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J. connaît ses difficultés à l'école et elle accepte d'essayer une nouvelle approche qu'elle pourra utiliser pour résoudre les différents problèmes que je lui proposerai. Je lui explique que les trois cerceaux posés devant elle représentent respectivement le fou, le réalisateur et le juge. Elle pourra marcher à travers le* différents cerceaux afin de prendre conscience des idées et des actions que lui suggèrent ces trois personnages. Nous passons ainsi un bon moment à discuter afin de comprendre le rôle de chacun.

Au cours des quatre séances qui viendront, je chercherai à placer J. devant les tâches les plus variées possibles afin qu'elle puisse expérimenter cette stratégie dans le plus grand nombre de cas possibles. Le modèle de compréhension constructiviste est non-linéaire. Ainsi, il me permet un va et vient entre différentes composantes et différents niveaux puisque niveaux et composantes s’enrichissent mutuellement.

Je demande à J. de décomposer le nombre 428 de toutes les façons possibles. Tout en sachant que cette question relève davantage d'une compréhension abstraite logico-physique et que J. se situe à une compréhension procédurale de ce niveau, je choisis de lui proposer cette activité afin de l'accompagner dans une situation vécue régulièrement dans sa classe.

Différentes décompositions sont utilisées par les élèves de son groupe. Voici quelques exemples: 400+20+8 ou 100+100+100+100+10+10+8 ou CCCC DD UUUUUUUU. Elle entre donc dans le cerceau du fou (celui qui donne les idées). Elle décrit deux représentations possibles. "Quatre centaines, deux dizaines et huit unités" dit-elle. Sa deuxième représentation est énoncée ainsi:"Par paquets de dix. 10-20-30-...200, deux dizaines, je vais mettre des dizaines ,je vais les mettre dans des paquets de dix. Je mets tout dans le même sac. Je vais écrire deux. Là je vais aller chercher des unités, j'en prends huit". J. a donc groupé 22 dizaines qu'elle a mis "dans le même sac".

J. n'a compté que deux centaines au lieu de quatre, sans se rendre compte qu’elle pouvait grouper en centaines. En effet, elle ne forme pas de regroupement lorsqu'elle a dix dizaines. La centaine n'a pas d'existence dans ce type de manipulation et ce, malgré la présence de quatre centaines dans la première représentation de la décomposition. Le terme centaine est connu mais ne semble référer à aucune représentation physique chez elle.

Je décide d'écrire les idées de J. au tableau afin de ne pas les oublier. Puis je lui demande d'aller dans le cercle du réalisateur afin de mettre à exécution les idées émises. Ici, le manque d’expérience avec cette approche a provoqué une confusion entre ces deux premiers personnages. En effet, je n’avais pas à écrire au tableau ce qu'elle venait de dire puisque cette étape était celle du réalisateur. Lorsqu'elle est entré dans le cercle du réalisateur, elle a d'abord reconstitué le nombre à partir de sa première décomposition 400+20+8=428, ce qui était logique. Par la suite, elle choisira deux autres façons de décomposer 428; les symboles vus en classe (C D U) illustrant le nombre ainsi CCCC DD UUUUUUUU, puis les enveloppes et les jetons, utilisant quatre grandes enveloppes contenants chacune dix petites enveloppes pour les centaines, deux petites enveloppes pour les dizaines et huit jetons représentant les unités. C'est peut-être en préparant elle-même les enveloppes de dizaines et celles de centaines qu'elle a vraiment mieux compris ces groupements et regroupements.

Il n'y a pas eu ici de correspondance entre les idées données par le fou et ce qu'a fait le réalisateur, d'une part parce que j'ai confondu ces deux rôles et d'autre part parce que J. ne peut se rappeler deux idées pour ensuite choisir l'une d'elles qu’elle réalisera par la suite.

Lorsque je lui suggère d'entrer dans le cercle du juge, elle sait que ses deux dernières illustrations constituent de bonnes réponses à la question posée. Elle avoue qu'elle n'aime pas la façon symbolique (C D U) et qu'elle la comprend difficilement. Elle préfère les jetons

A la lumière de cette pratique, je décide de faire expérimenter à J. les trois personnages les uns à la suite des autres. Ainsi pour chacune des idées émises par le fou, la réalisation sera immédiate puis le juge choisira la solution la plus convenable. Ceci permettra, je l'espère, une plus grande cohérence entre les différents personnages.

Je lui propose maintenant de comparer le nombre 428 (déjà décomposé) et 482 afin de trouver le plus grand. Je lui suggère d'entrer dans le cercle du fou pour savoir comment résoudre le problème. Elle me répond qu'elle écrit son nombre dans des petits carrés, qu’elle regarde les unités pour voir s'il y en a un de plus grand. Je lui propose d'aller dans le cercle du réalisateur. Elle inscrit les deux nombres au tableau et trace une ligne entre les deux 482 ___ 428. Elle choisit 482 et explique: "Les centaines sont pareilles mais le huit est plus grand que le deux". Lorsqu'elle entre dans le cercle du juge, elle corrobore cette affirmation et me dira que le juge regarde la dizaine. Le juge semble favoriser l'utilisation d'un vocabulaire différent.

Je lui pose un dernier problème. Elle doit continuer la suite de nombres: 78 - 80 - 81 - 83___________. Elle entre dans le cercle du fou et découvre qu'on doit compter par deux pour continuer la suite. Elle "réalise" ensuite la solution envisagée et nomme 85, 87. Lorsqu'elle va dans le cercle du juge, elle me dit qu'il approuve la réalisation. Je lui demande si le juge a regardé ce qu'il y avait après 80. Elle répond par la négative. Je lui demande de lui faire regarder afin de constater ce qu'il y trouve. Elle s'aperçoit qu’il y a un écart de deux puis de un entre chaque nombre. Je lui propose de retourner dans le cercle du fou avec cette information. Elle compte une fois par deux puis une fois par un. Elle réalise correctement le problème et son juge approuve la solution proposée. Je décide donc de réserver mes interventions pour l’étape du juge. Ainsi le discours s’effectuera entre le juge et moi, prévenant l'apparition d'un sentiment d'incompétence si l'intervention est trop hâtive.

6.2.1 Conclusion de la première séance

Cette première séance nous a permis de nous familiariser toutes les deux avec cette approche. Cela semble plaire à J. De mon côté, je crois que cette approche invite fortement à une réflexion avant et après la réalisation d'un travail. Cela semble avoir donné des résultats

Les erreurs sont attribuées aux différents personnages au lieu d'être identifiées à elle- même, à sa personne, à sa capacité de juger. Pour J. cela peut s'avérer bénéfique. Rappelons qu'elle éprouve des difficultés dans toutes les matières scolaires. Enfin, le personnage du juge paraît inviter J. à utiliser un langage différent et plus conventionnel au plan mathématique. H sera intéressant de vérifier cette observation au cours des séances suivantes.

En ce qui me concerne, je dois avouer que cette façon de fonctionner demande une certaine familiarisation afin de profiter pleinement de l'apport de chacun des personnages. Elle incite l'mtervenant(e) à laisser de la place aux compétences de l’enfant en lui faisant jouer le rôle d'animateur(trice).