suffit pour se convaincre de cette correspondance.

Le niveau pré-opératoire est souvent décrit à partir de ce que l'enfant ne possède pas encore . Par exemple, il ne possède pas la réversibilité, l'invariance. Sa perception d'un problème se limite à une seule perspective. Reprenons ici l'expérience du transvasement des liquides où l’enfant de niveau pré-opératoire n'observe que la transformation visuelle sans tenir compte de la compensation (plus haut mais plus étroit). H ne peut coordonner l’élévation des niveaux de liquides et la diminution de largeur des contenants.

Le niveau opératoire concret, pour sa part est défini comme étant "un processus

d'ensemble que l’on peut caractériser comme un passage de la centration subjective en tous les domaines à une décentration à la fois cognitive, sociale et morale” (Piaget, 1975, p.101). C'est là qu'apparaissent la conservation et plusieurs formes d'invariance. Je dois toutefois ajouter que les enfants évoluent de façon irrégulière, c'est-à-dire, pour un même enfant, toutes les notions et opérations (sériation, classification, nombre...) ne seront pas

nécessairement acquises en même temps. Puis-je les aider à progresser plus rapidement?

Le premier à s'être penché sur la question de la transition entre deux niveaux est Piaget lui-même. Il considère, rapporte Ginsburg, "...une accélération possible seulement si l'enfant est dans une phase de transition" (1977, p.231, traduction libre). Une transition se manifeste par l'oscillation entre l'invariance d'un objet et la non-invariance, entre la réversibilité et la non-réversibilité, invariance et réversibilité étant considérées comme caractérisant le niveau des opérations concrètes. A cette phase transitoire, dans l'expérience de la conservation de la substance (plasticine) par exemple, "...les enfants admettent l’invariance de cette quantité globale, dans certains cas seulement, à titre de probabilités empiriques” (Turcotte et Rouette 1975, p.301.1-2). Dans l'expérience de la conservation des liquides il y a ” affirmation de la conservation dans les cas où de faibles différences de niveau, de largeur, ou de voluminosité sont présentes, et négation de la conservation dans le cas où il y a de grandes différences” (Turcotte et Rouette, 1975, p.302.1-3).

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A la suite de l’étude des travaux de Piaget et Ginsburg, je crois qu’une intervention pédagogique peut accélérer ou à tout le moins favoriser le passage d'un niveau vers un autre lorsque l'enfant est en phase de transition. Il existe cependant des facteurs facilitant la croissance et la structuration spontanée des connaissances de l’enfant Je les rappellerai rapidement puisqu'ils ont été énumérés dans le cadre théorique. La maturation, influencée par l'hérédité et le développement du système nerveux central, les expériences vécues, les influences sociales et l'équilibration de ces trois facteurs. Cette équilibration se reconnaîtrait à trois caractéristiques:

- 1 l'application d'un concept à un champ plus large,

- 2 la mobilité définie en terme de distance spatiale et temporelle entre une personne et les éléments du champ étudié,

- 3 la stabilité définie comme la capacité d'une personne à compenser les changements des éléments par des actions ou des opérations mentales (Ginsburg et Opper, 1978, p.214- 215 traduction libre).

1.3.4.2 Les limites de mon action orthopédagogique

A l'école, je ne peux intervenir sur la maturation physique et neurologique des enfants. Je peux toutefois exercer une influence au niveau des expériences physiques et logico-mathématiques, ces dernières pouvant avoir un impact sur l'équilibration nécessaire au passage à un stade plus évolué. Je n'ai que peu d'emprise sur le troisième facteur concernant les notions transmises socialement. En effet, je ne reçois mes élèves que 30 à 45 minutes 2 à 3 fois par semaine, le plus souvent individuellement. De plus, l'enfant en arrivant à l'école a déjà cinq années de vécu sur lequel je ne peux agir et qui influencent grandement ses apprentissages. Par exemple, l'importance de la réussite scolaire, la curiosité des choses intellectuelles, le goût de relever des défis, tout cela est mis en place, partiellement du moins, avant a arriver à l'école.

Je retiendrai donc, des quatre facteurs rapportés par Ginsburg l'influence que je peux exercer sur les expériences sensitives, physiques et logico-mathématiques de mes élèves. Je reconnais de ce fait les limites de mon action mais je peux me concentrer davantage sur un point précis.

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1.3.4.3 Possibilités de transition

Si l’on revient au cadre choisi, celui du modèle constructiviste de la compréhension, élaboré Bergeron et Herscovics, je m'intéresserai plus particulièrement aux composantes et aux niveaux de compréhension procédurale et abstraite des deux paliers. C’est à l’abstraction logico-physique et à l’abstraction logico-mathématique que je retrouve des critères touchant la réversibilité, la construction d’invariants. Ces derniers sont directement relié au mathématiques comme elles sont étudiées à l’école. Que puis-je retenir des conclusions précédentes?

La première conclusion étant la nécessité d'être en période de transition pour faciliter l’acquisition d'un niveau de compréhension plus articulée, revoyons par quoi se caractérise cette transition chez les piagétiens. Dans l'expérience de la conservation des liquides, l’enfant en transition ne reconnaît la conservation que dans les cas où il n'y a que de légères différences de niveau, de largeur ou de voluminosité. L'enfant ne pourra aller au-delà des apparences physiques que dans certains cas. Dans le cas du modèle de compréhension qui m'intéresse, la proximité du passage d'une composante vers une autre pourrait se caractériser par la "conscience", chez l’enfant, d’un déséquilibre entre ses croyances, basées sur ses perceptions visuelles et la réalité logico-physique ou logico-mathématique. Par exemple, pour la notion de nombre, l'enfant croit que, entre deux rangées ayant le même nombre de jetons, la rangée de jetons la plus longue est celle où il y a le plus d'objets. Le dénombrement de cette rangée peut lui permettre de prendre conscience de l'écart entre ses perceptions visuelles et la réalité logico-physique. Mais ce n'est pas assuré car Greco et Morf remarquent que plusieurs enfants de cinq ans, vraisemblablement ceux qui ne sont pas encore en phase de transition, "prétendent que même s'il y a sept jetons dans chaque rangée, celle qui est la plus longue est celle où il y en a le plus" (Herscovics et Bergeron, 1988, p.6).

La deuxième conclusion m’amène à pointer un champ d’action précis. En effet, je peux intervenir sur un des facteurs influençant le développement de la pensée de l’enfant: les expériences physiques, sensitives et logico-mathématiques. Bergeron et Hercovics ont d'ailleurs bien illustré l'importance de ce type d'expérience puisque leur nouvelle version du modèle de compréhension comprend deux paliers: la compréhension de concepts physiques préliminaires et la compréhension de concepts mathématiques émergeants. Une des implications pédagogiques de ce dernier modèle , implication sur laquelle les deux auteurs insistent longuement dans leur article (Hercovics et Bergeron 1989), est l'importance de l'utilisation des connaissances physiques de l'enfant comme point de départ à la

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compréhension d'un concept. Les connaissances prenant racine dans la réalité bénéficient d’une continuité. Je prends note toutefois des observations de Case (1982) qui pose l'hypothèse selon laquelle "la transition des enfants d'un stade vers un autre dans n'importe quel domaine donné ne dépend pas seulement des expériences dans ce domaine mais de la croissance de la coordination centrale ou de la capacité de traitement" (p.160, traduction libre).

1.3.4.4 Les approches choisies

Pour les besoins de cette recherche, le terme "approche" a été privilégiée à d'autres comme stratégies ou activités parce qu'il induit à mes yeux une façon d'appréhender l'intervention auprès de l’enfant. Ainsi, le fait de prévoir utiliser le jeu plutôt que l’imagerie mentale ou la programmation neuro-linguistique me prépare intérieurement à intervenir dans un contexte particulier et m'incite à utiliser un langage, un questionnement différent et à me situer dans une autre perspective.

J'ai choisi d'observer les transitions entre les différentes composantes du nouveau modèle de compréhension et ce, par le biais de trois approches pouvant faciliter un passage d'une composante vers une autre, d'un niveau vers un autre. Le choix des trois approches est issu non seulement de mes intérêts et de mes expériences avec les enfants mais aussi de mes préoccupations quant à l'évolution, au développement de la pensée chez les enfants que je rencontre. Les raisons des choix particuliers seront précisés au moment de les décrire l’une après l'autre.

Les trois approches retenues, approches que je décrirai en détails dans les sections qui suivent, sont le jeu, l’imagerie mentale et la Programmation Neuro-Linguistique. Avant de passer à ces descriptions et aux détails des inévitables choix que j'ai dû poser, quelques remarques préliminaires s'imposent.

J'aurais tout aussi bien pu choisir le conflit cognitif ou la résolution de problème. L'approche choisie pour chaque étude de cas, s’effectuera à partir des croyances et des forces des enfants. Je dois dire qu'au départ, j'avais retenu l'hypothèse d’une approche orientée vers un conflit cognitif. Mais j'ai pu voir à la suite de mes lectures et de mes réflexions qu’il apparaissait quelque part dans chacune des autres approches. Il est donc apparu à la fois moins utile et difficile de l'isoler pour l'étudier. Quant à l'approche basée sur la résolution de problèmes, de plus en plus à la mode, elle est utilisée dans les programmes scolaires, dans

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les manuels. Je sentais le besoin de m’en démarquer compte tenu de la nature particulière du travail en orthopédagogie. Ce n’est pas là une condamnation de la résolution de problème mais à elle seule cette approche pourrait faire le sujet de plusieurs thèses. De plus, ce monde très vaste, actuellement en pleine ébullition, me semblait difficile à cerner.

Le but de cette recherche n'est pas de comparer trois approches pour savoir laquelle favoriserait le mieux le passage d'une composante vers une autre, d'un niveau vers un autre. Une telle comparaison demanderait un échantillon trop vaste et le recours à des méthodes qui dépassent le cadre d'un travail de maîtrise. Le but est plutôt de mettre en lumière, en les utilisant, les caractéristiques de chaque approche afin de voir si et comment un enfant arrive à atteindre l'abstraction logico-mathématique du concept du numération positionnelle comme le défini théoriquement le modèle élargi de compréhension de Bergeron et Herscovics.

A titre d’exemple et d'hypothèses, le jeu pourrait être bien adapté pour un enfant très actif lui permettant de canaliser son trop plein d'énergie. Evidemment le type de jeu proposé doit tenir compte des besoins de l’enfant. La PNL serait particulièrement intéressante auprès d'un enfant qui se dit "pas bon". Effectivement il ne réussit pas les travaux demandés en classe. La PNL en lui donnant des outils pour surmonter ses peurs lui permettrait peut-être de connaître ses forces, son fonctionnement puis d'apprendre plus librement. Enfin, un travail fait sur les images mentales, travail où forcément l'imagination joue un rôle central, pourrait être adapté à l’enfant dont l'imagination déborde souvent au point qu'il soit souvent considéré comme lunatique. Cette approche permettrait de généraliser l'utilisation de cet outil d'apprentissage qui est déjà présent depuis le jeu symbolique.

Ces hypothèses vont dans le sens de la question initiale posée au début ce chapitre. Elles toucheront les expériences sensitives, physiques et logico-mathématiques que peuvent vivre les enfants à l'école.

Dans les pages qui suivent je présenterai, ainsi que je l'avais annoncé, chacune des trois approches retenues pour ce travail. Ces descriptions seront complétées par quelques exemples qui les rendent plus claires et qui me permettent d’expliciter quelques-uns de mes choix particuliers.

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LES APPROCHES

2.1 Le jeu

Il est difficile de parler d’intervention auprès des enfants, surtout au primaire, sans mentionner le jeu. En effet, notre société regorge de jeux éducatifs permettant l'acquisition de toutes sortes de connaissances. Les buts sont multiples comme le confirme la classification des jouets et du matériel de jeu du système ESAR (Garon D.,1982). Ce système démontre que le jeu touche plusieurs facettes de la personnalité d'un enfant. Les activités ludiques, les conduites cognitives, les habiletés fonctionnelles (exploration, imitation...), les activités sociales, les habiletés langagières, les conduites affectives sont autant d’aspect que peut toucher le jeu. Il est convenu dans nos milieux, qu'au cours des cinq premières années de sa vie, l’enfant apprend en jouant. Dans ce qui suit, je préciserai le point de vue constructiviste face au jeu, puis en observant les définitions de certains auteurs, je dégagerai ce que sera le jeu pour les besoins de cette recherche. De fait, je devrai finalement arriver à choisir un jeu particulier qui sera objet d'expérimentation car il ne saurait être question de faire une recherche sur "le" jeu dans le cadre limité d'un travail comme celui-ci. Ce choix d'un jeu particulier interviendra plus loin. Pour l'instant, les descriptions qui suivent permettent avant tout de fixer les critères de mon choix futur.

2.1.1 Point de vue constructiviste

Piaget a élaboré trois stades de développement du jeu. Il les appelle jeu exerciciel, jeu symbolique et jeu de règles. Je m’intéresserai plus particulièrement au jeu de règles puisque l'enfant de six à douze ans que je côtoie se situe à ce niveau de développement Cet enfant a déjà observé les jeux différents que pratiquent les autres jeunes autour de lui. Il a tenté de les imiter.il accepte maintenant la règle commune en croyant, dans un premier temps, qu’elle a été fixée par la plus haute autorité connue. Il en viendra, vers dix ans, à établir des règles avec ses coéquipiers. Filion (1988) résumait ainsi la pensée de Piaget à propos du jeu. "De corporels au départ, les jeux envahissent le langage pour finalement atteindre l’esprit" (p.21).

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Larouche, Bergeron et Herscovics (1984) énoncent trois objectifs associés à l’utilisation du jeu comme outil pédagogique dans la construction de concepts mathématiques. Il s’agit:

- 1) du maintien et de la consolidation, par la pratique, de comportements déjà acquis, - 2) de la découverte et de l'utilisation de stratégies requises à l'habileté de résolutions

de problèmes,

- 3) du développement et de la construction de concepts mathématiques (traduction libre, p. 204)

Le cadre ainsi déterminé me permet de situer l'enfant dans son cheminement, de poser mes objectifs en fonction de son développement, de mieux cerner l’objectif pédagogique recherché. Il me faut maintenant définir concrètement comment sera vécue cette expérimentation.

2.1.2 Différentes définitions du jeu

Lors du colloque organisé par CIRADE (Centre Interdisciplinaire de recherche sur l’apprentissage et le développement en éducation) sur le jeu et l'apprentissage en mai 1988 à Montréal, différentes définitions ont été livrées. Ainsi le jeu est un "attribut de l'existence, le reflet de notre expérience, un outil d'apprentissage intégré de formation, un partenaire de l'apprentissage" selon Dwane (1987,p.4). Pallascio (1987) expose les propriétés du jeu ainsi: "le jeu possède des règles, il est simple, gratuit, compétitif.Il requiert de l'habileté et fait intervenir le hasard. Il a une fin et détermine un gagnant.il favorise la détente et il peut être joué souvent" (p.183). Pallascio-Quintin (1987) donne au jeu le sens suivant: plaisir partagé entre partenaires (enfants-enseignant(e)s), prése ice de l'imagination, d'activités fonctionnelles et motrices, orientation et programmation précise, acceptation de l’enfant. "Le jeu sera pour l'enfant le moteur qui lui permettra de développer de plus en plus son désir et son plaisir d'apprendre" (p.17).

En 1977 Bright Harvey et Montague-Wheeler énumèrent ainsi les caractéristiques incluses dans un jeu:

il est un engagement libre, il est un défi contre une tâche ou un adversaire, il est défini par des règles. Psychologiquement, le jeu est une situation claire et arbitraire séparé dans le temps et l’espace d'une activité de la vie réelle. Socialement, les événements du jeu sont considérés dans et pour eux-mêmes et ont une importance minimale. De plus, l'état exact recherché durant le jeu n'est pas

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nécessairement connu au début du jeu et ce dernier prend fin après un nombre défini de mouvements.(p.3, traduction libre).

Dwane ajoute que " la place que l'enseignant donne au jeu correspond souvent à la nature, la fonction, le moment et les conditions qu’il a vécu comme enfant jouant" (1987,p.5). Ceci expliquerait le paradoxe observé chez les enseignant(e)s: en effet, sans nier l'influence du jeu sur les apprentissages de leurs élèves ces derniers sont souvent anxieux face à différents facteurs. Mentionnons entre autres, la perte de temps amenée par les manipulations répétées, l'effet de hasard qui fera passer l’enfant à côté de l’objectif spécifique poursuivi, les rires et les cris de surprise qui nous incitent à croire que les enfants ne travaillent pas vraiment... Sous les caractéristiques objectives amenées par les trois demier(ère)s auteur(e)s se dissimulerait une philosophie de l’éducation née de leurs expériences, de leurs prises de conscience.

2.1.3 Définition du jeu pour les besoins de la recherche

Le jeu sera une activité où l'enfant s’engage librement, où la motivation est intrinsèque. Il sera un défi. "L’adversaire" sera l'orthopédagogue. Les élèves ont trop souvent à se comparer de façon douloureuse aux performances de leurs pairs. Le fait de jouer seul avec l'enfant permettra à l’intervenant(e) de proposer des manipulations d'un air complice. Elles seront d'autant mieux réinvesties que l'enfant aura comme but de gagner la partie. Comme s'accordent à le dire Pallascio, Palascio-Quintin et Bright et coll., il comportera des règles, aura une fin. Dans la mesure du possible il fera jouer l'effet de hasard puisque la surprise créée ne manque jamais d'amuser.

Cet outil sera sélectionné en fonction d'une notion à travailler. A ce sujet, Palascio- Quintin (1987) conclut à la suite d'une recherche qui utilise le jeu dans un plan d'intervention expérimenté auprès d'enfants de 4 à 9 ans "qu'une pédagogie fondée sur le jeu systématisée..serait...) plus efficace que le simple jeu libre et l'enseignement primaire classique" (p.208).

Je devrai tenir compte de mes interventions dans l'analyse de ce que peut apporter ce jeu à la construction du concept choisi. En effet, je ne désire pas faire une analyse "du jeu",

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2.1.4 Choix du jeu

Le jeu retenu aux fins de l'expérimentation est un jeu de fabrication maison. Le détail de ce jeu sera exposé dans la méthode.

C’est un jeu qui, en accord avec les critères que je me suis donnée, fait intervenir l'effet de hasard par l'utilisation de dés et s'appuie sur l'effet de compétition: Il comporte des règles et détermine un gagnant. J’ai décidé de jouer seule avec l'enfant puisque c'est la situation que je vis le plus régulièrement. L'analyse des observations se fera donc en tenant compte du type

d'interventions faites auprès de l’enfant. Le détail de la méthode sera explicité plus loin.

L'utilisation de ce jeu permettra, c'est là mon espoir, de consolider des acquis, de découvrir de nouvelles stratégies et d'aider l'enfant à construire certains des concepts mathématiques, notamment la numération entre 0 et 100. Cet espoir est fondé sur mes expériences antérieures, expériences qui n'ont cependant pas donné lieu à des observations systématiques.

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2.2. Les images mentales

Qu’est ce qu’une image mentale? Comment la définir? Vers 1920, rapportent Ginsburg et Opper (1978), on croit que les images mentales sont des "bulles de sensations" suivant, notamment, la pensée de Wundt. Beverly-Colleene (1986) rapporte que Einstein, Aristote, Pythagore, KeKule, Poincarré, Léonard de Vinci travaillaient à partir de leurs images mentales et des sentiments et sensations qui accompagnent ces images. De Einstein elle dira que "l’interaction des images semble être le facteur essentiel de sa pensée productive"(1986, p.22).

Piaget parle d’images mentales dès l'apparition de la fonction sémiotique ou symbolique, c'est à dire vers deux ans. Il en explique ainsi le développement: les images mentales seraient le résultat d'une imitation intériorisée. Au cours de son développement pré­ opératoire, l'enfant reproduira les scènes déjà vues (jeux symboliques), il reproduira les sons du langage. Ces types d'images sont appelées reproductrices et sont presque exclusivement statiques. Elles sont décrites ainsi: "...elles se bornent à évoquer des spectacles déjà connus et perçus antérieurement..."(Piaget, 1975, p.56).

Avec l'apparition du niveau des opérations concrètes, les enfants parviennent à effectuer des mouvements et des transformations au niveau des images mentales. Piaget les appelle à ce moment images anticipatrices. Il affirme dès lors qu'elles sont plus fonctionnelles pour supporter les opérations. Il ajoute que "ce progrès ne résulte pas d'une modification interne et autonome des images, mais bien de l'intervention d'apports extérieurs qui sont dûs à la formation des opérations"(Piaget 1975, p.63). Les objets ou événements extérieurs feraient surgir un conflit cognitif permettant un déséquilibre puis une nouvelle équilibration. Les images mentales interviendraient comme instrument permettant une adaptation.

Pour Beverly -Colleene,

en tant qu’humains nous sommes essentiellement des êtres producteurs d'images dont la capacité de découvrir, de comprendre et de créer de nouvelles significations et de les communiquer dépend largement de la capacité de créer les sensations et sentiments qui les accompagnent (1986,p.22).

Pour elle l'imagerie en éducation se partage en quatre catégories: -1 la détente et la concentration,

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- 3 l’approfondissement de la dimension affective et de la conscience de soi,

- 4 le développement transpersonnel.

Elle nous dit de la détente et de la concentration qu’elles "...préparent l’intelligence à apprendre, à réduire le stress..." (1984, p.24). La deuxième catégorie permet à l’image de servir d'instrument dans l’élaboration de stratégies. Elle pourrait donc être utile, entre autre, à la construction de la compréhension d'un concept mathématique.

L’approfondissement de la dimension affective et de la conscience de soi favorise chez les enfants le recours à des images affectives pour acquérir des habiletés d’introspection, de compréhension de soi..., de résolutions pacifiques de conflits, d'auto-déteimination. (1986, p.24)

Le développement transpersonnel, précise Beverly-Colleene, touche davantage l'aspect spirituel et ne sera pas considéré ici.

L'approche, tel que décrite par cette auteure, prend en considération le développement global de l’enfant.C'est cet aspect qui a attiré mon attention: en effet, les mathématiques sont perçues comme rationnelles, logiques, mais cela ne signifie en rien la mise à l'écart de facteurs affectifs; il s'agit d'un apprentissage impliquant la confiance en soi, l'estime de soi. La construction de la compréhension d’un concept mathématique demande des tâtonnements, des erreurs donnant naissance à des intuitions puis à des hypothèses à vérifier. Pour mes élèves, l'eiTeur et le tâtonnement sont vécus comme un échec et bloquent l'expérimentation au lieu de la stimuler.

Concrètement, dans cette recherche, je retiens la définition du concept d'image mentale comme étant l'imitation d'un modèle déjà vu, comme le décrit Piaget. L’habileté de l'enfant à utiliser ses images mentales sera visibles par les rappels et les transformations qu'il pourra exercer sur elles. Je dois ajouter que la connaissance intuitive d’un concept peut s'appuyer sur le souvenir diffus d’un modèle déjà vu. Je tenterai, par des questionnements de faire resurgir ce souvenir, de le faire évoluer en interrogeant l'enfant sur les mouvements ou les transformations possibles.

Pour observer les images mentales des enfants, Piaget se servait du dessin, d'indications gestuelles ou de commentaires verbaux. Il faut admettre que toute observation de cet instrument intérieur ne pourra qu’être indirecte.

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Dans cette recherche, je noterai les commentaires verbaux à partir de questions posées sur les expérimentations de l'enfant. Par exemple, à un enfant référé pour un problème de compréhension de la numération je pourrais demander: que t'imagines-tu lorsque je te dis 6? Comment est disposé ce que tu vois? Ton copain a imaginé ce nombre avec cette disposition. Es-tu d'accord avec ce qu'il a imaginé? Pourquoi? Si tu imaginais 12, que verrais-tu? Comment est-ce disposé? Peux-tu le reconnaître d'un seul coup d’oeil? As-tu fait des regroupements? Comment sont-ils faits? Ton copain ou un garçon que j'ai rencontré avant toi avait disposé 12 ainsi: a-t-il raison? Ainsi de suite, jusqu'à faire émerger la nécessité d'une règle nous permettant de nous comprendre sans avoir besoin d'expliquer notre façon de faire à chaque fois. A l'occasion, les dessins des enfants pourront compléter mes observations. J'ajoute que ce type de questionnement pourra s'échelonner sur plusieurs séances. De plus, pour certains enfants, il pourra s'avérer indispensable de refaire des manipulations avec du matériel (jetons, enveloppes...), en particulier dans les cas où les enfants ne se souviennent pas d'avoir travaillé ce concept. Depuis un an, une utilisation informelle de cette approche, m'a permis de constater la difficulté pour certains enfants de se représenter, en imagination, une transformation fut-elle aussi simple que 5+1 ou 5-1. L’habileté semble par contre se développer avec l'entraînement

Il est à noter que la suite de questions que je pose à l'enfant n'est pas toujours prévisible. En effet, tel que décrit dans les principes généraux de Ginsburg, la stratégie adoptée est centrée sur l’enfant. L’objectif poursuivi sera toutefois clairement établi et donnera une direction à mes questions. Une visualisation pourra aussi être directement tiré du livre de Beverly-Colleene (1986) "Visualisation, apprentissage et conscience. Ce choix se fera à partir du problème présenté par l'enfant.

L'imitation, la connaissance intuitive font partie de ma définition de l'imagerie mentale. Réduire le fossé entre l'intuition et la connaissance serait peut-être possible en utilisant cette stratégie. Ainsi, c'est là mon espoir, je favoriserais chez les enfants en difficulté l’appropriation d'une façon d'appréhender le monde et de résoudre des problèmes.

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2.3 La programmation neuro-linguistique

Les travaux de Bandler et Grinder ont permis de développer la Programmation Neuro-Linguistique ou PNL (West W. Rioux D.,1988). Cette nouvelle approche de la communication et de l'évolution personnelle a été élaborée à partir d'une analyse de leurs connaissances en mathématique, en psychologie, en linguistique et en cybernétique, leurs réflexions étant alimentées par les découvertes récentes dans ces domaines. Ils ont aussi observé les grands maîtres de la communication pour en retrouver les éléments clés. Ils ont cherché à faire un lexique de la communication comme d'autres l'ont fait pour les langues.

La PNL se veut une attitude, une approche et une technique. Elle s’appuie sur un postulat voulant que tout individu possède les ressources pour résoudre les difficultés auxquelles il est confronté. Elle propose à l'intervenant des façons d'observer les gens qui sont en situation de problèmes ou de résolution de problèmes, ce qui permet ensuite à cet intervenant d'amener ces gens à réfléchir sur leur démarche et leurs stratégies. La PNL voit la communication établie de cette façon comme stimulant l’évolution de la personne dans le cadre de ses croyances et de ses valeurs. De là, il devient possible de suggérer des techniques favorisants la prise de contact de ces personnes avec leurs ressources intérieures.

J'ai choisi d'expérimenter cette approche pour plusieurs raisons. D'abord, elle peut s’insérer dans le cadre théorique de cette recherche car elle s'appuie, nous venons de le voir, sur l'individu, sur ses capacités de construire ses solutions. Les techniques proposées par la PNL m'apportent un éclairage différent quant à la façon de travailler avec les enfants. Elles me permettent de remettre les enfants en contact avec des situations de réussites déjà vécues, de leur faire découvrir leurs stratégies. La PNL s’in ;crit dans la pratique d'expériences sensitives et physiques tout en reconnaissant les principes exprimés par Ginsburg, notamment une approche centrée sur l’enfant qui propose une expérience modérément nouvelle. Cette approche est clinique puisqu'elle facilite, comme je l'ai explicité auparavant, le questionnement de l'intervenant sur le déroulement de la pensée de l'enfant. L’importance des interactions sociales reconnue par Ginsburg ne pourra se voir que plus tard, au contact des autres élèves de la classe. Cette interaction alimentera éventuellement le déroulement de la séance suivante.

La PNL propose de multiples techniques parmi lesquelles je retiendrai l'ancrage, la stratégie de Vinci, la stratégie de Walt Disney, le recadrage, la métaphore. D'autres techniques existent comme la technique de Feldenkreis mais touchent davantage la croissance

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personnelle et non le domaine cognitif de sorte qu'elles m’ont semblé moins pertinentes. Chacune des techniques choisies est présentée succintement dans les paragraphes qui suivent

2.3.1 L'ancrage

Marcel Proust a écrit:

Et dès que j'eus reconnu le goût du morceau de madeleine trempé dans du tilleul que me donnait ma tante, aussitôt la vieille maison grise sur la rue, où était sa chambre, vint comme un décor de théâtre. (Cayrol et De

Saint-Paul,1984 p. 101)

L’ancrage est cette technique qui s'appuie sur le souvenir que l'on fait resurgir de l'inconscient de l'enfant. Elle vise à faire revivre des situations agréables de réussite qui favorisent la confiance puis facilitent l'émergence de solutions à un problème. Par exemple, face à une situation insécurisante ou problématique comme effectuer l'algorithme d'une division, l’intervenant questionne l'enfant afin de lui permettre de nommer la ou les ressources nécessaires à la réussite de cet algorithme. Si l'enfant dit "me concentrer", l’intervenant peut alors suggérer à l’élève de revivre dans sa tête deux ou trois événements où il s'est senti concentré et va toucher une partie du coips de l'enfant, la même pour chacun des événements remémorés au moment où il est en contact avec cette expérience. Ce contact permet à l'enfant d’associer la ressource ou son souvenir à une partie du corps et de retourner la "chercher" à chaque fois qu'il en a besoin.

.2.3.2 La stratégie de Vinci

La stratégie de Vinci, comme d'ailleurs celle de Walt Disney qui suit, aurait été appelée ainsi à cause des méthodes de travail utilisées par Léonard de Vinci. En effet, l'observation de ses modes de représentations privilégiés au cours de diverses périodes de création auraient servi à l’élaboration des techniques auxquelles on a donné leur nom.

La stratégie de Vinci est une forme d’ancrage. Elle permet, en plus du retour vers un souvenir et de son association possible à une résolution de problèmes, l’observation des modes de représentations (visuel, auditif, kinestésique) utilisés par l’enfant dans une situation de résolution de problèmes. Cette observation s’effectue dans le but d’en faire, par la suite, prendre conscience à l'enfant. Elle favorise l'ancrage des stratégies de résolution que possède l'enfant.

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