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Nous commençons la deuxième séance en discutant à propos des rôles des trois personnages que nous avons connus la semaine dernière. Lorsque le rôle de chacun des personnages semble compris, je lui propose de les utiliser pour l’aider à solutionner les problèmes suivants.

Je lui demande d'ajouter quatre dizaines au nombre 87. Cette question relève ici d'une compréhension procédurale du deuxième palier. Je tente l’expérience suite à ses réussites précédentes. Elle entre dans le cercle du fou. Ce dernier lui dit de prendre quatorze, d’ôter le huit et d’ajouter quatre. Elle a confondu quatre dizaines et quatorze mais je n'interviens pas puisque le rôle du correcteur est tenu par le juge. Je la laisserai donc suivre le cheminement de sa pensée.

En entrant dans le cercle du réalisateur, elle efface le huit du nombre 87 inscrit au tableau, écrit 11 obtenant ainsi 117. Elle m'explique qu’elle a compté 8+4=11. Je lui suggère d'aller voir le juge. Elle constate que: "Cela pourrait être çà et qu'on pourrait ôter une dizaine ou une unité". Je lui demande pourquoi elle veut enlever quelque chose. Elle ne sait que répondre. J’ajoute: "Quelle était la question?" Elle me répète l'énoncé correctement. Je poursuis en lui demandant pourquoi elle tient à enlever quelque chose. J. est toujours sans réponse. Je continue: "Est-ce que tu changes la question?" Elle le reconnaît et avoue qu’il n'est pas pertinent de la modifier. Je lui rappelle la vérification que doit faire le juge. Elle dit

qu’elle doit commencer à compter à onze, puis descendre de quatre. Je lui rappelle que le juge savoir comment elle a fait pour arriver à trouver que 8+4=11. Elle décide de compter à partir de huit. Elle pose huit unités (cubes) sur la table puis quatre autres. Elle commence à compter à partir de un et ce, deux par deux puis elle découvre douze. Elle admet que le juge vient de voir une erreur mais elle ne sait pas nommer le nouveau nombre spontanément (elle n'a pas modifié sa première réponse au tableau). Ainsi elle décide de compter dix par dix à partir de cent: "pour savoir ce qui vient après cent", m'explique-t-elle.

Elle entre dans le cercle de "celui qui fait" et compte 100-120. Je lui demande si elle a compté par dix. Elle répond par l'affirmative. Je suis intervenue trop tôt Le juge aurait pu lui permettre de se corriger seule. Je lui demande d'aller voir le juge et lui propose de compter le nombre de pas qu'il y a entre 100 et 120. Elle réalise qu'elle a oublié 110. Elle retourne dans le cercle de "celui qui fait" et peut nommer le nombre 127. Sur ma recommandation elle retourne voir le juge qui constate que tout est correct.

J. montre ici qu'elle éprouve des difficultés à conserver une rigueur dans le déroulement de sa pensée. Le fait d'utiliser les trois personnages de façon distincte me permet de constater où se situent les failles face à la résolution de problèmes. Dans le cas présent, elle ne peut corriger une erreur de comptage (utilisation fonctionnelle du juge) puisqu’elle modifie la question posée. Toutefois, rappelons-nous qu'à la première séance J. ne faisait pas correspondre les idées émises par le fou et les réalisations à effectuer par la suite, ce qu'elle a pu faire sans problème ici. Le fait de passer immédiatement à la réalisation dès qu'une idée est émise l'aide certainement

Je lui propose par la suite de me trouver le nombre de dizaines dans 127. Cette question relève d'une compréhension abstraite du deuxième palier.

Elle entre dans le cercle du fou et dit qu’elle doit regarder entre le 100 et le 7. Elle y trouve 2. Je lui propose d'aller dans le cercle du réalisateur. Elle me nomme 127. Il n’y a plus de cohérence entre ces deux personnages. Je lui suggère d'aller voir le juge. Elle répond qu'il lui dit que c'est vrai. Ici elle n’a pas tenu compte de l'idée émise par le fou et elle a confondu la position du chiffre dans le nombre et la quantité de dizaines présentes dans ce dernier.

Je lui demande de me dire comment il peut vérifier. Elle poursuit en racontant que le juge regarde entre la centaine et l'unité et m’explique: "Le cent, c'est la centaine, le vingt la

dizaine et le sept, l'unité". Je lui demande si le juge regarde s'il y a des dizaines dans la centaine. Elle répond affirmativement. Je poursuis en lui demandant s'il y a des dizaines dans la centaine. Elle me dit non. J'ajoute: "Avec quoi fait-on des centaines"? Elle me dit: "Avec des sous". Ici, soit qu’elle modifie la réalité présentée, soit que le mot centaine lui fasse penser aux "cents" utilisées pour nos achats. Je n'ai cependant pas eu la présence d’esprit de lui demander.

Je lui demande combien il faut de dizaines pour faire une centaine. Elle répond: "100". Je lui suggère d'aller dans le cercle du fou. Elle me dit réfléchir pour savoir si ça prend dix dizaines pour faire une centaine. Elle me démontre ainsi que le personnage a bien été identifié à son rôle (réfléchir). Je lui suggère par la suite d'aller voir le réalisateur. Elle se dirige vers le tableau et dessine une plaque. H est à notei que le matériel des blocs en base dix est utilisé régulièrement dans la classe. Elle sait que la plaque est une centaine. Elle dessine et compte ses carreaux un par un jusqu’à treize. Je l’arrête et lui demande où sont ses dizaines et ses unités dans la plaque qu'elle dessine. Elle me dit qu'elles sont en descendant. Je lui propose de retourner voir le fou pour savoir comment il faut faire pour trouver combien il y a de dizaines dans 127. Elle répond qu'elle doit faire une plaque, deux rectangles pour les dizaines et des petits carreaux pour les unités. Je lui demande combien de petits carreaux ont les plaques. Devant son ignorance, je lui présente une plaque.

Elle dessine dix cubes au tableau sur la longueur de sa plaque et sept cubes sur la largeur. Elle retourne vérifier sur la plaque pour découvrir dix cubes sur la largeur. Elle termine l'illustration puis elle compte par dix les rangées dessinées. Elle ajoute deux rectangles représentants les deux dizaines puis sept unités. Je reprends la question: "Combien as-tu de dizaines dans 127"? Elle entre dans le cercle du fou et me dit vingt. Elle confond ici le nom associé à deux dizaines et le nombre de dizaines. Je lui propose d'aller voir le réalisateur et de me montrer les dizaines. Elle désigne les deux dizaines isolées. Je lui demande de me montrer les autres dizaines. Elle m'indique la plaque. A nouveau je lui dis: "Combien y a-t-il de dizaines”? Elle répond: Trente". Je lui demande de les compter. Elle commence 1, 2, 3... Je l'arrête et lui demande de me montrer les dizaines comptées. Devant son geste imprécis, je lui suggère d'entourer chacune des dizaines afin de cerner chacune d'elles. Elle me dit qu'elle veut compter par deux. Je lui demande de montrer une dizaine. Aussitôt la dizaine identifiée je lui demande ce qu'elle se dit dans sa tête. Elle répond: "Dix". Je continue: "Dix unités ou dix dizaines"? Elle répond: "Dix dizaines". Je répète: "Montre- moi une dizaine". Lorsqu'elle la désigne je lui demande: "C’est combien de dizaines"? Elle sait qu'il n'y en a qu'une. Je lui demande d’en montrer une autre. Aussitôt la nouvelle dizaine

désignée, je continue: "C'est combien de dizaines"? Elle sait dire deux. Je continue à la questionner ainsi pour chacune des dizaines de la plaque. A la fin elle reconnaîtra qu'il y a douze dizaines en tout. En allant voir le juge elle vérifiera et m'expliquera qu'elle trouvait qu'avec les dix de la plaque: "Cela faisait trop".

La connaissance de la centaine tel qu’illutrée à la première séance n'a pas été réutilisée. Elle n'avait probablement pas suffisamment manipulé la centaine pour en garder un souvenir prégnant et pour se rendre compte que les dix petites enveloppes de la semaine précédente représentaient la même valeur que les dix rangées de cubes de la plaque dessinée au tableau. Il y aurait possiblement intérêt à développer les habiletés de comptage relatives à l'ajout ou au retrait de centaines, de dizaines ou d'unités. Ainsi elle prendrait conscience de leurs valeurs et de leurs représentations. De plus, la conception de l’impossibilité à avoir plus de dix dizaines lui a fait modifier la question de départ. Cette même conception aurait provoqué des difficultés dans la recherche de solutions.

Je termine la séance en vérifiant le nombre de dizaines contenue dans une centaine. Elle semble s'y retrouver. Elle ajoute même que s'il y avait deux centaines il y aurait vingt dizaines.

6.3.1 Conclusion de la deuxième séance

Avec de l'aide, J. a réussi à découvrir le nouveau nombre formé à partir de l'ajout de dizaines et la quantité de dizaines contenues dans ce nombre. Elle ne savait pas combien de petits carreaux ont les plaques qu'elle a pourtant manipulées souvent en classe. Elle ne semble pas capable de reconnaître la représentation des dizaines. Elle confond le nom associé à deux dizaines et le nombre de dizaines. La connaissance de la centaine telle qu’illutrée à la première séance n'a pas été utilisée. Elle n'avait probablement pas suffisamment manipulé la centaine pour en garder un souvenir prégnant et pour se rendre compte que les dix petites enveloppes de la semaine précédente représentaient la même valeur que les dix rangées de cubes de la plaque dessinée au tableau.

L'utilisation des actions coordonnées des trois personnages a été difficile. Cela peut provenir de deux causes. Premièrement je suis intervenue trop tôt pour questionner J. Le juge aurait pu lui permettre de se corriger seule. Deuxièmement, J. éprouve une difficulté à retenir la question pour y trouver des procédures et des réponses. Il est possible que la lecture de la

question provoque une insécurité qui l'invite à fuir le problème posé en se réfugiant dans une pensée faitaisiste ou versatile.

Ainsi sa conception de l'impossibilité à avoir plus de dix dizaines lui a fait modifier la question de départ. Plutôt que d'affronter le conflit cognitif qui en résultait J. préférait se réfugier dans une pensée qui lui permettait de modifier les questions, les raisonnements.