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Nous commençons la deuxième rencontre par un rappel de ce qui a été discuté la semaine précédente. Ainsi elle dit se souvenir que nous avons parlé des bases. Je lui confirme que les bases sont des groupes et que nous avions fait des groupes de cinq et des groupes de dix. Elle me souligne que nous avons terminé par des "gros groupes".

Je lui demande:"Dans la base dix, quand tu avi is dix gros groupes qu'est-ce que ça faisait?" Elle me répond:"Des centaines". Elle ne fait plus la distinction entre groupe et gros groupe (dizaine et centaine). Je ne suis pas certaine ici qu’elle utilise les images mentales que j'ai tenté de faire construire la dernière fois. Je pose à nouveau la question en nommant la centaine: "Si tu as dix centaines, qu'est-ce qui arrive?" Elle ne sait que répondre. Je lui demande alors ce qu’elle faisait lorsqu'elle avait dix unités. J'essaie de faire ressurgir un souvenir qui servirait d'images reproductrices et à partir desquelles elle pourrait effectuer une généralisation. Elle me répond: "Une dizaine". Je poursuis: "Quand tu avais dix dizaines que faisais-tu?" Elle répond: "Un gros groupe" et j'en déduis qu'elle vient de refaire le lien établi à la rencontre précédente entre le terme "gros groupe" et "centaine". J'ajoute: "Si tu avais dix

gros groupes, que ferais-tu?” Elle me répond: "Je les collerais et ça ferait un gros gros groupe".

Elle a observé une régularité et peut anticiper la suite des événements. De plus, elle fait la correspondance entre un groupe et dix unités. Ces deux caractéristiques font partie de l'abstraction logico-physique puisqu’elles permettent des opérations mentales comme la conservation et la généralisation à partir d'observations physiques. Rappelons qu'à la fin de la séance précédente, M. avait pu réaliser la conservation des grands nombres quant à la disposition. Je peux donc supposer que ces acquis ont été conservés. J’orienterai donc mes questions afin de favoriser l'utilisation de procédures logico-mathématiques. C’est là un des avantages d'une approche comme celle-ci sur, par exemple, le jeu: la possibilité d'adapter facilement la suite des ativités à la situation et aux besoins de l'enfant

Je lui propose de répondre à mes questions en imaginant les nombres, en essayant de voir leurs représentations dans sa tête. Dans les cas où ce serait trop difficile, j’ajoute que nous pourrons utiliser du matériel et le faire pour vrai. J’utilise ici, dès le début de la séance, le recours à l'imagerie mentale et aux transformations pouvant être apportées aux images reproductrices.

Je lui propose d'imaginer 124 et de me dire ce qu'elle voit dans sa tête. Elle pourra imaginer en choississant parmi les différents matériels qu'elle a manipulés depuis le début de l'année en classe et avec moi (multibases, cubimaths, enveloppes et jetons). Elle répond en identifiant correctement la centaine, les dizaines et les unités: "Un gros groupe, deux petits groupes et quatre unités". Elle réutilise les termes de la semaine précédente. Il m’a alors semblé évident qu’elle imaginait les manipulations faites avec les cubimaths. Je lui demande alors le nom mathématique du "gros groupe". Elle le définit comme étant la centaine. Je suis

vwAJav ainsi que l'association entre le "gros groupe” et la centaine est juste. Je lui demande

d'imaginer le nombre 162. A nouveau l’image mentale évoquée est acceptable.

Je lui demande alors de comparer les deux nombres imaginés et de me nommer celui qui est le plus grand. Elle choisit 162 et justifie son choix en invoquant le fait que soixante est plus grand que vingt. La réponse est venue rapidement. Je doute ici qu’elle ait même eu le temps de se servir de ses évocations visuelles. Cependant ces dernières se doivent d'être un outil àn utiliser au besoin. Les nombres à comparer n'étaient peut-être pas assez grands ou l'évocation de chacun des nombres a été suffisante pour la rendre à l'aise et résoudre le problème posé. Elle a tout de même utilisé une procédure logico-mathématique pour trouver

sa solution. Elle a laissé tomber la centaine puisque, dans les deux nombres, la valeur était la même et elle a simplement comparé les dizaines entre elles.

Je lui propose maintenant de "jouer" avec les nombres, de les transformer. Je lui demande d’enlever quatre unités au nombre 162 qu’elle a déjà imaginé et qu’elle a choisi comme étant le plus grand. Elle répond correctement Lorsque je lui demande comment elle a fait pour trouver 158, elle me répond:"Tu enlèves 4 en tout". Je lui dis:"Montre-moi comment tu fais" .Elle mime le "gros groupe", les petits groupes et les unités sur la table puis affirme: "D faut enlever des dizaines". Je lui demande pourquoi. "Pour arriver au nombre", rétorque-t- elle. Elle ajoute: "J’enlève deux dizaines". Que lui arrive-t-il? Peut-être n'utilise-t-elle plus l’image mentale déjà évoquée ou alors malgré cette évocation, les transformations demandées conjuguées à l'explication verbale à fournir exigent trop de concentration de sa part et lui font perdre de vue le problème posé.

Je lui propose de vérifier avec le matériel concret. Elle place une grande enveloppe sur la table. Celle-ci représente les centaines. Puis elle pose six petites enveloppes et enfin deux jetons. Elle me dit: "Il faut enlever quatre unités". Elle échange une petite enveloppe (dizaine) contre dix unités puis enlève 4 unités. Je lui demande combien de dizaines elle a enlevé, elle me dit, une. Je reprends en lui demandant combien de dizaines elle voulait enlever dans sa tête tout à l’heure. Elle se rappelle avoir voulu en enlever deux et ajoute: "J'avais mélangé les dizaines et les unités".

Il est vrai qu'ici M. devait évoquer et mémoriser plusieurs états et mouvements: -le nombre de départ avec sa centaine, ses six dizaines et ses deux unités;

-la transformation d'une dizaine en dix unités; -la mémorisation des cinq dizaines restantes;

-l'addition des dix unités obtenues aux deux unités originelles; -le résultat de cette addition;

-la suppression de quatre de ces unités exigée par le problème; -le résultat de cette soustraction;

-la reconstitution du nombre résultant de tout ceci.

Lors de sa première réponse, l'exactitude de celle-ci et la rapidité avec laquelle elle est venue porte à croire qu’elle a utilisé correctement la procédure du comptage à rebours. Elle n'a cependant pas su la verbaliser ensuite lorsque je lui ai demandé de m’expliquer. Ainsi

lorsque je lui ai demandé de me montrer ce qu'elle avait fait elle n'a eu d'autre choix que d'essayer de se démêler à travers les différents groupements.

A la suite de cette manipulation je lui demande d'ajouter quarante au nombre obtenu. Elle doit ainsi établir le lien entre quarante et quatre dizaines. Je lui propose de l’imaginer d'abord. Elle prend immédiatement quatre petites enveloppes et justifie son geste à ma demande. Je m'aperçois qu'elle n'est pas très à l'aise avec les images mentales puisqu'elle ne fait pas l’exercice d'évoquer mais se sert spontanément de la manipulation. Je lui demande de me dire combien cela va faire avant de les compter "pour vrai". Elle me dit: "188". Je vérifie comment elle écrit ce nombre afin d'être certaine qu'il n'y ait pas confusion entre 188 et 198. Elle me répond qu'elle l'écrit 1,8,8. Je lui suggère de compter les enveloppes choisies afin de vérifier. Elle découvre 198. Je lui demande comment elle pourrait faire pour bien compter dans sa tête. Elle me répond: "Les placer". Je poursuis: "Comment"? Elle ajoute: "Les quatre sont placées en haut". Je lui propose de les compter dans sa tête pour essayer. Elle fait un dénombrement exact.

Ici les transformations consistaient en l'ajout de quatre enveloppes au nombre déjà devant elle, au comptage de toutes les enveloppes et à la reconstitution du nombre ainsi obtenu. L'erreur de M. se situe à la troisième étape. Elle me démontre ainsi qu'elle a la capacité de transformer des images reproductrices en images anticipatrices. Le nombre de transformations est moins élevé que lors de l'exercice précédent et la tâche est mieux réussie. Ses habiletés de comptage restent à développer.

Au nombre obtenu (198), je lui propose d'ajouter une dizaine. Elle devra modifier la structure existante pour transformer les dizaines en centaine. Elle trouve 208 et m’explique qu'elle a ajouté une dizaine et que ça fait dix. Je lui demande: "Dix quoi?" Elle rétorque: "Dix centaines..." Je vérifie la configuration de la centaine en demandant: "Est- ce qu'ils sont comme ça (en montrant une petite enveloppe) ou comme ça (en montrant une grande enveloppe)?" Elle identifie correctement les dizaines. Je lui demande: "Quelle est notre règle lorsqu'on en a dix comme ça (petites enveloppes)?" Elle répond: "On fait un groupe". Je lui demande de vérifier. Elle corrobore ses prédictions et voit deux centaines et huit unités.

Dans ce dernier cas M. n'avait pas besoin d’évoquer le nombre puisqu’il était déjà représenté devant elle. Elle a compté correctement le nouveau nombre obtenu. Ici, sa difficulté a consisté à identifier le groupement transformé.

C’est la fin de la séance et je désire faire un lien qui lui permettra, je l'espère, d’utiliser cet outil en classe. Je lui demande simplement si elle peut imaginer les dizaines ainsi lorsqu'elle sera seule dans la classe et comment elle verrait les centaines. Elle me répond: "Une plaque". Il est à remarquer que dans la classe, l'usage des blocs en base dix est privilégié comme matériel de manipulation. Elle réutilise donc ce qu'elle a vu en classe. Je ne suis pas certaine ici qu'elle sait que la plaque et la grande enveloppe ont même valeur. Je lui demande donc de me dire ce qu’elle voit dans sa tête lorsque je lui dit 208. Elle répond deux centaines et huit unités. Elle affirme qu’il y a deux plaques. Je lui demande combien elle a d'unités dans ce nombre. Elle me fait préciser: "Même dans les centaines?" J'acquiesce et elle répond: "208 unités".

5.3.1 Conclusion de la deuxième séance

Au début de la séance M. manifeste une compréhension abstraite logico-physique. Elle peut conserver des grands nombres et peut aussi généraliser à partir d'observations sur des objets. Elle se révèle par la suite capable d'évoquer des images reproductrices. Les manipulations de la semaine précédente jouent leur rôle de support à l'imagerie mentale. Le vocabulaire mis en place est utilisé de façon adéquate lors de l'évocation d'images reproductrices. Lorsqu'il s'agit de transformer ces dernières, le vocabulaire devient imprécis, que ce soit dans le cas du nom des nombres ou du nom des groupements. Les erreurs faites ressemblent à celle observée chez le jeune enfant qui apprend à compter. Elle saute des nombres, elle confond les termes. Elle le sent puisqu’elle tente d'utiliser des objets réels lorsqu'il s'agit d'opérer (ajouter ou enlever des dizaines ou des unités).

Je crois M. en évolution vers une compréhension procédurale logico-mathématique. Elle compare des nombres efficacement, elle conçoit le groupement comme une unité plus grande, elle fait des groupes de groupes (centaine), elle enlève ou ajoute des dizaines en privilégiant le comptage. Ces éléments sont souvent utilisés de façon maladroite mais sont présents dans la résolution de ses problèmes.